Eléments d évaluation du dispositif de Micro-Crédit Social Universel Régional



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Transcription:

Gilles Caire Eléments d évaluation du dispositif de Micro-Crédit Social Universel Régional Rapport pour la Région Poitou-Charentes Version définitive - Mars 2008

1 Sommaire Lettre de mission 3 Méthodologie de l évaluation 5 I - Contexte et conditions de mise en oeuvre 6 A. Quelques éléments clés concernant l exclusion du crédit 6 1. Exclusion sociale et exclusion bancaire 6 2. Les «Interdits» bancaires ou du crédit 6 3. Les surendettés 7 4. «Les recalés du crédit» 8 5. De la loi Neiertz à la création du Fonds de cohésion sociale 9 6. Quelques données sur le crédit à la consommation et la clientèle des banques 11 B. Genèse et finalités du Micro-crédit social régional universel 13 1. Prémisses 13 2. Calendrier 13 3. Finalités organisationnelles et sociales 14 1) Une solution bancaire pour les exclus du crédit 15 2) Une vie économique et sociale «digne, autonome et sensée» 15 3) «L universalité régionale» 16 4) Le partenariat 17 5) La pédagogie 18 6) L évaluation en continu 18 Critères d appréciation du dispositif 19 II- Etat des prêts sur un an d expérimentation 20 A- Statistiques financière 20 B- Temporalité 21 III - Caractéristiques des bénéficiaires et des projets financés au 29/2/2008 22 A- Profil des emprunteurs 22 1. Répartition territoriale 22 2. Genre et situation matrimoniale 23 3. Catégories d âge 25 4. Catégories sociales et d emploi 26 5. Surendettement et FICP 27 6. Contrat de travail et revenu 27 B- Caractéristiques des prêts 29 1. Objet du Prêt 29 2. Montant, durée, mensualités 30

2 IV- Description des diversités d approche des organismes 32 A- Entretiens avec les associations 32 1. Expérience du micro-crédit et conventionnement avec la Région 32 2. Conventions associations- Banques 32 3. Organisation interne et communication 33 4. Parcours du demandeur 34 a) Connaissance du dispositif et provenance 36 b) Contact 37 c) Clarification 37 d) Réactions des usagers 37 e) Instruction 38 f) Intérêts pédagogiques 39 g) «Taux de chute» et temps consacré à l accompagnement 39 h) Délai moyen entre le premier contact et l octroi du micro-crédit 41 i) Accompagnement aval 42 5. Secours catholique 17 42 6. Exemples marquants 43 a) Exemples positifs : 43 b) Exemples négatifs 44 7. Deux difficultés spécifiques 44 B- Entretiens avec les banques 45 V- Pertinence du dispositif au regard des objectifs initiaux et pistes de propositions 50 Question 1 : Le micro-crédit social universel est-il utile? 50 Pistes de travail 51 Question 2 : L organisation est-elle adéquate? 52 Pistes de travail 53 Question 3 : Faut-il être déçu de la lenteur du démarrage? 54 Pistes de travail 55 Bibliographie 57 Annexes 58 1. Entretiens réalisés 58 2. Dossier de demande de micro crédit 59 3. Trame du questionnaire association 65 4. Trame du questionnaire banque 68

3 Lettre de mission

4

5 Méthodologie de l évaluation Nous avons procédé à partir de sept sources : - deux entretiens préalables avec les deux responsables du dispositif à la Région afin de délimiter le champ de l évaluation et les questions que se pose le Conseil régional. - les documents administratifs de la Région : décisions et délibérations, appels à projet, conventions, compte-rendus des réunions du Comité de pilotage, cahier des charges. - des documents disponibles au plan national sur l exclusion bancaire et le micro-crédit social 1 (bibliographie en annexe). - le traitement et la mise en perspective des statistiques remontées via les banques au 28/2/2008 au Conseil régional, soit au bout d un an d expérimentation. - des entretiens avec des responsables du micro-crédit à la CDC (régionale et nationale) et les chargés de mission de l ANSA (Agence nationale des solidarités actives) effectuant une évaluation nationale du micro-crédit. - la participation à la réunion des Comités de pilotage du 25 janvier et du 29 février 2008. - des entretiens (en face en face ou téléphoniques, d une durée de 30 minutes à 2h30) avec 7 associations et 6 banques (liste en annexe 1). Les personnes interviewées avaient reçu au préalable par mail la trame de l entretien (en annexe 3). Étant donné les délais très courts impartis, il n était pas possible d être exhaustif et d interroger l ensemble des associations et des banques impliquées. Nous avons donc cherché à recueillir plutôt une «diversité de paroles» en termes de types de publics accompagnés (femmes, familles, jeunes, personnes en insertion, personnes s adressant à des organisations caritatives), de statut (banques coopératives, publique, commerciale) et d acteurs (dirigeants d associations, instructeurs de dossiers salariés dédiés ou bénévoles). Deux banques n ont pas répondu à notre mail et deux associations surchargées n ont pu dégager du temps pour un entretien sur ce calendrier serré. Sur ce temps, il était également impossible de déterminer et d interroger des bénéficiaires représentatifs. Ce rapport n est ni un audit du dispositif, ni une évaluation individuelle de chaque structure, mais propose après dix mois de fonctionnement une première évaluation globale du dispositif dans un esprit d amélioration. Ce rapport suit l ordre des éléments listés par la lettre de mission : I - Contexte (national et régional) et conditions de mise en œuvre du dispositif II - Etat des prêts accordés au 31/12/07, globalement et par structure III - Caractéristiques des bénéficiaires et des projets financés (statistiques sur 234 prêts accordés au 31/12/07) IV - Description des diversités d approche des organismes telles qu elles nous ont été exposées par les associations et les banques lors de nos entretiens V - Pertinence du dispositif au regard des objectifs initiaux et pistes de propositions. 1 Sur les trois évaluations impulsées par la CDC au plan national aucune n était achevée au 1/02/08 : 1) étude des impacts du dispositif des Crédits Projet personnel du Secours catholique (Gloukoviezoff G., Lazarus J.) NB : un rapport intermédiaire était accessible ; 2) bilan des 130 expérimentations de micro-crédit social sur le territoire national (ANSA) ; 3) benchmark sur les expérimentations dans les autres pays européens (MPA, Science Po). Ces rapports devraient être présentés lors du «temps» micro-crédit prévu au printemps 2008 dans le cadre du «grenelle de l insertion»

