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Cass. 2 ème civ., 12 juin 2014, n 13-20.358, Publié au Bulletin Assurance vie Avance sur contrat Dépassement des sommes autorisées Rachat par l assureur selon courrier adressé Exercice du droit de renonciation par le souscripteur Exercice postérieur au rachat Inefficacité Importance de la notification formelle du rachat (non) Obs. : La demande de rachat total d un contrat d assurance sur la vie, qu elle émane de l assuré, ou de l assureur l ayant mis vainement en demeure de régulariser sous délai la situation de ce contrat relativement à l avance accordée, met fin à celui-ci et prive de tout effet la faculté de renonciation exercée postérieurement à l expiration de ce délai par l assuré. Le contentieux relatif à la faculté de renonciation ne s épuise pas. L arrêt rendu par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 12 juin 2014 en est la confirmation. Il apporte même sa pierre à l édifice jurisprudentiel en tranchant une question nouvelle, ce qui justifie sa publication au Bulletin civil. En l espèce, l assureur avait omis de remettre à l assurée la note d information au moment de la souscription en juin 1998. En revanche, lorsque la souscriptrice avait demandé en mars 2007 à procéder à une avance, il avait pris soin de lui communiquer les conditions générales encadrant cette dernière. Le 17 novembre 2008, l assureur lui avait adressé un courrier recommandé avec demande d avis de réception l avertissant que le montant de l avance excédait le pourcentage de la valeur de rachat du contrat autorisé en application du règlement général des avances, et la mettant en demeure de régulariser la situation dans un délai de quatorze jours en précisant, qu à défaut, il procéderait sans aucune formalité au rachat total du contrat d assurance. Le 23 décembre 2008, la souscriptrice faisait part, par courrier recommandé avec demande d avis de réception, de sa volonté de renoncer au contrat (le délai pour exercer la faculté de renonciation ayant été prorogé, faute pour l assureur d avoir remis la note d information). L assureur s y opposait et notifiait formellement le rachat à sa cocontractante le 16 février 2009. En conséquence, deux questions étroitement liées étaient posées au juge : la première portait sur l efficacité de la renonciation en présence d un rachat opéré en raison des stipulations contractuelles ; la seconde portait sur le formalisme exigé afin que le rachat puisse efficacement interdire le jeu de la faculté de renonciation. I L inefficacité de la renonciation postérieure au rachat Selon l article L. 132-5-1 du Code des assurances, toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie ou de capitalisation a la faculté d y renoncer, par lettre recommandée avec avis de réception (Cass. 2 ème civ., 28 févr. 2013, n 12-14.385 : RCA 2013, n 157 ; RGDA 2013. 679, note J. Bigot). L exercice par le contractant de cette faculté est un droit discrétionnaire et d ordre public, ce qui a pour conséquence que la mauvaise foi du contractant ne peut y faire obstacle, ainsi que l ont jugé de célèbres arrêts du

