L ÉTRIER Pour une optimisation de la posture par un appui plantaire intégral et stabilisé Texte publié à l occasion du colloque de l ENE : Posture du cavalier et posture du cheval 14 juin 2008 Laurent Lantuéjoul, instructeur, cavalier, concepteur de l étrier K vall Emmanuelle Pougnard, spécialiste de l analyse du mouvement www.kvall.fr Résumé L étrier K vall s inscrit dans une logique d optimisation du potentiel corporel du cavalier qui s appuie sur l idée que l équilibre conditionne la précision du geste technique et la qualité de la communication entre cavalier et cheval. La posture est de ce fait envisagée ici d un point de vue dynamique. Ce concept permet l optimisation de la fonction du pied dans la régulation de l équilibre grâce à un appui intégral et stabilisé (particulièrement quand le cavalier est en appui sur ses pieds). Nous verrons comment la posture s organise en relation à la verticale et l incidence d un appui plantaire intégral sur cette organisation ainsi que sur l équilibre à différents niveaux : - La précision de la gestion du poids du corps comme élément de communication avec le cheval - L «état de corps» (tonicité), la stabilité et la qualité de l amorti qui favorisent le confort du cheval - L importance de l axe central pour obtenir l indépendance des aides et la précision du cavalier C est cette «disponibilité posturale» qui va donner au cavalier une capacité à suivre et à s adapter au mouvement de son cheval et être en inter-action avec lui dans les différentes disciplines équestres. Ainsi, un appui plantaire intégral et stabilisé facilite la pratique de l équitation depuis l apprentissage jusqu à la performance sportive. L étrier K vall, concept novateur imaginé par Laurent Lantuéjoul, instructeur, est composé d un plancher intégral et d un triangle de suspension. Il permet d utiliser l ensemble du pied pour s équilibrer. Or c est de cette capacité à s équilibrer que s organise la précision des gestes techniques et la qualité de la communication avec le cheval. Nous nous intéresserons ici à l organisation de la posture en relation à la gravité, à pied et à cheval et verrons de quelle manière un appui intégral facilite l équilibration du cavalier et sa relation avec le cheval. La posture est donc envisagée ici d un point de vue dynamique, sous l angle du mouvement. L étrier KvaLL, plancher intégral et triangle de suspension
L équilibre en mouvement Le concept de l étrier s appuie sur le fait que le cheval génère du mouvement que le cavalier doit accompagner. Cette idée nous conduit à comparer l équitation à un sport de glisse. Le mouvement est créé par l «extérieur», le terrain ou le cheval ; le sportif, cavalier s y adapte. La question devient alors : comment accompagner au mieux ce mouvement sans perturber le cheval par les pertes d équilibre du cavalier? L équilibre se construit dans le mouvement en réaction à des déséquilibres en permanence renégociés. C est un ajustement permanent régulé par des réflexes et des automatismes. L équilibre est dynamique. Réagir à ces déséquilibres, c est en premier lieu prendre des informations sur eux par l intermédiaire de capteurs sensoriels : oreille interne, regard, plante des pieds et sensibilité corporelle de tout le corps. Notons que celle des pieds est particulièrement riche. Accompagner le mouvement, un équilibre dynamique Oreille interne Regard Pieds Sensibilité corporelle Le pied, organe de l équilibre Le pied a un rôle dans la régulation de l équilibre à deux niveaux : mécanique : les os et leur relation à la force du poids nerveux : la prise d informations sur notre équilibre Sur le plan mécanique, on peut remarquer l importance du talon puisque c est à l arrière du pied que le poids arrive : depuis le tibia, par l astragale vers le pied interne et par le calcanéum vers le pied externe. En fonction de l activité, on trouve dans l appui du talon entre 50% et 70% du poids du corps. Quand le talon est en appui, la force du poids récupérée par son support permet la re-distribution de cette force dans l avant-pied et dans le corps pour s ériger.
