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CENTRE CONJOINT DE RECHERCHE SUR LES TRANSPORTS Document de référence n o 2009-1 Janvier 2009 Intégration, non-intégration des transports maritimes, des activités portuaires et logistiques : Quelques évidences empiriques Antoine FRÉMONT Directeur de recherche à l INRETS Noisy-le-Grand FRANCE

CENTRE CONJOINT DE RECHERCHE SUR LES TRANSPORTS Document de référence n 2009-1 Contribution à la Table Ronde des 5-6 février 2009 sur «Intégration verticale du transport et de la logistique» Intégration, non-intégration des transports maritimes, des activités portuaires et logistiques : Quelques évidences empiriques Antoine FRÉMONT Agrégé de Géographie Directeur de recherche à l INRETS Noisy-le-Grand FRANCE Décembre 2008 Les points de vue exposés dans ce rapport sont ceux de son auteur et ne représentent pas nécessairement ceux de l INRETS, de l OCDE ou du Forum International des Transports. Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 1

TABLE DES MATIÈRES 1. INTRODUCTION... 5 2. CONTENEURISATION ET LOGIQUES D INTÉGRATION HORIZONTALE ET/OU VERTICALE... 6 2.1. Une segmentation historique des différents métiers... 6 2.2. Les opportunités logistiques ouvertes par la conteneurisation... 8 2.3. Scénarios d'intégration verticale et/ou horizontale... 10 2.4. Les limites à l'intégration... 12 3. UN PUISSANT MOUVEMENT D INTÉGRATION HORIZONTALE, UNE INTÉGRATION VERTICALE LIMITÉE... 13 3.1. La réalité de l'intégration horizontale... 13 3.2. Les limites de l'intégration verticale... 17 4. TROIS TYPES DE LOGISTIQUE... 21 4.1. Les résultats d'une enquête... 21 4.2. "Logistique du conteneur" et "logistique du navire"... 24 4.3. Les armements s'intéressent-ils à la logistique de la marchandise?... 26 4.4. Un équilibre à trouver entre les trois types de logistique... 29 5. CONCLUSION... 32 NOTES... 33 BIBLIOGRAPHIE... 34 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 3

1. INTRODUCTION En cinquante années, la conteneurisation est devenue l épine dorsale de la mondialisation. Ce processus peut s expliquer par une interaction vertueuse entre trois grands types de facteurs : des facteurs techniques, économiques et organisationnels. En effet, la conteneurisation n est à l origine qu une simple innovation technique. Mais le conteneur, outil intermodal, ouvre la voie à de nouveaux schémas organisationnels de transport qui s inscrivent dans la durée. Ces facteurs organisationnels mettent en cause les acteurs du transport qui ont dû redéfinir les frontières de leur métier respectif, afin de mettre en œuvre des chaînes de transport porte à porte fiables et globales par leur étendue géographique. Ces possibilités ouvertes par la conteneurisation seraient restées lettre morte, si elles n avaient pas correspondu à de profonds bouleversements des facteurs économiques depuis les années 1970. La très forte croissance du commerce international des produits manufacturés, systématiquement supérieures à celle de l ensemble du commerce international, elle-même supérieure à celle du PIB, caractérise une accentuation de la division internationale du travail qui n était possible que sous-tendue par un puissant système de transport. Depuis son avènement au milieu des années 1960, la conteneurisation se traduit par une intégration de la chaîne de transport (Brooks, 2000). Dans le même temps, les chargeurs ont des besoins logistiques de plus en plus importants, parce qu ils profitent des opportunités ouvertes par la globalisation pour développer leurs activités de production et/ou de distribution à l échelle internationale, ce qui nécessite une synchronisation dans l espace et dans le temps de ces dernières grâce à la mise en place de chaînes logistiques. Leur management est à la fois une source de profits mais aussi de contrôle, par tous ceux, chargeurs, opérateurs maritimes ou terrestres du transport, transitaires ou spécialistes de la logistique qui interviennent au sein de ces dernières (Heaver et al., 2001). Toute société de transport international déclare aujourd hui faire de la logistique en étant capable d apporter des réponses personnalisées aux besoins de ses clients chargeurs. De leur côté, les théoriciens de la logistique, notamment les Universitaires, démontrent les avantages organisationnels et économiques à mettre en œuvre des chaînes logistiques qui s intègrent le plus loin possible dans la création de la chaîne de la valeur, en amont de la production des biens jusqu à leur distribution finale. Ce qui compte, ce n est plus tant le transport que l organisation de prestations logistiques au service des chargeurs. Les transporteurs seraient donc amenés à intégrer un ensemble de fonctions logistiques pour répondre à cette demande, ce qui se traduirait par une extension de leur champ d activité, bien au-delà de leur cœur de métier initial. Pourtant, il est nécessaire de questionner le terme «logistique» et la réalité de cette intégration admise aujourd hui comme évidente. La simple prestation de transport maritime port à port est-elle encore essentielle? Le passage à une prestation de transport porte à porte signifie-t-il une intégration verticale réelle des différents modes de transport par un seul et même opérateur? Cette intégration conduit-elle à une marginalisation du cœur de métier initial? Au-delà du transport lui-même, la gestion de chaînes logistiques de l amont de la production jusqu à la distribution finale pour le compte du chargeur est-elle si répandue? Pour répondre à ces questions, nous focaliserons notre attention sur les plus grands armements de lignes régulières. Ils sont aujourd hui des acteurs clés de ces chaînes de transport par les réseaux globaux qu ils déploient (Slack et al., 2002), par les capacités de transport qu ils maîtrisent -- en 2007, les vingt premiers armements mondiaux concentrent plus de 80 pour cent de la capacité mondiale de transport conteneurisée -- et par les opportunités que leur a ouvertes la conteneurisation pour Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 5

