Place de la chirurgie dans le traitement de l'hépatocarcinome. Karim Boudjema. Département de Chirurgie Viscérale, Hôpital Pontchaillou, Rennes

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Transcription:

Place de la chirurgie dans le traitement de l'hépatocarcinome Karim Boudjema Département de Chirurgie Viscérale, Hôpital Pontchaillou, 35033 Rennes CAS CLINIQUE Un homme de 58 ans vous est adressé devant la découverte en échographie d un nodule de 1cm du segment VIII, près du dôme du foie. Il ne se plaint d aucun symptôme. L échographie avait été réalisée en raison de perturbations du bilan biologique hépatique chez un sujet par ailleurs buveur excessif. Ce bilan montrait : ALAT à 1,5xN, ASAT à 2xN, phosphatases alcalines normales, gammagt à 7xN, bilirubine totale à 12 µmol/l. L examen clinique montre une hépatomégalie modérée à bord inférieur tranchant, une petite splénomégalie et une splénomégalie. Il n y a pas d ascite ni d oedèmes des membres inférieurs. Vous complétez le bilan : temps de Quick à 76%, albuminémie à 35 g/l, NFS normale, plaquettes 128 000/mm 3, alphafoetoprotéine sérique normale. A l endoscopie, il existe des varices oesophagiennes de stade II. Questions : 1) Quelle attitude diagnostique adoptez-vous devant ce nodule? 2) Proposez-vous un traitement? Lequel? PRISE EN CHARGE DU CARCINOME HEPATOCELLULAIRE Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la tumeur maligne primitive du foie la plus fréquente. Considérer un éventuel traitement chirurgical mérite d avoir à l esprit 3 notions fondamentales : - En France, le CHC est une complication de la cirrhose. La fonction du socle hépatique sur lequel s est développée la tumeur est un des paramètres clés de la démarche décisionnelle thérapeutique. Le cas du CHC sur foie sain est anecdotique. - Le traitement chirurgical ne se conçoit qu avec l ambition d être curatif : la découverte avant ou pendant l intervention d une extension métastatique doit faire

renoncer à l exérèse. Heureusement, lorsque la tumeur est découverte tôt, les métastases ganglionnaires ou à distance (poumons, os, cerveau, moelle osseuse) sont exceptionnelles. - L exérèse à visée curative s obtient de deux façons :. la résection qui laisse en place une partie du socle hépatique natif, soumettant le malade au risque immédiat de décompensation postopératoire et au risque plus tardif de récidive tumorale (CHC de novo) sur le foie restant. la transplantation qui traite la cirrhose en même temps que la totalité du tissu tumoral. Cette option, théoriquement idéale, est cependant mise en défaut par deux faits : la disponibilité des greffons est limitée et la période d attente d un greffon souvent longue, laisse évoluer la tumeur ; le traitement immunosuppresseur a des effets secondaires non négligeables et il pourrait favoriser la croissance tumorale. Pour ces deux options, le niveau de preuve de l efficacité est faible ; en particulier, aucune étude prospective randomisée n a démontré l efficacité et les places respectives de la résection et de la greffe. CHC sur foie sain Situation exceptionnelle si l on considère que le foie n est pratiquement jamais totalement «sain». Il est vraisemblable que bien des séries rapportées assimilent les hépatopathies chroniques compliquées d une fibrose débutante non organisée à un foie sain, ce qui rend difficile l évaluation des résultats dans cette situation. La transplantation n a a priori pas sa place dans la prise en charge des ces lésions. Cette exclusion se fonde d abord sur les mauvais résultats observés lorsque son indication la plus fréquente était la «volumineuse tumeur maligne» inextirpable (registre européen) et pour lesquelles l hépatectomie totale et le remplacement du foie représentaient la forme la plus achevée de la résection (1). Récemment, une méta analyse de 16 séries de CHC sur foie sain, transplantés, a permis d établir que les taux de récidive tumorale étaient de l ordre de 50% à 2 ans, et que la survie à cinq ans était, pour les formes non fibrolamellaires et les formes fibrolamellaire de respectivement 11% et 40% (2). Ces résultats, acceptables dans leur forme brute pour des lésions initialement non résecables doivent cependant être discutés dans le

