LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES ASPECTS FISCAUX PROPOSITIONS DE SOLUTIONS DES CAS PRATIQUES

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Transcription:

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES ASPECTS FISCAUX PROPOSITIONS DE SOLUTIONS DES CAS PRATIQUES PHILIPPE BEGUIN, AVOCAT EXPERT FISCAL DIPLÔME Le 15 janvier 2003

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 2 sur 8 CAS PRATIQUE N 1 VARIANTE A L avance d hoirie est traitée comme une donation, soumise à l impôt sur les successions et les donations, en principe sur la valeur vénale de l entreprise. Du point de vue de l impôt sur le revenu, l avance d hoirie est fiscalement neutre : l ensemble de l entreprise étant remise, aucune dissolution des réserves latentes n a lieu. Fabrice continuera l exploitation sur la base des valeurs déterminantes fiscalement. Aucun impôt sur les gains immobiliers ne sera perçu ; il sera différé, conformément à l article 12 alinéa 3 lettre a LHID. Au moment du décès d Isabelle Chételat, Fabrice devra : à son père un montant de CHF 750 000 à son frère un montant de CHF 375 000 Pour ces derniers, dans la mesure où ni le père, ni le frère de Fabrice n ont été à aucun moment impliqués dans la gestion de l entreprise, et dans la mesure où ils n ont jamais été titulaires d une fortune commerciale, les paiements reçus seront imposables du chef de l impôt sur les successions et les donations et non du chef de l impôt sur le revenu. En conséquence, la taxation antérieure d Antoine relative à l avance d hoirie devra faire l objet d une révision. La vente de l immeuble, trois ans après le décès d Isabelle Chételat, a comme conséquence : un bénéfice de CHF 900'000 réalisé par Antoine imposable à titre de revenu commercial et soumis aux contributions AVS, dans un système dualiste ; dans un système moniste, un gain immobilier de CHF 500'000 serait imposé à l impôt spécial ; pour le frère et le père de Fabrice, la plus-value à laquelle ils sont légitimés à participer est de CHF 300'000, soit le prix de vente de CHF 1'500'000 moins la valeur de l immeuble prise en compte dans le partage soit CHF 1'200'000 ; le père a droit à CHF 150'000, le frère à CHF 75'000. Ces montants ne peuvent être imposés ni comme gain immobilier (le père et le frère de Fabrice n ont jamais été propriétaires de l immeuble) ni du chef de l impôt sur les successions et les donations (ils n ont pas pour cause juridique le décès d Isabelle Chételat). VARIANTE B Les paiements reçus par le père et le frère de Fabrice Chételat en compensation de la renonciation à leur qualité d héritiers seront soumis à l impôt sur les successions et les donations. Le taux applicable pose ici problème : lien de parenté entre le défunt

