Relance des réseaux des personnes de confiance et renouvellement des cadres syndicaux - Thèses



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3.6.2008 Comité européen de l IBB - Istanbul, 11/12.9.2008 Relance des réseaux des personnes de confiance et renouvellement des cadres syndicaux - Thèses Document présenté par Vasco Pedrina, vice-président régional de l IBB pour l Europe La force des syndicats dépend notamment - du nombre de leurs affiliés et du degré d organisation syndicale dans les branches où ils sont actifs ; mais aussi - de la densité et de la qualité des réseaux de personnes de confiance/militant-e-s syndicaux, ainsi que - du nombre et de la qualité de leurs cadres permanents, tout comme du potentiel de la relève. La figure de la personne de confiance (PC) du syndicat n est pas la même et ne connaît pas la même désignation dans les différents pays, ni même dans les différents syndicats au sein d un même pays. En France ou en Italie p. ex., on parle plutôt de «militant-e-s syndicaux» ou de «délégués syndicaux dans les entreprises» ; en Suisse, selon les cas, de «personnes de confiance», de «militant-e-s» ou d «activistes» ; en Allemagne de «Vertrauensleute» ; en Angleterre de «trade union workplace representatives» et de «shop-stewards». Nous utiliserons dans ce texte en français le terme de «personne de confiance (PC)». Dans de nombreux pays européens, nous ne sommes pas seulement confrontés à une baisse du nombre d affiliés, mais aussi au recul du nombre et du rôle des PC ; et cela depuis des années. Dans bien des cas, il s agit même d une véritable crise des réseaux des PC, à laquelle s ajoute un manque de relève au niveau des appareils syndicaux! Ce problème acquiert une acuité d autant plus grande que dans maint syndicat un changement générationnel pointe à l horizon, du fait notamment que la génération des cadres syndicaux, issue des mouvements de masse de mai 68, s approche de l âge de la retraite. Les thèses présentées ci-après se veulent une contribution à un débat nécessaire et urgent. 1. Problèmes et causes 1.1. Problèmes Dans de nombreux pays européens, les problèmes en la matière présentent des caractéristiques similaires: - affaiblissement des réseaux de personnes de confiance (RPC) ; - affaiblissement du lien entre la représentation sur les lieux de travail (comités d entreprises, commissions de personnel) et les syndicats ;

- absence (ou présence insuffisante) d une nouvelle génération de militant-e- s socialisés lors des luttes syndicales ou dans des mouvements sociaux (altermondialisme, féminisme, etc.) ; - grosses difficultés de renouvellement des appareils syndicaux, le potentiel de jeunes permanents syndicaux de valeur, formés politiquement et étant prêts à un engagement aussi absorbant, étant en diminution. 1.2. Causes Cette évolution est due à plusieurs facteurs à la fois objectifs et subjectifs, dont l importance peut varier d un pays et d une situation à l autre, mais qui se retrouvent un peu partout : - Tendances du marché du travail : impact des changements structurels, avec l affaiblissement des branches économiques à forte tradition syndicale au profit de branches, comme dans les services, à faible ancrage syndical ; privatisations, précarisation des rapports de travail - Effets de la société dite de consommation, le revers de la médaille étant un individualisme qui érode les solidarités - Impact similaire et encore plus grave de la montée du néo-libéralisme et du néoconservatisme en Europe ; source de politiques patronales de plus en plus antisyndicales - Pression sur les lieux de travail, qui restreint le temps pour l entretien des contacts syndicaux et pour l exercice de fonctions de PC dans les entreprises - Longue période de politique de «paix du travail» qui, dans un certain nombre de pays, a fait perdre une tradition de lutte et en conséquence de prise de conscience syndicale par la lutte - Délitement des liens politiques, qui fait que les partis politiques ne sont plus autant que jadis des réservoirs de cadres potentiels formés pour les syndicats - Absence de grands mouvements sociaux ayant le même impact motivant sur toute une génération que mai 68 - Encadrement des PC, soin des RPC, investissements dans la recherche et la promotion de la relève de secrétaires syndicaux négligés par l appareil syndical en raison de la surcharge de travail, d un manque de vision à long terme, d une fixation de priorités erronée et parfois aussi par crainte de perdre des prérogatives. 