6 I - Contexte et conditions de mise en oeuvre A. Quelques éléments clés concernant l exclusion du crédit 1. Exclusion sociale et exclusion bancaire «L exclusion bancaire est le processus par lequel une personne rencontre de telles difficultés d accès et/ou d usage dans ses pratiques bancaires, qu elle ne peut pas ou plus mener une vie sociale normale dans la société qui est la sienne» (Centre Walras). L exclusion bancaire est bien évidemment souvent la conséquence de l exclusion économique et sociale, par insuffisance de ressources monétaires et/ou culturelles (qui engendrent des difficultés d usage 2 ). Mais elle contribue aussi à renforcer la désaffiliation sociale en affectant (Gloukoviezoff, 2005) : - l estime de soi, engendrant sentiment de honte et réticence à exposer sa vie privée ; - la situation économique. La personne concernée est contrainte d utiliser des moyens de paiement plus coûteux (mandat, chèque de banque), subit des facturations de frais d impayés, et doit adopter une gestion de survie (payer d abord les traites urgentes, restrictions alimentaires ) ; - le lien communautaire ou relationnel (famille et amis). Il y a mise à l épreuve du réseau provoquant un épuisement de la solidarité ou une honte de la sollicitation induisant une mise à l écart du groupe. L exclusion bancaire concernerait au niveau national 5 millions de personnes 3, mais à des degrés très divers. On distingue traditionnellement : - les non monétarisés, qui n utilisent ni liquide, ni monnaie scripturale. Cette vie en totale autarcie (contrainte ou volontaire) ne concerne sans doute que très peu de personnes en France. - les non bancarisés, qui ne disposent ni de compte, ni de livret, et n utilise donc que du liquide. Cette catégorie représente moins de 1% des Français 4. - les sous-bancarisés permanents, répétés ou occasionnels, qui n ont pas un accès plein et entier aux moyens de paiement scripturaux ou au crédit 5. Cette situation peut être due à des incidents de paiement ou de remboursement entraînant une inscription au FCC ou au FICP, ou à des refus des banques. 2. Les «Interdits» bancaires ou du crédit Le Fichier Central des Chèques impayés (FCC) recense les personnes interdites d émission de chèques ou d utilisation de cartes bancaire. Chaque établissement bancaire ou financier est tenu d interroger systématiquement ce fichier lors de l ouverture d un compte. La période 2 illettrisme ; compréhension du langage bancaire (termes «débit et «crédit», TEG,...) 3 Au niveau du Poitou-Charentes, un calcul très sommaire conduit à penser que l exclusion bancaire pourrait concerner environ 135 000 personnes (exclus bancaires sur population nationale 5 000 000/62 999 112 * population régionale 1 712 652). La structure sociodémographique de la population régionale n étant pas la même que celle de la population nationale, ce chiffre est à prendre avec beaucoup de précaution. Et si l on estime (Thierry, 2007) que 10% de ce public pourrait être intéressé par le micro-crédit cela représente un public potentiel total de 13 000 personnes pour le MCSUR. 4 En 1966, seulement 18% de la population française disposait d un livret d épargne ou d un compte de dépôt, 92% en 1984, 99% en 2001. 5 L exclusion de tout produit d épargne est évitée par l existence du Livret A qui peut être ouvert avec 15 et accepte des versements et des retraits de 1,5.

7 maximale d inscription est de 5 ans, en cas de régularisation de la situation, la radiation du fichier est immédiate. Le Fichier des incidents de remboursements des crédits aux particuliers (FICP) recense les personnes en situation de retard caractérisé de remboursement de crédit ou ayant déposé un dossier de surendettement. Réglementairement, une banque peut accorder un crédit à une personne inscrite au FICP, mais dans la pratique cela est extrêmement rare. L inscription au FICP est de 5 ans s il n y a pas eu régularisation des incidents de paiement, de 8 ans pour les ménages en rétablissement personnel et de 10 ans pour les surendettés s il n y a pas règlement de l intégralité des dettes. Personnes inscrites au FCC et FICP (au 31/12/2006) FCC 2 311 360 Personnes frappées d interdiction d émettre des chèques 1 646 169 Personnes ayant fait l objet d un retrait de carte bancaire pour usage abusif 474 245 Personnes interdites de chéquier et de carte bancaire 190 946 FICP (personnes) 2 301 133 dont situation de surendettement (ménages) 695 391 dont procédure de rétablissement personnel 59 846 NB : une personne peut être inscrite au FICP ou au FCC ou aux deux. Source : Banque de France 3. Les surendettés Au sein des personnes inscrites au FICP, près de 700 000 le sont suite au dépôt d un dossier de surendettement 6. L endettement moyen par dossier est de 32 000, et en 2007, le tiers des nouveaux dépôts concerne des débiteurs qui avaient déjà antérieurement fait l objet d une mesure de traitement du surendettement. Selon la Banque de France, près des trois quarts des dossiers concernent des situations de «surendettement passif», faisant suite à des «accidents de la vie» : «C est la modestie des ressources ou la diminution voire la perte de certaines d entre elles, plutôt que l importance quantitative de l endettement qui apparaît à l origine des difficultés de remboursement». Ce surendettement passif a augmenté de 9 points entre 2001 et 2004. Origine du surendettement en 2004 (base déclarative vérifiée par les commissions sur le fondement de documents justificatifs) surendettement passif dont 72,9% licenciement, chômage 30,8% séparation, divorce 14,7% maladie, accident 10,8% baisse des ressources 6,2% décès 2,4% autres 8,0% surendettement actif dont 27,1% trop de crédit 14,6% mauvaise gestion 6,4% logement trop onéreux 1,2% excès de charges 1,4% autres 3,5% 6 Environ 4000 dossiers de surendettement sont traités en Poitou-Charentes par an.

