STRATÉGIES MUTUALISTES



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SOLVENCY II: GOUVERNANCE ET NOUVELLE POLITIQUE DE EIFR

Transcription:

STRATÉGIES MUTUALISTES 15 MOIS AVANT SOLVABILITÉ II ET L ANI COMPTE-RENDU DES DÉBATS Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014

Quinzièmes Rencontres de MutRé Stratégies mutualistes 15 mois avant Solvabilité II et l ANI Sommaire Propos d accueil Actualités de MutRé 1 Patrick BROTHIER Président, MutRé SA Les grands chantiers de la Mutualité 2 Emmanuel ROUX Directeur général, Mutualité Française LES MUTATIONS DE L ENVIRONNEMENT DES MUTUELLES Table-ronde : les contraintes du marché collectif, les défis de l ANI 3 Les évolutions du marché : négociations collectives, contrat responsable, ANI 7 Anne MARION Présidente, Actuarielles LA PREPARATION A SOLVABILITE II : ETAT DES LIEUX Cartographie et appétence aux risques 9 Vincent REGNIER Directeur Technique, Financier et des Risques, MutRé Table-ronde : Les synergies et partenariats pour affronter Solvabilité II 10 LES OUTILS DE MAITRISE DES RISQUES SOUS SOLVABILITE II Solvabilité II : ce qui reste à trancher 13 Arnaud CHNEIWEISS Secrétaire général, GEMA De l allocation au contrôle : nécessité du respect de la chaîne de gestion d actifs 14 Kim NGUYEN Directeur général, Forward Finance La réassurance : outil de gestion des fonds propres 16 Franck PINETTE Directeur Vie, Guy Carpenter Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014

Big Data : les travaux de l Institut des Actuaires 17 Florence PICARD Présidente de la Commission Scientifique, Institut des Actuaires LE DEVELOPPEMENT ET L INNOVATION DANS CE CONTEXTE L innovation en assurance 19 Cyrille CHARTIER-KASTLER Président Fondateur, Facts & Figures Table-ronde : les nouveaux canaux de distribution et leur financement via la réassurance 21 Retour d expérience sur les rapprochements entre assureurs de l économie sociale 25 Propos conclusifs 29 Jacques HORNEZ Président, MutRé Union Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014

Les Rencontres sont animées par, rédacteur en chef, News Assurances Pro. Propos d accueil Actualités de MutRé Patrick BROTHIER Président, MutRé SA Nous sommes à la veille d un big bang sur l activité santé, avec le déploiement de l ANI. Les mutuelles devront traiter d enjeux ambivalents : la conquête de nouveaux marchés ; la maîtrise des coûts. Un cycle de concentration est à venir. Dans cette configuration, qui n est pas propice au maintien de l équilibre technique des garanties, MutRé a un rôle à jouer, notamment pour accompagner les mutuelles à développer les surcomplémentaires ou se positionner par rapport à l appel d offres ASC. Les mutuelles seront en outre amenées à chercher d autres relais de croissance au-delà de la santé, en s appuyant sur l évolution des processus de consommation. Le développement en prévoyance constitue l autre activité significative de MutRé sur lequel les mutuelles peuvent être accompagnées. Le troisième enjeu substantiel concerne l implémentation de Solvabilité II. Le niveau de préparation est relativement élevé dans le tissu mutualiste mais des questions lourdes demeurent sur lesquelles MutRé peut épauler les différents organismes. Je rappelle pour terminer que MutRé s est vu confirmer dans sa notation par l agence Fitch. Didier LEGRAND Je vous rappelle que le Comité de direction de MutRé a été complété récemment, après la nomination de Marc Tremblay comme directeur de la souscription. Un nouveau souscripteur a été recruté pour le remplacer. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 1

