Le traitement anti-épileptique. Dr Luc Valton, Unité chirurgie de l épilepsie, service de neurologie, hôpital Rangueil, CHU Toulouse. Une crise d épilepsie correspond aux symptômes cliniques provoqués par une décharge excessive d un groupe de neurones du cortex cérébral. La symptomatologie et la sévérité de la crise dépendent de la localisation et de l étendue de la décharge épileptique corticale. Ainsi la sévérité d une crise est très variable. La crise peut être très focale et se limiter à des paresthésies par exemple, ou à l opposé être généralisée telle qu une crise tonico-clonique généralisée (CGTC). Certaines sont provoquées par une agression cérébrale aiguë (un accident vasculaire cérébral, par exemple), ou survenir spontanément, éventuellement à l occasion de facteurs favorisants. L épilepsie est fréquente ; en France, 3 à 600 000 personnes sont concernées. L incidence est particulièrement élevée dans l enfance, mais aussi après 65 ans. L épilepsie se caractérise par la répétition de crises spontanées. L objectif du traitement anti-épileptique (AE) est de réduire le risque de survenue d une récidive. 1. Quand débuter un traitement antiépileptique? Cette décision doit être pondérée à partir d une évaluation personnalisée d une part du risque de récidive, d autre part des conséquences de la crise. Affirmer la nature épileptique d un trouble neurologique paroxystique, est une étape indispensable avant de discuter l introduction d un traitement AE. En règle générale, on ne doit pas instaurer de traitement d épreuve. En cas de crise symptomatique aiguë, le risque de récidive est directement dépendant de la pathologie aiguë causale ; le traitement AE peut être utile à la phase aiguë, pour éviter une récidive précoce qui aggraverait les conséquences de la pathologie causale, mais n est pas justifié au-delà sauf cas particuliers. Après une première crise d épilepsie spontanée, le risque de récidive est inférieur à 50 %. En général, on ne débute pas de traitement AE. Cependant, en présence d au moins un facteur de risque, une
récidive risque de survenir dans les 6 mois, chez la moitié des patients. Ces facteurs de risque sont : l existence d une lésion cérébrale (IRM), la présence d anomalie paroxystique sur l EEG (particulièrement en cas de pointes ondes généralisées), la survenue pendant le sommeil, le caractère partiel de la crise, des antécédents d épilepsie dans la famille. Après une deuxième crise d épilepsie le risque de récidive est important, d environ 70 % à 2 ans. Le risque est particulièrement élevé en cas d épilepsie symptômatique, et si la récidive est survenue précocement (dans les 6 mois). Le risque de complication des crises dépend du type de crise, de sa durée, du moment de survenue, et du statut du patient. Le risque est maximal en cas confusion, chute ou perte de connaissance, en particuliers avec les CGTC et les crises partielles complexes ; les principales complications sont traumatiques : plaies, brûlures, fractures, traumatismes crâniens, mais aussi noyades et décès ; elles surviennent plus souvent en cas de crises diurnes, au cours des activités scolaires, sportives, professionnelles ou pendant un déplacement. Dans le contexte d une première récidive, le risque est faible bien que non nul (5%) ; il est beaucoup plus important en cas d épilepsie sévère avec crises fréquentes. Les caractéristiques de la récidive dépendent de celles de la crise initiale. Quand la première crise est survenue dans le sommeil, la récidive est fréquemment également morphéique. De même le risque de survenue d un état de mal est plus important quand la première crise a été prolongée, et est très faible, quand la première crise a été brève. Les conséquences psychologiques peuvent être importantes ; le patient ou ses proches peuvent garder un souvenir très traumatisant de la crise, et vivre avec une angoisse majeure de la récidive. En fonction de l âge, cela peut également retentir sur l insertion scolaire, sur l aptitude à la conduite automobile, ou à la pratique de certains sports, et secondairement sur l insertion socio-professionnelle. Ainsi on choisira de traiter quand on estimera que le risque de récidive est important, que les conséquences des crises peuvent être sévère, que la prise du traitement ne comportera pas plus d inconvénients que les crises, et que la compliance au traitement sera bonne. 2. Quel traitement choisir? Le traitement des épilepsies a été profondément renouvelé au cours des 20 dernières années ; de nombreuses nouvelles molécules ont été commercialisées (felbamate, gabapentine,