contexte de la greffe, c est à dire en tenant compte du caractère limité du produit thérapeutique et des excellents résultats qu il permet dans d autres indications. L exérèse radicale lorsqu elle est possible en est le traitement de référence. Des taux de survie à 5 ans de l ordre de 60 % sont possibles. Les limites de l indication d exérèse sont déterminées par 3 notions qui justifient la réalisation de quelques explorations. Le terrain peut être la raison d une contre indication à l anesthésie plus qu à la chirurgie. La diffusion extra hépatique de la tumeur serait une contre indication à l exérèse. Aussi, il est admis que la recherche de métastases comporte un scanner cérébral et thoracique voire une scintigraphie osseuse, en présence de signes d appel cliniques. En pratique pourtant les métastases sont rares et l envahissement des ganglions du hiles difficile à détecter en pré opératoire. C est finalement l extension intra parenchymateuse de la lésion qui conditionne les possibilités physiques de l exérèse. Celle ci doit laisser en place 30 à 40% de foie «sain» pour ne pas risquer d insuffisance hépatique post opératoire. Cette valeur est au mieux approchée par le calcul du poids du foie restant, valeur approchée par le calcul des volumes hépatiques grâce aux techniques de reconstruction tri-dimensionnelles (1 ml 1g). L expérience de la transplantation hépatique à partir de foies réduits ou partagés a enseigné qu un ratio poids du foie restant / poids du patient supérieur à 1% mettait théoriquement à l abri de l insuffisance hépatique postopératoire grave, encore faut-il qu aucune complication locale (nécrose, fuite biliaire) ne vienne gêner la régénération du foie restant. Une situation particulière est représentée par les CHC avec extension dans le système porte ou plus rarement dans une branche sus hépatique. Il s agit d une contre indication classique à l a chirurgie mais Minagawa et al. (3) ont montré qu une chimioembolisation associée à la résection pouvait augmenter le délai de survie de ces malades (42% à 5 ans). Cette stratégie mérite d être validée. CHC sur cirrhose La chirurgie quelle que soit sa nature n est envisageable qu à trois conditions : qu il n y ait pas de contre indications générales à la chirurgie, qu il n y ait pas de métastases ganglionnaires ou viscérales, et que volume tumoral soit limité. Cette situation est fréquente

depuis que l échographie fait partie des éléments de surveillance régulière de la cirrhose du foie. Cette étape satisfaite, le débat s articule autour de 3 points : - taille et nombre de la ou des lésions, - nature et gravité de l hépatopathie, - terrain. La transplantation est le traitement théoriquement optimal du CHC sur cirrhose. Elle traite la tumeur et la cirrhose. Les premières séries de transplantation hépatique pour CHC sur cirrhose étaient constituées de malades dont la tumeur, trop volumineuse, ne pouvait faire l objet d une résection. Les très mauvais résultats de ces séries ont amené à abandonner l indication et même faire considérer, pour un temps, la découverte d un CHC dans le bilan d une cirrhose grave comme une contre indication à la greffe. C est l analyse histologique systématique des pièces d hépatectomie au cours des transplantations pour cirrhose qui montrera que près de 20% des foies explantés présentent en fait des tous petits carcinomes hépatocellulaires, évidemment méconnus avant la greffe (4) et que cette découverte n est associée à aucun risque de récidive néoplasique ni aucun accroissement de la mortalité post greffe. La connaissance de ces lésions dite de découverte incidentale, remettra la transplantation dans le chapitre des traitements du CHC et amènera l idée qu il existe une relation étroite entre la taille et le nombre des CHC et les résultats de la greffe. Il fallait dès lors fixer les limites de ces deux variables et deux études cliniques ont aidé à les cerner. Bismuth et al. (5) ont d abord montré par l analyse rétrospective de leur série de transplantations pour CHC sur cirrhose, que les taux de survie étaient très supérieurs à ceux de la résection lorsque le nombre des tumeurs était inférieur à 2 et le diamètre de la plus grande tumeur inférieur ou égal à 3 cm (86% vs. 18% à 3 ans). Le risque de récidive augmentait avec le nombre et la taille des tumeurs, le pronostic le plus sombre concernait les situations où le CHC était associé à une extension veineuse portale macroscopique. Dans une