Les grands chantiers de la Mutualité Emmanuel ROUX Directeur général, Mutualité Française I. Les évènements des années récentes Trois chocs majeurs ont affecté le paysage de la complémentaire et de la prévoyance, de manière cumulative et en un temps relativement court : un choc fiscal ; un choc de marché ; un choc réglementaire. Au moment où les pouvoirs publics souhaitent bâtir un élément structurant pour l accès aux soins, la méthode utilisée conduit à fragiliser les acteurs du marché. Une menace porte sur le modèle traditionnel mutualiste, à la fois en termes économiques et de gouvernance. La mutuelle risque de devenir une forme de distribution de la complémentaire santé, dont la valeur ajoutée disparaîtra sans une stratégie collective de réaffirmation et de reconstruction du modèle mutualiste. Les partenariats et les adossements des organismes complémentaires s accélèrent actuellement, au-delà des frontières traditionnelles, ce qui constitue, selon moi, une reconnaissance de la forme mutualiste. II. Les défis du mouvement mutualiste Les mutuelles et les groupements mutualistes doivent à la fois devenir des acteurs globaux de santé, par une stratégie de prévention, d assurance et d offre de soins et détenir l ambition de jouer un rôle dans le système de santé. Jouer un rôle et non posséder une place dans le paysage doit se construire en partenariat avec l assurance maladie obligatoire mais plus encore entre acteurs mutualistes et avec les différentes familles de complémentaires. Pour être un acteur global de santé, différents axes doivent être investis : les nouvelles formes de solidarité et de mutualisation ; le développement des réseaux pour contribuer à la diminution des restes à charges ; la valorisation des atouts mutualistes dans l accompagnement des adhérents ; la refondation du modèle d entreprendre et d entreprise des acteurs mutualistes. Ces différents axes ne peuvent toutefois qu accompagner les efforts des entreprises mutualistes en matière de performance économique et sociale. Pour apporter les réponses les plus concrètes à ses adhérents, le mouvement mutualiste doit développer sa capacité à investir, valoriser son ancrage local, développer sa capacité à s engager collectivement, conclure un pacte solidaire avec les pouvoirs publics et mieux accompagner les adhérents face à l appétence de nouveaux acteurs. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 2

L un des enjeux de congrès de Nantes en 2015 sera de faire émerger un projet mutualiste de développement, qui s inscrive dans une vision solidaire et responsable du système de protection sociale. Les mutations de l environnement des mutuelles Table-ronde : les contraintes du marché collectif, les défis de l ANI Participaient à la table-ronde : Bruno HUSS, Directeur général, Mutuelle de France Plus Catherine ROUCHON, Présidente du Directoire, Mutex Pascale SOYEUX, Directrice des assurances collectives, Membre du Comité exécutif, La Mutuelle Générale Léonora TREHEL, Présidente, Mutuelle Familiale et UGM Umanens Comment la Mutuelle Générale s est-elle organisée pour s orienter dès 2012 vers le marché du petit collectif? Pascale SOYEUX La Mutuelle Générale est présente sur le marché du collectif depuis une dizaine d années. Après un premier pilote en 2012, elle s attelle depuis 2013 à la commercialisation de garanties auprès des TPE avec des ingénieurs d affaires volontaires. Quid de la place du courtage? Pascale SOYEUX Le modèle de développement de la Mutuelle Générale est basé sur le courtage et le réseau. Ces deux marchés arrivent à cohabiter en communiquant et en définissant bien les règles de fonctionnement. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 3

Léonora Tréhel, quelles sont pour vous les contraintes? Léonora TREHEL La généralisation des contrats collectifs dans les branches pose un problème existentiel pour les mutuelles de taille moyenne, c est-à-dire des PME qui ont fait preuve d une efficacité réelle pour leurs adhérents, problème existentiel notamment en raison du transfert prévisible des contrats individuels vers le collectif (réduction des portefeuilles, baisse du chiffre d affaires, donc augmentation des coûts). Il faut ajouter à cela les contraintes nouvelles liées à ce type de développement qui nécessitent de nouvelles professionnalités. Considérant que les concentrations ne pouvaient constituer le seul chemin d avenir pour des mutuelles de taille moyenne et en bonne santé, nous avons décidé, à plusieurs mutuelles, de penser et de co-construire une alternative qui envisage et rende possible notre pérennisation et celle des activités qui vont au-delà de la complémentaire, notamment la prévention, l accompagnement. Très clairement, nous avons imaginé des articulations et des outils qui nous permettent de travailler ensemble pour rendre possible le développement de chacune : faire du développement de l ensemble la condition du développement de chacune. Sans volonté de domination de qui que ce soit, la coopération et les stratégies s organisent à travers une UGM UMANENS mais aussi une SA, UMANENS S.A. où chaque mutuelle participe de la même façon au capital ; avec la SA nous pourrons répondre aux appels d offres mais aussi permettre un retour en terme de chiffres d affaires, et d adhérents pour chaque mutuelle, par des dispositifs, notamment de co-assurance et de réassurance, mais aussi en fonction de l apport de chacune au développement de l ensemble. Quid de l expérience de Mutex? Catherine ROUCHON Mutex est l un des exemples d anticipation et d adaptation de la mutualité puisque depuis plusieurs années, il se mobilise pour obtenir des réponses à la fois sur le collectif et la prévoyance. Avec l arrivée de l ANI, Mutex devient un réel outil stratégique opérationnel, permettant d accompagner les mutuelles dans ces transformations. L un des défis de l année consiste à conserver une identité mutualiste dans un marché qui n est pas celui d origine. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 4