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 3 sur 8 «potentiel» et les bénéficiaires des paiements ou entre ces derniers et le «payeur». Nous proposons la seconde solution. Au moment du décès d Isabelle Chételat, l impôt sur les successions et les donations sera dû sur la valeur vénale de l entreprise. Il ne sera pas tenu compte des paiements reçus antérieurement par le père et le frère de Fabrice. Dans la mesure où l entreprise est transférée intégralement à ce dernier, il n en résultera aucune conséquence en matière d impôt sur le revenu. VARIANTE C Au décès d Isabelle Chételat, les héritiers de cette dernière deviennent propriétaires, en mains communes, de l entreprise (article 602 CCS), ils prennent fiscalement sa place et deviennent titulaires d une fortune commerciale. En conséquence, les paiements que le père et le frère de Fabrice reçoivent de ce dernier représentent un bénéfice de liquidation imposable (réalisation de réserves latentes) qui se calculera en fonction de la différence entre le montant reçu et leur quote-part au compte capital de l entreprise. Ces bénéfices se déterminent comme il suit : père de Fabrice : CHF 450'000 correspondant à la différence entre CHF 750'000 (montant reçu) et CHF 300'000 (quote-part du compte capital) frère de Fabrice : CHF 225'000 correspondant à la différence entre CHF 375'000 (montant reçu) et CHF 150'000 (quote-part du compte capital). Ces bénéfices de liquidation seront également soumis aux cotisations AVS ; le montant des cotisations s élèvera à 9,5% du revenu déterminant, sous réserve des revenus inférieurs à CHF 48'300 ; il conviendra d y ajouter des frais administratifs d un montant maximum de 3% des cotisations. Les cotisations dues sur le revenu de l activité lucrative indépendante sont déductibles du revenu imposable ; compte tenu de cette déductibilité, les bénéfices du père et du frère de Fabrice peuvent être arrondis à CHF 405'000 et à CHF 202'500. Le décès d Isabelle Chételat donnera également lieu au prélèvement de l impôt sur les successions et les donations sur la base de la valeur vénale de l entreprise. Enfin, l imposition d un bénéfice de liquidation chez son père et chez son frère permet à Fabrice de réévaluer en franchise fiscale, pour un montant correspondant, les actifs de l entreprise. Cette réévaluation correspondra au ¾ du total des réserves latentes, le nouveau bilan de l entreprise se présentant alors comme il suit : KCHF KCHF Immeuble 1 050 Capital 1 275 Matériel 725 Provisions 100 Comptes mobiles 400 Hypothèque 800 Total 2 175 Total 2 175

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 4 sur 8 VARIANTE D La situation est identique à celle prévalant pour la variante C ci-dessus. Les paiements reçus par les cohéritiers de Fabrice représentent des réalisations de réserves latentes fiscalement imposables. A concurrence des montants imposables, l entreprise peut procéder à des réévaluations en franchise fiscale. Il n est dès lors pas relevant que des attributions successorales s effectuent en fonction des règles légales ou sur la base de dispositions à cause de mort. Dans l hypothèse où, quatre ans après le partage, l immeuble est vendu pour CHF 1'500'000, on relèvera que : à ce moment-là, sa valeur fiscalement déterminante, suite aux réévaluations en franchise fiscale est de CHF 1'050'000 ; la plus-value dont le père et le frère de Fabrice peuvent bénéficier est de CHF 300'000, correspondant à la différence entre le prix de cession de CHF 1'500'000 et sa valeur déterminante pour le partage (CHF 1'200'000). Fabrice paiera à son père CHF 150'000 et CHF 75'000 à son frère ; fiscalement, de nouvelles réserves latentes sont réalisées ; les paiements ultérieurs reçus par les cohéritiers de Fabrice représentent un produit de leur fortune commerciale, imposable à concurrence des montants reçus. Fabrice lui sera imposable sur CHF 225'000, correspondant au bénéfice fiscal de CHF 450'000, déduction faite des montants payés à ses cohéritiers, soit CHF 225'000. VARIANTE E Selon la théorie objective du respect du délai de blocage de cinq ans, les montants que reçoivent le père et le frère de Fabrice Chételat constituent non pas des gains en capital sur des éléments de la fortune mobilière privée, non imposable conformément à l article 16 alinéa 3 LIFD, mais des bénéfices de liquidation imposables comme si l on était en présence de l aliénation d une quote-part aux réserves latentes d une société de personnes. L impôt sera calculé rétroactivement, au moment de la transformation, sur la base de la procédure de rappel d impôt. On pourrait évidemment suggérer aux héritiers d Isabelle Chételat de différer le partage jusqu à écoulement du délai de cinq ans! En bonne logique fiscale, la société anonyme issue de la transformation sera autorisée à procéder à une réévaluation en franchise d impôt des actifs à concurrence des montants imposés. Comment comptabiliser, au passif du bilan de la SA cette réévaluation? par un compte de réserve, entraînant l imposition subséquente chez l actionnaire?

