Repères n 7. Le financement des PME en Afrique. par Céline Kauffmann. www.oecd.org/dev/reperes CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L OCDE



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Transcription:

CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L OCDE www.oecd.org/dev/reperes Repères n 7 Le financement des PME en Afrique par Céline Kauffmann Repères n 7 découle des Perspectives économiques en Afrique 2004/2005, une co-édition n 4 de la Banque africaine de développement et le Centre de développement de l OCDE www.oecd.org/dev/pea Les PME en Afrique : le «chaînon manquant» Le développement du secteur privé est très hétérogène d un pays d Afrique à l autre. Un secteur des PME prospère s est constitué en Afrique du Sud, à Maurice et en Afrique du Nord, soutenu par un système financier relativement développé et des politiques publiques de promotion du secteur privé volontaristes. Ailleurs, le développement d une classe de petits entrepreneurs a été compromis par l instabilité politique ou une forte dépendance vis-àvis de quelques produits de base. En République Démocratique du Congo, par exemple, la plupart des PME ont fait faillite dans les années 1990 soit à la suite des pillages de 1993 et 1996, soit pendant la période de guerre. Au Congo, en Guinée équatoriale, au Gabon et au Tchad, la prédominance du pétrole a freiné l émergence d un secteur privé non pétrolier. Entre ces deux extrêmes, le Sénégal et le Kenya ont mis en place les ingrédients du développement de leur secteur privé, mais restent contraints par un système financier sousdéveloppé. Au Nigeria, si les PME sont essentielles pour l activité économique elles représentent approximativement 95 pour cent de l activité manufacturière formelle, l insécurité, la corruption et l inadéquation des infrastructures les empêchent de jouer leur rôle de moteur de croissance. De façon générale, le secteur privé en Afrique est majoritairement composé de micro-entreprises informelles, qui coexistent avec de grands groupes. La petite taille de la majorité des entreprises s explique à la fois par l émergence récente du secteur privé et par l existence de freins juridiques et financiers à l accumulation de capital. Parallèlement à ce foisonnement de petites structures, se sont développées de grandes entreprises. Entre les deux, les PME restent très peu nombreuses et constituent le «chaînon manquant». Même en Afrique du Sud, caractérisée par un secteur privé dynamique, les microentreprises et les très petites entreprises représentaient plus de 55 pour cent de l emploi total et 22 pour cent du PIB en 2003, tandis que la contribution des grandes entreprises au PIB était de l ordre de 64 pour cent. La faiblesse des PME en Afrique s explique par l étroitesse des marchés locaux dans un contexte d intégration régionale peu poussée et un environnement général des affaires hostile : lourdeurs administratives ; infrastructures déficientes ; manque de crédibilité de l appareil judiciaire ; intermédiation financière insuffisante et des régimes fiscaux désincitatifs. De nombreuses entreprises restent petites et informelles, et ont recours à des technologies simples qui n imposent pas l utilisation intensive des infrastructures. Leur petite taille les protège également des recours en justice les actifs à saisir en cas de faillite étant limités et leur permet une plus grande souplesse face à un environnement économique instable. Les grandes entreprises ont les moyens de contourner les contraintes juridiques et financières. Elles ont un pouvoir de négociation supérieur et souvent un bon réseau de relations, ce qui leur permet d obtenir des traitements préférentiels. Elles dépendent moins de l économie locale, car elles ont accès au financement, à la technologie et aux marchés étrangers, notamment via les maisons mères dont elles sont souvent des filiales. Elles peuvent se substituer plus facilement aux services publics qui font défaut.