Bruno HUSS Nous devons construire quatre types de réponse ensemble : apporter une réponse mutualiste unique aux appels d offres de branche ou d entreprise ; valoriser les réponses de proximité, en positionnant les mutuelles de territoire dans les appels d offres ; industrialiser les modes de fonctionnement des contrats collectifs ; améliorer la gestion du risque. Comment avez-vous répondu à la contrainte de la transformation des réseaux? Pascale SOYEUX L industrialisation doit permettre de réduire au maximum l intervention humaine, afin de maintenir un certain niveau de ROI, sachant que les contrats collectifs impliquent davantage de gestion et sont soumis à une guerre des prix. Léonora TREHEL La nouvelle forme de développement qu implique l ANI modifie les métiers mais peut aussi représenter une opportunité pour nos mutuelles et leurs salariés en terme d activité et de contenu de cette activité : négociateurs dans les branches mais aussi conseillers mutualistes en entreprise, distribution et gestion de proximité en lien avec des mutuelles locales tout en n excluant pas la mise en place d un réseau de courtiers respectant la charte d UMANENS. Une solution pourrait-elle être de diversifier les réseaux, en leur demandant de vendre à la fois de la santé et de la prévoyance? Catherine ROUCHON Dans un contexte de guerre des prix, il sera difficile de maintenir une distribution physique pour le petit segment. Nous réfléchissons donc à des alternatives pour préparer au maximum la vente sur Internet. Par ailleurs, la différence de cycle économique du collectif par rapport à l individuel doit être mieux appréhendée, afin d accompagner les redressements, quand ils sont nécessaires, sur plusieurs années. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 5

Bruno HUSS La reconfiguration des réseaux pose deux questions. La transformation des conseillers individuels en conseillers collectifs implique de la formation, des modes de rémunération et des moyens techniques différents. En outre, des plateformes doivent pouvoir assurer une partie du travail en back-office. Par ailleurs, il importe que les mutuelles trouvent d autres marges que celles dégagées par l ANI, dont la surcomplémentaire, appréciée de la base si elle est bien calibrée. Au-delà, les conseillers mutualistes doivent pouvoir proposer aux adhérents tous les services contribuant à leur sécurité face aux aléas de la vie. Ceci est indispensable pour fidéliser les portefeuilles, conquérir de nouveaux marchés et conserver les réseaux de proximité. Quel est, en un mot, le défi de l ANI pour l année prochaine? Catherine ROUCHON Rentabilité. Bruno HUSS Partenariat. Léonora TREHEL Coopération pour pérenniser les mutuelles. Pascal SOYEUX Rentabilité. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 6