2. Que faire? Il n y a pas de recette miracle pour inverser la tendance et ouvrir la voie à un avenir prometteur. Mais pour y parvenir, quelques points méritent d être pris en considération : - Tout d abord, malgré les problèmes évoqués, les syndicats sont encore aujourd hui souvent les organisations qui comptent le plus grand nombre de PC et de cadres et qui ont la plus grande force de mobilisation. La 1 re question qui mérite d être approfondie est dès lors la suivante : «Qu est-ce qui les motive encore en 2008 à se dévouer à nos causes pendant une partie de leur temps libre?» - Deuxièmement, un peu partout dans nos organisations, on peut trouver et découvrir de «bonnes pratiques», des expériences très positives, qui prouvent d ailleurs que l engagement de ressources dans ce domaine, même au temps de la globalisation capitaliste et du néo-libéralisme rampant, n est pas voué à l échec, bien au contraire. - Troisièmement, notre réalité organisationnelle se présente la plupart du temps ainsi : «Tout le monde juge la question des RPC importante au sein du syndicat, mais personne n y accorde la priorité nécessaire». Les tentatives entreprises dans le passé pour changer cette situation sont restées souvent vaines en raison : de la diversité des causes de la crise des RPC, d une tendance à sous-estimer la complexité de cette tâche, 2

d un manque de priorité et de concentration des moyens, mais surtout aussi d un manque de persévérance dans la maîtrise de cette mission tant au niveau central que sur le plan décentralisé des sections syndicales, des groupes professionnels et des groupes de membres. Or pour que l entreprise de relance des RPC aboutisse, elle doit - être véritablement déclarée «une affaire des chefs/fes» par les directions au niveau national comme dans les régions du syndicat, qui doivent en assumer le conduite et en assurer la continuité nécessaire ; et - être intégrée à l activité quotidienne de l organisation au même titre que l activité de recrutement (au lieu d être traitée comme une activité en plus, à accomplir lorsqu on trouve un peu de temps que l on ne trouve finalement jamais!). 3. Eléments-clés pour une relance des réseaux de personnes de confiance 3.1. Définir une «unité de doctrine» Dans les syndicats en particulier, qui organisent les salarié-e-s de branches aux traditions culturelles les plus disparates, le premier obstacle est la définition d une «unité de doctrine» minimale en matière de construction de RPC à laquelle adhèrent les secrétaires syndicaux, à tous les niveaux de l organisation. Celle-ci doit comprendre notamment une définition des PC, de leur catégorisation et de leurs rôles dans les différentes fonctions qu elles sont appelées à exercer. A titre d exemple, le syndicat Unia (CH) sous le slogan «Sans personnes de confiance, pas d Unia» s est entendu notamment sur les points suivants : - Définition des PC : les PC sont tous les membres qui ne se contentent pas de payer des cotisations et d utiliser des prestations. Elles sont le trait d union entre les membres/salarié-e-s et l organisation syndicale, les multiplicateurs de l action syndicale et les ambassadeurs du syndicat. Etant donné cette définition très large, une catégorisation plus fine s impose : - Types de PC (catégories) : Personne de contact (antenne du syndicat ; ne s expose pas nécessairement en tant que membre) Personne de référence (soutient le syndicat, sans qu il s agisse nécessairement d un engagement régulier ; s expose en tant que membre du syndicat) Militant-e (participe activement et avec régularité). 3