7 mars 2006 (Cass. 2 ème civ., 7 mars 2006, n 05-12.338, n 05-10.366 et n 05-10.367 : Bull. civ. II, n 63 ; JCP G 2006. II. 10056, note F. Descorps Declère ; JCP G 2006, I, 135, n 10, obs. L. Mayaux ; JCP E 2006, 1938, note S. Hovasse ; D. 2008, p. 120, obs. H. Groutel ; RCA 2006, comm. 208, note G. Courtieu ; RDC 2007. 223, note. Th. Revet et C. Pérès), vigoureusement critiqués (J. Kullmann, L assuré est en droit d être de la plus extrême mauvaise foi : l arrêt qui ne passe pas, Mélanges J. Bigot, LGDJ, 2010, p. 215). Le délai pour exercer la faculté est de trente jours calendaires révolus à compter du moment où le souscripteur est informé que le contrat est conclu. Cependant, et c est essentiel, le délai est prorogé en cas de méconnaissance par l assureur de ses obligations d information prévues par l art. L. 132-5-2, jusqu au 30 ème jour qui suit la remise des documents, dans la limite de huit ans à compter du jour où le souscripteur est informé de la conclusion du contrat, ce qui laisse la possibilité aux assureurs de régulariser la situation défectueuse (en ce sens, J. Bigot, note sous Cass. 2 ème civ., 28 févr. 2013, n 12-14.385, Bull. civ. II, n 43 ; RGDA 2013. 679). Cette limite de huit ans ne s applique qu aux contrats conclus après le 1 er mars 2006, date d entrée en vigueur de la loi du 15 mars 2005 ayant introduit cette limite temporelle. On le voit, instrument de protection du consommateur d assurance, la faculté de renonciation se pare au bout de trente jours d une seconde fonction, celle d instrument de sanction de l assureur qui n a pas délivré l information documentaire requise par le Code des assurances (rappr. L. Mayaux, note sous l arrêt commenté, RGDA 2014. 467, évoquant un droit de repentir puis un droit d anéantir). De ce point de vue, l arrêt commenté s inscrit harmonieusement dans une construction jurisprudentielle débutée véritablement en 2006. A - La jurisprudence antérieure Face à la menace d une renonciation coûteuse, notamment en cas de fluctuation à la baisse des unités de compte, les assureurs ont cherché par différents moyens à échapper à l exercice de la faculté de renonciation et à l obligation de rembourser les primes qui lui est attachée. C est ainsi que s est noué tout un contentieux autour de la question de la «renonciation à la renonciation». Il s est agi de se demander si en accomplissant des actes portant sur le contrat, le souscripteur n avait pas, implicitement mais nécessairement, renoncé au droit que lui reconnaît l article L. 132-5-1 du Code des assurances. Cet argument n a pour l essentiel pas été retenu. En effet, aux yeux de la Cour de cassation, en raison de sa finalité sanctionnatrice, la prorogation du délai utile pour exercer la faculté de renonciation ne peut être subordonnée à l absence d exercice par le souscripteur de ses prérogatives contractuelles. La jurisprudence en a jugé ainsi à propos d arbitrages (Cass. 2 ème civ., 7 mars 2006, n 05-12.338, préc. Cass. 2 ème civ., 15 déc. 2011, n 10-24.430 : RGDA 2012. 766, note J. Kullmann), d un rachat partiel (Cass. 2 ème civ., 7 mars 2006, n 05-10.366 et n 05-10.367, préc. Cass. 2 ème civ., 13 janv. 2012, n 11-10.908 : LEDA 3/2012, n 41, obs. M. Asselain) d une avance (Cass. 2 ème civ., 7 mars 2006, n 05-10.366 et n 05-10.367 préc.) ou encore d un nantissement (Cass. 2 ème civ., 8 mars 2012, n 10-27.650, LEDA 4/2012, n 058, obs. P.-G. Marly). Le présent arrêt reprend et complète cette solution. L exercice d une avance ne remet pas en cause la faculté de renonciation, peu importe que la souscriptrice ait reçu une information complète sur les modalités de l avance. A dire vrai, il ne saurait en être autrement. Fondamentalement, l avance est un contrat de prêt (Cass. 1 ère civ., 2 déc. 2003, n 01-15.780 : RGDA 2004. 153, note J. Bigot) distinct du contrat d assurance vie quoique lié à ce dernier puisqu il ouvre ou non la possibilité pour l assureur d y consentir (C. assur., art. L. 132-21).