s affirmer en tant que prestataires logistiques (Evangelista, 2005), notamment parce qu ils maîtrisent les conteneurs qui peuvent être considérés comme des éléments de la cale du navire. Les transporteurs maritimes seraient devenus, à la faveur de la conteneurisation, des prestataires logistiques à part entière, capables d assurer comme prestation de base un service porte à porte mais capables aussi de s impliquer plus largement dans la gestion de chaînes logistiques complètes, caractérisée notamment par un suivi et une intervention directe sur la marchandise elle-même. Notre question est la suivante : cette réalité affichée de l intégration des fonctions logistiques et portuaires par les armements de lignes régulières est-elle si évidente? Comment évolue la place de leur cœur de métier, la ligne maritime, par rapport à cette intégration qui tendrait à rendre secondaire la prestation de transport maritime et qui serait déterminée par la nature même de la conteneurisation? En s appuyant, faute de données quantitatives exhaustives, sur des bases essentiellement qualitatives, notre objectif est de montrer que l implication des armements de lignes régulières en tant que prestataires logistiques de la chaîne logistique reste très incertaine. Nous montrerons que la conteneurisation ouvre effectivement la voie à des logiques d intégration horizontale et verticale. Mais autant la réalité de l intégration horizontale ne fait aucun doute, autant celle de l intégration verticale doit être fortement remise en cause. L analyse de l activité des groupes maritimes permet de s en convaincre. Nous proposons alors de dresser une distinction nette entre la «logistique du conteneur» et la «logistique de la marchandise». La première s inscrit dans une logique maritime et relève pleinement de la compétence de l armateur. La seconde relève d une intervention directe sur la marchandise au-delà de la simple prestation de transport. Cette distinction amène à nuancer très fortement la réalité de l intégration verticale en cours dans la chaîne de transport. 2. CONTENEURISATION ET LOGIQUES D INTÉGRATION HORIZONTALE ET/OU VERTICALE 2.1. Une segmentation historique des différents métiers Historiquement, le transport international d une marchandise par la voie maritime nécessite l intervention de nombreux acteurs spécialisés dans une tâche précise et qui vont s employer à rendre un service pour le compte du chargeur. La Figure 1 illustre la chaîne d intervenants, nécessaire à la réalisation du service international de transport. Une première distinction, fondamentale, sépare les différents modes de transport. Le service maritime se limite à un trajet port à port. C est le métier de l armateur, propriétaire ou simple exploitant du navire. Sur terre, les modes routier, ferroviaire ou fluvial sont en concurrence, sur la base de leurs avantages et inconvénients respectifs. Ils se distinguent également les uns des autres par leur logique d organisation, d innovation et de concurrence intramodale. Historiquement, il n existe pas non plus de coordination entre les différents modes de transport terrestres. 6 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

Figure 1. Les intervenants de la chaîne du transport maritime pour le transport d une marchandise d un point A à un point D via les ports B et C Antoine Frémont, 2005. Dans cette logique modale, l organisation du transport d une marchandise par la voie maritime se caractérise par une très grande complexité liée au nombre d intermédiaires mobilisés. Le transitaire, s il est commissionnaire de transport, organise le transport pour son client chargeur en confrontant sa demande avec l offre maritime faite par l agent maritime qui travaille dans le port B pour le compte de l armateur si celui-ci n y est pas directement présent. L agent maritime rend effective la présence de l armateur dans le port. Une négociation réussie aboutit à un contrat de transport qui permet la réalisation effective du transport. Celle-ci mobilise dans le port des acteurs qui surveillent le bon respect du contrat, notamment lors des opérations de chargement et de déchargement du navire, moment précis où la marchandise change de main, pour passer de la responsabilité du commissionnaire de transport à celle de l armateur ou inversement, avec du côté du chargeur et de la marchandise le transitaire portuaire, désigné par le commissionnaire de transport, et du côté de l armateur, l agent consignataire, désigné par l agent maritime. En outre, viennent s ajouter pour l armateur les très nombreux services au navire, indispensables à la bonne réussite de l escale. Ils reposent sur des métiers qui ont chacun des histoires et des organisations différentes, lesquelles varient fortement d un port à l autre. Le transport d une marchandise par la voie maritime signifie une prise de risque, plus importante que par la seule voie terrestre, parce qu elle nécessite précisément l utilisation consécutive de plusieurs modes de transport aux logiques de fonctionnement différentes. Martin et Thomas (2001) décrivent la communauté portuaire impliquée dans le traitement des marchandises diverses tel qu il se pratiquait avant l avènement de la conteneurisation comme un système fragmenté entre les différents acteurs. Ce système s explique par une division rigide des différentes fonctions et tâches, afin de Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 7