lamotrigine, levetiracetam, oxcarbazépine, prégabalin, tiagabine, topiramate, vigabatrin, zonisamide). Le choix du traitement dépend en premier lieu du syndrome épileptique ; les épilepsies généralisées et/ou idiopathiques peuvent être aggravées par les molécules à spectre étroit ; il faut privilégier l utilisation des molécules à large spectre au premier rang desquelles le valproate de sodium à libération prolongée. En cas d épilepsie partielle non idiopathique, le traitement de référence est la carbamazépine à libération prolongée. Mais nous cherchons maintenant à proposer une démarche thérapeutique individualisée, qui tiennent compte non seulement du syndrome épileptique mais également des propriétés des molécules (mode d action, spectre d efficacité, mode d élimination, iatrogénie, mais aussi effets bénéfiques associés) et des caractéristiques des patients (l âge, le sexe, l étiologie, l association à d autres traitements et la présence de comorbidités), pour obtenir un rapport efficacité/tolérance optimal. 3. Comment débuter le traitement anti-épileptique? On commencera par une monothérapie. Le choix, les effets bénéfiques et, potentiellement négatifs de la molécule sont clairement expliqués au patient et à son entourage pour favoriser une bonne compliance. Pour réduire le risque d effets indésirables, on propose de débuter avec une posologie faible, et d augmenter très progressivement jusqu à un premier palier thérapeutique. La survenue de certains effets indésirables (érythrodermie, agranulocytose, hépatite sévère ) peut nécessiter l arrêt immédiat du traitement, mais les effets indésirables sont souvent modérés, ou rapidement améliorés par une réduction de la posologie. Parfois la mauvaise tolérance peut conduire à un changement thérapeutique. L efficacité est satisfaisante dans environ 60% des cas. 4. Que faire quand le traitement AE initial n est pas efficace? L échec du traitement conduit déjà, à vérifier que la compliance et que la tolérance sont bonnes ; on recherche des facteurs favorisants à corriger (manque de sommeil, par ex). Si le
traitement est bien toléré on peut augmenter la posologie ; dans le cas contraire on envisagera une deuxième monothérapie, qui augmente d environ 15 % le nombre de patients équilibrés. En cas d échec de 2 monothérapies bien conduites, on envisage soit une troisième monothérapie, soit le passage à une bi thérapie. Les chances de succès sont moindres et le risque d être confronté à une réelle pharmacorésistance est important. 5. Que faire en cas d épilepsie pharmaco-résistante? Malgré l apparition des nouveaux traitements, 30% des patients restent imparfaitement équilibré. La pharmacorésistance, correspond à la persistance des crises épileptiques malgré un traitement bien conduit pendant au moins 2 ans, avec l essai d au moins 2 molécules AE. Un bilan est nécessaire pour vérifier que les crises persistantes sont bien de nature épileptique (les manifestations conversives sont le diagnostic différentiel le plus fréquent), que le traitement est bien pris, à dose suffisante, et qu il est adapté au syndrome épileptique. L épilepsie est alors souvent sévère, les crises sont fréquentes, et le retentissement sur la vie du sujet est majeur. Ainsi toute suspicion de pharmacorésistance justifie la demande rapide d un avis spécialisé. La prise en charge doit être globale, médicale et sociale. Il pourra être judicieux de faire une demande de prise en charge à 100%, une reconnaissance du statut de travailleur handicapé, ou d envisager des adaptations du milieu de vie. Sur le plan médical il faut faire une réévaluation complète du syndrome épileptique, par un bilan anatomo- électroclinique complet, dont l enregistrement videoeeg des crises est souvent l étape essentielle. On évaluera toutes les possibilités thérapeutiques envisageables. La principale solution alternative, en cas d épilepsie partielle repose sur la chirurgie de l épilepsie qui consiste en l exérèse de la zone épileptogène. L intervention est proposée au terme d une démarche individualisée, comprenant la réalisation d explorations longues et coûteuses certes, mais dont le bénéfice est maintenant clairement démontré en terme d efficacité sur les crises, mais aussi d amélioration de la qualité de vie, de réduction de la
morbidité et de la mortalité, et même de coût pour la société. Le bénéfice global de la chirurgie est d autant plus important que ce traitement a été envisagé tôt dans l évolution. Le bilan permet également de considérer plus rapidement d autres solutions thérapeutiques comme l utilisation de certaines molécules réservées à des syndromes épileptiques sévères, la pose d un stimulateur vagal, ou la diète cétogène. Conclusion : L épilepsie est une maladie fréquente et potentiellement grave. La mise en route, et le choix du traitement AE doivent être décidés au terme d une évaluation globale et personnalisée pour permettre une prise en charge optimale. En cas d inefficacité ou de mauvaise tolérance, il ne faut pas hésiter à demander un avis spécialisé, pour envisager à temps d autres solutions, dont la chirurgie de l épilepsie.