Dr Patrice BAUD Quelle est la place des examens complémentaires dans l exploration d une douleur neuropathique?

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Transcription:

Quelle est la place des examens complémentaires dans l exploration d une douleur neuropathique? I) Pourquoi demander un examen complémentaire? Le diagnostic de douleur neuropathique étant un diagnostic syndromique purement clinique, les examens complémentaires qu il peut être utile de demander s attacheront avant tout en pratique quotidienne à découvrir, confirmer, ou documenter l existence de la lésion neurologique causale (diagnostic étiologique) et éventuellement à suivre son évolution, ou en milieu spécialisé et dans le cadre de la recherche clinique à préciser les mécanismes physiopathologiques de la douleur. Alors que les examens complémentaires au cours du diagnostic étiologique ne sont pas spécifiques et restent indépendants de la situation douloureuse, le but premier de la documentation paraclinique spécifique chez un patient souffrant d une douleur neuropathique est d évaluer le fonctionnement des différents types de fibres sensitives et éventuellement d orienter le diagnostic étiologique, surtout de comprendre si possible les mécanismes pathologiques à l origine de la douleur. Un tel bilan est toujours en continuité directe avec l examen clinique de la sensibilité et n a aucun intérêt isolément. Il doit répondre aux questions restées en suspens après cet examen : - quel système de fibres sensitives fonctionne anormalement ou est lésé? - existe-t-il un système de fibres sensitives intact qu il est possible de stimuler à titre antalgique (voir chapitre 9)? - existe-t-il des anomalies neuro-végétatives impliquant le système sympathique? En pratique, on distingue les examens que tout praticien peut solliciter rapidement et dont les résultats sont intégrables sans difficulté à une démarche courante de prise en charge, et ceux restant du ressort d équipes spécialisées situées dans quelques structures hospitalo-universitaires seulement. Il faut bien noter que les examens de routine - électroneuromyographie (EMG) et potentiels évoqués somesthésiques (PES) - n explorent que le système dit lemniscal (grosses fibres myélinisées des sensibilités tactile fine et proprioceptive non douloureuses), alors que les examens d accès plus limité - potentiels évoqués nociceptifs (PEN) et thermotest - n explorent que le système extra-lemniscal (sensibilités thermique et douloureuse). L évolution rapide des connaissances, des technologies, et des pratiques, devrait dans quelques années rendre relativement accessible l ensemble de ces méthodes d exploration des voies sensitives.

Les blocs de conduction exploratoires s attachent le plus souvent à évaluer une réponse thérapeutique, ou à préparer un geste thérapeutique proprement dit, et ne sont utilisés à titre d examen complémentaire que par des équipes spécialisées dans la prise en charge de la douleur neuropathique car l interprétation du résultat peut être équivoque. II) Examens de routine a) L électroneuromyographie (EMG) Propriétés. L EMG permet l évaluation du système nerveux périphérique en explorant uniquement les fibres myélinisées de gros calibre de la sensibilité lemniscale, et ne donne donc aucune information concernant les petites fibres de la sensibilité extra-lemniscale. Indications. Il est souvent très utile pour préciser le site lésionnel (lésions tronculaires, polyneuropathies, atteintes radiculaires, atteintes plexiques) et la nature des lésions (axonale, démyélinisante, ou mixte). Intérêts. Cet examen fiable et rapide (15 à 30 mn), d accès facile, permet fréquemment lorsqu il est couplé au contexte anamnestique, aux antécédents, et à l examen clinique, de préciser la topographie d une lésion neurologique périphérique et d orienter la démarche étiologique ou la stratégie paraclinique ultérieure. Limites. 1) Il ne permet pas d affirmer ou d exclure l existence d une cause lésionnelle à une douleur. 2) Il ne permet pas de quantifier une douleur. 3) Il ne permet pas d affirmer qu une douleur est neuropathique (par exemple, un EMG pathologique révélant d importants signes de dénervation ne signifie pas qu une sciatique soit douloureuse). 4) Il ne permet pas d exclure l origine neuropathique d une douleur lorsqu il est normal (par exemple, chez un patient diabétique présentant une polyneuropathie douloureuse avec atteinte sélective des petites fibres non explorables par cet examen). 5) Il ne permet pas d explorer l ensemble du système nerveux périphérique : certains syndromes canalaires douloureux affectant des petits troncs nerveux et/ou de