Personne de contact Personne de référence Militant-e Personne de référence Personne de contact Il importe que les secrétaires syndicaux appelés à assurer le lien avec nos réseaux de PC aient en tête cette catégorisation en trois types. Elle leur permet au contact de leurs PC de mieux cibler leur action, qu il s agisse de communiquer ou de donner une formation syndicale, ou encore qu il s agisse de proposer un engagement ou de donner des tâches syndicales adéquates. Militant-e-s et personnes de référence constituent le réservoir pour Recruteurs/euses Représentant-e-s du syndicat (dans nos instances) Représentant-e-s du personnel (élus par leurs collègues) Spécialistes 3.2. PC : le capital le plus précieux du syndicat est à gérer professionnellement! Les RPC constituent le capital le plus précieux du syndicat. Ainsi la création et l entretien des RPC constituent des tâches stratégiques tout comme le recrutement ou le développement du personnel syndical. Or bien souvent ces réseaux ne sont pas soignés comme devrait l être le capital le plus précieux d une organisation. Ce travail d accompagnement est dans bien des cas laissé au bon vouloir de secrétaires syndicaux plus ou moins engagés et conscients de l importance de RPC forts pour le rayonnement syndical. Beaucoup de hasard et d improvisation, peu de professionnalisme, telle est souvent la pratique dominante! Notre objectif doit donc être de professionnaliser et systématiser la gestion des RPC, en vue de leur renforcement et de leur renouvellement. Le préalable indispensable aujourd hui est la mise en place d une gestion électronique des RPC, qui facilite la tâche de contact et d encadrement des secrétaires syndicaux. Une simple liste Excel permet déjà à chaque secrétaire syndical de tenir une sorte de «Journal-PC» enregistrant tous les contacts établis. D où aussi la possibilité de fixer dans les objectifs personnels annuels, grâce à un tel instrument, un objectif en matière de contacts/entretiens avec des PC (pour connaître leurs besoins et leurs vues, leurs disponibilités à s engager, leurs aspirations de carrière, etc.). Ce serait déjà un réel saut qualitatif dans la systématisation de la gestion évoquée plus haut. 3.3. Construction des RPC dans les secteurs/branches et parmi les groupes de membres L état et le niveau de développement de nos RPC varient fortement d une branche à l autre, d un groupe de membres à l autre, surtout dans des syndicats à caractère interprofessionnel et au sociétariat très hétérogène par sa composition. Les modalités de construction de ces 4

réseaux varient tout autant. Car ce n est pas la même chose de faire du syndicalisme là où il existe des systèmes de représentation institutionnalisés (ancrés dans la loi ou dans des contrats collectifs de travail) et là où il n y en a pas. Les rôles des PC et les exigences en la matière ne sont pas les mêmes dans les deux cas de figure. Tout projet de relance des RPC doit donc tenir compte de ces spécificités. Mais une règle est valable partout : sans objectifs clairs et concrets, sans suivi constant de leur réalisation, il n y a pas de progrès durable à espérer. Le renforcement des RPC s impose pour deux autres raisons, à savoir : - l affaiblissement fréquent du lien entre syndicat et comités d entreprise (surtout dans des pays comme l Allemagne où ils jouent un rôle très important ancré constitutionnellement). Il s agit du meilleur antidote aux dérives que l on connaît ; - l importance croissante du rôle des comités d entreprise européens et des réseaux syndicaux internationaux. 3.4. Communication et formation Dans des organisations aussi complexes que les nôtres, il n y a pas de recette miracle pour une communication optimale avec nos PC. Il est tout de même souvent frappant de constater le peu de cohérence et les lacunes actuelles dans ce domaine. Comme notre base active fait un usage croissant d Internet et de la téléphonie mobile, de nouvelles opportunités s ouvrent et il y aurait lieu de populariser les expériences intéressantes qui ont été réalisées. Dans le domaine des «signes de reconnaissance/d incitation» envers les PC, on n en fait souvent pas assez, mais en même temps des idées originales peu connues sont testées avec succès. Un échange des «bonnes pratiques» en la matière est à promouvoir. La systématisation de l offre de base centralisée et décentralisée ainsi que des filières de formation syndicale plus avancées est importante pour faire un saut qualitatif. Une question mérite un examen et une attention particulière : le lien entre les cours de formation pour PC et le «suivi» des collègues qui y participent, dans leur activité syndicale au sein de leur branche, section, groupe de membres, entreprise. Car ce qu ils ont appris lors d un cours ne sert pas à grand-chose si, de retour dans leur cadre syndical quotidien, ils se heurtent à un mur (bureaucratique ou autre)! 