étude prospective, Mazzaferro et al. (6) ont obtenu des survies globale et sans récidive de respectivement 75% et 83% à 4 ans en appliquant la règle précédente ou si le diamètre du CHC ne dépassait pas 5 cm en cas de tumeur unique. Ces résultats n étaient modifiés ni par l âge du malade ni par la gravité de la cirrhose au moment de la greffe. Par contre, 13 des 48 malades de cette série avaient à l examen histologique un CHC dont la taille avait été sous estimée par l exploration préopératoire. Les taux de survie globale et sans récidive de ces 13 malades étaient significativement réduits (respectivement 50 et 59% à 4 ans). Ces résultats, excellents pour une maladie au pronostic spontanément catastrophique, mais très supérieurs à ceux de la résection, ont imposé la transplantation comme le traitement le plus performant de ce qu il convient d appeler le «petit» CHC (early HCC des anglo-saxons) sur cirrhose à la condition que le malade soit opérable et qu il n y ait pas de métastases ganglionnaires ou viscérales. Le tableau 1 rappel les critères qui classiquement contre indiquent d emblée la transplantation. Tumeur unique > 5cm Contre indications à la transplantation pour CHC sur cirrhose Nombre de nodules supérieurs à 3 Thrombus néoplasique dans la veine porte ou ses branches Métastases ganglionnaires ou viscérales Contre indications générales à la transplantation Cette apparente supériorité de la transplantation mérite cependant d être pondérée par quelques remarques : - Les petits CHC susceptibles d être transplantés représentent une faible fraction des CHC sur cirrhose. La transplantation très performante à l échelon de l individu ne l est plus en terme de santé publique. Une façon de traiter en partie cette différence est d appliquer aux tumeurs de plus de 5 cm, des traitements susceptibles d en ramener les dimensions aux indications de la greffe. La chimioembolisation lipiodolée (CEL) a montré son efficacité à réduire le volume tumoral et les taux de survie des malades

dont le CHC a répondu à ce traitement (downstaging) sont supérieurs à ceux des malades dont la tumeur n a pas réagi au traitement (7). - La répétition des échographies chez les malades ayant une hépatopathie chronique a augmenté l incidence des CHC détectés précocement. Le nombre des candidats potentiels à la greffe augmente au point de transformer le déséquilibre entre l offre en greffons et la demande de greffes, en véritable pénurie. Force est donc de faire un choix, orienté pour la majorité des équipes par la qualité des résultats attendus. Un âge avancé parce qu il augmente le risque opératoire, la notion d un éthylisme persistant parce qu il pose le problème de l adhésion du malade à son traitement immunosuppresseur, la notion d une réplication virale B non maîtrisée par les antiprotéases parce qu elle fait courir le risque de récidive grave et de perte précoce du greffon, enfin, une hépatopathie chronique parfaitement compensée parce qu elle autorise d autres traitements et notamment la résection, sont autant de facteurs qui entrent alors en ligne de compte pour établir des «priorités». Le prélèvement sur donneur vivant pourrait constituer une solution élégante pour contourner ces difficultés mais se pose la question de savoir s il est licite de proposer un greffon aussi précieux pour traiter une maladie pour laquelle le risque de récidive existe, même s il est faible. - La transplantation comporte une période d attente d autant plus longue que le candidat est porteur d un groupe sanguin rare (les groupes B ou AB attendent en moyenne 8 mois). Pendant cette période, l hépatopathie et le CHC peuvent évoluer et amener le malade hors des critères d indication de greffe (dropout). Ce phénomène constitue un échec de la transplantation mais il n apparaît que lorsque les résultats sont considérés à partir de la date d inscription en liste d attente (intention de traiter) et non plus à partir de la date de la greffe. Bruiz et al. (8) ont été parmi les premiers a exprimer ainsi leurs résultats et montré que dans le groupe des malades porteurs d une cirrhose asymptomatique, la résection donnait des résultats aussi bons que la transplantation à 2 ans! Ces auteurs suggéraient que la résection pouvait être un traitement néoadjuvant à la transplantation. - Cette notion d évolution pendant la phase d attente laisse imaginer qu elle pourrait être mise à profit pour appliquer un traitement adjuvant capable de bloquer la croissance tumorale et ainsi réduire le risque de récidive. Nous avons noté que