topographie profonde (branches rachidiennes) restent difficiles voir impossibles à explorer. 6) Il peut être algogène chez certains patients, dont l exploration n est préférable qu une fois un certain niveau d antalgie obtenu. b) Les potentiels évoqués sensitifs (PES) Propriétés. Les PES explorent uniquement les fibres sensitives myélinisées de gros calibre, cutanées et profondes, de la sensibilité lemniscale, et ne donne donc aucune information concernant les petites fibres de la sensibilité extra-lemniscale. La stimulation électrique répétée d un tronc nerveux riche en fibres lemniscales (le plus fréquemment, nerf médian au poignet ou nerf tibial postérieur à la cheville) permet d évoquer une réponse électrique de faible voltage en plusieurs points des voies lemniscales, recueillie en divers points au moyen d une électrode de surface. Une réponse moyenne est obtenue après répétition de la stimulation au cours de deux séries successives de plus de 1000 stimuli par tronc nerveux. Cet artifice technique, contraignant car imposant un temps d examen assez long dans des conditions de repos complet (2 à 3 heures pour 4 membres), est nécessaire car il renforce la réponse évoquée en diminuant le bruit de fond. Indications. Les PES complètent l EMG dans l exploration du système lemniscal en fournissant des informations sur la périphérie, principalement au niveau proximal (radiculaire et jonction radiculo-médullaire), mais surtout en explorant la plupart des projections centrales des fibres lemniscales : relais médullaire, relais cervical, cortex pariétal. Intérêts. 1) En cas de lésion du plexus brachial (avulsions), ils montrent des perturbations différentes si la lésion est proximale, entre le ganglion rachidien et la moelle, ou si la lésion est distale, au niveau du plexus lui-même. Ils orientent le pronostic et les possibilités de réparation chirurgicale. 2) En cas de lésions médullaires, l exploration des cordons postérieurs permet éventuellement de rattacher à cette topographie lésionnelle une douleur neuropathique, par exemple inaugurale dans le cadre d une SEP ou au niveau des membres inférieurs dans le cadre d une myélopathie cervicarthrosique. 3) Les lésions des voies lemniscales encéphaliques sont explorables sur le plan fonctionnel uniquement par cette méthode (dans le cadre de la SEP en particulier).

4) La décision d implantation d un stimulateur médullaire à titre antalgique (voir chapitre 9) est conditionnée par l absence d anomalie des cordons postérieurs de la moelle, explorables sur le plan fonctionnel uniquement par cet examen. Limites. 1) Les PES ne sont applicables qu au niveau de certains nerfs aisément stimulables et de gros calibre (essentiellement nerfs médian, cubital, et sciatique poplité externe). Ils ne permettent donc pas d explorer les racines rachidiennes ni les dermatomes. L exploration du nerf trijumeau reste encore limitée à quelques équipes spécialisées. 2) Les conditions d enregistrement doivent être rigoureuses et l exploration nécessite 2 à 3 heures pour obtenir des réponses fiables aux 4 membres. II) Examens d accès limité a) Le thermotest Propriétés. Les voies extra-lemniscales sont explorées avec des stimulations thermiques appliquées sur la peau au moyen d une thermode délivrant des stimulations chaudes ou froides, en-dessous ou au-dessus du seuil douloureux. Des méthodes de détection de seuil permettent ainsi d objectiver un déficit de la sensibilité cutanée thermique (non douloureuse et douloureuse) dans un territoire siège d une douleur. Indications. Le thermotest permet de confirmer une atteinte sélective des fibres périphériques de la sensibilité extra-lemniscale (polyneuropathies des petites fibres avec EMG normal). Il permet d évaluer précisément l existence ou l absence d une réaction allodynique ou hyperalgésique, même discrète, dans un territoire douloureux (seuils anormalement bas). Intérêts. Le thermotest représente, pour l exploration des petites fibres sensitives, ce que l EMG représente pour l exploration des grosses fibres sensitives. Limites. Le thermotest n est réalisable que dans quelques structures spécialisées et n est appliqué pour le moment presque exclusivement qu à la recherche clinique et pharmacologique, mais son usage tend à se développer dans les services d explorations fonctionnelles neurologiques. Les réponses verbales permettant de connaître la sensation perçue, condition nécessaire pour évaluer les seuils, sont dépendantes du patient.