8 Dans un tiers des cas, le ménage ne dispose d aucune capacité de remboursement et pour 40% des cas la capacité de remboursement est inférieure au RMI : Traitement du surendettement Capacité de remboursement = Revenu reste à vivre (déterminé par les textes légaux) négative 0 à RMI RMI à 800 800 à 1500 >1500 Total 31,8% 41,8% 14,9% 9,1% 2,4% 100% Source : Banque de France, Enquête typologique 2004 sur le surendettement 4. «Les recalés du crédit» En dehors des 2,3 millions de personnes inscrites au FICP, d autres personnes disposant d une capacité de remboursement, faible certes mais existante, se sont vues refuser un crédit ou ont renoncé à solliciter un crédit en pensant que cette demande serait de toutes façons écartée. Cette population peut être estimée au niveau national entre 600 000 et 1,2 millions de personnes (Babeau, 2006). Plusieurs cas 7 peuvent expliquer cette situation : - le client est considéré à tort comme non solvable ou indigne de confiance : par scoring inadapté, du fait d une ouverture de compte trop récente, du fait de revenus trop irréguliers ou non déclarés... - ses ressources ne dépassent pas le montant des minima sociaux, montant insaisissable en cas de non-remboursement ; - les capacités de remboursement sont calculées par rapport aux ressources au moment de la demande (prise en compte du type de contrat de travail, des fiches de paye sur plusieurs mois, période d essai achevée ) sans intégrer la possibilité que le crédit puisse avoir des effets positifs sur les ressources futures ; - il n est en mesure d apporter aucune caution ou garantie personnelle ou familiale ; - la demande est jugée non rentable pour la banque, même au taux d usure de 20% (cf. encadré ci-dessous) : montant de prêt trop faible, temps d étude du dossier trop élevé, nécessité de passer par un produit non standardisé... - le client ne dispose pas des éléments nécessaires pour mener cette négociation commerciale ; - la personne s auto-exclut : appréhension de la complexité d utilisation des services bancaires, expériences passées négatives, intériorisation des critères de sélection des banques... «Macro-logique» bancaire Les taux de refus sont probablement plus élevés dans les établissements spécialisés que dans les réseaux des banques universelles qui, a priori, connaissent bien leurs clients. Mais, même au sein des établissements spécialisés, l éventail des taux de refus s ouvre largement : ce taux est, par exemple, beaucoup plus élevé pour l ouverture de crédits renouvelables proposés par l intermédiaire de platesformes téléphoniques ou par Internet (des taux de refus supérieurs aux deux tiers ne semblent pas rares) que pour des crédits affectés proposés sur le lieu de vente à l occasion d un achat d automobile ou d un autre bien durable (taux de refus probablement compris entre 15 et 25%).( ) Chez les établissements prêteurs, la «fonction de production» des crédits à la consommation est très différente de celle qui caractérise les crédits au logement. La place des coûts de gestion (frais de 7 Du point de vue de la théorie économique, la personne est victime d une «contrainte de liquidité» : elle dispose de capacités de remboursement mais elle n a pas accès à l emprunt.