Dans le prolongement des solutions exposées ci-dessus, à la question de savoir si des actes postérieurs à la mise en œuvre de la faculté de renonciation sont équipollents à une renonciation à cette faculté, la jurisprudence a apporté une réponse nuancée. En effet, si la poursuite de l exécution du contrat après exercice de la renonciation peut valoir renonciation à la renonciation, par exemple en cas de mise en place d un nantissement (Cass. 2 ème civ., 4 févr. 2010, n 08-21.367 et 09-10311) ou d une délégation (Cass. 2 ème civ., 25 févr. 2010, n 09-11.352 : Bull. civ. II, n 43 ; Banque et droit 2010, n 130, p. 41, note P.-G. Marly), tel n est pas le cas de la modification de la clause bénéficiaire (Cass. 2 ème civ., 9 juill. 2009, n 08-18.241) ou de rachats partiels (Cass. 2 ème civ., 13 janv. 2012, n 11-10.908 : LEDA mars 2012, n 041, obs. M. Asselain ; RGDA 2012. 774, note J. Kullmann. Cass. 2 ème civ., 6 févr. 2014, n 13-10.406, www.actuassurance.com, mars-avril 2014, n 35, note M. Robineau), leur portée étant ambiguë. En d autres termes, une renonciation tacite à la renonciation est envisageable, sous réserve que, comme en droit commun de la renonciation tacite à un droit, l acte qui en est la manifestation soit dépourvu d équivocité. Finalement, les assureurs n ont obtenu gain de cause que lorsque le contrat d assurance s est éteint, emportant avec lui la faculté de renonciation dont il est le support. Il en va notamment ainsi lorsqu un rachat total a eu lieu avant exercice de la renonciation (Cass. 2 ème civ., 19 février 2009, n 08-12.280 : RGDA 2009. 544, note J. Kullmann. Cass. 2 ème civ., 14 janvier 2010, n o 08-13.566. Cass. 2 ème civ., 15 déc. 2011, n 10-27.703, : LEDA 2/2012, n 027, obs. M. Leroy ; RGDA 2012. 774, note J. Kullmann) ou lorsque le contrat a été résilié (Cass. 2 ème civ., 17 janv. 2013, n 12-10.108 : RGDA 2013. 675, note J. Bigot). A cela s ajoute que, par extension très contestable, la jurisprudence a également considéré que le rachat total, cette fois-ci postérieur à l exercice de la faculté de renonciation, vaut renonciation à celle-ci (Cass. 2 ème civ., 11 sept. 2008, n 07-16.149 : JCP E 2008. 2256, note S. Hovasse ; RGDA 2008.1018, note L. Mayaux. Cass. 2 ème civ., 22 oct. 2009, n 08-20.903 : Bull. civ. II, n 248 ; RGDA 2010. 121, note L. Mayaux). B - L apport de l arrêt Jusqu à présent, à notre connaissance, la solution selon laquelle le rachat total emporte fermeture pour l avenir de la faculté de renonciation n avait été rendue qu en présence d un rachat mis en œuvre à l initiative du souscripteur. L intérêt de l arrêt annoté est que le rachat est la conséquence mécanique des stipulations relatives à l avance. Cette circonstance n altère aucunement la règle selon laquelle le rachat total emporte disparition de la faculté de renonciation. Précisément, en l espèce, le rachat est la suite de la dépréciation de la valeur du contrat. Les conditions générales des avances prévoyaient en effet un plafonnement à 90% de la valeur du rachat du contrat, de toute avance consentie. La provision mathématique ayant chuté en raison de la baisse des supports du contrat d assurance vie, le plafond avait été atteint puis dépassé. Faute de régularisation, c est-à-dire de remboursement de l avance, l assureur avait procédé au rachat total du contrat, conformément aux clauses contractuelles, non sans avoir préalablement averti l assuré par recommandé avec demande d avis de réception, en lui octroyant un délai de quatorze jours. Au passage, le rachat opéré ne pouvait en aucun cas s analyser comme une renonciation à la renonciation, puisqu il n était que le résultat de stipulations sur lesquelles s étaient accordées les parties au contrat. Cette remarque vient conforter une solution présentée précédemment : lorsque le souscripteur est privé de sa faculté de renonciation, c est pour une raison purement

