LA DÉMONSTRATION. Introduction : définition et problèmes

Documents pareils
Faut-il tout démontrer?

PEUT- ON SE PASSER DE LA NOTION DE FINALITÉ?

Doit-on douter de tout?

Il y a trois types principaux d analyse des résultats : l analyse descriptive, l analyse explicative et l analyse compréhensive.

Consolidation de fondamentaux

Synthèse «Le Plus Grand Produit»

«Je pense, donc je suis» est une grande découverte

LE CADRE COMMUN DE REFERENCE LA CONVERGENCE DES DROITS 3 e forum franco-allemand

AC AB. A B C x 1. x + 1. d où. Avec un calcul vu au lycée, on démontre que cette solution admet deux solutions dont une seule nous intéresse : x =

L Évolution de la théorie d élasticité au XIX e siècle

Exercices Alternatifs. Quelqu un aurait-il vu passer un polynôme?

Exercices Alternatifs. Quelqu un aurait-il vu passer un polynôme?

Chapitre 2. Eléments pour comprendre un énoncé

Fiche d animation n 1 : Pêle-mêle

Vous revisiterez tous les nombres rencontrés au collège, en commençant par les nombres entiers pour finir par les nombres réels.

SOCLE COMMUN - La Compétence 3 Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

Comparaison de fonctions Développements limités. Chapitre 10

La stabilité des prix : pourquoi est-elle importante pour vous? Brochure d information destinée aux élèves

l'essence de chaque chose se trouve dans la chose même. matière forme

Les principales méthodes d évaluation

Le coaching centré sur la solution

SOCLE COMMUN: LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE. alain salvadori IA IPR Sciences de la vie et de la Terre ALAIN SALVADORI IA-IPR SVT

Théorie des Jeux Et ses Applications

PHYSIQUE Discipline fondamentale

Intelligence Artificielle et Robotique

Méthode universitaire du commentaire de texte

Introduction à la relativité générale

6. Les différents types de démonstrations

Norme comptable internationale 33 Résultat par action

> Tome 1 : La raison et le réel. Cours-PH Cned Académie en ligne

Petit lexique de calcul à l usage des élèves de sixième et de cinquième par M. PARCABE, professeur au collège Alain FOURNIER de BORDEAUX, mars 2007

TOUT CE QU IL FAUT SAVOIR POUR LE BREVET

LA DEMARCHE D UNE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES DEPELTEAU FRANCOIS

Informatique Machines à calculer en théorie et en pratique

Qu est-ce que la virtualisation?

LE VIDE ABSOLU EXISTE-T-IL?

La théorie physique son objet, sa structure

Notre nom est un gage de responsabilité. Wealth-Assurance AG

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

Problématique / Problématiser / Problématisation / Problème

Formation à la systémique pour consultants et personnels RH

Cours d Analyse. Fonctions de plusieurs variables

Consolidation de fondamentaux

LA FRANC-MACONNERIE EXPLIQUÉE PAR L IMAGE

Plan. 5 Actualisation. 7 Investissement. 2 Calcul du taux d intérêt 3 Taux équivalent 4 Placement à versements fixes.

EXERCICES - ANALYSE GÉNÉRALE

La responsabilité juridique des soignants

Examen optimisation Centrale Marseille (2008) et SupGalilee (2008)

France. Conditions d ouverture des droits. Calcul des prestations. Indicateurs essentiels. France : le système de retraite en 2012

LA DEONTOLOGIE FRANCAISE DU CONFLIT D INTERET

LE PROBLÈME DE RECHERCHE ET LA PROBLÉMATIQUE

Chapitre 5. Le ressort. F ext. F ressort

Optimisation des fonctions de plusieurs variables

2 e partie de la composante majeure (8 points) Les questions prennent appui sur six documents A, B, C, D, E, F (voir pages suivantes).

Chères collègues, chers collègues,

LES LOIS PHYSIQUES APPLIQUÉES AUX DEUX-ROUES : 1. LA FORCE DE GUIDAGE

Chapitre 2 Le problème de l unicité des solutions

ATELIER DROIT DES CONTRATS, DE LA CONSOMMATION ET DU COMMERCE ELECTRONIQUE

LA TERRE TOURNE-T-ELLE VRAIMENT? Ernst Mach, le pendule de Foucault et l origine des forces d inertie

Notion de fonction. Résolution graphique. Fonction affine.

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

Chapitre 1 : Évolution COURS

Androids as an Experimental Apparatus: Why Is There an Uncanny Valley and Can we Exploit It?