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 5 sur 8 par le biais d une augmentation du capital ou par la création d un compte courant, en principe sans conséquences fiscales ultérieures, mais pouvant poser des questions de droit des sociétés (augmentation du capital) ou de souscapitalisation (compte courant). La vente ultérieure de l immeuble pour CHF 1'500'000 : entraînera un bénéfice imposable dans la SA de CHF 450'000 ; obligera Fabrice à verser à son père et à son frère des montants de CHF 150'000 et de CHF 75'000. Du point de vue de l impôt sur le bénéfice, les attributions aux cohéritiers de Fabrice seront traitées comme un emploi du bénéfice et ne seront pas déductibles du compte de profits et pertes de la SA. Du point de vue de l impôt sur le revenu et de l impôt anticipé, la question est beaucoup plus délicate à résoudre : elle dépend de l application soit de la théorie du bénéficiaire effectif (Direktbegünstigungstheorie) soit de la théorie du triangle (Dreieckstheorie). La pratique la plus récente semble pencher pour une application de la théorie du triangle. Dès lors, Fabrice serait imposé sur les versements reçus par son père et son frère du chef de l impôt sur le revenu et en serait considéré comme le bénéficiaire en matière d impôt anticipé. Conséquemment, on devrait, dans l analyse, considérer que le père et le frère de Fabrice ont bénéficié d une donation (imposable!) de ce dernier. A notre sens, toutefois, l «animus donandi» fait clairement défaut.

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 6 sur 8 CAS PRATIQUE N 2 VARIANTE A La vente par Juliette Degoumois à son neveu Marcel constitue, pour cette dernière, un gain en capital sur des éléments de la fortune mobilière privée, non imposable conformément à l article 16 alinéa 3 LIFD. Au décès de Juliette Degoumois, l impôt sur les successions sera dû, le cas échéant, sur l actif net de la succession de cette dernière, composé essentiellement des liquidités ou de la créance résultant de la vente de «Degoumois Boîtes SA». L acquisition par Marcel de la totalité du capital actions de «Degoumois Boîtes SA» pose la question du financement de cette acquisition. Deux hypothèses doivent être distinguées : Marcel n affecte pas cette participation à une fortune commerciale : il sera limité dans la déductibilité fiscale de ses intérêts passifs par la règle de l article 33 alinéa 1 lit a LIFD (déductibilité limitée au produit imposable de la fortune immobilière et mobilière augmenté de CHF 50'000). Dès lors, de ce point de vue, il aura avantage à percevoir des dividendes de la SA plutôt qu un salaire important. Ceux-ci ne seront toutefois pas déductibles des bénéfices de la SA ; Marcel affecte cette participation à une fortune commerciale : l affectation doit être effectuée au moment de l acquisition. Elle permet une déductibilité sans limite des intérêts passifs dus pour le financement de l acquisition. Toutefois, dans un tel cas, il sera nécessaire de vérifier que le passage de la participation d une fortune privée (celle du vendeur) à une fortune commerciale (celle de l acquéreur) ne constitue pas un cas de liquidation partielle indirecte. Enfin, le bénéfice résultant d une vente ultérieure de la participation constituera le revenu d une activité lucrative indépendante, soumise également aux cotisations AVS. VARIANTE B Les circonstances de la transaction (prix de vente inférieur à la valeur vénale, renonciation par Justine à tout droit résultant de la succession de sa grand-mère) sont constitutives d une donation mixte («negotium mixtum cum donatione») imposables du chef de l impôt sur les successions et les donations, sur la valeur de la libéralité qui correspondra ici à la différence entre le prix convenu (CHF 3'750'000) et la valeur réelle de la contre-prestation (CHF 7'500'000). La question du financement de l acquisition se pose dans les mêmes termes que la variante A ci-dessus. Justine pourrait affecter la participation à une fortune commerciale. En effet, «la valeur fiscale déterminante pour l impôt sur le revenu d une participation affectée volontairement à la fortune commerciale correspond au prix d achat au moment de l acquisition. Ceci vaut également en cas d acquisition à titre partiellement onéreux (actes juridiques à caractère mixte)» (circulaire N 1 de

