Café Géographique Rennes Avril 2010. La concurrence territoriale autour du projet d aéroport de Notre Dame des Landes



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Transcription:

Café Géographique Rennes Avril 2010 La concurrence territoriale autour du projet d aéroport de Notre Dame des Landes Par Loïc AVRY Géographe Chercheur à ESO UMR CNRS 6590 université de Rennes 2 et Professeur d histoire géographie au Lycée Victor Hugo d Hennebont Résumé de l intervention : 45 ans de débats et de procédures pour un projet d aéroport qui marquent les défaillances de la décision publique et l absence de concertation véritable. Notre-Dame-des-Landes, petite commune de Loire-Atlantique d un peu moins de deux mille habitants, est depuis près d un demi-siècle, le théâtre d une lutte entre partisans et opposants, du projet de construction d un nouvel aéroport international, dit du «Grand Ouest». C est en effet dans les années 1960 que cette idée est née, à la suite d une série de travaux de la DATAR (Délégation Interministérielle à l Aménagement du Territoire et à l Action Régionale), pour ensuite être reprise par les autorités départementales en 1965. Ils confirment le choix de la petite localité en 1968, en raison de sa faible densité de peuplement, ainsi que de sa proximité avec l agglomération Nantaise. La périlleuse odyssée du successeur de Nantes Atlantique vient alors de commencer. Le projet commence à décoller dans les années 1970, à travers les premières expertises effectuées. Il est présenté comme étant une entreprise interrégionale, concernant la Bretagne et le Pays de la Loire d où son nom d «Aéroport International du Grand Ouest» - même s il est soutenu quasi-exclusivement par les autorités Nantaises et de Loire-Atlantique. La création d une ZAD (Zone d Aménagement Différée) en 1974, pour acquérir les 1250 hectares de terrains, nécessaires à la construction des infrastructures aéroportuaires, est un signe éclatant de la détermination des gouvernants de l époque de voir cet ambitieux projet se concrétiser. Toutefois, les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ralentiront fortement cette dynamique, qui reprendra timidement à l aube des années 1990, avec une estimation du coût total à 1,5 milliards de francs (soit environ 220 millions d euros actuels) avant d être pleinement remis dans le vent à partir de 2000, sous l impulsion notamment du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Se tient alors sous l égide de la CNDP Commission Nationale de Débat Public la tenue d un débat public en 2003. Deux ans plus tard, on peut enfin établir le scénario définitif du projet. Ainsi, la fréquentation du futur aéroport devraient osciller entre 3 et 9 millions de passagers, soit 2 à 4 fois plus que le trafic actuel (2,6 millions de passagers en 2009), occuper 1200 hectares de terrains et posséder deux pistes. Le complexe serait également entouré de quatre ZA