3.5. Orientation syndicale et «étoiles fixes» La relance des RPC comporte un volet très important de culture et d orientation syndicale. En effet, la disponibilité à un engagement syndical durable surtout en ces temps de société de consommation, de capitalisme financier et d individualisme rampant! - passe par la formule que le père du syndicalisme suisse (un immigrant allemand!), Hermann Greulich, voulait voir appliquée à la formation syndicale : «Lumière dans les esprits - Feu sacré dans les cœurs!». Plus encore que par la formation syndicale, les RPC se construisent au cours de luttes syndicales. Il est en effet plus facile d y parvenir dans les phases de lutte que dans celles de «paix du travail absolue». Il y a tout intérêt donc à utiliser au maximum de telles phases pour renforcer nos RPC. Pour ce qui est des «Fixsterne/étoiles fixes», pour reprendre un terme du syndicat allemand IG Metall (= étoiles à l horizon de la société de justice et d égalité à laquelle nous aspirons ; à savoir des valeurs et des objectifs de société allant au-delà des objectifs les plus immédiats de promotion des conditions de travail et de protection de l emploi), il convient dans chaque communication d envergure et dans chaque activité avec des PC de répondre à la question suivante : «Quelles «étoiles fixes» pouvons-nous transmettre en lien avec les contenus de l activité prévue?». Selon un adage italien : «Non di solo pane vive l uomo» (= l homme ne vit pas uniquement de pain!). Cela est d autant plus valable pour les PC. La disponibilité à l engagement et à la prise de risques 5

inhérents à la fonction de PC est aussi une affaire d émotions, de sentiment d appartenance générateur d identification. En ces temps de capitalisme globalisé, un des grands défis est de réussir à transmettre un sentiment de sécurité social et sociétal, un sens identitaire d ouverture à des salariés et pour commencer à ceux actifs syndicalement qui vivent dans un monde du travail de plus en plus précarisé. Pour dépasser la «crise du militantisme», il faut agir avec acuité sur ces différents plans. Il y a encore un autre aspect culturel à prendre en considération. Souvent, nos structures et pratiques plutôt rigides favorisent le paternalisme, voire même l autoritarisme dans nos rapports avec les PC. Ce n est pas très attrayant, surtout pour les nouvelles générations. La relance des RPC passe aussi par la remise en cause de telles pratiques, par des approches réellement participatives. 4. Renouvellement des cadres syndicaux 4.1. Contexte Si on prend en considération les problèmes évoqués en introduction sous l angle des défis qui attendent les appareils syndicaux, il y a lieu de relever tout particulièrement ceci : L attribution des postes de cadres s est moins basée jusqu ici sur des profils d exigences dûment formulés et tournés sur l avenir que sur la présence de collègues disposés à occuper ces postes. Le réservoir des personnes externes politiquement actives et déjà formées (= relève) est encore plus petit que par le passé (= délitement des liens avec des partis politiques, manque de mouvements sociaux de masse tels que 68, ). Il devient toujours plus difficile de recruter des cadres syndicaux tant à l extérieur des syndicats qu au sein de nos RPC. La «concurrence» sur le marché du travail due à d autres organisations à but non lucratif, elles aussi engagées socialement mais parfois moins profilées politiquement, s est fortement accrue au cours des dernières années. Au cours des dernières années, l évolution des valeurs a conduit à une plus grande responsabilisation des travailleurs, à une valorisation des loisirs et des autres intérêts (work-life balance), à un individualisme croissant et donc à une moindre identification au travail comme pilier central de l existence. Il est vrai que sur ce point précis, on constate des différences entre les pays européens, voire même les branches économiques. La part de femmes décroît à chaque échelon hiérarchique et se situe souvent bien en dessous de 30 % tout au sommet. On constate toutefois d importantes différences entre les syndicats (e.a. en fonction des branches). 4.2. Mesures à prendre Ces constats appellent une série de mesures possibles concernant le marché du travail interne et le développement du personnel des syndicats : a) Nominations Les nominations de cadres ou collaborateurs syndicaux doivent faire l objet d une grande attention. Angles d attaque : Formulation d un profil d exigences clair et bien ancré dans l organisation, prenant en compte l évolution des tâches à moyen et long terme. 6

