FINANCEMENT DES SERVICES DE SANTE



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Transcription:

Agence Européenne Pour le Développement Et la Santé FINANCEMENT DES SERVICES DE SANTE Version 1996 Ce document à été rédigé par (par ordre alphabétique) : d'altilia J-P (1) de Lamalle J-P (1) Declerck M. (2) Gendebien P. (1) Goemaere E. (2) Henkens M. (2) Humblet P. (2) Kessler W. (1) Matthys F. (2) Morin E. (1) Packer I. (1) Schmets G. (1) Wuillaume F. (2) AEDES scrl (1) Agence Européenne pour le Développement et la Santé 34 rue Joseph II 1000 Bruxelles - Belgique (2) Médecins Sans Frontières 94 rue Dupré 1090 Bruxelles - Belgique Rue Joseph II, 34 B-1000 Bruxelles Téléphone 32 (0)2 219 03 06 Fax 32 (0)2 219 09 38 Email aedes@aedes.be RCB 573 018 TVA BE 450 913 705 FORTIS 210-0475090 - 36

TABLE DES MATIERES PREMIERE PARTIE : PROBLEMATIQUE GENERALE INTRODUCTION...1 1 EVOLUTION HISTORIQUE DU FINANCEMENT DES SERVICES DE SANTE EN EUROPE...1 1.1 L'assistance aux indigents...1 1.2 Le secours mutuel...1 1.3 L'assurance sociale...2 1.4 La sécurité sociale...2 1.5 Les systèmes actuels de protection sociale et leur financement...2 2 LE CONTEXTE DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT...2 2.1 Des systèmes de santé hérités de l'époque coloniale...3 2.2 Changements depuis les années 60...3 2.3 Le financement public de la santé...5 2.3.1 Le désengagement de l'etat en matière de financement des services de santé...5 2.3.2 Le niveau des dépenses publiques et privées pour les services de santé...8 2.3.3 L'évolution de la répartition des dépenses publiques pour l'etat....11 2.3.4 Une répartition déséquilibrée des ressources publiques consacrées à la santé..12 2.3.5 Les ressources pour les dépenses en médicaments...13 2.4 L'aide extérieure...14 2.5 Conséquences...15 3 LES GRANDS THEMES DE REFORME DES SYSTEMES DE SANTE DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT...15 3.1 Les soins de santé primaires...16 3.2 Les soins de santé primaires sélectifs...17 3.3 Les soins intégrés et le district sanitaire...17 3.4 La remise en question de la gratuité des soins et le recouvrement des coûts...18 3.4.1 L'instauration d'une tarification des soins...18 3.4.2 L'agenda de la Banque Mondiale et l'initiative de Bamako...18 3.4.3 Le débat sur les implications économiques et sociales...19 3.4.4 Les nouvelles perspectives...21 3.5 La "privatisation"...22 3.5.1 Clarification du concept de "privatisation"...22 3.5.2 Implication de la privatisation...23 3.5.3 «Investir dans la Santé» et la privatisation...25 3.5.4 La création de marchés publics et la mise en concurrence...26 3.5.5 Conclusion...27

PARTIE II : LES ASPECTS FINANCIERS D UN PROGRAMME DE SANTE DIAGNOSTIC DE SITUATION ET PROGRAMMATION INTRODUCTION...28 1 L'ETAPE D'ANALYSE DU DIAGNOSTIC DE SITUATION...29 1.1 Le cadre économique...30 1.1.1 Le cadre économique national...30 1.1.2 Le cadre économique de la zone d'intervention...31 1.2 Les dispositions légales en matière de financement...31 1.3 Le contexte politique...32 1.4 Les ressources mobilisées...33 1.5 Le système financier...34 1.6 L'accès aux soins...36 2 ETABLISSEMENT DES PRIORITES ET DEFINITION DES OBJECTIFS...36 2.1 Les caractéristiques des projets structurels et des interventions d'urgence chez MSF..37 2.2 La balance des objectifs...37 3 PLAN D'OPERATION, IDENTIFICATION DES COUTS ET DES RESSOURCES...40 3.1 Plan opérationnel...40 3.1.1 Les réformes économiques et les réformes organisationnelles...40 3.1.2 La communauté servie...43 3.1.3 Les services fournis...43 3.2 Identification des coûts et budget indicatif...45 3.2.1 Classification principale par «inputs»...45 3.2.2 Classifications secondaires...46 3.2.3 Valeurs indicatives...49 3.3 Identification des partenaires au financement...51 3.4 Niveau de la participation financière de la population...53 3.4.1 Faire payer la population : la décision...53 3.4.2 Le taux de recouvrement des coûts...55 3.4.3 La dynamique des objectifs...55 3.5 Adaptation du plan opérationnel...56 3.6 Le chronogramme des étapes d'analyse et de prise de décisions...56