b) Les potentiels évoqués nociceptifs (PEN) Propriétés. L application très brève d un faisceau laser de petite taille sur la peau permet d obtenir une augmentation très rapide et localisée de la température au niveau des nocicepteurs superficiels et donc de les stimuler. La stimulation cutanée thermique par laser CO 2 permet ainsi d activer spécifiquement les fibres Aδ et C, le recueil sur le scalp des réponses évoquées corticales étant réalisée au moyen d électrodes de surface dans les mêmes conditions que les PES (stimulations répétitives). Cette méthode explore donc les voies de la sensibilité cutanée extralemniscale, thermique et douloureuse. Deux types de réponses peuvent être obtenues au niveau cortical avec l arrivée des influx véhiculés par les fibres Aδ, corrélées avec la sensation douloureuse perçue : une première réponse survenant précocement correspond dans la région pariétale à une analyse discriminative de la sensation douloureuse (brûlure très aiguë et brève) ; la réponse plus tardive au niveau frontal correspond aux réponses attentionnelles et émotionnelles liées à la sensation douloureuse. Les réponses corticales évoquées par la stimulation des fibres C sont beaucoup plus tardives et correspondent à une sensation différente (brûlure plus durable et plus diffuse). Indications. Les PEN permettent de confirmer une atteinte sélective des voies de la sensibilité extra-lemniscale, en particulier lorsque l EMG est normal (polyneuropathies des petites fibres, comme au cours du diabète ou de l éthylisme chronique), ou notamment lorsque les PES restent normaux au cours de certaines douleurs centrales (lésion médullaire partielle, syndrome de Wallenberg incomplet, certains syndromes thalamiques). Intérêts. Les PEN représentent, pour l exploration des voies extra-lemniscales, ce que les PES représentent pour l exploration des voies lemniscales. Les PEN permettent d expertiser le mode d action de certaines procédures antalgiques, pharmacologiques, ou chirurgicales (stimulation centrale). Limites. L ensemble de l étage médullaire des voies extra-lemniscales n est pas encore directement explorable par les PEN aujourd hui. Les PEN ne sont réalisables que dans quelques structures spécialisées. IV) Examens de recherche clinique a) Le réflexe nociceptif en flexion (RIII)

