Dr C.DENIS-VATANT Dr MANN IETRI Francesca Auteurs: F. Ietri Mann, C. Denis-Vatant, P. Vercherin, C. Pélissier, L. Fontana
INTRODUCTION Malgré toutes les solutions thérapeutiques disponibles dans l arrêt du tabac(les thérapies comportementales et cognitives, les traitements nicotiniques de substitutions et d autres traitements pharmacologiques) la rechute après un sevrage tabagique reste un événement très fréquent, le taux de rechute d'un arrêt tabagique à un an étant environ de 70% Lancaster T, Hajek P, Stead LF, West R, Jarvis MJ, Prevention of relapse after quitting smoking: a systematic review of trials. Arch Intern Med 2006; 24, 828-35.
LES FACTEURS PREDICTIFS DE RECHUTE Plusieurs facteurs prédictifs de rechute ont été caractérisés à partir de cohortes de sujets ayant fait une tentative d arrêt le sexe féminin une dépendance forte au test de Fagerström une tendance anxieuse ou dépressive une consommation excessive d alcool une consommation de drogues illicites Lebargy F. Les échecs du sevrage tabagique. Rev Prat Med Ge 2009 ; 23 :435-9. Stolz D, Scherr A, Seiffert B, Kuster M, Meyer A, Fagerström KO, Tamm M. Predictors of Success for Smoking Cessation at the Workplace: A Longitudinal Study. Respiration. 2014;87:18-25
OBJECTIFS A côté de ces facteurs liés à l individu, un regard doit être posé sur l'environnement du patient, en particulier le travail Peu d études se sont intéressées à l influence du travail sur la rechute L objectif principal est de déterminer les facteurs liés au travail associés à une rechute tabagique parmi une cohorte de patients ayant arrêtée de fumer
METHODOLOGIE(1) Les personnes étudiées ont été sélectionnées parmi tous les patients suivis par l Unité de Coordination en Tabacologie du CHU de Saint-Etienne sur une période de 6 mois. Les critères d inclusion étaient les suivants: Patients âgés entre 18 et 65 ans, Occupant un emploi stable au moment du sevrage, Ayant arrêté de fumer, c'est-à-dire un «arrêt total et absolu, continu depuis le début» («quitting day»)
METHODOLOGIE(2) Dans un deuxième temps : Appel téléphonique de ces patients et soumission d'un questionnaire à 6 mois de l'arrêt. Questionnaire : - 48 variables principalement sur le travail - 4 questionnaires validés questionnaire HAD test de Fagerström score Epices questionnaire Karasek
RESULTATS(1) 155 patients ont été appelés 94 ont répondu à toutes les questions (taux de réponse: 60%) Dépendance selon le test de Fagerström (21%) avaient une dépendance faible ou très faible, (29%) une dépendance moyenne et 50% une dépendance forte ou très forte. Sexe Age homme femme < 43 ans > 43 ans Antécédents psychiatriques Taille de l entreprise Oui Non < 10 salariés 10-50 salariés > 50 salariés Patients ayant rechuté (%) N = 51 (54%) 30 (64%) 21 (45%) 27 (60%) 24 (49%) 35 (64%) 16 (41%) 11 (55%) 21 (72%) 19 (42%)
RESULTATS (2) 43 abstinents à 6 mois 51 ont rechuté à 6 mois soit un taux de rechute de 54% Causes évoquées chez les patients en rechute: un état de stress chronique (86%) un état de stress au travail (83%) une sensation de manque (81%) la convivialité (63%) l habitude du geste (61%) la prise de poids (42%) un syndrome dépressif (36%).
RESULTATS(3) En analyse multi-variée nous avons inclus les facteurs significativement liés à la rechute dans l analyse uni-variée et certains facteurs d'importance (le résultat du test de Fagerström, le niveau de la précarité sociale et la condition de job iso-strain) Variables OR IC 95 % OR p Entreprise moyenne (10-50) vs grande entreprise (> 50) 4,55 [1,35-15,39] <0,05 Travail temps plein 9,17 [1,56-53,86] <0,05 Travail nuit 5,84 [1,22-27,98] <0,05 Antécédents psychiatriques 4,11 [1,45-11,66] <0,05
DISCUSSION(1) 1 facteur non professionnel: la présence d antécédents psychiatriques 3 facteurs professionnels le travail de nuit un travail à temps plein un travail dans une entreprise de taille moyenne (10-50 salariés) par rapport au travail dans une entreprise plus grande (> à 50 salariés) Nous n avons pas observé de différences significatives entre les deux groupes distingués concernant les facteurs psychosociaux au travail évalués par le questionnaire de Karasek.
DISCUSSION(2) Dans la littérature, le tabagisme est plus fréquent et la consommation est plus élevée parmi les travailleurs de nuit Knutsson A, Nilsson T. Tobacco use and exposure to environmental tobacco smoke in relation to certain work characteristics. Scand J Soc Med 1998; 26 :183-9. Trinkoff AM, Storr CL. Work schedule characteristics and substance use in nurses. Am J Ind Med 1998;34:266-71. Des hypothèses peuvent être émises. Fumer permet de rester éveillé Permet de lutter contre l ennui dans certains cas Fumer la nuit sur les lieux de travail semble plus facile Le rôle du stress. Le travail de nuit est un facteur de stress pour certains travailleurs Nabe-Nielsen K, Quist HG, Garde AH, Aust B. Shiftwork and changes in health behaviors. J Occup Environ Med 2011; 53 : 1413-7. Kassel JD, Stroud LR, Paronis CA. Smoking, stress and negative affect: correlation, causation, and context across stages of smoking. Psychol Bull 2003. 129 : 270 304.
DISCUSSION(3) Le travail à temps plein Les hypothèses émises et les résultats publiés peuvent sembler contradictoires. La consommation de tabac est plus élevée chez les salariés qui effectuent un nombre important d heures de travail Imbernon E, Chastaing JF, Goldberg M. Tabagisme, conditions de travail et expositions professionnelles à E.D.F.-G.D.F., Arch Mal Prof 1998 ; 59 : 200-7. Suwazono Y, Okubo Y, Kobayashi E, Kido T, Nogawa K. A follow-up study on the association of working conditions and lifestyles with the development of (perceived) mental symptoms in workers of a telecommunication enterprise» Occupational Medicine 2003; 53 : 436-42. Nous avons observé dans l analyse uni variée une différence significative entre les deux groupes sur ce facteur précisément, les patients ayant rechuté déclarent une durée quotidienne de travail supérieure à 8h.
DISCUSSION(4) Le risque de rechute était plus élevé chez les patients travaillant dans une entreprise de taille moyenne (10-50 salariés) Le principal argument explicatif que l on pourrait avancer serait une application de la loi anti-tabac différente selon la taille de l entreprise ; dans un sondage réalisé en 2011, plus d'un tiers des personnes interrogées (36 %) déclarent que c'est sur leur lieu de travail que la loi n a pas été respectée, alors qu'ils n'étaient que 9 % juste après l'application du décret en février 2007 Lévy JD, Marion Desreumaux M, Camille Espinasse C. Les Français face à la fumée de cigarette.
CONCLUSION Ces résultats suggèrent que l échec d un sevrage tabagique peut être influencé par des facteurs liés au travail. Ceux-ci doivent être pris en compte pour évaluer les chances de réussite d un sevrage. Merci de votre attention