TROISIEME PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA PARTICIPATION FINANCIERE DES POPULATIONS LE PAIEMENT DIRECT ET L UTILISATION DES RECETTES INTRODUCTION...71 1 LA MISE EN PLACE D'UNE TARIFICATION...58 1.1 La tarification des médicaments...58 1.1.1 Critères d'impact de la tarification...58 1.1.2 Modes de paiement des médicaments...59 1.1.3 Tableau d évaluation des modes de paiement...62 1.1.4 Exemple de tarification...64 1.2 La tarification des actes...64 1.3 La tarification combinant les actes et les médicaments...65 2 LA FIXATION DU NIVEAU DE TARIFICATION...66 2.1 CAPACITE ET VOLONTE DE PAYER...66 2.1.1 La volonté de payer dans la limite de la capacité de payer...66 2.1.2 Outils destinés à contribuer à la fixer la tarification...66 2.2 La protection des plus démunis...68 2.2.1 Problématique de l exclusion...68 2.2.2 Types d exclusion...69 2.2.3 Mesures de lutte et indicateurs de mesures...70 2.2.4 Identification et prise en charge des «indigents»...72 3 LA GESTION DES RECETTES...73 3.1 Le circuit de l argent...73 3.1.1 Principes de base...73 3.1.2 Etude de cas n 1 - Tombouctou (Mali) et Guinée Forestière (Guinée - Conakry)...73 3.1.3 Etude de cas n 2 - Tchad (Mayo-Kebbi)...76 3.1.4 Des questions à se poser en mettant en place le circuit de l argent...80 3.2 La gestion des recettes et le comité local...80 3.2.1 Fonction et statut des structures de gestion...80 3.2.2 Type de structures de gestion...80 3.2.3 Le fonctionnement des structures de gestion...81 3.2.4 Quelques expériences...82 3.2.5 En guise de conclusion...83 3.3 L utilisation des recettes...84 3.3.1 Les incitants financiers pour le personnel de santé...84 3.3.2 L approvisionnement de médicaments...88 3.3.3 Les problématiques liées à l inflation et à la convertibilité des devises...90

PARTIE IV : LA MISE EN OEUVRE DE LA PARTICIPATION FINANCIERE DES POPULATIONS - LES SYSTEMES DE PREPAIEMENT ET D ASSURANCE INTRODUCTION...92 1 NOTIONS GENERALES...92 1.1 Le prépaiement...92 1.2 Risque...92 1.3 La solidarité...92 1.4 Mutuelle et assurance...93 2 TYPOLOGIE DES FORMES D'ASSURANCE DE SANTE...93 3 LES OBJECTIFS DES SYSTEMES D'ASSURANCE ET DE PREPAIEMENT...94 4 LA FORMULE DE CALCUL DE PRIX DU PREPAIEMENT OU DE LA PRIME D'ASSURANCE...95 4.1 Des formules théoriques de calcul de prix et de primes...95 4.2 Le calcul des prix ou de la prime en pratique...95 5 LES PROBLEMES DES SYSTEMES D'ASSURANCE...96 5.1 Le risque de surconsommation des assurés ("moral hasard")...96 5.2 Le risque de sélection adverse parmi les assurés...96 5.3 Les risques liés à la qualité et a l'efficience du système de remboursement...97 5.4 Les risques liés à la participation de la population...97 6 COMPARAISON DU PAIEMENT DIRECT ET DE L'ASSURANCE...98 7 ETUDE DE CAS MSF...100 8 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS...101 PARTIE V : EVALUATION INTRODUCTION...103 1 BILAN SIMPLIFIE AU NIVEAU D UN DISPENSAIRE RURAL...103 2 OUTILS D EVALUATION DE L EXCLUSION FINANCIERE...106 3 PROCESSUS D AMELIORATION CONTINU DE LA QUALITE DES SOINS...106 4 POINTS DE REPERE POUR L EVALUATION D UN SYSTEME D ASSURANCE LOCAL.110 ANNEXES LE HIT PARADE DES QUESTIONS - NOS TENTATIVES D Y REPONDRE...112 GLOSSAIRE...120