9 personnel, coûts informatiques, impôts et taxes) y est beaucoup plus importante et, symétriquement, le poids du coût de la «ressource» (refinancement du crédit accordé) y est beaucoup plus restreint. Cela tient évidemment aux deux dimensions principales du crédit que sont le montant emprunté et la durée de l emprunt. Plus le montant emprunté est faible, plus la durée de l emprunt est courte et plus les coûts de gestion prennent de l importance par rapport au coût de la «ressource». Pour un crédit renouvelable mis à disposition pour une durée moyenne de sept années par exemple, on estime que le coût annuel de gestion ressort à quelque 80 euros. Cette somme correspond à seulement 0,8% d un crédit s élevant à 10 000 euros, mais à 10% d un crédit de 800 euros. La rentabilité actuelle des différents types de crédit à la consommation (ROE de 20%) est, en France, largement supérieure à celle des crédits au logement. C est que le crédit à l habitat aux particuliers est considéré comme un produit d appel permettant de «fidéliser» le client sur une longue période. Extrait de Babeau, 2006, p.25 et p.35 Selon les données obtenues par A. Babeau, le taux de refus de crédit 8 est particulièrement élevé pour : - les 18-22 ans 9 ; - les Intérim-CDD et les sans-emploi ; - les ouvriers du privé ; - les deux premiers déciles de revenus ; - les célibataires. Il faut aussi noter qu au sein du couple, c est souvent la femme qui gère les relations avec le banquier et qui est donc en première ligne lors des négociations et des refus. Enfin, parmi les exclus du crédit bancaire, certains vont s adresser, à des conditions très défavorables, à des prêteurs non agréés, expression pudique pour désigner les usuriers : une enquête de Policis chiffre cette clientèle en France à 1,4% des ménages, soit tout de même un chiffre compris entre 300 et 400 000 ménages. 5. De la loi Neiertz à la création du Fonds de cohésion sociale Depuis la loi Neiertz 10 de 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers (délai de réflexion, conditions de proposition de crédit, cautions, coût du crédit, TEG, taux d'usure, FICP, Commissions départementales d examens des dossiers de surendettement ), trois textes principaux se sont préoccupés du sort des exclus bancaires : - la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 comporte des dispositions (article 137) visant à limiter l exclusion bancaire et instaure notamment un droit au compte. A sa suite le décret du 17 janvier 2001 précise les conditions pour bénéficier de la procédure du droit au compte ainsi que le contenu du Service bancaire de base (ouverture, clôture, envoi mensuel d'un relevé, délivrance à la demande de RIB, prélèvements, carte de retrait, deux chèques de banque par mois, dépôts et retraits d'espèces au guichet ) 8 Il s agit de relations «brutes» : derrière chaque variable citée, s expriment aussi des différences de niveau et de régularité du revenu. 9 De plus pour l acquisition de véhicule, le taux de refus pour les 18-22 ans apparaît encore plus élevé que toutes activités réunies. Il faut sans doute y voir l effet d une accidentologie plus élevée. 10 Prenant la suite de la Loi Scrivener de 1979.

10 - la loi de réforme du 25 juin 1999 qui modifie le statut des Caisses d épargne 11, précise (article 1) que dans le cadre de leurs missions d intérêt général elles doivent contribuer «à la lutte contre l exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale» et qu elles «utilisent une partie de leurs excédents d'exploitation pour le financement de projets d'économie locale et sociale.» - la loi du 1 er août 2003 crée une procédure de rétablissement personnel (PRP) qui permet sous certaines conditions l effacement des dettes du ménage surendetté. Concernant le micro-crédit, la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 instaure un Fonds de cohésion sociale dont l animation et la gestion sont confiées à la Caisse des dépôts. Il a pour objet de «garantir à des fins sociales des prêts à des personnes physiques ou morales et des prêts à des chômeurs ou titulaires de minima sociaux créant leur entreprise» (article 80-III). Il est destiné à garantir des prêts accordés par les établissements (agréés 12 ) bancaires ou de crédit à la consommation dans le domaine du micro-crédit professionnel et du micro-crédit social. Dans le cadre du FSC, le micro-crédit social vise à couvrir des dépenses : - de recherche d emploi ou de maintien dans l'emploi, de mobilité géographique ou professionnelle (permis de conduire, véhicule, deux roues), de formation qualifiante, d équipements professionnels (tenue de travail, outillage, ordinateur) ; - d'accès à l'autonomie et au logement (installation des jeunes : premier mobilier, garantie de loyer, frais d agence, caution) ; - de projet de cohésion familiale (déménagement, petits travaux d aménagement, électroménager) ; - de soins (optique, dentaire). Le montant va de 300 à 4000 sur une durée de 24 à 48 mois (12 000 pour les prêts accidents de la vie 13 avec une durée de remboursement jusqu à 60 mois). Les publics visés sont les bénéficiaires de minima sociaux, les demandeurs d emploi, les travailleurs pauvres, les personnes ne pouvant obtenir un prêt bancaire au taux du marché, les étudiants, apprentis et jeunes travailleurs. Par contre les publics en très grande détresse qui ne disposent d aucune capacité de remboursement ne sont pas concernés. Chaque Banque détermine son offre. Une charte d accompagnement entre la Banque et l association (fonction de prescription et d accompagnement) est signée. Le FCS prend en charge une partie du financement des réseaux d accompagnement et 50% des éventuelles pertes en capital dues aux défaillances des emprunteurs. 11 En 1957 les CE avaient déjà créé l association Finances et pédagogie. 12 Fin 2006, CNCE, Crédit coopératif/banques populaires, Crédit mutuel, COFINOGA, Crédit agricole, CETELEM, COFIDIS, Crédits municipaux de Roubaix, Nantes et Bordeaux. (Source : Caisse des Dépôts, Rapport d activité 2006 Fonds de cohésion sociale, Rapport au COSEF, 2007). 13 Divorce, licenciement, maladie