Les évolutions du marché : négociations collectives, contrat responsable, ANI Anne MARION Présidente, Actuarielles Dans un contexte où plus de 95% des salariés bénéficient déjà d une complémentaire santé, je n ai pas compris qu en janvier 2013 soit signé un Accord National Interprofessionnel pour généraliser une couverture qui l était déjà. S il était question de mettre les employeurs à contribution, il aurait été préférable de généraliser, d abord, la couverture prévoyance ; notamment en invalidité. En effet, actuellement, 45% des salariés n ont pas de couverture invalidité. Or pour 50% du financement d un régime santé, il est possible de financer 100% d une couverture invalidité. En commençant par généraliser la prévoyance lourde, tous les acteurs de la protection sociale auraient été gagnants : - Les accords de branche en prévoyance se seraient développés avec une réelle mutualisation - Les clauses de désignation existeraient toujours - La couverture des salariés auraient été réellement améliorée Avant le 20 ème siècle, plus de trois quarts des décès étaient dus aux infections. La pénicilline a été découverte en 1928 et, en 1945, au moment de la création de la Sécurité sociale, ce médicament a, bien entendu, été pris en charge par le régime de base. Ce progrès majeur de la science est avec la vaccination une des origines du babyboom de 1945 qui, 70 ans plus tard, devient un papyboom. C est ce papyboom qui pose de sérieuses difficultés à la CNAV et, surtout, à la CNAM. On pourrait donc penser que le régime de base cherche une sorte de déversoir. Or, qu il s agisse du panier minimal de l ANI ou du contrat responsable, qui instaurent des prises en charge minimales, lesquelles obligent, de facto, à prendre en charge les désengagements (inévitables?) attenants à ces minimas. La bonne nouvelle (la seule?), est qu il est certain que le chiffre d'affaires des mutuelles augmentera, même avec une décroissance du nombre d adhérents. Pour autant, les mutuelles, en complémentaire santé, ne peuvent pas réellement se prévaloir d être de bons assureurs, contrairement à la Sécurité sociale. Les chiffres montrent, en effet, que les mutuelles remboursent mieux les prestations les moins chères et les maladies les moins graves. Ce phénomène est renforcé par l ANI, qui oblige les mutuelles à proposer des complémentaires santé à des salariés lesquels, dans un cas sur deux, ne bénéficient pas d une couverture d invalidité. Par ailleurs, aucun assureur n est soumis à la TVA, en l absence de valeur ajoutée de l activité. En effet, personne n a jamais «gagné» à être assuré car l assurance ne permet que de limiter la perte en cas de sinistre. L optique, qui n est pourtant pas de la matière assurable (rappelons que des lunettes achetées coûtent moins chères que des lunettes assurées) est la seule garantie donnant l illusion d une valeur ajoutée. Les adhérents disent d ailleurs «j ai droit à 300 par an, j ai une bonne mutuelle!». C est la raison pour laquelle cette garantie est toujours paradoxalement mise en avant Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 7

C est cette absence «de valeur ajoutée», issue du principe d enrichissement sans cause, qui génère une insatisfaction client et ce sentiment se renforcera avec le panier minimal ANI. En outre, le marché est disparate et concerne essentiellement les TPE, qui ne sont équipées qu à 32 % ; marché coûteux à développer. Si les séries américaines donnent l impression qu une assurance santé est indispensable, il revient en réalité moins cher de financer sa santé soi-même. L un des enjeux majeurs des mutuelles sera de faire face à des adhérents qui se désengageront pour défaut de paiement. Le véritable enjeu portera sur la formation des équipes commerciales. Dans ce contexte, l innovation (qui n existe pas vraiment en assurance à cause de l inversion du cycle de production) sera, plus que jamais périlleuse ; d autant que les contrats collectifs devront être et responsables et solidaires et complémentaires au régime de base et rester contenus dans des tarifs acceptables (cf. limites fiscales et sociales). Par ailleurs, les opérateurs en complémentaires santé ont tout intérêt à envisager un lobbying pour revoir l article 4 de la loi EVIN. En effet, si le tarif du panier minimal pour des actifs est d environ 30, l article 4, interprété strictement, semblerait interdire de dépasser le tarif de 45 pour les anciens salariés. Or, le tarif du panier minimal ANI pour les retraités sort à 65 : il manquerait dont 20 par mois, sur une durée de vie moyenne de 25. Ce déficit cumulé serait-il interprété comme une provision pour risques croissants de l ordre 6000 par retraité? Le débat est ouvert Quant au calendrier de mise en conformité, il est purement et simplement incompréhensible. Comment envisager l avenir dans ce contexte? Les gammes futures comprendront une base minimale ANI et des options surcomplémentaires facultatives, pour lesquelles la créativité sera totale (donc périlleuse car anti sélective). Ainsi, pour assurer une bonne mutualisation des risques, les mutuelles auront tout intérêt à privilégier d emblée la vente de contrats moyen et haut de gamme plutôt que le panier ANI avec options. La conception des gammes pose des risques de tarification, de souscription, de conception, de diffusion et de communication. Dans ce contexte, les outils de tarification seront à revoir intégralement peut-être au profit de l art de la «pifométrie» mais, en réalité la vision stratégique quant aux prises de parts de marché sera déterminante. L assurance des risques graves (invalidité, dépendance, incapacité, décès, etc.) devra être privilégiée. Ainsi, les commerciaux seront tenus d équiper leurs clients en santé et devront, au risque de se mettre en défaut de conseil, évoquer les questions relatives à la prévoyance lourde ; notamment en invalidité. En conclusion, outre la question de la solvabilité des mutuelles, c est, bel et bien la solvabilité des assurés qui sera problématique dans les années à venir. Les désengagements récurrents et inévitables du régime de base se traduiront, comme toujours par une hausse des cotisations des mutuelles. Le panier minimal ANI, comme les planchers du contrat responsable, annoncent des certitudes de hausse de charges de sinistres. L avenir sera-t-il à l irresponsabilité? Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 8