limiter au maximum la responsabilité de chacun sur la marchandise en cas de dommage. Malgré cela, des zones d ombre persistent sur les notions de responsabilité, principalement lors du passage de la marchandise du navire au quai ou inversement, avec des us et coutumes différents selon les ports. Dans ce système, que l on pourrait qualifier de fordien, le service de transport international est segmenté en différents marchés bien structurés : transport maritime, pré- et post- acheminement terrestre, organisation du transport. Sur ces marchés se rencontrent des demandeurs et des offreurs qui effectuent entre eux des transactions. Les marchés sont transactionnels. 2.2. Les opportunités logistiques ouvertes par la conteneurisation Il ne s agit pas ici de retracer en détail les multiples avantages de la conteneurisation. Cependant, quatre avantages majeurs ont ouvert de nouvelles opportunités de reconfiguration des chaînes de transport, se traduisant par des logiques d intégration horizontale et/ou verticale de la part des différents acteurs de la chaîne de transport. Les deux premiers concernent principalement la partie maritime du transport : l efficacité de la manutention portuaire et la réduction des coûts de transport à l unité transportée rendue possible par la croissance continue de la taille des navires porte-conteneurs. La massification du transport maritime a permis des économies d échelles continues dans le temps débouchant sur une réduction des coûts de transport port à port par les armements de lignes régulières. Troisième cause : le conteneur est un outil intermodal qui permet des prestations porte-à-porte. Dans la chaîne intermodale de transport, chaque mode ne perd ni son identité ni son importance, mais le rôle de chacun est désormais déterminé par les objectifs de l ensemble du système (Hayuth 1992). L intermodalité permet le développement par les armateurs de lignes régulières de réseaux hub and spoke qui acquièrent une dimension géographique globale et de réseaux de transport terrestre intérieurs massifiés et articulés avec les réseaux maritimes. La réduction des coûts de transport ne s opère plus sur le seul segment port à port, mais s élargit à la prestation porte-à-porte. Quatrième avantage : le développement de prestations logistiques. Mais comment les définir? Parmi les multiples définitions proposées de la logistique, on peut retenir la suivante. La logistique est «l ensemble des méthodes et moyens mis en œuvre pour gérer le plus efficacement possible et au moindre coût les flux physiques nécessaires au bon fonctionnement d une action, d une entreprise Elle s intéresse traditionnellement à la gestion des flux physiques (transport, gestion des stocks), mais ses méthodes peuvent aussi s appliquer aux flux financiers et aux flux d informations. Au niveau de l entreprise, elle est une fonction qui consiste à organiser le transport et le stockage des marchandises depuis l amont (approvisionnement en matières premières) jusqu à l aval (commercialisation des produits)» (Dufetelle, 1995). A la logistique est associée la gestion de la chaîne logistique (Supply Chain Management) dont la définition peut englober la logistique elle-même. La chaîne logistique globale va du fournisseur au client. La production est alors tirée par la commande. Elle doit permettre «une gestion globale des ressources pour servir au mieux la demande des clients exprimée ou prévisionnelle» (ASLOG, 2002). Cette gestion globale est complexe, puisqu il faut non seulement contrôler les flux physiques de transport, les flux d informations qui y sont associés, mais aussi les interfaces entre les différents acteurs de cette chaîne, du producteur au consommateur final en passant par le grossiste, le distributeur sans oublier le ou les transporteurs. Pour répondre à son objectif principal qui est de réduire au maximum les stocks dans une optique de flux tendus, afin d avoir selon le slogan bien connu «le bon produit au bon endroit, au bon moment», la gestion de la chaîne 8 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