Que peut nous apporter une réflexion sur nos désirs?

Graines de Sciences. Les scientifiques et leurs ateliers. La physique des super-héros par Roland Lehoucq

MATIE RE DU COURS DE PHYSIQUE

Exercices Alternatifs. Une fonction continue mais dérivable nulle part

Exercices Alternatifs. Une fonction continue mais dérivable nulle part

Chapitre 3 : Les étapes de la consolidation

Plan de cours. Introduction à la recherche scientifique Théorie et approche méthodologique Les principaux auteurs

Classe de première L

Logique. Plan du chapitre

Programmes des classes préparatoires aux Grandes Ecoles

Le développement cognitif selon Jean Piaget. Les stades du développement cognitif selon Piaget

Cours d algorithmique pour la classe de 2nde

Mesure de la dépense énergétique

Chapitre 14. La diagonale du carré

Chacun peut-il penser ce qu il veut? - Chacun : concerne l individu, pas la collectivité - Peut-il : a) a-t-il la capacité? b) a-t-il le droit?

Ligne directrice sur les simulations de crise à l intention des régimes de retraite assortis de dispositions à prestations déterminées

Établissement des taux d actualisation fondés sur la meilleure estimation aux fins des évaluations de provisionnement sur base de continuité

BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL ÉPREUVE DE MATHEMATIQUES. EXEMPLE DE SUJET n 2

Physique Chimie. Utiliser les langages scientifiques à l écrit et à l oral pour interpréter les formules chimiques

Continuité d une fonction de plusieurs variables

b) Fiche élève - Qu est-ce qu une narration de recherche 2?

La persistance des nombres

NOM : Prénom : Date de naissance : Ecole : CM2 Palier 2

exigences des standards ISO 9001: 2008 OHSAS 18001:2007 et sa mise en place dans une entreprise de la catégorie des petites et moyennes entreprises.

Méthode du commentaire de document en Histoire

Plan du cours : électricité 1

Raisonnement par récurrence Suites numériques

Pascal Engel. Si l une des marques de l époque moderne a été le désenchantement. vis à vis des valeurs, et en particulier vis à vis des valeurs de la

Primaire. analyse a priori. Lucie Passaplan et Sébastien Toninato 1

Conditions Générales d Intervention du CSTB pour la délivrance d une HOMOLOGATION COUVERTURE

Droits des malades en fin de vie. Connaître la loi Leonetti et l appliquer

Guide de rédaction d un protocole de recherche clinique à. l intention des chercheurs évoluant en recherche fondamentale

Intervention de M. de Lamotte, président de la section sur l école et son interdépendance avec le marché

Les indices à surplus constant

Le nouveau programme en quelques mots :

Nombres, mesures et incertitudes en sciences physiques et chimiques. Groupe des Sciences physiques et chimiques de l IGEN

Transcription:

1 LA DÉMONSTRATION Introduction : définition et problèmes La démonstration est un raisonnement rigoureux et cohérent par lequel on conclut la nécessité d une proposition à partir d une ou d autres propositions déjà connues. Avant de s appliquer aux phénomènes, la démonstration relève du domaine de la raison. C est tout le sens de la définition de Jean Cavaillès : «Il n est qu une façon de s imposer par une autorité qui n emprunte rien au dehors, il n est qu un mode d affirmation inconditionnel, la démonstration. La Structure de la science, non seulement est démonstration, mais se confond avec la démonstration. En elle se retrouvent bien les traits essentiels : unité, progression nécessaire et indéfinie, enfin fermeture sur soi» (Cavaillès, Sur la logique et la théorie de la science, p. 24). La méthode démonstrative s appuie tantôt sur le raisonnement déductif qui consiste à tirer un effet d une cause, tantôt sur le raisonnement inductif où on remonte à la cause à partir de l effet. La logique et les mathématiques constituent les modèles par excellence de la démonstration. Si le raisonnement démonstratif aboutit à une conclusion nécessaire, en revanche, la méthode de démonstration n acquiert de valeur épistémologique 1 que dans son rapport avec les sciences expérimentales. L objet de ce cours consiste à analyser la méthode de démonstration, en accordant une attention toute particulière aux répercussions de cette méthode sur les sciences. Partant, on peut s autoriser quelques interrogations qui constitueront les enjeux majeurs de cette réflexion : Quelle est la nature de la vérité à laquelle l on accède dans le raisonnement démonstratif? Dans quelles mesures la démonstration intervient-elle dans la connaissance des phénomènes de la nature? Quelles sont les limites de la démarche démonstrative? I. LES FONDEMENTS DE LA DEMONSTRATION Si la démonstration existait bien avant Aristote, en revanche, c est avec ce penseur grec qu elle devient une méthode rigoureuse de connaissance. Aristote a le mérite de spécifier la démonstration comme la démarche du raisonnement correct. La méthode démonstrative est fondée sur les principes logiques, d une part, et sur les axiomes et les postulats mathématiques, d autre part. 1. Principes logiques, axiomes et postulats Le raisonnement démonstratif s appuie sur des propositions évidentes. En logiques, ces vérités sont appelées des principes logiques. On a : 1 L épistémologie désigne l analyse et la critique de la science dans sa nature, ses méthodes, ses résultats et son histoire. Exemples d épistémologues : Auguste COMTE, COURNOT, Pierre DUHEM, Karl POPPER, Gaston BACHELARD.