Et quand je dis irresponsable, je ne parle pas d aller au-delà des plafonds, je prédis que l on créera, notamment pour les retraités, des gammes qui iront en dessous des planchers. En effet, le contrat réellement responsable, c est-à-dire éthique et équitable prendra (seulement?) en charge l hospitalisation, les consultations, les soins dentaires et, peut-être la pharmacie à 65% (mais avec une franchise?). J espère me tromper car une question se pose : le marché est-il prêt? La préparation à Solvabilité II : état des lieux Cartographie et appétence aux risques Vincent REGNIER Directeur Technique, Financier et des Risques, MutRé Si le concept de gestion des risques est ancien, son intégration dans la gestion et le pilotage des entreprises date des années 2000. Il est venu s ajouter aux mesures de performance et à la gestion du capital. Le développement de Solvabilité II a en outre accéléré sa prise en compte. Ce système de gestion des risques correspond à un processus itératif qui s autoalimente en continu. La première phase correspond à la définition des objectifs stratégiques de l entreprise. La deuxième consiste à identifier et cartographier les risques de l entreprise. La troisième vise à définir l appétence aux risques. L étape finale du processus consiste à utiliser l ensemble du système de gestion des risques pour en faire un outil de décision. L appétence aux risques représente le niveau de risque qu une organisation est prête à accepter dans la poursuite de ses objectifs stratégiques. Le meilleur point de départ pour la définir consiste à interroger la mutuelle sur son niveau d excédent attendu ou le niveau de perte inacceptable pour le Conseil d'administration. Mettre en place un cadre d appétence aux risques présente plusieurs intérêts : assurer une clarté sur le niveau de risque que l entreprise est prête à prendre ; former la base d une communication commune entre toutes les parties prenantes de l entreprise ; s assurer que les risques sont considérés dans leur ensemble ; maintenir la cohérence entre les objectifs stratégiques de l entreprise et les risques à prendre en compte. Quatre grandes étapes permettent de concevoir un cadre d appétence aux risques : Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 9

déterminer le profil de risque de l entreprise ; assurer la cohérence de l appétence aux risques avec le profil de risques ; calibrer les limites de risques ; bâtir le reporting des risques en cohérence avec l appétence validée par le Conseil d'administration et les limites de risques. L une des étapes cruciales est l identification des risques et leur cartographie, que plusieurs méthodes permettent de déterminer. La formulation de l appétence aux risques consiste à définir, en une ou plusieurs phrases l appétence de la mutuelle pour le risque, en utilisant différentes métriques : résultat ; ratio de solvabilité ; valeur de l entreprise ; notation. Trois acteurs sont majeurs dans cette définition : le Conseil d'administration ; le Comité de direction ; la fonction gestion des risques. Table-ronde : Les synergies et partenariats pour affronter Solvabilité II Participaient à la table-ronde : Vincent BOO, Président, MNPAF Christophe OLLIVIER, Directeur, Système Fédéral de Garantie, Responsable du pôle d accompagnement des entreprises mutualistes, Mutualité Française Christelle SAINATO, Directeur Maîtrise des Risques, Harmonie Mutuelle Stéphane ZNATY, DGA Finances, Groupe MGEN. Christelle Sainato, selon vous, il importe, pour pouvoir affronter Solvabilité II, d identifier ses enjeux pour la santé et de faire appel aux moyens adéquats. Christelle SAINATO Solvabilité II prévoit un nouveau calcul de solvabilité pour les organismes d assurance, avec des risques très élargis mais il introduit également des mesures de richesse des organismes différentes. Si l approche est beaucoup plus intéressante intellectuellement, elle est plus volatile et rend nécessaire la mise en place de partenariats et de synergies. Un assureur santé est caractérisé par des provisions techniques faibles et des engagements d actifs limités. Il est donc moins exposé à la volatilité des marchés financiers qu un assureur vie. Créer un partenariat avec un assureur santé peut donc intéresser un certain nombre d acteurs portant des risques longs. Cet élément incite à la mise en place de partenariats stratégiques. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 10