logistique se base sur les renseignements concernant la demande jusqu aux données nécessaires à la distribution, en passant par la conception et la production proprement dite (Damien, 2001). Elle nécessite le recours à un système d information. L opérateur de conteneurs qui offre un service porte à porte, ou plus simplement encore un service maritime quai à quai, fait de la logistique. Sa prestation de «simple» transporteur vise à optimiser les flux physiques de la marchandise via l unité de transport intermodale. Les performances accrues de la manutention, l accroissement de la taille des navires, l intermodalité, la massification du transport et la technique du hub sont des outils complémentaires au service de cette optimisation. Ils ne concernent pourtant que le seul segment transport. Au delà de l offre de transport, aussi performante soit-elle, l opérateur de conteneur peut élargir ses prestations logistiques pour le compte de son client, le chargeur. De l exploitation et de la gestion de l offre de transport qui nécessitent un suivi de ses conteneurs via des systèmes informatiques, il peut théoriquement passer à un suivi de la marchandise, voire à un travail (étiquetage, reconditionnement, mise aux normes ) sur celle-ci lors des phases d entreposage et donc s insérer encore plus largement dans la gestion de la chaîne logistique. L opérateur de conteneurs devient alors un prestataire logistique au sens plein du terme : il peut «toucher à toutes les étapes de la production et de la consommation et tend à les réunir en un procès intégré : approvisionnements, fabrication, distribution, consommation, récupération des déchets, recyclage.» Son objectif ne sera plus tant la recherche de la minimisation du seul coût de transport que celle de la minimisation du coût logistique total tout en respectant une optimisation logistique liée au respect d un niveau requis de performances fixé par son client (Savy, 1995). De fait, le conteneur se prête particulièrement bien à une gestion en flux tendus qui nécessite de tenir des délais impartis et de maintenir une fiabilité de livraison. En fonction des quantités à transporter qui peuvent évoluer dans le temps et dans l espace, il suffit d adapter le nombre de conteneurs. La conteneurisation admet aussi l acheminement régulier de petits lots par le regroupement dans un même conteneur de marchandises en provenance d origine différente (conteneur LCL-Less than Container Load par opposition au conteneur FCL-Full Container Load). T. D. Heaver (2002a) liste les avantages possibles d une telle intégration des fonctions logistiques par l opérateur de conteneurs, en l occurrence ici l armateur de lignes régulières. Il peut exister une complémentarité dans la demande pour un même client entre une activité et une autre. De même que la compagnie aérienne construit des hôtels pour remplir ses avions, l opérateur de conteneur peut offrir une prestation logistique pour mieux remplir ses conteneurs et fidéliser son client. Les économistes insistent principalement sur les opportunités de réduire les coûts de transaction entre les différents éléments de la chaîne logistique par leur internalisation et par le contrôle sur l ensemble de la chaîne qui permet une plus grande transparence. Une autre source importante de synergie vient de l utilisation commune du système d information qui peut à nouveau être élargi de la gestion des flux des conteneurs à celle de la marchandise. Enfin, l intégration de la fonction logistique permet, par une plus grande diversification de l activité, de mieux se prémunir des fluctuations d activité et de prix sur tel ou tel segment de la chaîne. Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 9

Figure 2. Les armements de lignes régulières : du contrôle de la boîte à la prestation logistique 2.3. Scénarios d intégration verticale et/ou horizontale La conteneurisation ouvre théoriquement la voie à une intégration complète, verticale et horizontale, de la chaîne de transport. L intégration peut être horizontale. La conteneurisation favorise l émergence de très grands armements de lignes régulières. En effet, les économies d échelles grâce à l utilisation des grands navires ou des hubs ne sont possibles que pour les armements qui contrôlent des volumes suffisamment importants. Pour un transporteur maritime, trois possibilités s offrent : l alliance avec d autres armements qui du statut de concurrents passent à celui de partenaires obligés, le rachat d un concurrent ou enfin la croissance interne de l entreprise. Ces trois formes d intégration horizontale peuvent avoir comme objectif, outre l ambition générale d augmenter les volumes transportés, de renforcer les parts de marchés sur une route maritime donnée ou inversement d étendre la couverture géographique offerte par le réseau maritime de l armement. Cette dernière solution ne génère pas dans un premier temps des économies d échelle importantes, car l implantation sur un nouveau marché est risquée et signifie d abord des parts de marché faibles, sauf à racheter d un coup un opérateur important présent sur ce secteur géographique. La technique du hub permet de la mettre en œuvre à moindre risque et d en tirer tous les bénéfices si les volumes augmentent avec le temps. 10 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