11 6. Quelques données sur le crédit à la consommation et la clientèle des banques En France métropolitaine, 43% des ménages utilisent une forme de crédit à la consommation et/ou le découvert en compte courant. La composition du passif des crédits à la consommation (2005) est la suivante : Prêts personnels 47,4% Prêts affectés 18,9% Prêts renouvelables 23,1% LOA (location avec option d achat) 2,3% Avances en comptes débiteurs 5,0% Autres crédits de trésorerie 3,3% Total 100,0% Les crédits à la consommation sont accordés à : - 59% par des organismes spécialisés (plutôt crédits renouvelables et prêts affectés) tels Cetelem, Cofidis, Renault financement, Carte Pass Carrefour ; - 41% par des banques universelles (plutôt prêts personnels). Les taux pratiqués et seuils de l usure sont : Au 4 e trimestre 2007 Taux effectif moyen Taux de l usure Prêts inférieurs ou égaux à 1 524 15,66% 20,88% Découverts, prêts permanents et ventes à 15,12% 20,16% tempérament supérieurs à 1 524 Prêts personnels et autres prêts supérieurs à 1 524 7,04% 9,39% Source : Banque de France Selon l observatoire de l endettement (mars 2005), la durée moyenne d un crédit à la consommation se situe autour de 18 mois et la destination du crédit est : Automobile 14 ou moto 57,0% Bien d équipement de la maison 30,0% Équipement de loisir ou dépense de loisir 5,6% Achat de produits financiers ou paiement de primes d assurance 1,1% Consommation courante ou facture exceptionnelle 25,3% Autres utilisations 20,7% NB : La somme des pourcentages dépasse 100% car plusieurs destinations peuvent être déclarées. Les taux d impayés varient selon le type de crédit : environ 1,5% en moyenne en France actuellement, mais seulement 1,2% sur le prêt personnel classique et 1,8 à 2% sur le crédit renouvelable. 14 Environ 30% du montant des achats d automobiles neuves seraient financés en faisant appel au crédit.

12 Lorsqu on les interroge, 78% des ménages considère le crédit comme indispensable pour l automobile, 73% pour les travaux dans la maison, 57% pour le financement des études et 48% pour l achat de meubles et d électroménager. Les données de parts de marché sur les crédits aux particuliers sur la Région n étant pas disponibles, il est néanmoins possible de les approcher à travers le nombre d agences de chaque réseau : Part de guichets permanents des trois banques partenaires au 31/12/2007 Crédit Agricole Crédit mutuel Caisse d'épargne Total 16 29,0% 14,2% 19,4% 62,6% 17 25,6% 15,4% 16,4% 57,3% 79 32,3% 19,2% 19,8% 71,3% 86 36,3% 8,4% 20,1% 64,8% Poitou-Charentes 30,1% 14,4% 18,5% 63,0% Métropole 21,6% 10,5% 15,9% 48,0% Source : Banque de France ; hors agences postales Enfin il faut souligner qu au niveau national pour trois réseaux, près du tiers de la clientèle est constituée de foyers dont le revenu est inférieur au SMIC : Banque postale Caisse d épargne Crédit agricole Crédit Mutuel BNP Société générale Crédit Lyonnais 33% 29% 31% 12% 6% 7% 6% La faiblesse de ce type de clientèle dans les autres réseaux provient de la quasi-absence d agences en zones défavorisées, d une politique marketing de segmentation et de pratiques dissuasives. De plus 21% des ménages bénéficiaires de minima sociaux disposent d un compte à la Poste contre 4% pour l ensemble de la population.

13 B. Genèse et finalités du Micro-crédit social régional universel Nous allons ici nous appuyer sur les grandes étapes de la construction du dispositif au sein de la Région, ce qui permet : - d en dégager les lignes forces et les finalités ; - de pointer les principales bases juridiques 15 ; - et de souligner que la mise en place s est faite très rapidement. 1. Prémisses Le dispositif est né des demandes écrites quotidiennes «d appel au secours» adressées à la Région, de la part de personnes qui ne trouvaient aucune réponse à leurs difficultés du côté bancaire ou de l aide sociale. Une analyse de ce «panel» relevait que ces difficultés concernaient : - des accidents de la vie (santé, divorce, obsèques, licenciement, changement de situation professionnelle) dans 33% des cas ; - des besoins liés au logement (déménagement, caution, frais d agence) pour 23% ; - des remboursements de dettes, pour 16% ; - une préservation d emploi ou un accès à un emploi (besoin d un véhicule ou d une formation), pour 12%. Près de la moitié de ces personnes exerçaient une activité professionnelle. 2. Calendrier 23 octobre 2006 : Délibération de principe de l Assemblée régionale (06CR045) Suite à un avis de la Commission des finances du 20 octobre, il est décidé une mise à l étude d un micro-crédit social régional : - à destination «des personnes en grande difficulté (bénéficiaires des minima sociaux, accidentés de la vie, exclus du système bancaire )» ; - qui sont «en mesure de rembourser des prêts» ; - afin de «faire face à des dépenses d urgence et de dépannage». 30 octobre 2006 : Réunion de travail avec des banques et des associations ayant déjà une expérience dans le domaine du Micro-crédit Il est fait état des expériences déjà existantes fin 2006. La Caisse d épargne a conventionné avec le Secours catholique et l URFJT dans le cadre de son Parcours confiance et a opéré en 2006 40 micro-crédits sociaux sur 2 sites pilotes, Poitiers et Angoulême. Concernant le microcrédit professionnel, la Caisse d épargne opère des prêts en partenariat avec IPCA et l ADIE, et le Crédit agricole avec l ADIE. Sont soulignés notamment l importance du couple banque et association ; le besoin de sensibiliser les prescripteurs potentiels, au premier rang les travailleurs sociaux ; la conception du micro-crédit comme un outil de facilitation d un projet de vie et de pédagogie 15 N étant pas juriste, l auteur de ce rapport ne peut évaluer ce point au regard du Droit bancaire et du Droit des collectivités locales.