LISTE DES ENCADRES Ajustement structurel... 3 L appui au programme des agents de santé villageois à Todos Santos (Guatemala)... 16 Les éléments clefs de l'initiative de Bamako... 19 Participation financière de la population au Mayo-Kebbi (Tchad)... 21 Le recouvrement des coûts dans les structures publiques de santé en Afrique (1993)... 21 Le Réseau de N'Djaména... 22 Exemples sélectionnés d'incitants et de régulations relatifs à la croissance du secteur privé... 25 Expérience de sous-traitance dans des programmes où intervient MSF... 27 Le district opérationnel... 28 Etapes de la planification... 29 Extrait de l'arrêté interministériel N O94 MSP-AS/MIDB/MFC fixant les modalités de gestion des services socio-sanitaires de Cercle et de Commune (MALI) en date du 15 mars 1991... 32 Circuit financier des recettes provenant de la tarification forfaitaire - Magasin-Santé à Tombouctou - Mali... 35 Démarche de fixation des priorités... 37 Balance des objectifs de recouvrement... 38 Un hôpital peut-il organiser une consultation de 1er niveau? L expérience de la Guinée.... 44 Identification des coûts - Classification primaire par «inputs» (Basankusu, Zaïre)... 47 Budget en nature (Equateur, Zaïre)... 47 Budgétisation des coûts directs d un centre de santé (par niveau et par activité) - Iles Salomon... 48 La perspective dynamique du partage des coûts... 52 Perspective de partage des coûts à l hôpital régional de N Zérékoré (Guinée)... 52 Principes de négociation pour l intervention à l hôpital de Paksé (Laos)... 54 Capacité et volonté de payer pour des services de santé à l'hôpital de Kismayo (Somalie, 1994)... 55 Adaptation des objectifs du programme MSF en Equateur (Zaïre)... 55 Chronogramme des étapes d analyse et de prise de décisions - Chronogramme réaliste pour un projet favorisant un degré élevé de pérennité... 57 Forfait global au Mali... 60 Paiement au médicament subventionné... 61 Avantages et inconvénients des différents système de tarification... 63 Exemples de tarification combinant actes et médicaments... 65 Budget de dépenses courantes - Monrovia (Libéria)... 67 Fond d indigents - District de Champassak (Laos)... 72 Procédures de gestion et de contrôle de l'argent... 73 Circuit de l argent - Mayo-Kebbi (Tchad)... 76 Système de primes au niveau des centres de santé en Guinée... 85 Circuit d achat de devises de la centrale d achat - N Zérékoré... 91 Assurance pour les références de réfugiés dans les hôpitaux de Guinée Forestière... 93 Objectifs de la mutuelle au centre de santé de Kongolo (Zaïre)... 94 Calcul du prix du prépaiement - Centre de santé de Kongolo (Zaïre)... 95 Calcul de la prime d'assurance dans le district de Bwamanda (Zaïre)... 95 Fonctionnement sur base de prime individuelle au centre de santé de St-Alphonse (Zaïre)... 96 Sélection des risques à Bokoro (Zaïre)... 97 Mesures de priorités perçues par la population au Rwanda (1987-1988)... 98

ABREVIATIONS AEDES AGCD ASV AT BIMU BM CdA CPN CS DG DO DPS F CFA FAC FED FMI GOBI GTZ HCR HP HR IMTA IRS JAL LSTM MCD MCH MEG MSF MSP MST NC OCDE OMS ONG PARLS PC PEV PF PMA PNB PS PSI PVD QS RDC RH RO SCF SI$ SIDA SNIS SSP TBC UE UNICEF US$ Agence Européenne pour le Développement et la Santé Agence de Coopération au Développement (Coopération Belge) Agent de Santé Villageois Agent Technique Bamako Initiative Management Unit Banque Mondiale Centrale d Achat Consultation Pré-Natale Centre de Santé Direction Générale District Opérationnel Direction Préfectorale de la Santé Franc CFA Coopération Française Fonds Européen de Développement Fond Monétaire International Growth monitoring, Oral rehydration, Breast feeding and Immunisation Coopération Allemande Haut Commissariat aux Réfugiés Hôpital Préfectoral Hôpital Régional Institut de Médecine Tropicale d Anvers Inspection Régionale de la Santé Coopération Japonaise London School of Tropical Medicine Médecin Chef de Préfecture Médecin Chef de l Hôpital Médicaments Essentiels (sous forme) Générique Médecins Sans Frontières Ministère de la Santé Publique Maladie Sexuellement Transmissible Nouveau Cas Organisation de Coopération au Développement Economique Organisation Mondiale de la Santé Organisation Non Gouvernementale Programme d Appui aux Réfugiés Libériens et Sierra Léonais Premier Contact Programme Elargi de Vaccination Planning Familial Paquet Minimum d Activités Produit National Brut Poste de Santé Poste de Santé Intégré Pays en Voie de Développement Qualité des Soins Recouvrement des Coûts Ressources Humaines Recherche Opérationnelle Save the Children Fund Dollar des Iles Salomons Syndrome Immunitaire Système National d Information Sanitaire Soins de Santé Primaire Tuberculose Union Européenne United Nations Children s Fund Dollar des Etats Unis d Amérique

AEDES 1 Document Financement PREMIERE PARTIE : PROBLEMATIQUE GENERALE INTRODUCTION Avant d'aborder la problématique du financement des services de santé dans les pays en voie de développement, zone d'intervention privilégiée de MSF, les grandes étapes de la mise en place de systèmes de financement de services de santé en Europe seront brièvement parcourues. Ce premier chapitre est destiné à fournir une référence sur le contexte évolutif vers l'universalité des soins bien plus que de proposer des exemples ou des modèles. Le second chapitre décrit le contexte dans lequel se développe le financement des services de santé dans les pays en voie de développement. La problématique liée au financement de l'etat et de l'assistance extérieure est abordée. Le troisième chapitre présente brièvement des grands thèmes de réformes des systèmes de santé dans les pays en voie de développement. 1 EVOLUTION HISTORIQUE DU FINANCEMENT DES SERVICES DE SANTE EN EUROPE De manière générale, les systèmes de financement des soins de santé en Europe ont évolués vers des systèmes où le patient ne supporte pas directement l'entièreté du coût des soins qui lui sont prodigués. L'évolution s'est faite en partant de l'assistance aux indigents (1.1) et d'initiatives solidaires (1.2) vers une solidarité plus générale avec une intervention de l'etat sous forme d'assurance sociale (1.3) ou de sécurité sociale (1.4 et 1.5). 1.1 L'ASSISTANCE AUX INDIGENTS C'est sur un principe de charité enseigné par les Eglises qu'au Moyen Age s'est développé en Europe une assistance aux indigents. Sans qu'il y ait d'engagement de la collectivité, ni de système de financement précis, des malades indigents sont accueillis dans des hospices et des hôpitaux. Les financements proviennent de dons individuels motivés par la recherche de paix sociale, de grâces divines ou de réputation sociale. L'intervention de l'etat va permettre l'organisation et la réglementation d'une assistance sociale. En Angleterre au début du XVIIème siècle, l'assistance aux indigents, organisée au niveau paroissial, est financée par une taxe spéciale. En France, l'assistance va progressivement se laïciser sous l'influence de nouvelles tendances philosophiques. Le droit à l'assistance est progressivement reconnu par l'etat. 1.2 LE SECOURS MUTUEL Le secours mutuel est la forme la plus élémentaire de la solidarité. Il s'exerce sur des groupes restreints clairement identifiés. En Europe, au Moyen Age, au-delà de la solidarité familiale, se développe un secours mutuel centré sur les corporations professionnelles. Ces corporations constituent des fonds de solidarité alimentés par la contribution de leurs membres. Ces fonds permettent le paiement d'indemnités aux membres en arrêt de travail pour cause de maladie.