Ces choix qui s offrent à l armement de lignes régulières se posent à peu près dans les mêmes termes pour le manutentionnaire ou le transitaire avec par exemple la constitution de réseaux de terminaux ou d agences. Une différence notable oppose cependant le transitaire aux transporteurs maritimes et aux manutentionnaires. L activité des premiers nécessitent d abord des hommes pour renforcer le réseau des agences qui permettent le contact avec la clientèle des chargeurs, alors que les seconds doivent d abord consentir de lourds investissements en capital pour être capables d assurer des liaisons maritimes et terrestres ou des opérations de manutention de grande envergure. La conteneurisation favorise aussi l intégration verticale pour tirer tout le parti, non plus des économies d échelle, mais de l intermodalité. Un opérateur de transport multimodal (OTM) remplace un système segmenté où le chargeur signe des contrats séparés avec chaque transporteur unimodal par un seul et unique document, contracté avec un opérateur multimodal unique, responsable de la totalité du transport sur l ensemble du voyage (P&O Nedlloyd, 2003). Théoriquement, il est capable de se substituer à l ensemble des acteurs qui assuraient un morceau de transport avec une perspective propre et singulière à leur activité pour organiser à partir d un point de vue unique un transport porte à porte le plus rationnel possible, même si cela ne l empêche pas de sous-traiter telle ou telle partie du transport à un opérateur spécialisé. Un tel OTM doit non seulement tirer parti de cette intégration verticale de la chaîne de transport pour répondre aux besoins de ses clients par une offre logistique la plus vaste possible, mais pour aussi en interne en tirer des bénéfices organisationnels, sources potentielles d économies. La Figure 3 propose différents scénarios théoriques d intégration de la chaîne de transport où l armateur de lignes régulières joue un rôle central dans ce processus d intégration. Figure 3. L intégration de la chaîne de transport à travers l exemple de l armateur ARMATEURS A B C D E Armateur Agent maritime Manutentionnaire Intégration verticale Commissionnaire Transporteur terrestre Intégration horizontale par fusion de D et E L intégration par un armement des fonctions d agent maritime lui permet de disposer en propre d une représentation dans les ports et de ne plus dépendre d un agent extérieur qui certes travaille pour lui, mais peut aussi offrir ses services à un concurrent. C est d abord un investissement commercial pour renforcer un contact direct avec la clientèle des transitaires ou des chargeurs. Outre des bureaux dans les ports, elle nécessite du capital humain pour se rapprocher de la réalité locale d un marché donné. Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 11

L intégration par un armement des fonctions de manutention lui permet de sécuriser ses opérations portuaires, notamment dans les hubs qui suppose une parfaite coordination entre les escales des différents navires mères ou feeders. En intégrant la fonction de manutention, un armateur ne dépend plus d un groupe de manutention qu il ne contrôle pas et peut programmer ses navires grâce à un terminal entièrement dédié à ses propres opérations. Cela nécessite de sa part des investissements considérables qui ne peuvent se justifier qu en fonction d un volume d escales suffisants sauf à sous-utiliser ce terminal dédié et à perdre de l argent (Musso et al., 1999 ; Haralambides et al., 2002 ; Cariou, 2003). Au delà des fonctions d agent maritime et de manutentionnaire, l armateur peut continuer son intégration de la chaîne de transport en devenant transporteur terrestre, commissionnaire et/ou logisticien. Il quitte alors le segment purement maritime et portuaire pour s investir dans le segment terrestre. L armateur s éloigne de son cœur de métier pour entrer dans de nouvelles problématiques. Il peut devenir opérateur ferroviaire ou transporteur routier, ce qui lui permettra sans doute de mieux gérer la circulation de son parc de conteneurs, mais lui fera perdre le bénéfice possible d une mise en concurrence des différents transporteurs terrestres. De même, en devenant transitaire ou logisticien, il élargit son offre commerciale en s adressant directement aux chargeurs. Il capte de la marchandise qui assurera le remplissage de ses navires, mais entre dans le même temps en concurrence potentielle avec ses propres clients traditionnels que sont les transitaires, au risque de perdre la marchandise. La conteneurisation permet le passage de marchés transactionnels à des marchés relationnels où l offre de transport n est plus segmentée, mais propose une solution porte à porte aux chargeurs, qui peut elle-même s intégrer dans une solution plus vaste de gestion de la chaîne logistique du chargeur. La conteneurisation ouvre la voie à ces marchés relationnels, car elle homogénéise les conditions de production du transport porte à porte via l intermodalité. 2.4. Les limites à l intégration L intégration de la chaîne de transport ne va pas de soi. Entre les acteurs de la chaîne de transport, elle remet en cause des relations établies de longue date entre clients et fournisseurs qui, d un statut de partenaires liés par des contrats commerciaux, passent à celui de concurrents potentiels. Dans un port donné, le manutentionnaire qui travaillait hier pour l armement A perd les trafics de ce dernier si ce dernier assure désormais lui-même sa manutention. Pour compenser cette perte, il doit se tourner vers d autres armements et devient de facto concurrent de la société de manutention créée par l armement A. De même, un transitaire assurant traditionnellement des trafics pour ce dernier continuera-t-il à le faire, si l armement A développe son propre service de commissionnaire de transport ou en douane, avec comme première tentation d aller démarcher les clients de son ex-transitaire? Pour le client chargeur, une chaîne de transport intégrée horizontalement et verticalement pose le problème de la concurrence face à une situation qui peut devenir monopolistique. Certes, l intégration permet au chargeur de bénéficier d une prestation porte à porte et permet d externaliser la fonction logistique pour se concentrer sur son cœur de métier. C est l idée du «one-stop shopping» : un opérateur unique de conteneurs, transporteurs et/ou logisticien, offre à ses clients chargeurs, grâce à un réseau mondial d agences, toute une gamme de services répondant à l ensemble de ses besoins logistiques (Panayides, 2002). Mais cette externalisation complète peut aussi le mettre dans une dépendance très forte vis-à-vis de ce prestataire. Face à la possibilité d une situation monopolistique 12 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