Par ailleurs, la voûte plantaire se construit depuis 3 points d appuis dont le talon (calcanéum et têtes des métatarsiens 1 et 5). C est elle qui donne au pied sa souplesse et sa résistance et optimise les fonctions du pied autant sur le plan mécanique que sur le plan nerveux. Elle a aussi un rôle d amorti et active le retour veineux. Par exemple, en endurance, l appui plantaire intégral règle les problèmes de fourmillement souvent rencontrés en raison d un appui prolongé sur une surface réduite. Sur le plan nerveux, nous trouvons dans le pied des capteurs sensoriels qui informent le système nerveux dans les muscles, les articulations et la peau. Ces capteurs sont particulièrement nombreux au niveau des pieds. Alain Berthoz, directeur au Collège de France du Laboratoire de la perception et de l action, compare la plante du pied à «une véritable rétine tactile». Les capteurs de pression, au niveau de la peau, donnent des informations sur la répartition du poids dans le pied à partir du moment où le pied est en contact. L appui intégral permet ainsi une prise d informations plus riche, optimisant les régulations réflexes de l équilibre. Le poids se répartit depuis l arrière du pied (astragale et calcanéum) en 3 points d appui qui soutiennent la voûte plantaire (d après I. A. Kapandji) L appui du pied a des répercussions sur la posture et inversement. Ils sont «mécaniquement» liés parce que nous sommes soumis à la force de la gravité : le poids se répartit de manière différente sur notre pied en fonction de notre posture et la tonicité du pied a une influence sur la tonicité posturale. La posture, un alignement corporel en relation à la gravité et une activité de la musculature postérieure Nous sommes attirés vers le centre de la terre par la gravité, force verticale, représentée par l axe vertical en rouge. Et la résistance du sol nous donne un appui depuis lequel nous nous érigeons grâce à la force de réaction. Ce schéma représente l organisation de la posture dans le plan sagittal en relation à l axe gravitaire, vertical qui traverse notre corps en son milieu. C est un schéma «d équilibre idéal». Il représente «l économie posturale» qui permet de se tenir debout avec le moindre effort et d être «prêt à tout» dans le mouvement. En effet, la posture conditionne le geste. Et les déséquilibres posturaux ont pour conséquence de restreindre les capacités motrices. Ce schéma met en évidence un alignement corporel du squelette par l empilement de 3 volumes osseux : le bassin, la cage thoracique et la tête. Ces 3 volumes sont reliés par la colonne vertébrale qui constitue l axe central de notre corps mais n est pas pour autant rectiligne. Elle présente des courbures physiologiques très importantes pour sa souplesse et sa solidité qui sont à respecter dans la recherche de la verticalité. Alignement dans la verticale de 3 volumes osseux : tête, cage thoracique et bassin reliés par la colonne vertébrale
Toutefois, nous ne sommes jamais vraiment parfaits dans notre posture et la relation au cheval ajoute des contraintes de force qui renforcent, la plupart du temps, les défauts posturaux. On en voit des exemples sur les 4 premiers schémas. Observer la posture par la lecture des 3 volumes osseux Les défauts d alignement mettent à contribution notre musculature qui doit «retenir» les parties osseuses particulièrement la musculature phasique faîte pour la production du mouvement. D où des tensions musculaires douloureuses qui contraignent, voir empêche le mouvement quand elles deviennent permanentes. C est grâce à un bon alignement corporel que la musculature tonique profonde peut jouer son rôle pour nous ériger, nous donnant force, tranquillité et efficacité. Les muscles qui nous permettent de nous ériger sont situés pour la plupart à l arrière de notre corps. L activité musculaire postérieure est une réponse à un déséquilibre antérieur dû à la position de la tête sur son appui cervical. Cette musculature postérieure, composée de muscles toniques, très sensibles à l étirement, court depuis les muscles de la voûte plantaire jusqu au crâne. Quand on se penche en avant, elle se contracte. Quand on met le poids plus vers nos talons, elle se relâche. Quand le talon est en appui, la chaîne postérieure, à la fois plus détendue et plus réactive, donne une «présence» au dos. Le cheval est très sensible à l activité tonique. C est ce qui va permettre de dialoguer avec lui et de répondre à son mouvement. Ainsi favoriser l équilibre tonique de notre musculature postérieure par un appui intégral améliore la qualité de la communication avec le cheval. S ériger, une activité musculaire postérieure depuis les pieds jusqu à la tête
L appui intégral, force et stabilité Le mouvement s organise à partir de points d appui. A cheval, ces points d appui se font par l intermédiaire du bassin et des pieds et le cavalier amortit le mouvement du cheval dans son corps différemment en fonction de ses appuis. Assis, le mouvement se répercute dans le bassin et la colonne vertébrale. En équilibre, ce sont les articulations du membre inférieur, hanche, genou, cheville qui amortissent le mouvement. La position en équilibre est intéressante du point de vue de l amorti à 2 niveaux : l élasticité grâce aux amplitudes articulaires des trois articulations du membre inférieur et la possibilité d épargner sa colonne vertébrale en lui évitant les mouvements d amortissement. L appui intégral facilite la position en équilibre mais aussi les changements de position et permet au cavalier une palette élargie dans ses attitudes corporelles. Le poids du corps arrivant principalement dans le talon, la force de réaction y est aussi la plus importante. Nous retrouvons ainsi une force particulièrement utile dans les mouvements de reprise des chevaux. Cette force est présente quand le cavalier est assis mais plus efficace encore quand il est debout où c est avec l ensemble de son corps qu il peut jouer et toutes ses articulations, dont celles du membre inférieur, pour reculer son poids. Appui intégral : force du talon Appui stabilisé : concordance des centres de gravité cavalier cheval La stabilité est amenée bien sûr par l appui intégral mais aussi par le triangle de suspension. Le triangle, forme mécaniquement stable, verticalise la jambe sans contrainte limitant le mouvement : le cavalier peut avancer ou reculer sa jambe comme il le souhaite. Le poids du corps, arrivant verticalement à la base du triangle, stabilise la jambe et de ce fait l ensemble du corps. Cette fonctionnalité facilite l alignement dans la verticale des centres de gravité du cavalier et du cheval. Elle est particulièrement intéressante à l obstacle où le cavalier suit plus facilement le mouvement du cheval et gagne du temps pour retrouver son équilibre à la réception des sauts. Et cette stabilité du cavalier facilite l équilibre du cheval.