a. le principe de non-contradiction (une chose ne peut pas être à la fois elle-même et son contraire : a - a). Aristote écrit à ce propos : «Il est impossible que le même attribut appartienne et n appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport» (Aristote, Métaphysique, Г 3). Une proposition ne peut pas être à la fois vraie et fausse sous le même rapport. b. le principe d identité (une chose est égale à elle-même ; exemple : a = a). Ce qui est vrai est vrai. c. le principe du tiers-exclu (de deux choses ou l une ou l autre, il n y a pas de tiers possible ; il n y a pas d intermédiaire possible entre le vrai et le faux). De deux propositions contradictoires, si l une est vraie, l autre est nécessairement fausse. Dans le domaine des mathématiques, les vérités de base de la démonstration sont les axiomes et les postulats. Dans la géométrie d Euclide par exemple nous avons le postulat suivant : par un point extérieur à une droite, il passe une droite et une seule parallèle à la droite donnée. Les principes logiques et les axiomes échappent à toute démonstration et s imposent comme évidents en eux-mêmes. Les postulats, quant à eux sont plutôt des propositions non évidentes mais que le mathématicien pose comme point de départ et qu il demande que l on admette comme vraies, en vue de la démonstration. On comprend alors le sens étymologique du mot démonstration : «montrer à partir de». La démonstration c est donc le raisonnement qui conduit à une conclusion nécessairement vraie à partir de vérité évidentes ou de propositions supposées vraies. 2 2. la démonstration par le syllogisme L un des modèles de raisonnement démonstratif les plus connus est le syllogisme. Inauguré par Aristote, le syllogisme comprend trois parties, à savoir : 1) la Majeure (l universel), 2) la Mineure (le Moyen-terme) qui sont considérées comme des prémisses, et 3) la conclusion, qui découle nécessairement des prémisses. Exemple : Tous les hommes sont mortels (universel) Socrate est un homme (moyen-terme) Donc Socrate est mortel (conclusion nécessaire) On peut aussi remplacer les propositions par des variables conceptuelles tels x, y, z, etc. Il faut noter que ce type de raisonnement démonstratif est purement formel, c est-à-dire qu il ne prend en compte que la forme du raisonnement, faisant abstraction du contenu. La démonstration par le syllogisme vise l accord de la pensée avec elle-même. Exemple : Tout f est g x est f Donc x est g 3. Vérité et validité d une démonstration Le raisonnement démonstratif peut aboutir à une conclusion vraie par la forme et fausse par le contenu (le contenu c est la réalité ou la matière de la pensée, cette dernière étant considérée comme la forme). Exemple : Tous les animaux sauvages sont féroces Or, la chèvre de M. Séguin est un animal sauvage Donc la chèvre de M. Séguin est féroce