liée à une intégration verticale prononcée ou face à des prestations logistiques qui peuvent les mettre en situation de dépendance par rapport à leur propre activité, les chargeurs ont tout intérêt à favoriser la concurrence entre les différents acteurs de la chaîne de transport. Enfin, l intégration de la chaîne de transport se heurte aux capacités financières, techniques et humaines des différents acteurs impliqués. Celles-ci sont par définition limitées et inégales d une entreprise à l autre, ce qui implique nécessairement des arbitrages entre des stratégies qui favoriseront l extension de la couverture géographique ou l accroissement du volume des opérations (intégration horizontale) et celles qui privilégieront un élargissement de l offre commerciale et de services (intégration verticale). Tout dépendra des parts de marché, des revenus et du retour sur investissement attendus (Heaver, 2002a). En d autres termes, il est impossible pour un groupe -- un transitaire, un manutentionnaire ou un armement --, aussi puissant soit-il, de vouloir tout faire, partout, en même temps. Il doit choisir. Ainsi se mettent en place des chaînes de transport différenciées, intégrées ou non, qui entrent en concurrence les unes avec les autres. Si les économistes insistent sur la plus grande efficacité potentielle des chaînes intégrées par rapport à celles qui impliquent plusieurs contractants (Frankel, 2002 ; Robinson, 2002), ce qui reste à démontrer dans les faits, retenons simplement la diversité des situations possibles. 3. UN PUISSANT MOUVEMENT D INTÉGRATION HORIZONTALE, UNE INTÉGRATION VERTICALE LIMITÉE 3.1. La réalité de l intégration horizontale L intégration horizontale ne fait aucun doute, que l on considère les armements de lignes régulières, les manutentionnaires ou les commissionnaires de transport/logisticiens. En 1980, les 20 premiers armements de lignes régulières représentaient 45 pour cent de la capacité mondiale de transport conteneurisé. En 2000, cette part s élève à 52 pour cent en 2000 et à 82 pour cent en 2007. Pour les mêmes dates, la part des 5 premiers passe de 17 pour cent à 24 pour cent puis à 43 pour cent. L accélération du mouvement de concentration est très forte depuis les années 2000. Et il faut aussi mentionner le système des alliances globales qui rassemblent essentiellement des armements asiatiques. Par ces processus de fusion/acquisition ou d alliances, l objectif des armements a été de mettre en place des réseaux maritimes globaux, à même de desservir avec des fréquences élevées et de fortes capacités les trois pôles économiques mondiaux, l Asie orientale, l Amérique du Nord et l Europe. Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 13

Tableau 1. Part des 20 premiers armements mondiaux. 1979-2007. En % de la flotte mondiale, en millions d EVP 1979 1989 2000 2004 2007 TOTAL DES 20 PREMIERS 44.1 32.8 52 62.3 82.3 dont armements européens 21.5 8.6 21.2 28.2 45.5 dont armements d Amérique du Nord 12.7 4.5 0 2.1 0 dont armements asiatiques 9.9 15.7 27.6 30.2 34.7 Flotte mondiale (Millions EVP) 0.951 2.995 6.490 9.088 11.629 Source : Containerisation international, various issues. 14 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

Tableau 2. Les 20 premiers armements de lignes régulières en novembre 2008. En % de la capacité de la flotte mondiale en EVP* Rg Opérateur Nationalité % 1 Maersk Danemark 15.7 2 Mediterranean Shg Co Italo-suisse 11.1 3 CMA-CGM France 7.6 4 Evergreen Line Taiwan 4.8 5 Hapag-Lloyd Allemagne 3.8 6 COSCO Container L. Chine 3.8 7 APL Singapour 3.8 8 CSCL Chine 3.4 9 NYK Japon 3.2 10 Hanjin / Senator Corée du Sud 2.9 Part des 10 premiers 60.2 11 MOL Japon 2.9 12 OOCL Hong Kong 2.8 13 K Line Japon 2.5 14 Yang Ming Line Taiwan 2.4 15 Hamburg Süd Group Allemagne 2.3 16 CSAV Group Chili 2.2 17 Zim Israël 2.2 18 Hyundai M.M. Corée du Sud 1.9 19 PIL (Pacific Int. Line) Singapour 1.4 20 UASC Émirats Arabes Unis 1.2 Part des 20 premiers 82.0 Total monde 100.0 Dont Armements européens 40.6 Armements asiatiques 35.8 * La capacité de la flotte mondiale est évaluée à 12.9 millions d EVP. Source : Alphaliner. Tableau 3 : Les trois grandes alliances en avril 2008. capacité en millions d EVP CKYH 1.4 Grand Alliance 1.3 The New World Alliance 1.0 Source : K Line Annual report 2008. EVP Millions Membres Coscon K Line Yang Ming Hapag-Llyod NYK Line MISC OOCL APL Hyundai Mitsui OSK Lines Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 15