Un accès au financement contraint Les PME en Afrique souffrent d un accès au financement limité qui contraint leur émergence et leur développement ultérieur. L autofinancement et les associations informelles d épargne et de crédit les tontines restent leurs sources de financement principales. Ces mécanismes sont cependant peu fiables, peu prévisibles et limités dans leur rôle de mutualisation du risque en raison de leur concentration régionale ou sectorielle. L accès aux financements formels reste quant à lui médiocre, en raison du risque de défaut important associé aux PME et de l insuffisance des instruments financiers existants. Les petits entrepreneurs en Afrique sont rarement en mesure de satisfaire aux conditions fixées par les institutions financières. Les PME sont jugées risquées à financer par les institutions financières, en raison du manque d informations sur les capacités de remboursement des entrepreneurs et de la faiblesse des garanties. Parallèlement, le système financier de la plupart des pays d Afrique est sous-développé et offre donc peu d outils de financement : les marchés des capitaux restent embryonnaires, l actionnariat est limité et les instruments de financement à long terme sont inexistants pour les PME. Les intermédiaires financiers non bancaires, tels que les organismes de micro-crédit, pourraient jouer un rôle important dans les prêts aux plus petites des PME, mais ne disposent pas de capacités suffisantes pour suivre leurs clients lorsque ceux-ci se développent. Améliorer l accès des PME au financement : une approche en quatre volets Une approche combinant l amélioration du climat des affaires, le renforcement des capacités des PME, le développement du secteur financier et le renforcement des liens entre entreprises permettrait d améliorer de façon durable l accès des PME au financement. Améliorer l environnement des affaires Le développement de l information, élément clé de la prise de décision de prêt, bénéficierait de l adoption de normes comptables, de la création de cabinets comptables indépendants, compétents et crédibles et de la multiplication des centrales de risques participant à la diffusion de l information sur la solvabilité des entreprises. Un système judiciaire sain, de nature à faciliter le règlement des litiges contractuels, la réforme du droit commercial et notamment l instauration et la clarification des titres de propriété, ainsi que la mise en place d un système de faillite efficace sont des conditions essentielles de développement des transactions commerciales. Enfin, la fiscalité mise en place par les pays peut inciter les petits entrepreneurs à entrer dans l économie formelle ou au contraire les confiner dans l informel. Les pouvoirs publics doivent No. 14aussi veiller à la promptitude de leurs paiements aux PME, dont la viabilité financière dépend de manière cruciale des marchés publics. Aider les PME à satisfaire aux exigences de la finance formelle Au-delà de la nécessité de renforcer les capacités des PME, certains instruments financiers peuvent aider à combler le manque d informations ou atténuer le risque lié à l opacité de certaines PME. Le franchisage (franchising), en fort développement en Afrique australe et de l Est sous l impulsion de l Afrique du Sud, permet notamment le transfert d une marque ou d un savoir-faire qui atténue le risque de faillite. Le crédit-stockage (Warehouse Receipts Financing), utilisé en Afrique du Sud, au Kenya et en Zambie, permet de garantir les emprunts sur la production agricole stockée. D autres instruments financiers, tels le crédit-bail et le factoring, pourraient permettre de réduire efficacement le risque financier pour les institutions de crédits, mais restent encore peu développés en Afrique. Plus fréquemment utilisés en Afrique, les mécanismes associatifs atténuent le risque par la mutualisation. Ils facilitent le processus de sélection des établissements financiers en garantissant la validité technique des projets et parfois en apportant une caution financière. Leur essor reste cependant limité par le manque d organisation des PME africaines et par leur concentration géographique et sectorielle. Face à ces difficultés, les États et la communauté des bailleurs ont favorisé la constitution de fonds de garantie, visant à garantir le remboursement des institutions de crédit en cas de défaut. Dans plusieurs pays, et particulièrement en Afrique centrale, ces expériences de fonds de garantie ont échoué car l apport d une garantie a été synonyme de relâchement dans le choix des projets d investissement et de baisse du taux de remboursement. Dans d autres pays, cependant, et notamment au Mozambique, la coopération entre les emprunteurs et les établissements financiers a permis de préserver les taux de remboursement sans baisse des taux d intérêt. Rendre le système financier plus accessible aux PME La plupart des systèmes financiers africains sont segmentés. Le «chaînon manquant» dans la distribution par taille des entreprises s accompagne d un chaînon manquant dans l offre de financement. Cependant, la carence de financement pour les PME a en partie était comblée par les institutions de microfinance. Leur essor s explique par la souplesse des 2