Solvabilité II est également un moyen de partager avec d autres structures des moyens, des outils et des compétences. La complexité de Solvabilité II a-t-elle poussé la MGEN à initier des mutualisations? Stéphane ZNATY Solvabilité II est intellectuellement passionnant mais très complexe à gérer. Des synergies et des partenariats ont été menés pour affronter cette complexité, notamment avec notre société de gestion d actifs pour la mise en commun d outils. Vincent BOO.Dans une structure de taille moyenne, introduire une nouvelle réglementation ne se justifie pas, si ce n est par la volonté de quelques technocrates de prendre la main sur des institutions à caractère démocratique, qui fonctionnent correctement en l état. Christophe OLLIVIER Les mutations touchent également la fédération. Je suis responsable du nouveau pôle d accompagnement des entreprises mutualistes, dont la vocation est de fédérer l ensemble des mutuelles pour résoudre un certain nombre de problématiques partagées. La fédération cherche à trouver des réponses d accompagnement satisfaisant à la fois les petites et grandes mutuelles : mutualisation des outils (Vega) ; soutien des organismes dans l évolution des modèles de gouvernance. Une mutuelle de taille moyenne peut-elle aujourd'hui gérer Solvabilité II seule? Vincent BOO Nous nous faisons accompagner dans notre démarche Solvabilité II par un cabinet. Stéphane ZNATY Une mutuelle de taille moyenne peut gérer Solvabilité II, moyennant un coût très élevé. Christelle SAINATO L adossement à un groupe permet de mutualiser les coûts. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 11

Stéphane ZNATY L industrialisation des processus de gestion de Solvabilité II constitue selon moi le principal défi des années à venir. Les mutuelles sont-elles prêtes à affronter Solvabilité II en termes de gouvernance? Christophe OLLIVIER Quelles que soient les familles, des disparités existent entre les organismes en termes d appropriation. Le rôle de la fédération est de rendre familier, notamment à travers la formation, un dispositif qui paraît technique et inutile. Les exigences de capitaux (pilier I) poussent-elles encore aujourd'hui à des regroupements? Vincent BOO Non. Une restructuration fondamentale des opérateurs d assurance n est toutefois pas à exclure, remettant cette question à l ordre du jour. D où la nécessité d adopter une vision stratégique à long terme. Stéphane ZNATY Un contexte beaucoup plus large pousse aux regroupements actuels. Christophe OLLIVIER Le vrai catalyseur des regroupements est l ANI. Patrick BROTHIER Comment les UMG anticipent-elles les évolutions en cours? Stéphane ZNATY Des discussions sont actuellement en cours avec le Trésor à propos des UMG prudentielles mais la réglementation reste à ce stade méconnue. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 12

Les outils de maîtrise des risques sous Solvabilité II Solvabilité II : ce qui reste à trancher Arnaud CHNEIWEISS Secrétaire général, GEMA Au niveau français, les travaux de transposition de la directive Solvabilité II sont en cours, coordonnés par la Direction du Trésor du Ministère des Finances. Les discussions se sont beaucoup focalisées sur les questions de gouvernance. Qui est un dirigeant effectif? Qu est-ce qu un Groupe prudentiel? La directive donne bien sûr des définitions, mais elle est le fruit d un compromis entre 28 Etats membres et sa transposition se heurte aux spécificités du droit français. I. Le dirigeant effectif S agissant de la notion de dirigeant effectif, l Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) indiquait, il y a quelques mois, qu un président de mutuelle santé pouvait être considéré comme un dirigeant effectif alors qu un président de mutuelle d assurance ne le pouvait pas. Absurde! Nous nous sommes battus contre cette définition. Nous avons demandé à pouvoir désigner librement les dirigeants effectifs de nos Maisons. L ACPR est finalement revenue sur sa position, en affirmant qu un président du conseil d administration pourrait être considéré comme un dirigeant effectif à condition de prouver qu il «dirige effectivement». Cette nouvelle position ne manque pas, là aussi, de faire débat. Quoi qu il en soit, la loi qui sera adoptée d ici au 31 mars devrait rester vague sur le sujet. Le danger est que dans un second temps, l ACPR adopte une position qui viendrait restreindre la notion de dirigeant effectif. L ACPR dispose d un pouvoir d opposition sur les dirigeants effectifs, comme sur les quatre fonctions clés (gestion des risques, fonction actuarielle, conformité, audit interne). Elle considère que, dès lors qu on lui notifie ces personnes, elle peut s opposer à leur désignation. Elle voulait également pouvoir s opposer à la désignation du président du conseil d administration, même si celui-ci n était pas désigné en tant que dirigeant effectif. Sur ce point, nous avons finalement obtenu gain de cause puisque l ACPR a fait machine arrière. Il n en reste pas moins que ce pouvoir d opposition constitue une intrusion dans la vie des entreprises. Ainsi, l ACPR aura bien la capacité de s opposer à la désignation de responsables aux fonctions clés. 21 politiques écrites vont devoir être formellement approuvées par le conseil d administration. Il en résulte que les administrateurs devront endosser des responsabilités bien plus importantes qu aujourd hui. Il leur sera demandé d approuver des rapports et des politiques de manière bien plus active, ce qui pose aussi la question de leur formation. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 13