14 bancaire ; la volonté de rester autant que possible dans le champ bancaire de droit commun et de ne pas cibler des publics ou des besoins afin d éviter les exclusions à priori ; le besoin de veiller à ne pas accentuer le surendettement. Les grandes lignes du dispositif sont dès lors déterminées. 13 novembre 2006 : Décision de la Commission permanente (06CP0646) Cette décision fixe les grandes lignes de l appel à projets et apporte les précisions suivantes : - apparition des termes «accidents de la vie» (complété ainsi : «de santé, de logement, de réparation ou de remplacement de véhicule permettant de trouver un emploi») et «projet de vie» ; - appui juridique sur le Code général des Collectivités territoriales (article L 4221-1 donnant compétence à la Région «pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire culturel et scientifique de la région» 16 et la possibilité «d engager des actions complémentaires de celles de l Etat ( )» et sur la loi de 2005 créant le Fonds de cohésion sociale (article 80-3 précité). 6 décembre 2006 : Seconde réunion de travail avec les Banques et les associations C est une réunion de relecture collective et de propositions d amendements du cahier des charges. A remarquer : - l aide aux associations partenaires se fera par des subventions et non pas sous la forme de paiements de prestations ; - les banques ne désirent pas participer au financement de l accompagnement associatif ; - la proposition d adoption de la Charte de l accompagnement social de la CDC. 20 décembre 2006 : Lancement du 1 er appel à projets Un objectif de 1000 micro-crédits sur 2007 est déterminé. 29 janvier 2007 : Première liste de partenaires bancaires et associatifs (07CP0043) Suite à une réunion du comité de sélection le 24 janvier 2007, 7 associations et 3 banques sont retenues 17. 26 février 2007 : Lancement du MCSU par la Présidente du Conseil régional à Niort Le premier crédit avec un jeune en FJT (aide à l installation dans un logement avec son enfant) est officiellement signé. 3. Finalités organisationnelles et sociales A partir de l analyse de ces documents et des comptes-rendus des réunions de travail puis des Comités de pilotage 18 et d un Comité technique 19, il nous semble que les objectifs du dispositif sont de six ordres : 16 Ce point est important car dans d autres régions françaises ce sont les Conseils généraux (Allier, Puy-de- Dôme, Savoie ) ou les CCAS qui se sont lancés dans le micro-crédit dans le cadre de leurs compétences en matière d aide sociale. Il faut toutefois souligner que deux autres Conseils régionaux font du micro-crédit social (Aquitaine, PACA) mais uniquement pour les étudiants. 17 Auxquelles viendront s ajouter le 12 mars 2007, 3 nouvelles associations et 4 nouvelles banques (07CP0124), le 24 septembre 2007, 3 autres associations et 1 banque (07CP0414) et en janvier 2008, 3 nouvelles associations.

15 1) Une solution bancaire pour les exclus du crédit La Région a la volonté que l accès au crédit se fasse sans stigmatiser les publics concernés et choisit d exclure la création d un régime bancaire spécifique ou d une banque réservée aux pauvres. Cette banalisation doit cependant éviter les dérives opportunistes de la part de clients ou de chargés de clientèle qui l utiliseraient comme un crédit «low cost». Parallèlement il est décidé de ne pas exiger systématiquement un justificatif de refus de prêt afin de prendre en compte les personnes en situation d auto-exclusion bancaire. C est donc au référent associatif, par ses questions, et surtout au référent bancaire, par examen du dossier, de vérifier l impossibilité réelle d un crédit classique. Suite à une sollicitation d un avis de la Banque de France, il est aussi décidé en juillet 2007 que les personnes inscrites au FICP ou en situation de surendettement sont éligibles 20. C est l examen à la fois de la recherche des causes de la situation, de la nature du projet à financer et des capacités de remboursement (et pour les surendettés l accord exprès de la Commission de surendettement de la Banque de France) qui importent pour l acceptation ou le refus du prêt. Il faut également noter que par nature le microcrédit ne peut concerner que les «moins pauvres des pauvres», c est-à-dire des personnes pouvant dégager une capacité de remboursement effective et régulière compte tenu d un reste à vivre minimal. 2) Une vie économique et sociale «digne, autonome et sensée» 21 La véritable finalité du micro-crédit social est que son bénéficiaire conserve ou (re)trouve une place dans la société, avec la conviction que chacun a la capacité de devenir l acteur de sa vie. Du point de vue de l analyse économique, le principe même du crédit est utile dans deux perspectives 22 : - la «Protection 23 / prévention» : face à une dépense ponctuelle exceptionnelle, il existe un besoin d étalement de la charge sur plusieurs périodes à revenus constants. Il s agit d éviter un renoncement à l action (ex : réparation du véhicule pour pouvoir continuer à aller travailler, mais aussi pour continuer à voir sa famille, pour avoir la liberté de faire ses courses où l on désire ou pour partir en vacances) ou une éventuelle plongée dans un endettement coûteux (crédit revolving) ou trop lourd pouvant conduire à une situation de surendettement. passif. Le microcrédit s inscrit dans une logique de sécurisation d une position économique, familiale et sociale. - la «Promotion / inclusion» : le problème est ici du coté des ressources. Le crédit répond à un besoin de «coup de pouce» qui peut favoriser une hausse des revenus futurs et donc des 18 8 février 2007, 6 avril 2007, 12 juillet 2007 19 5 juillet 2007 20 Contrairement à la pratique initiale du Fonds de cohésion sociale. La position du FCS a évolué sur ce point. 21 «Ce qui est important c'est que les individus puissent véritablement jouir de la liberté de choisir le mode de vie qu'ils ont de bonnes raisons d'apprécier. Ce qu'il s'agit de distribuer de façon équitable, ce ne sont pas seulement des libertés formelles, des revenus et des ressources, mais des capabilités (capabilities) de développer des modes de fonctionnement humains fondamentaux permettant de vivre une vie digne et sensée plutôt que de seulement accumuler des biens.» Amartya Sen (prix Nobel d économie en 1998), L économie est une science morale, La Découverte, 2004 22 Cette dichotomie ne coïncide pas totalement avec la distinction «Projet de vie» / «accident de vie». Nous y reviendrons dans la partie Entretiens. Toutefois du point de vue de la communication notre dichotomie est totalement inopérante, il vaut mieux garder les termes projet et accident de vie plus parlants pour le grand public. 23 La distinction protection/promotion est effectuée par Drèze et Sen dans Hunger and Public Action, Clarendon Press, 1989