Figure 1 : Crédit au secteur privé en 2003 (en pourcentage du PIB) Rép. Dém. Congo Burkina Faso Mozambique Congo Tchad Niger Angola Ouganda January 2004 Zambie Tanzanie M adagascar Cameroun Rwanda Gabon Algérie Ghana Côte d'ivoire Benin Nigeria Botswana Mali Kenya Sénégal Ét hio pie Égypt e Maroc Maurice Tunisie Afrique du Sud 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Source : FMI, Statistiques financières internationales. formules de financement proposées aux petits entrepreneurs. Ainsi, en Angola, Novobanco accorde des crédits aux PME sur la base de comptes exonérés de frais bancaires et non soumis à un solde minimum, avec des garanties informelles (actifs immobiliers et un garant) ainsi que le maintien d un contact permanent avec les chargés de crédit. Mais, bien qu adaptés aux besoins locaux, les établissements de micro-crédit restent fragiles et de taille modeste. Au-delà des difficultés liées à la faiblesse des compétences, les établissements de micro-crédit sont freinés dans leur développement par des capacités financières limitées. Leur capacité de transformation de l épargne collectée en des financements de moyen / long terme est limitée par des ressources qui sont essentiellement de court terme. Par ailleurs, les établissements de micro-crédit se heurtent au coût de leur refinancement auprès du secteur bancaire traditionnel et n ont accès ni au refinancement auprès de la banque centrale, ni au refinancement par le capitalrisque. Développer et adapter les produits d épargne de long terme qui existent ailleurs, telles l assurance vie ou l épargne logement, et favoriser la création de banques de refinancement spécialisées, telle que la Banque malienne de solidarité, ou une collaboration plus étroite avec le secteur bancaire, sur le mode de la coopération entre le PAPME (Association pour l appui et la promotion des PME) et la Bank of Africa au Bénin, permettraient de faciliter la soutenabilité financière des institutions de micro-crédit. Parallèlement, un certain nombre de pays ont choisi de combler la carence des financements en soutenant le développement de banques commerciales de taille plus modeste (Kenya) ou de banques rurales (Ghana) afin de réduire la distance géographique et économique entre les banques traditionnelles et les PME. Dans une perspective analogue, l Afrique du Sud a adopté début 2005 deux lois visant à élargir le système bancaire aux caisses d épargne et de crédit (banques de second rang) et aux banques coopératives (banques de troisième rang) tout en assouplissant la réglementation bancaire qui les régit afin de préserver une certaine flexibilité dans leur offre de crédits. Parallèlement, dans de nombreux pays, des unités de crédit aux PME se développent au sein des banques commerciales traditionnelles. OECD Development Centre Policy Insights, No. 1, March 2004 3

Une collaboration étroite entre les banques commerciales, les établissements de micro-crédit, les prestataires de services non financiers aux entreprises et les structures associatives s avère un élément clé pour lever les obstacles à l accès des PME au financement. Promouvoir des accords entre établissements financiers et prestataires de services permet notamment de pallier la faiblesse des capacités et réduire les coûts par une meilleure division du travail : le prestataire de services aux entreprises se charge d une première sélection des projets sur la base de considérations purement techniques, avant que l institution de crédits en étudie la viabilité financière. De même, prêter à des intermédiaires ONG, fédérations de PME chargés ensuite de répartir la somme entre leurs adhérents, réduit les charges administratives. La solidarité entre banques, et notamment la mise en place de mécanismes de fonds interbancaire visant, comme au Nigeria, à la mise en commun de ressources à investir dans les PMEs, constitue aussi un moyen d atténuer le surcroît de risque associé aux activités de prêts aux PME. La collaboration entre institutions de micro-crédits et banques favorisent la soutenabilité financière des premières et peut en outre aider les organismes financiers informels à évoluer vers le secteur formel. Élargir l offre de financement par un plus grand recours au secteur privé non-financier Les établissements financiers ne constituent pas l unique source de financement pour les PME. Outre les transferts de fonds des travailleurs expatriés qui jouent un rôle essentiel dans le développement de l activité privée, les interdépendances entre les PME et les grandes entreprises et les grappes sectorielles constituent potentiellement des sources de financement importantes, comme c est le cas en Asie et en Amérique latine. Les grandes entreprises peuvent jouer un rôle important pour faciliter l accès des PME au financement en favorisant les transferts de ressources (argent ou facteurs de production) et en garantissant leur solvabilité auprès des établissements financiers. Les liens avec les grandes entreprises peuvent également aider les PME à bénéficier de crédits-exports, No. 14 mécanisme particulièrement pertinent dans les pays à institutions faibles, car les partenaires commerciaux sont mieux informés que les autres créanciers (les institutions financières en particulier) sur les capacités de remboursement de leurs clients. Les crédits-exports se sont révélés fructueux dans le secteur de l agro-alimentaire en Zambie. La soustraitance reste quant à elle marginale en Afrique. Elle s est développée rapidement en Afrique du Sud depuis 1998, mais fait l objet d un scepticisme croissant, en raison du risque de cantonnement des PME aux activités informelles et à faibles qualifications. Les grappes de PME, très actives en Asie, permettent aux entreprises opérant en leur sein de conjuguer leurs efforts pour solliciter un financement, apporter une garantie collective ou même créer leur propre établissement financier. La menace d exclusion du réseau est suffisamment forte pour faciliter l exécution des contrats, ce qui permet aux entreprises de la grappe de surmonter les carences de l environnement juridique et judiciaire. Les interactions répétées avec l établissement financier, ainsi que les effets de réputation au sein de la grappe, peuvent considérablement renforcer la confiance entre les entreprises et les établissements financiers, ce qui facilite l accès au crédit à des taux d intérêt moins élevés. La coopération donne également aux entreprises la possibilité d accéder au crédit fournisseur et de se prêter les unes aux autres les ressources dont elles ont ponctuellement besoin, ce qui réduit les frais généraux. Les grappes sectorielles restent néanmoins très peu développées en Afrique, où elles se concentrent en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigeria, en Tanzanie et au Zimbabwe. 4