l injection intra-artérielle hépatique de Lipiocis à titre néodjuvant dans l artère du foie était bien tolérée et associée à des taux de survie après greffe supérieurs à ceux d un groupe de témoins historiques n ayant bénéficié d aucun traitement (résultats non publiés). La survie et le taux de récidive post greffe ne sont pas améliorés par la chimioembolisation lipiodolée préopératoire mais le groupe des malades dont la tumeur a régressé après traitement a une survie supérieure aux malades dont le CHC n a pas répondu (downstaging) au traitement (7) - Enfin, la sélection des candidats à la greffe basée sur les seules caractéristiques morphologique du CHC est vraisemblablement imparfaite. Des malades porteurs de tumeurs incidentales ont présenté une récidive rapide alors que d autres, au foie massivement envahit sont vivants après 10 ans de greffe. L évolutivité tumorale est pressentie comme un critère pronostic important mais, hormis l épreuve du temps, il n y a pas de moyens disponibles pour l évaluer a priori. Existe-t-il encore des indications de résection pour CHC sur cirrhose? Cette question, volontairement provocatrice reflète bien l esprit avec lequel notre groupe aborde le chapitre de la résection hépatique des CHC sur cirrhose. Cette question s est immédiatement imposée lorsque l arsenal des traitements du CHC s est enrichi des techniques de destruction locale par radiofréquence. L innocuité, la simplicité d application et l apparente efficacité de cette méthode pour éradiquer le tissu tumoral, sont venu bousculer le concept de résection chirurgicale dont le caractère radical, dernier rempart de sa légitimité, est battu en brèche par le fait qu elle laisse en place un parenchyme fibreux, siège probable de lésions dysplasiques voire carcinomateuses inaccessibles aux explorations radiologiques pré ou per opératoire. Il n est, pour s en convaincre, que de constater que la mortalité après résection des CHC sur cirrhose est essentiellement liée à la récidive tumorale (9). Il existe cependant encore quelques situations où le malade peut tirer bénéfice d une résection à visée curative. Dans ces cas, l indication se fonde d abord sur la capacité du foie restant à assurer une fonction hépatique satisfaisante. Le degré d insuffisance hépatocellulaire (TP, albumine, bilirubine), l intensité de l hypertension portale (10) et, en cas d hépatopathie chronique virale, l intensité de la cytolyse (11) sont 3 facteurs étroitement corrélés au pronostic postopératoire.

Lorsque la résection prévisible intéresse plus de deux segments, la prudence incite à ne proposer la chirurgie qu aux malades porteurs d une cirrhose stade A de Child-Pugh. Dans ce groupe, la mortalité est plus élevée si le gradient porto-sushépatique est > 10 mmhg ou s il existe une cytolyse (transaminases > 2N) témoin de l activité de l hépatopathie chronique Au stade B, les risques de décompensation postopératoire sont importants même lorsque la résection n excède pas deux segments. L ascite, l atrophie hépatique ou l ictère est une contre indication formelle à la chirurgie. Dans ces conditions, il nous semble raisonnable de proposer une résection à visée curative aux malades sans insuffisance hépatocellulaire, - chez qui la greffe théoriquement possible n a pas été retenue (refus du malade, âge > 65 ans, éthylisme persistant, réplication virale incontrôlable), - chez qui la lésion, unique, mesure plus de 5 cm mais reste extirpable au prix d une hépatectomie large, - chez qui la lésion, petite, est inaccessible à la destruction par radiofréquence en raison de son siège dans les segments supérieurs du foie. EN CONCLUSION Le CHC est une complication de la cirrhose Les petits CHC sont de plus en plus fréquents Le traitement de choix de ces petits CHC est la transplantation hépatique Il n existe pas encore de preuve formelle de la supériorité de la radiofréquence par rapport à la résection mais les premiers rapports laissent penser que les indications de la résection sont appelées à rétrécir, confinées aux CHC pour lesquels la transplantation théoriquement possible n aura pas été retenue, et la radiofréquence est techniquement inapplicable. Notre schéma décisionnel face à un petit CHC sur cirrhose est rapporté dans la figure1.

Petit CHC sur cirrhose Absence d extension vasculaire ou métastatique OUI Age > 65 ans Risque de récidive rapide de la maladie initiale CI d ordre général INSCRIPTION EN LISTE D ATTENTE DE GREFFE Traitement néoadjuvant? Inclusion / études contrôlées Lipiocis vs. Rien Radio fréquence vs. Rien etc ACCES PERCUTANE POSSIBLE? RESECTION Très limitée si Child>A Chimioembolisation préop si CHC trop volumineux Existe-t-il une raison de ne pas transplanter? NON OUI

Visible Segments inférieurs Volume limité (< 5cm) NON -Segments supérieurs -ou Siège sous capsulaire -ou Volume (> 5cm) Cirrhose compensée Cirrhose décompensée Tt symptomatique RADIOFREQUENCE Figure 1 : arbre décisionnel face à un petit CHC sur cirrhose

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