Propriétés. La stimulation électrique du nerf sural permet d enregistrer deux types de réponses motrices sur le biceps fémoral selon l intensité de la stimulation délivrée. Avec des stimulations faibles est obtenue une réponse précoce correspondant à l activation des grosses fibres myélinisées, corrélée cliniquement à une sensation tactile. De fortes stimulations au niveau du nerf sural provoquent une réponse tardive (RIII) dont le seuil d apparition, en augmentant l intensité de stimulation, correspond au seuil de sensation douloureuse. Il s agit d un réflexe strictement médullaire. Il est possible d appliquer cette méthode aux membres supérieurs, mais les réponses sont beaucoup moins reproductibles. Le Blink Reflex (méthode d enregistrement du réflexe de clignement), beaucoup plus fréquemment pratiqué en exploration fonctionnelle neurologique, est un équivalent au niveau facial et permet de recueillir une réponse de type RIII dépendant des voies trigéminales. Indications. La mesure du seuil du réflexe RIII peut aider le clinicien dans la compréhension de certains tableaux douloureux chroniques. La constatation d une augmentation du seuil douloureux perçue sans modification du seuil d apparition du réflexe RIII évoque un mécanisme anorganique. Alors que dans les syndromes douloureux chroniques, le seuil est habituellement (mais non obligatoirement) abaissé, au cours des analgésies congénitales à la douleur, le seuil de la sensation douloureuse et d obtention du réflexe est anormalement élevé. Intérêts. Mis à part le Blink Reflex, l étude du réflexe RIII est surtout appliquée en pharmacologie pour démontrer l action médullaire de certains analgésiques, ainsi que pour la compréhension des mécanismes d action de certaines techniques antalgiques (neurostimulation cutanée ou cordonale postérieure ; radicellectomie postérieure sélective, appelée drezotomie). Limites. L usage et la réalisation de la mesure du seuil du réflexe RIII, en dehors du Blink Reflex, sont aujourd hui réservés à des équipes spécialisées dans l exploration des mécanismes physiopathologiques de la douleur. b) L imagerie cérébrale fonctionnelle L imagerie cérébrale fonctionnelle, telle que l IRM fonctionnelle (IRMf) ou la tomographie par émission de positons (PET-Scan), a permis de grands progrès dans la compréhension des mécanismes de la douleur neuropathique (allodynie, en particulier) et des techniques de stimulation centrale. Ce type d imagerie permet de plus aujourd hui de reconnaître les différentes structures cérébrales, en particulier corticales, activées après stimulation sensitive, douloureuse ou non, dans un contexte donné (situation douloureuse aigue ou chronique, hypnose, anticipation

anxieuse, administration de placebo). Le coût et la complexité d analyse des résultats réservent pour l instant ces techniques à la recherche clinique réalisée dans quelques structures spécialisées. c) Exploration du système sympathique La thermographie et les réponses sudorales galvaniques permettent d objectiver d éventuelles anomalies du système sympathique. Ces techniques sont complexes et les résultats sont très sensibles à tout phénomène émotionnel. Dans le domaine de la douleur neuropathique, il s agit de techniques réservées à des équipes spécialisées et utilisées dans le cadre de la recherche. V) Les blocs de conduction exploratoires Il ne faut pas confondre les blocs de conduction non thérapeutiques employés à titre diagnostique et donc exploratoires, dont il est question ici, et les blocs analgésiques constituant des gestes thérapeutiques proprement dit, pratiqués avec divers types de produits (voir chapitre 7). Bien que leur réalisation soit assez aisée, les blocs de conduction exploratoires sont avant tout employés dans la cadre de l évaluation spécialisée ou de la recherche clinique, pour compléter la plupart du temps les autres techniques d exploration, car l interprétation des résultats n en est pas simple et peut être équivoque. Dans le cadre de la pratique clinique, l intérêt principal des blocs de conduction exploratoires est l évaluation anticipatoire d un geste thérapeutique complexe (par exemple, bloc intrarachidien préalable à l implantation d une pompe intrathécale). Par leur action différentielle sur les fibres sensitives (blocage sélectif de conduction des petites fibres), les blocs tronculaires aux anesthésiques locaux peuvent être utilisés afin d étudier le rôle de chacun des deux contingents de fibres dans la genèse d une douleur neuropathique. A concentrations croissantes, la xylocaïne agit d abord préférentiellement sur les fibres sympathiques, puis sur les fibres C, et enfin sur les fibres Aδ. Les blocs ischémiques (par garrot) intéressent surtout les grosses fibres Aβ et de façon très limitée les fibres Aδ. Il est également possible de bloquer spécifiquement le système sympathique au niveau des ganglions paravertébraux (bloc stellaire à la guanéthidine) afin d apprécier la participation sympathique. Les principales caractéristiques des examens complémentaires de routine ou relativement accessibles en pratique courante sont présentées dans le tableau 1.