AEDES 2 Document Financement 1.3 L'ASSURANCE SOCIALE Au début du XVIIème, une forme d'assurance sociale est crée par Henri IV, roi de France. Il prescrit un prélèvement sur les bénéfices des mines du royaume afin de financer des médicaments et un chirurgien sur le lieu de travail. L'apparition d'une assurance sociale obligatoire remonte cependant à la fin du XIXème. En 1883, dans l'empire allemand sous Bismarck, des lois sur l'assurance-maladie, l'assurance-accident et l'assurance vieillesse-invalidité sont promulguées. Le fonds social constitué par les contributions des employeurs et des salariés ne couvre cependant que les salariés. Ce fonds finance les médecins. Les premières tarifications de prestations et de sélection de prestataires agréés datent de cette époque. Ce système d'assurance procède d'une part d'une volonté de contrôle du mouvement ouvrier social démocrate et d'autre part d'un souci de rentabilité en favorisant la bonne santé et la mobilité du travailleur. 1.4 LA SECURITE SOCIALE La Révolution russe de 1917 instaure un système complet de sécurité sociale. L'Etat se considère comme responsable de la santé des individus et de leur accès aux services de santé. Ces derniers sont entièrement financés par le budget de l'etat. Les prestataires de soins sont fonctionnarisés. En Angleterre, après la seconde guerre mondiale, Sir Beveridge dessine un système de santé du même type où les prestataires de soins sont des fonctionnaires payés par l Etat. Le financement est assuré par les revenus des taxations. Les soins sont gratuits pour tous les patients. L objectif est de garantir un accès aux soins pour tout le monde sans limitation financière. La nouveauté, c est la couverture universelle : la Sécurité Sociale est étendue à tous les citoyens comme un droit. Tout citoyen est automatiquement couvert sans référence à sa catégorie socioprofessionnelle ou à ses cotisations antérieures. La Sécurité Sociale dans l esprit de Beveridge est liée à la garantie d une sécurité du revenu, donc liée à une politique du plein emploi. 1.5 LES SYSTEMES ACTUELS DE PROTECTION SOCIALE ET LEUR FINANCEMENT La sécurité sociale et l'assurance sociale sont les deux principaux systèmes de protection sociale en Europe. La sécurité sociale, assurant une protection légale universelle de toute la population, est gérée par l'etat (Royaume-Uni, Suède) ou par des assureurs avec libre choix (Pays-Bas). L'assurance sociale, quant à elle, assure une protection légale socioprofessionnelle. Elle est gérée par l'etat et les partenaires sociaux (France, Allemagne, Belgique). Il existe trois sources principales de financement des systèmes de protection sociale : - fiscalisation complète pour la sécurité sociale (Royaume Uni, Irlande et Danemark); - paiement par cotisation pour les assurances sociales (France, Luxembourg et Allemagne); - financement tripartite : cotisations salariales, patronales et fiscalisation partielle (Belgique et Espagne). La crise de «l Etat-providence» marque ces deux dernières décennies. La croissance constante des prélèvements obligatoires (sommes des impôts directs, indirects et des cotisations sociales) a des limites. Des politiques de freinage des dépenses sociales sont mises en place. Cette crise est accompagnée d une mise en cause de la prolifération réglementaire, des lourdeurs administratives avec leurs retombées négatives sur les coûts du système. 2 LE CONTEXTE DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