objective la disparition du contrat d assurance vie et non pour des considérations subjectives la volonté abdicative du souscripteur, qui renoncerait à la renonciation dans la seule hypothèse d un rachat total. Dès lors, une fois écartée la question du rachat total postérieur à la renonciation, la jurisprudence trouve sa cohérence. L arrêt annoté ne manque pas de le signaler, par un attendu de principe bien plus général que nécessaire : «la demande de rachat total d un contrat d assurance sur la vie, qu elle émane de l assuré, ou de l assureur l ayant mis vainement en demeure de régulariser sous délai la situation de ce contrat au regard de ses conditions de fonctionnement, met fin à celui-ci et prive de tout effet la faculté de renonciation exercée postérieurement à l expiration de ce délai par l assuré». II - L efficacité du rachat non formellement notifié Sur un second plan, il ressort de l arrêt du 12 juin 2014 que le rachat total, qui met un terme au contrat et interdit par suite de renoncer à celui-ci, ne nécessite pas pour être valable et opposable, le respect d un formalisme particulier. En l occurrence, ce rachat a été mis en œuvre automatiquement, en application de la convention d avance. En d autres termes, le courrier de l assureur datant de février 2009 par lequel il notifiait le rachat total était indifférent : il ne faisait que constater une situation déjà existante et non la constituer. Si l arrêt précise que le rachat était acquis le 17 décembre 2008 (soit un mois et non quatorze jours après l envoi de la lettre recommandée par laquelle l assureur exigeait régularisation), c est parce que, apprend-on en consultant le moyen annexé, l assurée s était engagée à opérer un versement le 2 décembre, promesse qu elle n avait pas tenue. En retenant la date du 17 décembre, les juges font d ailleurs montre de mansuétude, même si cette générosité ne change rien à la solution puisque la faculté de renonciation avait été exercée le 23 décembre. Indirectement, l arrêt rappelle ainsi que, quelle que soit la partie à son initiative, le rachat est un acte de l assureur qui rachète son engagement envers le souscripteur. Si un certain nombre de règles protègent la prise de décision du souscripteur (C. assur., art. L. 132-4-1 et L. 132-21 et s.) et déterminent le montant dû par l assureur, aucune n impose que ce dernier informe le premier de l achèvement du processus. Il n y a là rien à redire tant il est vrai que, par hypothèse, l ultime étape du rachat ne présente guère de danger pour le souscripteur. En effet, elle se traduit soit par le versement d une somme d argent dont le montant est défini par la loi, soit, en présence d une avance, par le remboursement au moins partiel du prêt contracté. Matthieu Robineau Cass. 2 ème civ., 12 juin 2014 N 13-20.358, publié au Bulletin Sur le moyen unique : Attendu, selon l arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2013), que Mme X..., ayant souscrit le 16 juin 1998 auprès de la société Cardif assurance-vie (la société Cardif), un contrat d assurance sur la vie, a sollicité au mois de mars 2007 une avance sur ce contrat ; que, le même mois, la société Cardif lui a accordé cette avance et lui a transmis un document décrivant les

conditions générales des avances ; qu elle lui a ensuite adressé un courrier recommandé avec demande d avis de réception du 17 novembre 2008 l informant de ce que le montant de son avance excédait le pourcentage de la valeur de rachat du contrat autorisé en application du règlement général des avances, et la mettant en demeure de régulariser la situation dans un délai de quatorze jours en précisant, qu à défaut, elle procéderait «sans aucune formalité, au rachat total de (son) contrat d assurance» ; qu invoquant la défaillance de la société Cardif dans son obligation précontractuelle de remise d une note d information, Mme X... lui a fait part, dans une lettre recommandée avec demande d avis de réception du 23 décembre 2008, de sa décision de renoncer à son contrat en application de l article L. 132-5-1 du code des assurances ; qu elle a assigné l assureur, qui lui opposait le rachat du contrat pour dénier son droit d y renoncer, aux fins, notamment, de voir valider sa renonciation ; Attendu que Mme X... fait grief à l arrêt de déclarer irrecevable son action en renonciation de son contrat d assurance-vie alors, selon le moyen : 1 / que la faculté de renonciation ouverte de plein droit à l assuré pour sanctionner le défaut de remise par l assureur des documents et informations est indépendante