(Zones d Activité) et serait desservi par une hypothétique ligne TGV Rennes-Nantes ainsi que relié au réseau tramway de Nantes. Le montant total officiel du projet s élève à 585 millions d euros, mais selon certaines sources, il faudrait plus s attendre à ce qu il coûte quelques milliards. L arrêté ministériel d Octobre 2003 et le décret d utilité public publié en Février 2008 confirment en quelques sortes, la légitimité politique du projet. Légitimité politique, certes mais peut-être pas sur les plans économiques, écologiques et logiques. Quel est l intérêt de construire un aéroport international aussi proche de l agglomération Nantaise (moins de 20 km), alors que les capacités maximales des constructions existantes ne sont pas encore atteintes et que le trafic vient de diminuer pour la première fois (-3% entre 2008 et 2009)? D autant qu il existe déjà 14 aéroports dans le «Grand Ouest», dont 8 en Bretagne, totalisant un peu plus de 5 millions de passagers en capacité. Pourquoi donc ne pas transférer une partie du trafic sur ces sites? Et faut-il rappeler qu au Grenelle de l Environnement en 2007, plus aucun aéroport ne devait voir le jour? Au lieu de ralentir, voire de stopper le projet, cela n a fait que l accélérer parce qu il a été déclaré conforme aux normes environnementales fixées par le Grenelle. Ces contradictions ne font que renforcer la détermination des opposants, qui n a cessée de croître, passant d une unique association d agriculteurs fondée en 1974 (ADECA, ou Association de Défense des Exploitants Agricoles Concernés par l Aéroport) à un mouvement organisé, comprenant également des riverains, des écologistes et quelques politiques, qui craignent les nuisances à venir, la pollution, la disparition de terres agricoles ou encore une perte de pouvoir pour ces derniers par la mainmise de l agglomération nantaise sur tout un territoire resté jusque là en dehors de sa zone d influence. L ACIPA (Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d Aéroport de Notre-Dame-des-Landes), forte de plus de 3000 adhérents a été présente à tous les débats depuis sa création en 2000. Elle est responsable notamment d un pique-nique géant organisé chaque année depuis 2007 à NDDL, mais également de nombreuses manifestations et actions médiatiques, comme la Tracto-Vélo du 6 Mars 2010. Les opposants ne se contentent pas de protester, ils mettent aussi en évidence les points négatifs (destruction de terres agricoles, augmentation des impôts locaux, et proposent des alternatives, telles que le délestage du trafic vers les aéroports de Rennes et Saint- Nazaire, sous-utilisés. Mais les partisans n en démordent pas, et avancent toutes sortes de justifications. «Au début, il fallait absolument construire cet aéroport pour pouvoir accueillir le Concorde. Puis pour délester les aéroports parisiens. Puis parce que l aéroport de Nantes était saturé. Et aujourd hui pour d impératives raisons de sécurités!» explique Claude Colas de l ACIPA. Le débat public étant achevé depuis quelques années, l opposition n a plus qu une poignée de solutions possibles pour faire avorter le projet, dont le Conseil d État mais leurs derniers recours ont été rejetés en Février 2010.

Apparaissant tout d abord comme étant un projet inter-régional fédérateur et nécessaire, ce projet d aéroport international se révèle être en réalité une lubie politique, dont les plus fervents défenseurs se trouvent être les élus Nantais. Ce pari risqué, mais néanmoins réalisable montre que le processus de décision territorial marque une non prise en considération des besoins réels des populations, tout en faisant passer le projet urbain de la métropole nantaise avant tout le reste Il néglige de plus la périurbanisation en cours et inéluctable si l on tient compte de l énorme attractivité exercée par les Régions de l ouest de la France. L opposition est toujours aussi déterminée mais reste impuissante devant la ténacité des partisans. La recherche géographique présentée à l occasion de ce café géographique s appuie sur l entretien d une cinquantaine d acteurs et la réalisation de plus de 180 cartes mentales. L originalité de la démarche consiste ici en une comparaison des représentations des acteurs dans cet objet géographique que l on appelle «carte mentale» qui loin des discours stéréotypés et bien rodés, oblige l acteur à se dévoiler. Trois problématiques ont été traitées dans le cadre de cette recherche 1) Quels sont les éléments d appartenance au territoire, et ses composants environnementaux, pouvant conditionner l acceptabilité ou le rejet d un projet d équipement? 2) En retour, comment cette conflictualité peut-elle nourrir ou créer de nouvelles territorialités? 3) Quel est le rôle des perceptions et représentations socio-spatiales sur l émergence et le déroulement des conflits? Quatre concepts géographiques clés ont été mobilisés : A) La notion de territoire : Addition de portions d espaces vécus communs à différents individus insérés dans un espace géographique. Résultat d interactions entre trois dimensions : matérielle, idéelle, et actorielle. B) Le concept d acteurs territorialisés : Un acteur (individuel agissant en référence à un groupe ou groupe social) agissant dans un système d action concret territorialisé qui met en œuvre des stratégies en fonction de ses ressources (connaissance, territoriales et identitaires). C) La méthode des représentations socio spatiales : Variables intermédiaires médiatisant les liens entre le sujet, un groupe social et leur contexte spatial. Quatre éléments structurent les représentations : 1) des facteurs émanant du sujet (expérience environnementale); 2) des positions sociales des individus et groupes sociaux; 3) la sphère culturelle; 4) effet de lieu. D) La notion de concurrence et de médaition territoriale : Capacité de mettre en œuvre une démarche de collecte d informations territoriales de groupes en concurrence sur un même territoire en ouvrant un espace de discussion en vue d un compromis territorial possible. Derrière le dessin et à partir d une méthode mise au point par le chercheur, la lecture des clés pour comprendre le discours des opposants et des soutiens au projet