AEDES 3 Document Financement Le contexte actuel dans les pays en voie de développement est marqués par l'héritage des systèmes de santé de l'époque coloniale (2.1) et des changements économiques, politiques, épidémiologiques et démographiques de ces trois dernières décennies (2.2). Les conséquences en termes de la participation de l'etat et de l'aide extérieure au financement des services de santé seront discutés (2.3 à 2.5) avant de passer en revue les principales réformes qui ont marqués ces quinze dernières années (chapitre 3). 2.1 DES SYSTEMES DE SANTE HERITES DE L'EPOQUE COLONIALE Depuis l époque coloniale, jusqu à une période récente, les systèmes de santé de la plupart des pays en voie de développement étaient caractérisés par leur complète gratuité pour les utilisateurs. Dès la fin du XIXème siècle, les entreprises et l'etat se montrent d'avantage soucieux de la santé du personnel exposé aux maladies tropicales. Ils organisent d'abord des services de santé pour le personnel expatrié. Plus tard, dans un souci de rentabilité, ils organisent des services pour les employés locaux. Les missions religieuses s'implantant dans les nouveaux territoires développent des services de santé comme stratégie de christianisation. Les systèmes de santé dans les colonies développent des caractéristiques différents en fonction des Etats qui les mettent en place. En Afrique francophone, l'organisation de la lutte contre les grandes endémies est organisée de manière verticale, sans aucun lien avec le réseau des centres de santé et des hôpitaux. Les Britanniques se concentrent sur les hôpitaux dont ils font des centres d'excellence. Les Belges développent la notion de district sanitaire et mettent en place des équipes mobiles rattachées aux hôpitaux de districts. L'aspect institutionnel lié à l'autorité est cependant une des caractéristiques communes de ces systèmes de santé. Après l'indépendance, les systèmes de santé restent principalement publics et conservent leur forme institutionnelle liée à l'autorité. Les systèmes de santé deviennent la responsabilité des jeunes états. La gratuité officielle des services de santé est maintenue dans la majorité des pays jusqu'à la fin des années 80. Justifiée partiellement par des raisons d'équité sociale, la gratuité est également un argument politique des régimes en place jugés sur base de leur prodigalité sociale. Les services de santé des missions religieuses subsistent de manière plus ou moins importante au côté du réseau public. 2.2 CHANGEMENTS DEPUIS LES ANNEES 60 Des changements économiques, démographiques, épidémiologiques et politiques ont fortement marqué ces dernières décennies. Changements économiques La crise économique mondiale marquée par les crises pétrolières des années 70 ainsi que par l endettement à outrance de nombreux états ont atteint en profondeur les économies des pays en voie de développement. Devant la difficulté d'équilibrer les comptes nationaux, ces pays ont progressivement été contraints d'accepter les conditions imposées par les institutions financières telles que la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International. Ces derniers font pression sur les pays endettés pour qu'ils acceptent des programmes d'ajustement structurels de leur économie. Encadré 1. Ajustement structurel Depuis les années 80, certains pays connaissent un déficit tel qu il ne peut plus être corrigé en 12 ou 18 mois comme le prévoyaient les programmes dits de stabilisation du FMI. Le rétablissement de l économie exige des changements de la structure même de cette économie et plus seulement des adaptations de la politique monétaire et fiscale. Ces changements nécessitent du temps et des investissements. Les pays qui rencontrent de telles difficultés peuvent recevoir des «prêts d ajustement structurel» et réaliser des «programmes d ajustement structurel». Les programmes d ajustement structurel comprennent une série de mesures visant, entre autres, à : - réduire les dépenses (en particulier, en diminuant la demande de biens d importation); - réorienter les ressources productives (travail et capital) vers les secteurs rentables (secteur marchand plutôt que secteur non-marchand);

AEDES 4 Document Financement - favoriser les investissements par rapport à la consommation; - favoriser les exportations; - libéraliser le commerce; - réduire le rôle de l Etat dans l économie; - réduire le déficit du secteur public. Parmi ces mesures, on retrouve : - une offre réduite de monnaie; - la dévaluation de la monnaie; - la diminution des restrictions d échanges de monnaie; - le contrôle des salaires; - la fixation des quotas d importation; - la taxation des importations; - la subsidiation des exportations; - la diminution des subventions de biens de consommation (dont les aliments); - la réduction des dépenses publiques touchant en priorité le secteur social; - des privatisations; - des réformes fiscales; - la réforme des prix; - etc... Le point de vue prédominant dans la conception des programmes d ajustement structurel est un point de vue macro-économique et porte peu de considération à la répartition des revenus ou de certains groupes sociaux particuliers. Le suivi des résultats de ces programmes se base sur quelques indicateurs dont le taux de croissance de la masse monétaire, le ratio de déficit par rapport au PNB, etc... Peu d attention est accordée aux performances de l économie réelle et aux indicateurs de bien-être (niveau de pauvreté, degré de malnutrition, etc...). Les conséquences sont une diminution du pouvoir d achat, une augmentation des prix des aliments qui étaient subventionnés, la diminution des prestations sociales, le libre rapatriement des bénéfices faisant le jeu des multinationales et, en définitive, un accroissement des inégalités. Secondairement, des mesures d accompagnement ont été inclues en vue de limiter les conséquences sociales : on parle d ajustement structurel à visage humain. Ces programmes sont fortement encouragés par la Banque Mondiale et le FMI qui conditionnement leurs crédits et garanties à la mise en oeuvre de tels programmes. Changements politiques Les ajustements des économies sont menés par des politiques de privatisation et par d'autres moyens mis en oeuvre pour diminuer le rôle de l'etat. A la fin des années 80, les gouvernements à travers le monde réduisent leurs responsabilités dans le secteur public en s'éloignant du financement et de l'approvisionnement des services tout en conservant un contrôle régulateur et financier. Le passage vers des systèmes pluralistes de gouvernement a également marqué le contexte politique des pays en voie de développement. Ce passage s'est opéré principalement dans les années 80 en Amérique Latine et au début des années 90 en Afrique. Changements démographiques La diminution du taux de natalité enregistrée dans certains pays (dont la Chine) ne compense pas, en termes d accroissement de populations, les effets de la diminution du taux de mortalité infantile ou l augmentation de l espérance de vie. La transition démographique s opère de façon inégale dans les PVD, qui sont toujours caractérisés par des taux de croissance importants. Les migrations de populations rurales vers les centres urbains se poursuivent et s'accélèrent entraînant des problèmes spécifiques (voir Document Santé Urbaine). Changements épidémiologiques A l'exception de certaines maladies comme le SIDA, la mortalité spécifique des maladies infectieuses diminue sur le plan mondial. En raison des changements démographiques, les maladies chroniques/non-infectieuses (maladies cardio-vasculaires) deviennent les causes principales de mortalité. Cette transition épidémiologique se fait cependant de manière très inégale. Des pathologies considérées comme éradiquées dans certaines régions réapparaissent (Tuberculose, Trypanosomiase,...). Selon la Banque Mondiale, l'accroissement de la résistance aux traitements disponibles du parasite de la malaria pourrait doubler le taux de mortalité et provoquer d'ici quelques années 2 millions de morts