16 capacités de remboursement (ex : achat d un véhicule pour faciliter une recherche d emploi ou pour faire face à la contrainte de cumuler plusieurs contrats à temps partiel pour obtenir un niveau de vie décent). Le micro-crédit s inscrit dans une logique de dynamique de trajectoire ascendante, économique, bancaire, familiale et sociale. Dans les deux cas, le micro-crédit social est un «outil supplémentaire» pour l assurance sociale et l aide sociale (et caritative) qui comportent aussi des secours et des prêts. Il doit éviter le télescopage ou la redondance par rapport à des dispositifs nationaux, régionaux, locaux ou professionnels, tout en ne rejetant pas une éventuelle complémentarité de financements. La sensibilisation, l information et la diffusion des bonnes pratiques chez les prescripteurs potentiels, au premier rang chez les travailleurs sociaux, répondent à cette problématique. L urgence sociale de la plupart des cas 24 oriente aussi vers une procédure la plus rapide possible (tout en respectant la réglementation en matière de délai de rétractation). Le caractère social s affirme également par l interdiction de toute demande de caution personnelle ou familiale ou de proches et par l obligation d absence de frais de dossier et un taux d intérêt plafonné à 3,75%. La recherche d une vie «normale» et «digne» implique aussi que le micro-crédit facilite l accès ou le retour aux pratiques bancaires de droit commun en termes d accès aux moyens de paiement et au crédit classique. D où dans certains cas l intérêt de la présence d un accompagnement en termes de pédagogie bancaire (comme l adossement au Parcours confiance de la Caisse d épargne). Mais le crédit par nature est une question de confiance et un pari sur l avenir, et repose sur la prise de risque de l emprunteur et du banquier. C est même dans le cas du micro-crédit social un double pari : un pari classique sur les capacités futures de remboursement, mais aussi un pari sur la réussite du «projet de vie» dont les facteurs sont forcément multi-dimensionnels. La réussite du pari implique un accompagnement du bénéficiaire à la fois social et financier, en amont dans la construction du projet et en aval sur la durée du remboursement. Ceci justifie le partenariat durable banque/association accompagnatrice mis en place. 3) «L universalité régionale» La volonté d universalité s exprime aux plans du public, du projet et du territoire : - il y a un refus de ciblage des publics, que ce soit en termes d âge, de santé, de situation familiale, de milieu de vie, d emploi ou de demande d emploi S il existe un plafond de ressources pour être éligible, afin que l intervention reste dans le cadre de l intérêt général et d une bonne gestion des fonds publics, le plafond est placé volontairement assez haut 25 (environ un smic et demi pour une personne, alors que dans le cadre du FCS le plafond est le SMIC). Il s agit à la fois d éviter les effets de seuil de l aide sociale traditionnelle et de pouvoir toucher les personnes des classes moyennes en difficulté. Potentiellement, c est plus de la moitié de la population régionale qui est éligible. La diversité des publics habituels et donc de l expérience et des pratiques de chacune des associations permet de conforter l universalité du dispositif. 24 Hors peut-être du financement d une formation qui relève d une perspective de plus long terme. 25 C est en fait une transposition du plafond du PTZ immobilier (Prêt à taux zéro) pour la province : les revenus fiscaux de référence maximum sont : pour 1 personne 23 688 ; 2 personnes 31 588 ; 3 personnes 36 538 ; 4 personnes 40 488 ; 5 personnes et + 44 425.