Dans ce dernier cas on remarque que la démonstration est logiquement vraie mais elle est fausse par son contenu. Pourquoi? D abord parce qu il existe des animaux sauvages non féroces ; ensuite, la chèvre de M. Séguin n est pas un animal sauvage ; enfin, dans le texte d Alphonse Daudet, la chèvre de M. Séguin, quoique têtue, ne se montre pas pour autant féroce. On dit d une telle proposition qu elle est valide ou formellement vraie. Pour savoir si une démonstration est vraie, on mesure la valeur de vérité de propositions qui la composent. De la même manière une démonstration peut être vraie par le contenue de ses propositions et non valide c est-à-dire fausse par la nécessité de sa conclusion. Exemples : 1. Tout les hommes sont mortels 2. Tout f est g Socrate est mortel x est g Donc Socrate est un homme Donc x est f 3 II. LES TYPES DE RAISONNEMENT DEMONSTRATIF ET LEUR APPLICATION DANS LES SCIENCES Il existe deux types de raisonnement démonstratif, à savoir, la déduction et l induction. La démonstration par voie déductive et la démonstration par voie inductive constituent des méthodes d investigation dans les sciences de la nature, notamment la physique-chimie, l astronomie, la biologie, etc. 1. La déduction C est le procédé par lequel on tire une conclusion particulière à partir d un énoncé ou d un principe universel. Le syllogisme est une forme de démonstration par déduction. Descartes définit la connaissance déductive comme «tout ce qui se conclut nécessairement de certaines autres choses connues avec certitude» (Descartes, Règles pour la direction de l esprit). La méthode dite hypothético-déductive est une méthode proprement démonstrative. Elle consiste justement à poser une hypothèse générale et à tirer des conclusions sur la base de cette hypothèse. Les sciences expérimentales (sciences dures ou sciences de la nature) seraient donc fondées sur le raisonnement déductif. Lorsque Schopenhauer critique l histoire en soutenant qu elle ne peut être une science dans la mesure où elle ne procède pas de l universel au particulier, il veut justement signifier que l histoire n utilise pas la méthode déductive. 2. L induction La démonstration peut se faire par voie inverse. On peut partir d une expérience particulière ou de faits particuliers pour conclure (induire) une vérité générale. La tradition raconte par exemple que Newton a eu l idée de sa théorie de la gravitation universelle en étant réveillé d une sieste par la chute d une pomme sur sa tête. On dit encore qu Archimède a découvert la poussée qui porte son nom (poussée d Archimède) dans une baignoire. De même, l histoire de la médecine retient que c est par inadvertance que Pasteur injecte à des poules des cultures de choléra vieilli, ce qui le mènera à la découverte du vaccin contre la rage. Ces exemples d expériences involontaires recouvrent en réalité une méthode inductive. A partir du constat de l effet, on tire l idée de la cause qu on généralise. Sur la base de faits répétitifs ou récurrents, on induit une loi générale.

A côté de la déduction et de l induction, on peut aussi considérer d autres types de démonstration qui ont fait leurs preuves dans les progrès récents de la science. On notera les statistiques, le calcul des probabilités ou encore les calculs de gradients dans la biologie moléculaire. 4 3. Démonstration et sciences de la nature La démonstration mathématique a joué un rôle majeur dans le progrès des sciences de la nature, à partir surtout des savants modernes tels que Galilée, Descartes ou encore Laplace et Newton. Mais déjà à son époque, Aristote a montré que la vraie connaissance s acquiert par le moyen de la démonstration. Pour lui, la démonstration est le fondement de la connaissance, en générale, et de la connaissance scientifique, en particulier. Le philosophe et savant grec affirme à ce sujet qu «il n y a de science que du démontrable». Les fondateurs immédiats de la science moderne, et plus particulièrement Galilée, Descartes et Newton ont fait de la démonstration mathématique la méthode par excellence de la connaissance des phénomènes de la nature. L histoire retient la célèbre idée de Galilée qui stipule que «le livre de la nature est écrit en langage mathématique» 2. Autrement dit, pour connaître la nature ou pour accéder à un haut degré de crédibilité dans l étude des phénomènes du monde, il faut étudier les mathématiques et appliquer la démarche démonstrative dans l investigation scientifique. Les mathématiques deviennent ainsi un outil ou un modèle dont se sert le savant pour mieux connaître les phénomènes existant et pour prédire des phénomènes inédits. Séduit par la puissance d analyse en vigueur dans la démonstration mathématique, Descartes a tenté de ramener toute la connaissance aux mathématiques. Il faut toutefois noter que, dans les sciences de la nature, la nécessité de la conclusion n acquiert de crédibilité qu après l expérimentation. III. CRITIQUE DE LA METHODE DEMONSTRATIVE 1. Le problème du fondement de la démonstration : critique de Platon et de Husserl Même s il a fait écrire au fronton de l Académie les mots «Nul n entre ici s il n est géomètre», Platon va émettre quelques réserve vis-à-vis des mathématiques. Platon observe que les mathématiques n ont pas de fondement solide : «Elles laissent intactes les hypothèses dont elles se servent, faute d en donner raison» (Platon, République, Livre VII). La démonstration n est pas capable de démontrer ses principes de départ que sont les axiomes et postulats. Elle manque de fondement rationnel. Mais il y a plus, Platon émet des réserves en ce qui concerne la capacité du raisonnement démonstratif à conduire à une connaissance véritable des choses : «En partant d un principe qu on ne connaît pas, en enchaînant des propositions intermédiaires et la conclusion à partir de ce que l on ne connaît pas, par quel stratagème fera-t-on jamais d un tel arrangement une science?» (Platon, La République, Livre VII). Au-delà de l importance qu il accorde aux mathématiques, Platon leur préfère le raisonnement dialectique qui, selon lui, permet d accéder aux Idées éternelles et immuables. 2 «La philosophie est écrite dans ce livre immense qui est continuellement ouvert devant nos yeux, je veux dire l Univers, mais on ne peut le comprendre si l on ne s applique d abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique», GALILÉE (Galileo), L Essayeur, VI