s avère être particulièrement efficace pour dévoiler au final, toute la mobilisation du territoire par les différents acteurs dans leurs dicours sur le projet. Proposé comme outil de concertation et de médiation territoriale, les partisans du projet ont toujours refusé de prendre en compte ces représentations qui démontrent pourtant toute l ambiguité et les manipulations dans le discours territorial. On y aperçoit la vision des représentants économiques en train de redécouper l ensemble de l espace, celles des techniciens qui à force de comité de pilotage n ont plus qu une pensée totalement uniforme, celles des petits élus des territoires concernés qui oscillent entre anxiété et désarrois et enfin celle des riverains de toutes sorte qui entre soutien et opposition au projet, donne toute l étendue de la diversité territoriale en cours et célèbre à leur manière ce que l on peut résumer dans «Agir dans un monde incertain» pour reprendre le titre de l ouvrage de Callon et Lacousmes. L analyse du conflit Elle s en trouve particulièrement redéfinie et le système d acteurs complètement réécrit. Ainsi, sur le conflit lui même l analyse par les cartes mentales a révélé : L'analyse thématique particulièrement enrichissante sur la nature du conflit. Sur son déroulement. Sur les anticipations et les effets de grossissement. Sur les motifs inavoués du conflit. Sur la manipulation ou la pertinence des discours d opposants et leur propagation progressive. Elle démontre par ailleurs la capacité réelle des opposants à s organiser par une : Capacité réelle de s organiser en réseau et de diffuser leurs arguments. Réelle capacité d expertise en mutualisant les compétences. Sortie du NYMBY classique dépassée et réducteur de l image des opposants. Une véritable capacité de propositions avec des contre projets. Diffusion progressive de leurs idées auprès des élus parce qu elles s appuient sur les faiblesses réelles du projet. Variété de dispositifs de mobilisation et un débordement sur d autres sphères de contestation que les oppositions conventionnelles pour ce type de conflit.

Les éléments déterminants du conflit ne sont pas là où on les attend forcément Cette analyse révèle notamment que les éléments déterminants du conflit lui même ne sont pas les effets nuisibles attendus du projet mais des éléments de contestations qui relèvent davantage d une vision plus idéologique de l aménagement lui même : Imprécision sur les interconnexions est fortement fédératrice de craintes et alimente le conflit. Imprécision sur la nature même d aéroport international, de sa réelle définition et de son aire de chalandise. L idée qu il repose sur un pari L idée qu un aéroport ne se décide pas comme une ligne LGV parce que les concessionnaires ne sont pas connus à la date du projet L absence d anticipation dans les documents d urbanisme. L apport important des cartes mentales En conséquence la vision à travers les cartes mentales s avère être particulièrement intéressante et pertinente car à contre courant d une cartographie officielle trop souvent imposée par les porteurs de projet elle permet de repartir de la base même de l analyse spatiale territoriale, tout en proposant une vision systémique du projet et surtout une vision prospective et complexe de l impact de celui-ci sur le territoire. Ansi, l analyse par carte mentale a notamment permis : Une redécouverte du système des acteurs. Sortir du discours stéréotypé des acteurs. Montrer qu'il existe une vision formatée par catégories mais également des divergences intracatégorielles. En même temps faire éclater les catégories d'acteurs. Mieux appréhender les motifs inavoués du conflit. Montrer qu'il existe des facteurs d'acceptabilité chez les opposants et par conséquent des marges de négociations. Une réécriture du territoire du projet. Cerner davantage les enjeux territoriaux par rapport au projet et notamment les effets connexes non pris en compte.