De même, depuis la fin des années 1990, quelques opérateurs de terminaux dominent le marché. Ils ont développés des réseaux de terminaux à l échelle mondiale, toujours en ciblant les trois pôles dominants de l économie mondiale. Ils peuvent être uniquement des opérateurs de terminaux ou des filiales d armements ou bien encore être intégrés à l activité des armements sans être individualisés en tant que filiales. La part des manutentionnaires globaux dans la manutention portuaire n était que de 18 pour cent en 1996. Elle s élève dix ans plus tard à 70 pour cent et les programmes d investissements en cours devraient encore renforcer la tendance. Tableau 4. Les 10 premiers manutentionnaires mondiaux en 2006. En % du nombre d EVP manutentionnés dans les ports mondiaux* Rang Opérateur Nationalité Cœur de métier OT/A** % 1 HPH Hong Kong OT 13.8 2 APMT*** Danemark OT 11.8 3 PSA Singapour OT 10.7 4 DPW Dubai OT 9.4 5 Cosco Chine A 5 6 Eurogate Allemagne OT 2.7 7 Evergreen Taiwan A 2.1 8 MSC Italo-suisse A 2 9 SSA Marine États-Unis OT 1.7 10 HHLA Allemagne OT 1.5 Part des dix premiers 60.7 Part des opérateurs globaux 70.7 * 443 millions d EVP ont été manutentionnés en 2006 dans le monde. ** OT = Opérateur de manutention A = Armement de lignes régulières *** APMT est la filiale manutention du groupe AP Möller qui détient aussi Maersk, premier armement mondial de lignes régulières. Les terminaux APMT travaillent d une façon privilégiée pour Maersk, pas exclusivement cependant. Source : Drewry, 2007. Enfin, quelques grands commissionnaires de transport/logisticiens s imposent à l échelle mondiale (cf. Tableau 8). Ils offrent à leurs clients des prestations logistiques à l échelle de la planète grâce à de vastes réseaux d agences. Ces derniers ont été constitués le plus souvent à la faveur du rachat d entreprises locales, ce qui a entraîné un vaste mouvement de concentration du secteur. Leurs activités peuvent s étendre de la messagerie express à la gestion d ensemble de la supply chain d un chargeur. A l origine, leur métier est centré sur la commission de transport. A l inverse des armements et des manutentionnaires, leur activité n est pas capitalistique. 16 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009