II. Le groupe prudentiel L ACPR souhaite que la société de groupe d assurance mutuelle (SGAM), qui est aujourd hui un outil à géométrie variable, plus ou moins intégré, soit désormais un groupe prudentiel. Par voie de conséquence, les contraintes associées à une SGAM seront renforcées, en termes de centralisation du contrôle et de circulation des fonds propres, afin que le concept d influence dominante soit clairement exprimé. Dans le même temps, pour ceux qui ne souhaitent pas s orienter vers la SGAM comme outil intégrateur, un nouvel outil juridique plus souple sera créé, sous la forme d un groupement d assurance mutuelle (GAM). Il ne sera plus possible d appartenir à deux SGAM simultanément. En revanche, l appartenance à plusieurs GAM sera autorisée. Ces évolutions ont été plutôt saluées comme allant dans le bon sens, mais elles ne répondent pas aux attentes de tous nos adhérents. En effet, certains d entre eux souhaitent pouvoir disposer d une SGAM de tête, intégratrice, tout en conservant des sous-ensembles, dans un schéma de type «SGAM de SGAM». A ce stade, l ACPR est plutôt réfractaire à cette mesure qui serait selon elle incompatible avec Solvabilité II et source d opacité. Pour notre part, nous maintenons notre demande sur ce sujet et le Trésor est plus ouvert. La directive entrera en vigueur au 1 er janvier 2016. Toutefois, il reste à déterminer si les entreprises disposeront d un délai pour s adapter à la nouvelle réglementation et choisir leur mode de gouvernance. S agissant du contrôle exercé par l ACPR, il ne portera plus uniquement sur l équipe de Direction, mais aussi sur tout ou partie des administrateurs. Ces derniers doivent donc se préparer à un rôle plus engageant et à être éventuellement interrogé par l autorité de contrôle. De l allocation au contrôle : nécessité du respect de la chaîne de gestion d actifs Kim NGUYEN Directeur général, Forward Finance Solvabilité II place le risque au cœur de la réforme. Toutefois, en matière de finance, si le risque est inhérent à la gestion d un portefeuille, il est en revanche impossible à définir simplement ou à résumer en un chiffre. Selon nous, les risques inhérents à la gestion d un portefeuille financier s appréhendent avant tout à travers un processus, celui de la chaîne de gestion d actif. C est ce processus qu il faut cartographier, formaliser et contrôler pour maîtriser le risque. I. Cartographier le risque 1. Un enchaînement d étapes avec un sens et un ordre Gérer un portefeuille financier suppose de respecter trois grandes étapes : une allocation stratégique, une allocation tactique et la sélection de supports. L allocation stratégique est décidée par le conseil Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 14

d administration et représente 70 % de la performance finale. L allocation tactique est décidée par le comité financier et représente 20 % de la performance finale. La sélection de supports est assurée par les opérationnels et représente 10% de la performance finale. Chaque étape est conduite par un intervenant précis et génère un risque proportionnel. 2. L allocation stratégique L allocation stratégique est l étape fondamentale. A cette occasion, le conseil d administration valide une allocation entre grandes classes d actifs cohérente avec le passif de la structure, un objectif de performance, un objectif de budget de risque (SCR cible, benchmark, etc.) et les marges de manœuvre accordées à l allocation tactique (borne, SCR maximum, tracking error, etc.). Cette étape présente des risques majeurs : une inadéquation de l allocation, du benchmark, un budget de risque inexistant ou inapproprié. 3. L allocation tactique Le comité financier optimise à court terme le portefeuille dans le cadre des limites de risque déléguées par le conseil d administration (bornes d allocations, budget de SCR, VAR, etc.) en fonction des conditions de marché et de ses convictions. Il précise l allocation par sous-classes d actif, détermine les sur et sous-expositions et gère de façon dynamique le budget de risque. Cette étape présente un risque secondaire qui est l utilisation non optimale du budget de risque. 4. La sélection et l arbitrage de supports Les opérationnels mettent en œuvre la politique dans le cadre des limites tactiques et des risques résiduels non pris en compte dans le budget de risque financier. A cette étape, les risques ne sont pas nuls mais ils demeurent résiduels : risque d image, risque d inadéquation des moyens, etc. 5. L encadrement du risque Cette grille de lecture permet d identifier les risques, de les ordonner et les hiérarchiser, et de concilier la gestion des risques et la gestion financière. La gestion du risque consiste alors à respecter l enchaînement de la logique globale de la procédure et les limites à chaque étape. II. Formaliser et contrôler 1. Une charte construite La chaîne sert de plan à la rédaction d une charte ou d une procédure. A chaque grande étape (allocation stratégique, allocation tactique, sélection de supports), il convient de préciser les participants (conseil d administration, comité financier, opérationnels/gérants), la cyclicité (annuelle, trimestrielle, permanente), les contraintes et les rendus. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 15