de l exécution du contrat, le délai de renonciation se trouvant prorogé jusqu à l accomplissement par l assureur de ses obligations ; qu en considérant, pour juger que la société Cardif pouvait imposer à Mme X... un rachat total de son contrat d assurance-vie, que l information transmise, relative aux conditions dans lesquelles les avances pouvaient être consenties, permettait de suppléer le défaut de communication de la notice d information lors de la conclusion du contrat et ainsi de la priver de sa faculté de renoncer à son contrat, cependant que la sanction relative au rachat total consécutif au dépassement du montant des avances consenties relevait uniquement de l exécution du contrat d assurance-vie, auquel Mme X... pouvait renoncer, la cour d appel a violé l article L. 132-5-1 du code des assurances ; 2 / que le rachat total du contrat d assurance-vie de Mme X... n est pas intervenu «antérieurement» à la renonciation à son contrat, exprimée par courrier du 23 décembre 2008, la société Cardif ayant indiqué que «le 16 février 2009, elle Vie informait Mme X... que le montant de l avance consentie excédait la valeur de son contrat et qu elle était donc dans l obligation de procéder au rachat total de son contrat qui s élevait à ce jour à 81 367,67 euros» ; qu en retenant néanmoins que le rachat total du contrat était acquis à la date du 17 décembre 2008 sans autre formalité, la cour d appel a violé l article L. 132-5-1 du code des assurances ; 3 / que seule la demande de rachat total d un contrat d assurance sur la vie, à l initiative de l assuré, est susceptible de le priver d exercer postérieurement sa faculté de renonciation ; que lorsque le rachat total est imposé par l assureur, en application du contrat d assurance pour lequel l assuré n a pas obtenu la remise des documents légalement prescrits, l assuré conserve l exercice de sa faculté de renonciation ; qu en retenant que le rachat total du contrat d assurance-vie de Mme X..., imposé par la société Cardif, avait mis fin au contrat et l avait privée de sa faculté d y renoncer postérieurement, la cour d appel a violé l article L. 132-5-1 du code des assurances ; Mais attendu que la demande de rachat total d un contrat d assurance sur la vie, qu elle émane de l assuré, ou de l assureur l ayant mis vainement en demeure de régulariser sous délai la situation de ce contrat au regard de ses conditions de fonctionnement, met fin à celui-ci et

prive de tout effet la faculté de renonciation exercée postérieurement à l expiration de ce délai par l assuré ; Et attendu que l arrêt, sans juger que l information transmise par l assureur relative aux conditions d octroi des avances permettait de suppléer le défaut de communication de la note d information lors de la conclusion du contrat, et de priver ainsi l assurée de sa faculté de renoncer à son contrat, retient qu il résulte des conditions générales des avances, dont Mme X... a reconnu avoir pris connaissance le 23 mars 2007, qu «à tout moment l intégralité des sommes dues doit toujours rester inférieure à 90 % de la valeur de rachat de l adhésion pour les contrats proposant des fonds en euros et des unités de compte, et pour les contrats ne proposant qu une ou des unités de compte», et que «dans l hypothèse où cette règle ne serait plus respectée, la société Cardif a la possibilité de mettre fin automatiquement à l avance par rachat partiel ou total de l adhésion à hauteur de l intégralité des sommes dues au titre de l avance» ; que, par courrier du 17 novembre 2008, cette société a fait savoir à l assurée qu à cette date le montant des avances était de 101 % de la valeur de rachat du contrat et la mettait en demeure de procéder à une régularisation, l informant «qu à défaut de celle-ci dans un délai de quatorze jours à compter de l envoi de la présente, nous procéderons sans autre formalité au rachat total de votre contrat d assurance» ; qu ainsi le rachat était acquis à la date du 17 décembre 2008 sans autre formalité, peu important que l assureur n ait formellement notifié ce rachat que le 16 février 2009 à Mme X..., qui lui avait adressé sa renonciation le 23 décembre 2008 ; D où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;