17 - s il existe un critère de résidence sur le territoire régional 26, aucun critère de nationalité n est requis ; - il y a également refus de délimiter les usages possibles, afin de ne pas exclure les cas imprévus. Si l accent est mis sur les projets de logement, d insertion professionnelle et la compensation des accidents de vie, aucune disposition n interdit le financement d un projet d autonomie sociale en matière de loisirs culturels ou sportifs ou de confort 27. Seuls le rachat de dettes, les placements immobiliers ou financiers ne sont pas éligibles. - les associations et les banques partenaires sont sélectionnées afin d assurer un maillage territorial le plus complet possible sur les 4 départements de la région. 4) Le partenariat De la concertation de la fin 2006 à la mise en œuvre effective en 2007, le dispositif régional s appuie sur un partenariat quadri-partite : - le rôle de la Région est d impulser, de coordonner, de développer le micro-crédit et non pas d instruire les demandes ou d opérer les prêts. Il y a réservation d une enveloppe de 150 000 en faveur des associations d accompagnement, à laquelle s ajoutent le coût des actions de communication et le coût à terme du remboursement des taux d intérêt (85 000 sur 1000 crédits à 1500 sur 36 mois). Le MCSUR est la seule expérimentation de micro-crédit où une collectivité locale «orchestre» un dispositif multi-partenarial. Dans les autres cas, quand une collectivité locale est impliquée (Conseil régional, Conseil général, Municipalité), elle agit sous la forme de convention bilatérale avec une association et/ou une banque sur un public ou un objet précis. - la direction régionale de la CDC assure la cohérence avec le FCS, participe au dispositif de garantie des prêts et subventionne les associations d accompagnement à parité avec la Région. - les associations sont chargées de l information personnalisée quant au micro-crédit et aux solutions alternatives, de l accompagnement en amont du projet et de la demande de prêt et en aval lors de la vie du contrat de prêt 28, et en cas de refus de prêt d orienter le demandeur vers d éventuelles autres solutions ; - les banques sont chargées de vérifier la solvabilité de l emprunteur, de la décision d octroi ou non du prêt, tout en respectant le secret bancaire. Le coût en temps/personne est à leur charge. Il est dès le départ très clair que l on est dans une logique de responsabilité sociétale et à un degré moindre d image et non dans une logique de rentabilité. Le taux maximum de 3,75% et l absence de frais de dossier rendent automatiquement le prêt non rentable (en 2007 le taux de refinancement est de 4%), d autant plus que le temps consacré à l examen de chaque dossier est bien supérieur à celui d un dossier classique. Ce partenariat se noue autour d un quadruple niveau de conventions : 1) entre la CDC et la Région ; 2) entre la Région et chaque banque ; 3) entre la Région et chaque association ; 4) entre banque et association, avec dans ce dernier cas une totale liberté de choix des cocontractants ; chaque association ou banque peut choisir de signer avec un seul partenaire, avec plusieurs ou avec tous. 26 Critère qui a empêché l octroi d un micro-crédit pour un déménagement du Poitou-Charentes vers l Aquitaine. 27 Il n existe donc pas de liste limitative du type d objets pouvant être financés comme pour le dispositif national du Fonds de cohésion sociale. 28 Les conventions précisent que les associations s engagent sur les 12 mois d expérimentation mais aussi tout au long de la durée de remboursement (soit 60 mois au plus) pour l accompagnement des bénéficiaires en aval du prêt.

18 Le partenariat implique aussi des responsabilités financières partagées : 1) pour les associations, la Région et la CDC ne peuvent dépasser 80% du financement de l accompagnement. De plus le versement de la subvention se fait en deux temps : 50% à la signature de la convention, le solde au vu d un rapport final faisant état des actions menées et du nombre de bénéficiaires suivis ; 2) la charge de garantie des prêts non remboursés repose pour moitié sur la Région ou la CDC et pour moitié sur la banque (NB : le cas du Secours catholique est à part, puisqu il dispose de son propre fonds de garantie). 5) La pédagogie Le micro-crédit social se veut aussi un outil pédagogique pour l usager mais aussi indirectement pour les associations et les banques parties prenantes (structures et personnes, salariées et/ou bénévoles). Il vise à l introduction de «la notion de contrat, d équilibre entre droit et engagements du bénéficiaire» et à favoriser l éducation et la pédagogie au crédit chez les usagers. Ce n est pas un don, ni un prêt à taux zéro. Mais il assure un remboursement des intérêts à l issue du remboursement intégral des mensualités prévues. Le partenariat du dispositif implique un apprentissage commun pour une meilleure compréhension réciproque des mondes de la banque et du social. Le micro-crédit peut être le vecteur d un changement de regard, de la banque vis-à-vis des personnes pauvres ou précaires et des acteurs sociaux vis-à-vis des grilles de raisonnement des banquiers 29, débouchant sur une évolution conjointe des modes de fonctionnement. Cette étape est également nécessaire pour le passage d expérimentations à une forme généralisable d intervention. 6) L évaluation en continu S agissant d une expérimentation, l évaluation en continu est décidée afin de pouvoir apporter des inflexions au dispositif. Cela passe par : - la remontée de statistiques mensuelles d activité par le canal des banques et par les associations ; - la tenue d un comité de pilotage trimestriel ; - la création d un observatoire du dispositif afin de mesurer «les impacts sur la réalisation du projet mais aussi plus généralement sur le mieux être.» 29 Les travailleurs sociaux ou les bénévoles associatifs ont généralement une grande réticence vis-à-vis de l argent, de la banque et du crédit.

19 Ces six points sont ceux qui nous serviront de guide pour évaluer le dispositif. Critères d appréciation du dispositif Finalités Personnes Organisations Une solution bancaire pour les exclus du crédit Une vie économique et sociale «digne, autonome et sensée» «L universalité régionale» Le partenariat La pédagogie L évaluation en continu - «interdits» du crédit (FICP/Surendettés) - «recalés» du crédit - «auto-exclus» du crédit - taux de non-remboursement - microcrédits de protection / microcrédits de promotion - réussite du projet - impacts indirects ou différés sur les autres dimensions de vie - diversité de la structure sociodémographique des bénéficiaires de microcrédit - diversité des types de projets et d objets financés - acceptation du double regard association / banque - compréhension de la logique de contrat et du fonctionnement du dispositif - retour aux pratiques bancaires communes - acceptation d être interrogé en aval du microcrédit - nombre de prêts réalisés ; nombre de prêts refusés - absence de stigmatisation - absence d opportunisme / coût du microcrédit - qualité de l accompagnement bancaire - diffusion de l information / public et / prescripteurs - respect des principes d absence de caution, d absence de frais, de taux plafonné - qualité de l accompagnement du projet - complémentarité / autres dispositifs d aides - diversité de la structure sociodémographique du public reçu - étendue du maillage territorial et diversité géographique des publics reçus - nombre de conventions banques / associations - qualité des partenariats - meilleure compréhension mutuelle associations/banques - élargissement des partenariats à d autres dispositifs - remontée des statistiques / public accueilli et / prêts accordés - création d un observatoire