2. Des outils de suivi et de contrôle Il convient de se doter d outils de suivi et de contrôle. Le back / middle office fournit les tableaux de suivi et de support de décision et le contrôle vérifie la transmission d information et le suivi des limites. Conclusion Quelques points à retenir : Il faut partir de l existant en formalisant les procédures des étapes de gestion dont certaines comprennent déjà une composante risque Il convient d aborder le problème du risque en amont Enfin, il faut utiliser le SCR comme outil de budget de risque En définitive, l approche du risque par la chaîne de gestion d actifs permet de choisir le risque plutôt que de le subir. La réassurance : outil de gestion des fonds propres Franck PINETTE Directeur Vie, Guy Carpenter La réassurance peut devenir un outil de gestion du ratio de solvabilité. En effet, pour mémoire, le ratio de solvabilité se définit par le rapport entre la richesse disponible (capital «réel», dette hybride/subordonnée et valeur de portefeuille) et la richesse contrainte c'est-à-dire le besoin de fonds propres (SCR). Or, le SCR peut être réduit de façon significative par le biais de la réassurance. I. L impact de la réassurance sur le SCR : l exemple d une couverture Stop Loss Le Stop Loss est un dispositif destiné à protéger le ratio prestations/cotisations annuel contre une dérive de la sinistralité, quelle qu en soit la cause. Bien paramétrée, la couverture de réassurance Stop Loss permet de réduire le SCR Cat. Cela étant, cette mesure provoque deux effets non négligeables : le risque de contrepartie et le crédit de diversification. Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 16

II. L impact de la réassurance sur le crédit de diversification La diversification entre branche d activités est un axe privilégié d optimisation du besoin de fonds propre. La réassurance permet d ajuster les poids relatifs de chaque activité au bilan prudentiel et ainsi d optimiser le crédit de diversification. Concrètement, elle permet à la fois de diminuer les SCR très importants à travers des cessions et d accepter des risques sur lesquels la mutuelle (ou compagnie d assurance-vie) est peu présente. III. Options de réassurance : un outil pour gérer la volatilité Sous Solvabilité II, la volatilité du ratio de solvabilité pose problème, davantage que le montant exigible. En effet, il nécessite de de maintenir un niveau de capital disponible plus important que nécessaire. Une des solutions offertes par la réassurance est l achat d option. A travers le contrat de réassurance, une option d achat est contractualisée. Elle permettra éventuellement au directeur financier d acheter la couverture et de réduire le SCR de façon encore plus significative en cas de besoin. IV. L impact de la réassurance sur la richesse disponible Les traités de financement «classiques» sont inopérants sous Solvabilité II car les profits futurs des portefeuilles sont mesurés et reconnus comme éléments de fonds propres éligibles. Toutefois, il peut être envisagé de dépasser la vision run-off de Solvabilité II et d accroitre la richesse disponible en couverture des SCR via la monétisation d une partie de la valeur des renouvellements futurs du portefeuille existant. V. Conclusion La réassurance est un outil qui permet de réduire le capital exigible, d augmenter le crédit de diversification, de gérer la volatilité du ratio de solvabilité et d augmenter la richesse disponible. Big Data : les travaux de l Institut des Actuaires Florence PICARD Présidente de la Commission Scientifique, Institut des Actuaires La révolution du numérique et des Data est à la fois une révolution technologique (nouvelles architectures informatiques, énormes capacités de stockage, puissance des capacités de traitement, effondrement des coûts) et une révolution des usages (Internet, smartphones, objets connectés, réseaux sociaux, etc.). Saint-Malo, les 13 et 14 novembre 2014 17