Recours soigneux et rigoureux à des instruments de sélection adaptés au contexte culturel (demande de références, tests d aptitude, journées de stage, évaluations, etc.) Entretien de contacts avec les partis proches et les nouveaux mouvements sociaux (altermondialisme, écologie, etc.), dans le but d y recruter des activistes déjà formés comme futurs collaborateurs et collaboratrices. Recherche ciblée et contacts avec des personnes intéressées partageant les mêmes opinions tout en étant extérieures au syndicat, afin de les convaincre d entrer à son service (recherche de talents). b) Fidélisation du personnel Tout indique que le recrutement et la fidélisation de cadres et de collaborateurs n aboutiront que si les syndicats adaptent leurs conditions de travail aux attentes du personnel d aujourd hui, même s il est bien clair qu un poste de travail dans un syndicat exigera toujours un engagement supérieur à la moyenne et une plus grande flexibilité, sur le plan tant des horaires que de la mobilité géographique : Encouragement du travail à temps partiel ou d un bonne conciliation entre travail et vie personnelle (work-life balance). Délégation de responsabilités (le travail doit avoir un sens et faire plaisir, procurer des émotions fortes et pouvoir être aménagé librement). Accent sur les possibilités de développement au sein du syndicat. c) Promotion du personnel Les syndicats consentent depuis des années d importants investissements dans la formation de leurs cadres. Il s agit d accroître ces efforts, et en outre l une des priorités absolues des cadres doit être d identifier et encourager systématiquement la relève interne. Autrement dit : Les syndicats doivent davantage investir dans la formation, en particulier sur le terrain de la politique et de l internationalisme, au niveau de la collaboration avec les personnes de confiance mais également du management (conduite du personnel, économie d entreprise, etc.). Il faut définir des critères servant à recenser la relève interne potentielle. D où la nécessité d examiner ce qu implique une bonne gestion dans le contexte syndical. Les critères doivent être élaborés avec les cadres aujourd hui en fonction, afin d être acceptés au sein des organisations. La promotion ciblée de la relève exige l élaboration d instruments adéquats, comme les évaluations de potentiel et les programmes d encouragement. Outre les mesures traditionnelles de formation, il faut miser ici sur la direction de projets et sur les programmes d échanges internationaux avec d autres syndicats. Le développement du personnel doit également toujours veiller à préserver l employabilité des collaborateurs et collaboratrices. 5. En guise de conclusion La relance de nos réseaux de personnes de confiance constitue une des clés pour réaliser le changement de cap recherché en termes de recrutement et de renouvellement de nos organes de milice, ainsi que de l appareil syndical (=cadres syndicaux permanents), mais aussi plus généralement en termes de force syndicale. Pour dépasser la «crise du militantisme», il faut agir sur différents plans : réorienter la pratique syndicale vers un «syndicalisme de lutte», formuler et transmettre des valeurs et des «étoiles fixes» attrayantes et convaincantes, promouvoir une identification au combat syndical et des pratiques véritablement participatives, etc. 7

Le renouvellement des cadres syndicaux permanents et un changement générationnel réussis passent aussi par là. Ils requièrent en outre une professionnalisation de la sélection, de la gestion et du développement du personnel syndical permanent. VPE/MHA, 3.6.2008 8