Les PME en Afrique, quelques statistiques Rares sont les États qui ont adopté une définition opérationnelle de la PME, à l exception notable de certains membres de l UEMOA, de Maurice et du Maroc. Outre leur rareté, les données sont donc difficilement comparables d un pays à l autre. Elles permettent cependant d établir une typologie et de classer les pays selon l importance croissante de leur secteur des PME : Au Congo, près de 80 pour cent des entreprises emploient moins de cinq personnes et pour January 2 100 entreprises 2004 immatriculées dans le secteur formel, on dénombre 10 000 structures informelles. Un recensement effectué au Bénin en 1997 permettait d établir que parmi les 666 PME identifiées, la moitié opérait dans le commerce et l autre moitié dans le BTP, la pharmacie et la restauration. Seulement 17 pour cent d entre elles faisaient partie du secteur manufacturier. Au Kenya le secteur des PME employait quelque 3.2 millions de personnes et entrait pour environ 18 pour cent dans le PIB total en 2003. Au Sénégal, la contribution des PME à la création de valeur ajoutée nationale avoisine les 20 pour cent. Au Nigeria, les PME représentent environ 95 pour cent de l activité manufacturière organisée et 70 pour cent de l emploi industriel. Au Maroc, les PME forment la majeure partie du tissu industriel, avec 93 pour cent de l ensemble des entreprises, 38 pour cent de la production, 33 pour cent de l investissement, 30 pour cent des exportations et 46 pour cent de l emploi. En Afrique du Sud, les micro-entreprises et les très petites entreprises représentaient plus de 55 pour cent de l emploi total et 22 pour cent du PIB en 2003. Les petites entreprises entraient pour 16 pour cent dans l emploi et la production, alors que les entreprises moyennes et grandes comptaient pour 26 pour cent de l emploi et 62 pour cent de la production. Source : Banque africaine de développement et le Centre de développement de l OCDE, Perspectives économiques en Afrique (2004-2005). OECD Development Centre Policy Insights, No. 1, March 2004 5

No. 14 Pour consulter les Repères du Centre de développement www.oecd.org/dev/reperes les Cahiers de politique économique www.oecd.org/dev/cahiers ou les nouveaux Documents de travail www.oecd.org/dev/dt Les opinions exprimées dans cet exposé sont celles de l auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l OCDE, du Centre de développement ou de leurs pays membres Les lecteurs sont invités à citer ou reproduire les informations des Repères du Centre de développement de l OCDE dans leurs propres publications. En échange, le Centre demande les remerciements de rigueur ainsi qu un exemplaire de la publication. Le texte intégral des Repères et d autres informations sur le Centre de développement et ses travaux sont disponibles sur : www.oecd.org/dev. Centre de développement de l OCDE «Le Seine St Germain» 12 boulevard des Iles 92130 Issy-les-Moulineaux, France Tél : 33 (0)1 45.24.82.00 Fax : 33 (0)1 44.30.61.49 mél : cendev.contact@oecd.org 6