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 7 sur 8 l AFC du 19 juillet 2000). En l espèce, la valeur déterminante pour l impôt sur le revenu d une telle participation affectée à la fortune commerciale serait de CHF 3'750'000. VARIANTE C Les engagements pris par l entreprise vis-à-vis de Juliette Degoumois et de sa petite fille Marie ont, comme conséquence, de diminuer la capacité bénéficiaire future de «Degoumois Boîtes SA». Dès lors, la question de la donation mixte, relevée dans la variante B ci-dessus, se pose de manière essentiellement différente. Justine disposerait d arguments non négligeables pour contester cette qualification ou, en tous les cas, pour l atténuer notablement. De surcroît, elle n a pas conclu, comme dans le cas de la variante B, de pacte successoral abdicatif. En ce qui concerne les prestations que s engage à verser «Degoumois Boîtes SA» : la rente viagère due à Juliette Degoumois sera sans nul doute requalifiée fiscalement de revenu des capitaux mobiliers (dividende) ; Juliette Degoumois n a pas consenti à la société de contre-prestation aux fins de bénéficier de cette rente. Elle sera donc imposable à 100%, non déductible du compte de profits et pertes de «Degoumois Boîtes SA» ; Marie ne travaille pas dans l entreprise ; le raisonnement fiscal sera identique à celui prévalant pour la rente viagère versée à Juliette Degoumois. Comme dans le cas pratique N 1, Variante E, se posera également ici la question de l application de la théorie du bénéficiaire effectif ou de la théorie du triangle. VARIANTE D La théorie objective du respect du délai de blocage de cinq ans s appliquera également dans le cas d une scission. La question qui se pose ici est celle de savoir si des réserves latentes sont dissoutes. Le versement d une soulte de CHF 1'000'000 par Justine, nouvelle propriétaire du capital actions de «HG SA» à sa sœur Marie, nouvelle propriétaire du capital actions de «BMG SA» poussera l autorité fiscale à imposer une telle réalisation de réserves, d abord auprès de «BMG SA» puis auprès de Marie (double imposition économique). En finalité, la solution dépendra des bilans respectifs des deux sociétés. Si, comptablement, «HG SA» vaut bien CHF 1'000'000 de plus que «BMG SA», une telle imposition n aurait pas de raison d être. Par contre, par exemple dans l hypothèse de bilans fiscaux égaux, la réalisation de réserves latentes pourrait difficilement être contestée.

LE TRANSFERT DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES Page 8 sur 8 VARIANTE E Selon la lettre circulaire du 14 juillet 1997 de l Administration fédérale des contributions destinée aux administrations cantonales de l impôt fédéral direct («Apport de participations à une société holding dominée par des héritiers»), il se justifie «de considérer la vente des droits de participation à une société de capital (holding) dominée par un héritier comme un transfert de fortune (transposition) effectué dans le cadre du règlement de la succession. Par conséquent, le vendeur réalise un rendement imposable selon l article 20 al. 1 lit. C LIFD, égal à la différence entre le produit de la vente et la valeur des droits de participation vendus». Outre les innombrables critiques que cette pratique des holdings de famille («Erbenholding») a suscitées, même auprès de certaines administrations cantonales, il n est pas inintéressant de relever que la lettre-circulaire «incriminée» mentionne expressément, dans son préambule, la notion d héritier légal. Or, en l espèce, la holding constituée est dominée, à raison de 60% par Marcel, certes le neveu de Juliette, mais qui n a pas le caractère d héritier légal, seules Marie et Justine pouvant être qualifiées ainsi. Nous proposons de considérer l opération non comme une transposition imposable, mais comme un véritable gain en capital sur des éléments de la fortune privée, non imposable en vertu de l article 16 alinéa 3 LIFD.