Cas clinique VIH. Atelier 5

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Transcription:

Cas clinique VIH Pr Marie-Caroline Meyohas Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) Hôpitaux Universitaires de l Est Parisien Service de maladies infectieuses et tropicales Site Saint Antoine 29 mars 2015 Atelier 5

Madame D Patiente de 32 ans, vivant en Afrique subsaharienne Arrive en France en mai 2012 pour dépistage VIH ( séparation récente d avec son mari qui refusait qu elle fasse une sérologie) Hospitalisation en juin 2012 pour fièvre avec AEG et toux quelques jours après la découverte de séropositivité VIH1 ATCD asthme avec bronchite à répétition paludisme fièvre typhoïde ulcère gastroduodénal

Mme D (suite) En hospitalisation 1. VIH: CD4 à 60/mmᶟ soit 10 % avec rapport CD4/CD8 à 0,15 Charge virale VIH à 219 000 copies/ml soit 5,4 log 2. Traitement d une bronchopneumopathie bactérienne, d une candidose oro-pharyngée, œsophagienne et vulvo-vaginale, d un herpes génital étendu 3. Traitement par valganciclovir d une infection à CMV (PCR très positive dans le sang) sans maladie ( FO normal, pas de diarrhée) 4. Pas de co-infection VHB ou VHC 5. Probable LIP associée ( syndrome interstitiel persistant)

Prise en charge 1. Traitement des infections évolutives 2. Elimination des autres principales IO évolutives (tuberculose, pneumocystose, toxoplasmose, cryptococcose ) 3. Mise en place d une prévention de la pneumocystose et de la toxoplasmose par du cotrimoxazole 4. Instauration d un traitement Kivexa (abacavir+ lamivudine) en l absence d HLA B5701 Prézista ( darunavir)+ boost Norvir (ritonavir) Car prévision de difficultés d observance et de suivi chez cette patiente précaire

Mme D Histoire gynéco-obstétricale Un fille de 7 ans au pays (stimulation ovarienne) La sérologie VIH faite en août 2012 sera positive Traitement en CHU Dite stérile ensuite. Mari séropositif traité à l étranger. Fausse-couche spontanée en août 2012 Mauvaise observance thérapeutique : une prise puis deux prises par jour (blips) mais traitement du soir oublié, puis une prise par jour Grossesse DDR le 6/01/2013

Suivi du bilan immuno-virologique J0 abacavir+ lamivudine+ darunavir+ ritonavirb CD4/mmᶟ Charge virale VIH en copies/ml 60 219 000 M2 146 494 M6 Grossesse Pas de résistance M12 Augmentation posologie darunavir( 120 kg) Intensification raltégravir M15 accouchement 172 82 192 81 271 < 20 Petite fille non contaminée

Mme D (suite) Nouvelle grossesse (DDR le 13/12/2013) En mars 2014, part du jour au lendemain au pays «pour deux mois» avec sa fille âgée de 5 mois Revient en juillet (7 ème mois) après prise irrégulière du traitement ARV puis interruption thérapeutique: asthénie +++, fièvre à 38 C, frissons, diarrhée liquidienne, mouchage purulent et sanglant Hospitalisation en maladies infectieuses pour prise en charge thérapeutique mais transfert rapide en maternité car contractions. Sortie après 48h.

Suivi du bilan immuno-virologique CD4/mmᶟ Charge virale en copies/ml M7 de grossesse Reprise du même traitement avec Intensification par raltégravir 193 27 797 M8 268 36 Accouchement 386 < 20 Garçon non contaminé

Contexte social Patiente venant d un milieu social élevé en Afrique subsaharienne Devient précaire: arrive seule en France sans ressources Hospitalisation rapide avec infection par le VIH au stade SIDA Sortie difficile: aide d une association pour aller dans un foyer, intermèdes chez des connaissances Fait elle-même toutes les démarches nécessaires Récemment : logement avec un appartement en grande banlieue avec ses deux enfants deux ans et demi après son arrivée en France Formation professionnelle qui débute dans une semaine

Prise en charge Éducation thérapeutique : prévention, grossesse Prise en charge sociale : titre de séjour; logement, pôle emploi Thérapeutique adaptée Suite de l histoire Meilleure prise du traitement dans un nouveau contexte de logement stable, nouvel ami Charge virale reste < 20 copies/ml au contrôle à M4 postpartum, après arrêt de l intensification par raltégravir en post-partum

Prévention de la TMF chez cette patiente Obstacles à la prise en charge Vie personnelle compliquée imbroglio sentimental conditions sociales avec un problème organisationnel conditions psychologiques Croyances très fortes grossesses qui sauvent recherche d un idéal de vie Déni de la maladie Soutien familial ou amical absent Violation du secret (séropositivité clamée ) avec stigmatisation

Prévention de la TMF chez cette patiente Facteurs favorisants Aide à l observance avec accompagnement (infirmière d éducation thérapeutique, assistantes sociales) Traitement antirétroviral optimisé pour - empêcher la TMF - éviter les résistances

Rationnel de l utilisation du raltégravir pendant la grossesse Baisse rapide de la charge virale Indication si intolérance ou résistance à d autres ARV (L Croci,2012, Eur J Clin Pharmacol, 68: 1231-1232 ) Passage transplacentaire avec corrélation entre sang de cordon et taux sérique à la naissance, et accumulation dans le liquide amniotique (D Clarke, JAIDS, 2014; B Best, H-1668a, ICAAC 2010)

Efficacité virologique et immunologique à S48 Patients With HIV RNA < 50 copies/ml (%) 100 80 60 40 20 0 ITT, NC = F : 4 (95% CI: -2 to 10) P <.001 for noninferiority 0 2 4 8 12 16 24 32 40 48 Weeks RAL n = 281 279 281 279 281 279 278 280 280 EFV n = 282 282 282 282 281 282 280 281 281 86% 82% RAL EFV STARTMRK LENNOX J, et al. ICAAC/IDSA 2008.

Raltégravir + ténofovir à 38 semaines Césarienne àj9 C Pinnetti, 2010, J Antimicrob Chemother CV sang de cordon < 20 copies/ml

Question Large variabilité des taux sériques du raltégravir. Quid chez la femme enceinte? Pas de modifications significatives des taux sériques du raltégravir pendant la grossesse

Dosage de raltégravir chez la femme enceinte 10 patientes B Best ICAAC 2010

Taux plasmatique médian du raltégravir à 12 h du traitement chez la femme enceinte 23 patientes Belissa E, CROI 2015

Question Quid de la clairance du raltegravir chez les prématurés? avec métabolisation lente hépatique du raltégravir possible Concentration élevée chez nouveaux-nés prématurés, voir très élevée (D Mckeown, AIDS, 2010; A Hegazi, AIDS, 2012)

Indication du raltégravir chez la femme enceinte? Utilisation en fin de grossesse à discuter si charge élevée donc risque élevée de TMF du VIH avec non-observance et/ou résistance du fait de l intensité et de la rapidité de la réponse virologique Mais pas de données de tolérance suffisantes chez le nouveau-né ( essai ANRS) Pas dans les recommandations à ce jour

Conclusion Avoir une charge virale (CV) la plus basse possible, au mieux indétectable pendant toute la grossesse, encore plus en fin de grossesse Traitement dès que possible, si la patiente n est pas déjà sous traitement ARV, que la CV puisse être réalisée ou non Avec les molécules disponibles Accompagnement psychologique et sociale avec l aide d acteurs d «éducation thérapeutique» pour cerner au mieux les problèmes d observance Travail collaboratif entre cliniciens, virologues, obstétriciens et pédiatres: réunions multidisciplinaires régulières