AEDES 5 Document Financement par an. Les changements dans le profil des mortalités concernent pour l'instant en priorité les pays à industrialisation récente (Amérique Latine, Asie du Sud-Est). Par ailleurs, la pandémie du SIDA affecte en profondeur les services de santé. La maladie occupe déjà la première place parmi les causes spécifiques de mortalité chez les jeunes adultes dans beaucoup de pays. Les pays en voie de développement sont particulièrement touchés avec plus de 80% du total des cas de HIV positif rapportés vivants (Banque Mondiale, 1993) (UNAID 1996). 2.3 LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA SANTE 2.3.1 Le désengagement de l'etat en matière de financement des services de santé Malgré l'augmentation des besoins en matière de santé qui découlent des changements épidémiologiques et démographiques, on assiste a une diminution des dépenses publiques de santé due à la crise économique et aux pressions sur les dépenses publiques. Les graphiques suivant illustrent l'évolution de la part de la santé dans le budget de l'etat au Mali depuis la fin des années 60. Il apparaît que les efforts du Gouvernement ont faiblis progressivement depuis 1970. Le budget de la santé représentait alors 9% du budget de l'etat. En l'espace de 20 ans, cette proportion a diminué de près de 50% (graphique 1). Entre-temps le produit national brut par personne augmentait de l'ordre de 50% (graphique 2).

AEDES 6 Document Financement Graphique 1 : Part de la santé dans le budget de l'etat - Mali 1967-1989 9,0 8,0 7,0 6,0 5,0 % 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 Année Source : Budget du Ministère de la Santé Publique du Mali. Graphique 2 : PNB par personne 80000 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 66 68 70 72 74 76 78 F CFA/pers. 80 82 84 86 88 Année Source : Banque Mondiale (1987) et (1991) Le Mali se situe en peu en deçà de la moyenne de 5% du budget de l'etat consacré à la santé observée dans les pays de l'afrique sub-saharienne et sensiblement en deçà des 8% souvent recommandés par l'oms.

AEDES 7 Document Financement Contrairement à d'autres rubriques du budget de l'etat, on constate que les dépenses engagées dans le domaine de la santé ne correspondent pas toujours aux dépenses votées. Les graphiques cidessous présentent le cas du Tchad où les restrictions budgétaires des années 85 à 90 ont affecté l'engagement des dépenses en santé. Ceci se répercute bien évidemment sur les budgets en périphérie. Pour la série de données analysées, le budget engagé pour la santé en fonction du budget de la santé voté est au plus bas en 1985 avec un rapport de 67% (graphique 3). L'analyse macroéconomique doit donc s'attacher au budget engagé et non au budget voté (graphique 4). Graphique 3 : Evolution du budget santé au Tchad (1985-1990) % budget santé voté et engagé 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1985 1986 1987 1988 1989 1990 Année Source : Annuaire statistique BSPE, Ministère de la Santé, Tchad. Graphique 4 : Evolution du budget santé du Tchad (1985-1990) 8 7 % 6 5 4 4,1 3,7 2,9 3,8 4,2 4,3 3 2 1 0 3,9 3 2,9 2,5 3 3,7 1985 1986 1987 1988 1989 1990 Année Série2 : % du budget tel que engagé Série1 : % du budget santé tel que voté Source : Annuaire statistique BSPE, Ministère de la Santé, Tchad.