Husserl est un des philosophes du XXème siècle à critiquer les sciences, en général, et les mathématiques, en particulier. Il estime que les sciences s appuient sur des présuppositions, en l occurrence les axiomes, les hypothèses etc., sans se demander d où procèdent ces données préalables. Or, le philosophe est en mesure (et il doit être en mesure!) de dire le pourquoi de son être et de son activité de connaissance. La réflexion philosophique, en tant que recherche du sens ultime de l existence et du monde est une activité absolue, consciente de ses fondements et de sa finalité. La philosophie devient donc pour Husserl la seule science rigoureuse digne du nom au sens où elle seule est capable de rendre compte de ses fondements, de sa nature et du but suprême qu elle poursuit. C est elle qui remonte aux sources des choses, et ce, de manière absolue. 5 2. Le problème de la valeur du raisonnement démonstratif L indémontrabilité des principes (postulats, axiomes) qui servent de point de départ à la démonstration, surtout dans le domaine des mathématiques, pose incontestablement le problème de la valeur même de la démonstration. La question qui se pose est la suivante : Si la démonstration a besoin du non-démontrable comme point de départ, la nécessité de la conclusion n est-elle pas ainsi déjà acquise au départ? On pourrait considérer que la certitude de la conclusion d une démonstration ne découle pas nécessairement de la démarche rigoureuse du raisonnement en lui-même. Cette certitude peut aussi provenir de l axiome ou du postulat indémontrable de départ. 3. Démonstration et interprétation En prenant du recul, on peut aussi dire qu il ne faut pas exagérer l importance de la démonstration dans les sciences de la nature. Si elle y a joué un rôle déterminant, elle ne constitue pas l unique méthode employée par les sciences. On doit aussi évoquer la méthode d interprétation. En effet, l interprétation intervient aussi dans les sciences expérimentales. A ce propos, le physicien et philosophe des sciences Pierre Duhem (1855 1916) montre «qu une expérience de physique n est pas simplement l observation d un phénomène ; elle est, en outre, l interprétation théorique de ce phénomène» (Duhem, La Théorie physique, p. 217). Interpréter signifie dégager le sens caché ou latent. Tout comme le médecin spécialiste qui interprète les résultats d un examen médical à partir de ses connaissances, les savants interprètent les résultats de leurs expérimentations à partir de théories antérieures considérées comme vraies. Cette interprétation consiste à révéler le sens caché de l expérimentation ainsi que de celui des appareils dont se sert le savant. Ici, le savant possède des idées théoriques qu il applique par voie d interprétation dans la démarche scientifique. Conclusion Par sa rigueur logique, sa cohérence et sa droiture, la démonstration permet à la pensée d atteindre, au moins logiquement, des vérités nécessaires. Au-delà des critiques soulevées par certains philosophes à l encontre de cette méthode, nous avons pu constater qu elle donne aux sciences de la nature un fondement solide et leur assure des connaissances crédibles. D un point de vue purement philosophique, on peut dire que la démonstration est l expression du désir d autonomie de la raison, dans son déploiement à travers l espace et le temps. Par la démonstration, la raison ne permet pas uniquement à l homme de connaître le réel mais elle

permet aussi à l intelligence humaine de s auto-instruire et de donner un sens à l existence et à l être. Toutefois, nous devons concéder le fait que la démonstration ne peut pas venir à bout de tout et il y a des vérités qu on l on acquiert par simple intuition. Si la démonstration est puissante, elle n est pas pour autant toute-puissante. Si elle est déterminante dans le domaine des mathématiques et des sciences expérimentales, en revanche, on ne doit pas la surdéterminer. 6 Exemples de sujet : Peut-on tout démontrer? La démonstration est-elle l unique chemin de la vérité?