une distinction nord sud sur la vision idéelle du projet. Une distinction est ouest liée à l implantation et au type d infrastructure. Une première tentative de modélisation a dégagé des degrés de médiation possible. Une réécriture du conflit dans son rapport plus étroit à l espace. En conclusion le chercheur est revenu sur quelques points déterminants de l analyse territoriale aujourd hui. Premièrement sur les conflits de territoire et la concurrence territoriale: Des conflits de plus en plus intenses face à des besoins renouvelés - une hausse du nombre de conflits - mais des associations de plus en plus efficaces. - les besoins en équipements qui demeurent. Les limites des réponses apportées - des innovations techniques mal utilisées par les porteurs de projet. - des innovations procédurales qui n ont cependant pas permises de rentrer dans un processus de médiation territoriale. -Un décalage entre des considérations purement techniques et la réalité géographique de la perception des nuisances. - Des conflits apparaissent comme des révélateurs et des producteurs de rapports de force, des relations des populations à l espace et de scène locale de débat. La nécessité de nouvelles structures de concertation pour une médiation territoriale. Deuxièmement :sur le processus de décision proprement dit : Le projet a montré les limites de la décision publique et des phases de concertations officielles et réglementaires. Les limites de LA CPDP( Commission Particulière de Débat Public). Le sentiment de l accentuation du pouvoir des grands élus.

Le malaise des «campagnes» recevant des infrastructures voulues par les villes. La non prise en compte du coût réel ou sa minoration alors que l argent public manque. Le risque de divorce encore plus prononcé entre une classe politique dont la décentralisation oblige à assumer des décisions territoriales locales L utilisation d arguments par les porteurs de projet qui ne sont pas stables (Transfert?, Danger? Saturation?..), et qui ont vite été mis à mal par les opposants qui disposent désormais de moyens d investigation beaucoup plus puissants qu auparavant. Le non dévoilement des véritables motifs du projet et par conséquent un profond sentiment d être manipulé. Montrer qu il s agit avant tout d un projet déterminé par un autre projet urbain. Troisièmement sur la capacité de mobilisation des associations d opposants : Le pouvoir des réseaux, des relais nouveaux La montée en généralités et la puissance d investigation des associations.. L efficacité de l expertise des opposants et leur véritable volonté de trouver des solutions.. Le dépassement du concept étriqué de NIMBY dans lequel on cantonne trop souvent ces associations et leur réelle capacité d expertise et de diagnostic. La capacité d agrégation d associations de type et d envergures différentes dans une synergie multidimentionnelle qui provoque une montée en généralités plus forte qu auparavant. La détermination des opposants et leur véritable pouvoir de mobilisation. la mise en place de véritables structures de médiation territoriale devient indispensable au risque de déconsidérer fortement l action publique. Quatrièmement, l étude démontre par rapport au projet lui même qu il est nécessaire de : de reconsidérer le projet dans sa localisation et dans son dimensionnement.

de repenser son interconnexion. de le penser comme un élément structurant du projet breton ou «grand ouest» dans son ensemble. de reconsidérer ce que vont apporter les nouvelles LGV et le repositionnement des aéroports dans ce cadre. De reconsidérer le différentiel avantages / inconvénients notamment par rapport à la préservation de la terre. De prendre en compte le fait qu il existe d autres propositions et de mettre en place de réelles structures de concertation et de médiation. De faire un projet d aéroport qui en supprime véritablement d autres De prendre en compte que la réussite d un aéroport dépend avant tout de la stratégie des compagnies aériennes dont les décisions sont pour le moins changeantes. Enfin, de considérer qu il est urgent d attendre et qu aucune décision impérative ne s impose dès aujourd hui Le dernier grand projet d aéroport de France et sans doute de l Europe de l ouest restera ainsi comme un projet montrant que malgré tous les processus de délibération imaginés et réalisés depuis les années 70, la décision publique reste limitée à l intérêt de quelques grands élus qui contrôlent les dispositifs de pilotage et de concertation sur le projet et éloigne un peu plus chaque jour la possibilité d une démarche citoyenne dans une véritable politique d aménagement du territoire dans la médiation et dans une véritable démarche de géographie cognitive participative. En ce sens cette recheche donne quelques pistes pour une nouvelle gouvernance en proposant quelques outils simples et mobilisables par une grande partie des acteurs concernés. (compte rendu : Loïc Avry)