Du poids, comme outil de communication à l indépendance des aides Le poids du cavalier est un outil de communication. Plus il l utilise avec précision, plus cette communication est qualitative. Les pertes d équilibre altèrent la relation entre cavalier et cheval et provoquent, quand elles sont répétées, tensions, raideurs, appréhension, baisse des performances. Le mouvement du cheval est mieux accepté par le cavalier quand il ne perturbe pas son équilibre. La capacité à jouer avec son poids du corps avancer, reculer sur un plancher intégral permet de contrôler plus finement l équilibre longitudinal du cheval. Pour la stabilité latérale, l égalité de l appui des 2 côtés va favoriser le couloir des aides et canaliser le cheval. La gestion du poids du cavalier, d une tonicité équilibrée à une communication qualitative L équilibre tonique, «l état de corps» du cavalier associe détente et dynamisme et se trouve dans la capacité à faire varier son tonus, alternant relâchement et activité. Cet équilibre tonique sera facilité par l intégralité et la stabilité de l appui plantaire. La détente corporelle du cavalier favorise le tact et rassure le cheval. La fluidité de la communication s appuie sur un «échange» qui fait alterner passivité, «écoute» et activité : prendre les informations qui viennent du cheval et lui transmettre ses demandes. Un exemple de cet «état de corps» s observe dans l assiette du cavalier. Une assiette accompagnatrice se trouve quand le bassin du cavalier suit le mouvement du cheval. Elle est possible quand la musculature de la hanche est détendue. Or, une jambe dont le poids est posé en intégralité sur un appui favorise le relâchement de la hanche. Le plancher intégral devient alors un repère proprioceptif : la hanche est détendue quand le pied reste au contact tranquillement.
Le schéma du squelette fonctionnel nous montre une «hiérarchie» dans l utilisation des différentes parties de notre corps. Les coordinations s organisent à partir de l axe central. Squelette fonctionnel L indépendance des aides s organise à partir de l axe central 2. Ceintures Epaules et bassin, transmission du mouvement entre l axe et les membres 1. Axe central Soutien central de la posture et du mouvement 3. Membres Relation au cheval Les ceintures (scapulaire, pelvienne : épaules, bassin) sont des zones de transmission du mouvement entre l axe et les membres. Les tensions musculaires dans ces zones peuvent empêcher le mouvement de passer de l axe aux membres, et inversement. Ces tensions sont souvent celles qui sont les plus lisibles : épaules relevées, bassin qui accompagne avec difficulté Les membres sont la partie effectrice et en équitation, elles sont en relation avec le cheval. Nous retrouvons les conséquences des défauts d équilibre de l axe et les tensions des ceintures à ce niveau, et de ce fait dans la relation au cheval. La technique équestre qui nécessite la maîtrise de l indépendance des aides, n est possible qu à partir d un axe central qui soutient le mouvement et donc d une posture équilibrée et stabilisée, favorisée par un appui plantaire intégral.
Construire une stabilité de l apprentissage à la performance D une manière générale, le plancher intégral permet donc l utilisation de l ensemble de son pied pour s équilibrer et le triangle de suspension verticalise la jambe, stabilise le corps entier et favorise la concordance des centres de gravité du cavalier et du cheval. Les changements de position dont le trot enlevé sont facilités ainsi que toutes les positions intermédiaires. La position en équilibre sur un plancher intégral et stabilisé permet de «soulager» la colonne vertébrale, ce qui est particulièrement appréciable dans tous les efforts de longue durée et apporte un confort au cheval grâce à un amorti plus élastique de la part du cavalier. Dans l apprentissage, différents gestes sont facilités. La stabilité donne un sentiment de sécurité et favorise la prise d initiatives. L acceptation de la vitesse facilite l abord des courbes et des obstacles, les transitions et les premières découvertes de la pratique équestre. Le contact avec la bouche du cheval est amélioré. Et l intégration d un schéma corporel de stabilité et de détente fait de l étrier K vall, un outil pédagogique intéressant. Faciliter le geste sportif, c est améliorer la performance Pour la performance, la capacité du cavalier à être plus réactif dans son équilibration favorise précision et rapidité qui, associé au confort, permettent d aller plus loin, de prendre plus de risque, tout en respectant la locomotion de son cheval.