AEDES 8 Document Financement 2.3.2 Le niveau des dépenses publiques et privées pour les services de santé Le désengagement de l'etat en ce qui concerne le financement du système public des services de santé entraîne le recours à des financements privés et le recours à l'aide extérieure (hors aide au budget de l'etat). Une étude de Brunet-Jailly et al. (Brunet-Jailly et al., 1989), comparée avec celle de Rasera (Rasera, 1986), rapporte qu'au Mali, les coûts de fonctionnement sont supportés par l'etat pour 23%, par le budget familial pour 75% et par l'aide extérieure pour 2%. Le tableau et les graphes ci-dessous présentent pour une série de pays les niveaux de dépenses totales, privées et publiques consacrées aux services de santé en 1990 (Tableau 1 et graphiques 5 à 7). Graphique 5 : Dépenses en santé par personne (1990) Dépenses privées Dépenses publiques Chili Zaïre Tchad Somalie Mozambique Inde Chine Burkina Faso 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%80% 90%100% % des dépenses totales en santé Note : Aide extérieure soutenant principalement le secteur public Source : Banque Mondiale (1993).

AEDES 9 Document Financement Tableau 1 : Pays à revenu faible Bangladesh Burkina Faso Chine Ghana Inde Kenya Mali Mozambique Somalie Tchad Zaïre Pays à revenu intermédiaire inf. Chili Maroc Philippines Turquie Pays à revenu intermédiaire sup. Brésil Mexique Pays à revenu élevé Royaume Uni Etats Unis Dépenses totales en santé/pers. Dépenses publiques en santé/pers. Dépenses privées en santé/pers. % du PNB en $ % du PNB en $ % du PNB en $ 3,2 % 8,6 % 3,5 % 3,5 % 6,0 % 4,3 % 5,2 % 6,0 % 3,1 % 6,3 % 3,0 % 4,7 % 2,8 % 2,8 % 3,9 % 4,2 % 3,2 % 6,1 % 13,3 % 7 25 11 14 21 16 15 6 4 13 6 100 29 20 76 132 89 1.039 2.896 1,4 % 7,0 % 2,1 % 1,7 % 1,3 % 2,7 % 2,8 % 4,4 % 0,9 % 1,6 % 0,8 % 3,4 % 0,9 % 1,9 % 1,5 % 2,8 % 1,6 % 5,2 % 5,6 % 3 20 7 7 5 10 8 4 1 3 2 72 9 14 29 88 45 886 1.218 1,8 % 1,6 % 1,4 % 1,8 % 4,7 % 1,6 % 2,4 % 1,6 % 2,2 % 4,7 % 2,2 % 1,3 % 1,9 % 0,9 % 2,4 % 1,4 % 1,6 % 0,9 % 7,7 % 4 5 4 7 16 6 7 2 3 10 4 28 20 6 47 44 44 153 1.678 Source : Banque Mondiale (1993) Graphique 6 : % du PNB en dépenses en santé (1990) Etats-Unis Royaume Uni Turquie Tchad Mali Kenya Inde Ghana Chine Burkina Faso 0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% % du PNB Public Privé

AEDES 10 Document Financement Graphique 7 : Dépenses en santé par personne (1990) Public Privé Philippines Zaïre Tchad Somalie Mozambique Mali Chine Burkina Faso Bangladesh 0 5 10 15 20 25 US$/personne L interprétation de ces chiffres doit tenir compte des différents de niveau d offre de soins ainsi que des différences du coût des soins de service - Source : Banque Mondiale (1993). La Banque Mondiale (Banque Mondiale, 1993) estime par ailleurs que pour couvrir des services cliniques de première nécessité et les interventions de santé publique de base il serait nécessaire d'allouer de l'ordre de 12 à 22$ par personne par an. Il s'agit d'estimations moyennes dépendantes du niveau de revenu du pays (Graphe 8). Graphique 8 : Estimation du coût annuel par personne 22 Total 12 Intervention santé publique de base 4 7 Pays à revenu intermédiaire (2) Pays à faible revenu (1) Services cliniques 1ère nécessité 8 15 0 5 10 15 20 25 En US$ (1) PNB = 350 $/per capita (2) PNB = 2.500 $/per capita Les interventions de santé publique comprennent ici la vaccination, l'administration des soins à l'école, l'information et les choix de services de planification familiale, la mise en place de programmes pour

AEDES 11 Document Financement réduire la consommation de tabac et d'alcool, la prévention du SIDA ainsi que quelques investissements publics d'amélioration des conditions de vie. Les services cliniques de première nécessité, quant à eux, comprennent les services de soins liés à la naissance, le service de planning familial, la lutte contre la tuberculose, la lutte contre les MST, les soins aux jeunes enfants ainsi que le traitement d'infections et trauma mineurs. Le chapitre trois de la seconde partie de ce document présente des budgets basés sur les expériences de MSF. Ces budgets couvrent les coûts directs permettant de pourvoir un paquet d'activités au niveau d'un district. Le paquet d'activité est cependant plus restreint que celui de la Banque Mondiale. Il ressort de ces éléments que les ressources consacrées à la santé, utilisées de façon efficiente, sont en moyenne insuffisantes pour couvrir le paquet d'interventions recommandé par la Banque Mondiale. 2.3.3 L'évolution de la répartition des dépenses publiques pour l'etat. La réduction du budget public pour la santé a une répercussion prioritairement sur les rubriques de dépenses plus facilement compressibles: le fonctionnement général et les médicaments. La rubrique des salaires est un coût fixe ou semi-variable en ce qui concerne les contractuels. Cette rubrique est plus difficilement compressible. Elle est par ailleurs préservée autant que possible par les gouvernements dans un souci de stabilité sociale. Le graphique suivant présente l'évolution de la répartition des dépenses publiques en Mauritanie, au Tchad et au Libéria (Graphique 9). Graphique 9 : Evolution de la répartition des dépenses publiques pour les services de santé Libéria 88 Libéria 82 Tchad 89 Tchad 77 Mauritanie 88 Salaires Fct. général Médicaments Mauritanie 78 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 % des dépenses publiques totales en santé Source : MOH ou MSP de Mauritanie, Tchad, Liberia. A la longue, la diminution continue du financement public de la santé a cependant également des conséquences sur les salaires et l'engagement de personnel supplémentaire. Elle se traduit par des retards de paiement des salaires, leur gel et des délais de plusieurs années dans la fonctionnarisation des promotions plus récentes de médecins et d'infirmiers. Malgré la pression des programmes d'ajustement structurel, la diminution du nombre de fonctionnaires reste encore timide (Graphique 10).