3.2. Les limites de l intégration verticale 3.2.1. Des avantages connus depuis longtemps Autant la réalité de l intégration horizontale est évidente, autant celle de l intégration verticale reste à démontrer. Pourtant, théoriquement, les avantages à aller dans le sens de l intégration verticale sont évidents. Prenons l exemple des armements de lignes régulières. Pour eux, l intégration verticale serait aujourd hui un moyen de dégager des avantages comparatifs par rapport à leurs concurrents, notamment à travers le développement de prestations logistiques, pour deux raisons essentielles. Ils leur devient de plus en plus difficile, voire impossible sur le long terme de dégager des marges de compétitivité durables à travers une réduction des coûts maritimes tant la réduction des coûts obtenues par des navires de plus grande taille est systématiquement annulée par la baisse des taux de fret liée aux nouvelles capacités mises en œuvre sauf à réunir des conditions exceptionnelles comme une très forte croissance des exportations mondiales, tirées notamment par la locomotive chinoise (Panayides et Cullinane 2002 ; Lim 1998). La crise financière et économique actuelle a brutalement mis fin à un très long cycle de croissance. Deuxièmement, dans une prestation porte à porte, le coût maritime est secondaire, estimé à 23 pour cent de l ensemble des coûts de transport (Stopford 2002). De plus, l augmentation de la taille des navires tend mécaniquement à accentuer le transfert des coûts de la partie maritime vers la partie terrestre (Notteboom 2002, 2004a). Pour les armements de lignes régulières, l enjeu de l intégration verticale est double : permettre la maîtrise des coûts non maritimes, mais aussi s affirmer en tant que prestataires logistiques à part entière afin de dégager des avantages comparatifs et donc des marges durables de compétitivité sur terre, alors que cela semble impossible sur mer. Plus qu un simple avantage, l intégration verticale serait donc une nécessité. L idée d intégration de la chaîne de transport par les armements n est pas neuve. En 1966 déjà, le président de l Association des armateurs de Suède affirmait : «le jour est venu où l activité de l armateur ne peut plus s arrêter au transport maritime, mais doit également englober le transport terrestre. ( ) Si nous voulons limiter notre rôle au transport maritime, nous découvrirons petit à petit que nous sommes réduits au rôle de pions insignifiants dans l énorme machinerie du transport. Nous devrions nous considérer désormais comme une entreprise de transport et non comme des transporteurs maritimes purs. Nous devrions établir des relations étroites avec les autres maillons de la chaîne de transport.» 1 Mais au-delà de cette vision à long terme, des processus d intégration verticale ne se mettent véritablement en place qu à partir des années 1980 où l intégration de la chaîne de transport peut être déjà considérée comme la grande idée de la décennie. On assiste alors à des mouvements de fusion-acquisition entre des groupes impliqués à différents stades de la chaîne de transport. L armement américain Sea-Land est racheté en 1986 par la compagnie ferroviaire américaine CSX après la déconfiture du groupe Reynolds de McLean. CSX avec APC, alors détenteur de l armement APL, font partie des plus grands opérateurs ferroviaires aux États-Unis. Le groupe P&O possède une branche terrestre, POETS, qui propose le pré- et post- acheminement des conteneurs, des liaisons sur la Manche mais aussi le stockage et la distribution. L armement néerlandais Nedlloyd développe alors le concept de «Nedlloyd flowmasters», afin de montrer qu il gère aussi bien des flux de marchandises que d informations 2. Inversement des transitaires et transporteurs routiers deviennent armateurs. Le cas le plus connu est alors celui du Suédois Bilspedition qui, en 1988, prend le contrôle de Cool Carriers, premier armement mondial de navires réfrigérés, rachète la même année la première compagnie de lignes suédoise Transatlantic, poursuit en 1989 avec le rachat de Gorthon Lines, principal exportateur par voie maritime des produits forestiers suédois, et s empare enfin de l Atlantic Container Line, l un des consortiums dominants de l Atlantique Nord, en acquérant les participations de la CGM, de Wallenius et de la Cunard. Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009 17

Mais ces fusions-acquisitions débouchent-elles sur des groupes cohérents? A la fin de la décennie 1980, il est plus juste de parler d une diversification des grands groupes maritimes sous-tendue par l objectif d une intégration possible de la chaîne de transport (Gugenheim 1990). Qu en est-il quinze années plus tard? Des exemples donnés, certains ont fait long feu. L aventure de Bilspedition dans le transport maritime s arrête en 1994, cinq années seulement après le rachat de l ACL. Le groupe ferroviaire américain CSX se sépare de Sea-Land en 1999, lassé des piètres résultats financiers de sa filiale maritime. En 2004, Hapag-Lloyd s est totalement retiré de toute activité logistique pour se concentrer uniquement sur la partie maritime du transport conteneurisé. L intégration ne mènerait donc pas obligatoirement au succès. 3.2.2. En 2007, une intégration verticale toujours aussi limitée En 2007, les armements ou les groupes maritimes dont ils font partie qui développent de réelles filiales logistiques, c est-à-dire affirmant être capables de fournir des services de commissionnaire de transport, de transporteur terrestre ou de prestataire logistique, sont peu nombreux. Sur les 12 premiers armements de lignes régulières en 2007, tous, à l exception d Hapag-Llyod affirment haut et fort faire de la logistique. Mais l analyse des rapports annuels démontrent que trois seulement ont une filiale logistique importante en prenant comme critère l importance du chiffre d affaires : AP Moller, NYK Line et APL/NOL. Le chiffre d affaire de Maersk Logistics a considérablement augmenté à la suite du rachat pendant l été 2005 des activités maritimes de P&ONedlloyd. En fonction des informations disponibles dans les rapports annuels, si l on rapporte le chiffre d affaires de ces filiales logistiques au chiffre d affaires de l ensemble des groupes auxquelles elles appartiennent ou même simplement au chiffre d affaires généré par l activité de lignes régulières, on constate que cette part n est réellement importante que pour deux sociétés, le groupe japonais NYK et dans une moindre mesure le groupe AP Möller. Sinon, l activité logistique est secondaire. Par contre, en 2007 comme dans les années 1980, les logiques d intégration verticale poursuivies par les armements se limitent essentiellement à la manutention (Slack et al., 2005) et sur le continent Nord-américain, à l exploitation de ponts ferroviaires rendue possible par le US Shipping Act de 1984. 18 Frémont Document de référence 2009-1 OCDE/FIT, 2009