AEDES 12 Document Financement Graphique 10 : Evolution des fonctionnaires au Mali 60000 50000 Nbre fonct. 40000 30000 20000 10000 0 1961 1964 1970 1975 1979 1983 1987 1991 Année Sources: Dao (1987) pour 1961-1983, FMI (1988) pour 1988 et d'après Brunet-Jailly (1993) pour 1991 (estimation grossière) 2.3.4 Une répartition déséquilibrée des ressources publiques consacrées à la santé L'allocation des ressources publiques consacrées à la santé tendent à favoriser les zones urbaines et les soins curatifs hospitaliers. Le privilège des zones urbaines On constate dans de nombreux pays que les dépenses se répartissent préférentiellement en faveur des groupes les plus influents, en particulier dans les zones urbaines. La répartition des médecins au Tchad illustre bien le déséquilibre de l'allocation des ressources entre la capitale et la périphérie. En 1992, sur un total de 180 médecins, 60% se trouvent en ville où vit 10% de la population donnant un ratio de 0,20 médecin pour 1.000 habitants. En périphérie où se répartissent les médecins restant, le ratio est de 0,015 médecin pour 1.000 habitants 1. La situation de Siem Reap au Cambodge (1991) illustre ce déséquilibre à un niveau régional et pour l'ensemble des niveaux de qualification (Tableau 2). Tableau 2 : Répartition du personnel médical - Siem Reap (1991) Niveau de qualification Zone urbaine Zone rurale (personnel médical et paramédical) Médecin 13 0 Médecin assistant 26 19 Infirmier d'etat 47 62 Sage femme d'etat 51 32 Autres avec qualification 12 10 Total du personnel qualifié 149 123 Source: MSF-Cambodge La zone urbaine de la Province dispose de 2,3 travailleurs qualifiés par 1.000 habitants tandis que la zone rurale dispose de 0,27 travailleurs qualifiés par 1.000 habitants. Le privilège des soins hospitaliers 1 La moyenne pour l'afrique Sub-Saharienne est de 0,12 médecin pour 1.000 habitants.

AEDES 13 Document Financement L'étude des budgets des Ministères de la Santé de nombreux pays révèle une concentration de ressources publiques importantes dans les soins curatifs hospitaliers des grandes villes (avec une part importante dans les structures de santé à vocation tertiaire). Cette allocation des ressources trouve son origine dans l'héritage d'un système hospitalo-centré et dans la pression des intérêts de l'élite urbaine Le tableau ci-dessous (tableau 3) présente la répartition des dépenses publiques pour la santé du Mozambique. La présentation par rubrique et par niveau de soins illustre la concentration des ressources publiques au niveau hospitalier. Tableau 3 : Répartition des dépenses publiques pour les services de santé au Mozambique Niveau Salaires Fonctionnement général Médicaments Structures à vocation tertiaire 58% 67% 51% (hôpitaux spécialisés nationaux et régionaux) Structures secondaires 15% 13% 12% (hôpitaux de district) Primaire 27% 20% 37% (centres et postes de santé) 100 % 100% 100% Source: OMS (a) 2.3.5 Les ressources pour les dépenses en médicaments La réduction du budget santé et de la part relative pour l'achat des médicaments accroît ou crée une carence en médicaments dans les structures publiques. L'OMS (OMS, 1991) estime qu'une dépense de 5 à 10$ par habitant permet un approvisionnement satisfaisant en médicaments essentiels 2 dans les pays voie de développement. Les évaluations de coût d'approvisionnement de médicaments essentiels effectuées par MSF dans un système rationalisé permettent de fixer un objectif de l'ordre de 0,40$ par personne pour les médicaments essentiels (vaccins inclus) disponibles dans les centres de santé et de l'ordre de 0,50$ par personne par an pour les médicaments essentiels au niveau des hôpitaux de district. Le coût moyen par personne par an pour les médicaments essentiels dans un district rationalisé est de moins de 1 $ par personne par an 3. Dans le graphique suivant, ces estimations sont confrontées aux données de dépenses en médicaments par pays (graphique 11). 2 Sous la rubrique "médicaments essentiels" sont également compris les vaccins et le matériel médical renouvelable. 3 Ces estimations sont confirmées par d'autres sources (Henrard du CEMUBAC, Foster de la LSTM)