Vaccination des soignants et impact sur le risque de transmission L exemple de la grippe à l Hôpital Edouard Herriot

Documents pareils
Club Santé. «Vaccination : quelle évolution pour une meilleure prévention?» Dimanche 16 octobre 2005

Vaccinations et milieu professionnel

Prévenir... par la vaccination

Coordination de la Gestion des risques. Bilan - Programme

Stratégies de dépistage des bactéries multirésistantes. Qui? Pourquoi? Comment? Après? L exemple des MRSA

Service d ambulance. Normes. de soins aux patients. et de transport

Surveillance épidémiologique : application à la détection et la prédiction des épidémies

LA VACCINATION PROFESSIONNELLE

Présentation générale du Programme

Cancer bronchique primitif: données épidémiologiques récentes

Mutuelle santé. Vous pourrez. toujours compter. sur votre mutuelle! Activance TNS

SYNDICAT NATIONAL DE L ENSEIGNEMENT PRIVE

INAUGURATION DU CESU Centre d Enseignement des Soins d Urgence

Guide des vaccinations Édition Direction générale de la santé Comité technique des vaccinations

PSDP et usage des pénicillines - ESAC

Tests de détection de l interféron γ et dépistage des infections tuberculeuses chez les personnels de santé

Vaccinations pour les professionnels : actualités

L assurance maternité des femmes chefs d entreprises et des conjointes collaboratrices. Édition 2013

LES CO-INFECTIONS VIH-VHC. EPIDEMIOLOGIE, INTERFERENCES. Patrice CACOUB La Pitié Salpêtrière, Paris

Vaccination et tuberculose en Gériatrie. Unité de Prévention et de Dépistage: Centre de vaccination et centre de lutte anti tuberculeuse CH Montauban

dossier de presse nouvelle activité au CHU de Tours p a r t e n a r i a t T o u r s - P o i t i e r s - O r l é a n s

Incontinence anale du post-partum

LECTURE CRITIQUE 1 ER PAS

ARTICLE IN PRESS. Article original. Modele + MEDMAL-2842; No. of Pages 5

Insuffisance cardiaque et télémédecine: Exemple du Projet E care : prise en charge à domicile des insuffisants cardiaques en stade III

Il est bien établi que le réseau d eau hospitalier peut

Le point de vue d une administration hospitalière Inka Moritz, Secrétaire générale

Vaccination des voyageurs dont la sérologie VIH est positive.

Colloque International sur les Politiques de Santé

Rôle de l ARCl. V Grimaud - UE recherche clinique - 18 mars Définitions

LES ACCIDENTS D EXPOSITION AU RISQUE VIRAL Prise en charge & Prévention

Comment devenir référent? Comment le rester?

Les vaccinations en milieu professionnel

Les grandes études de télémédecine en France

La gestion des risques en hygiène hospitalière

METHODOLOGIE GENERALE DE LA RECHERCHE EPIDEMIOLOGIQUE : LES ENQUETES EPIDEMIOLOGIQUES

GARANTIE Optimale. garantie santé

INFORMATIONS pour le médecin qui contrôle et complète le formulaire

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

Présentation des intervenants et modérateurs

- 2 - faire industriel dans la mise au point des produits biologiques. L Institut Roche de Recherche et Médecine Translationnelle (IRRMT, basé à

Les Infections Associées aux Soins

Définition de l Infectiologie

VACCINS ANTIPNEUMOCOCCIQUES

Vaccination contre la grippe : enjeux pour les infirmières et les infirmiers

«Quelle information aux patients en recherche biomédicale? Quels enseignements en retirer pour la pratique quotidienne?»

DECLARATION PUBLIQUE D'INTERETS (DPI)

MASTER (LMD) INGENIERIE DE LA SANTE

Pierre OLIVIER - Médecine Nucléaire

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

QUEL PROTOCOLE DE REENTRAINEMENT PROPOSER AUX PATIENTS INSUFFISANTS CARDIAQUES?

Traitement de l hépatite C: données récentes

Effets sur la pression artérielle rielle des traitements non-médicamenteux

RESPONSABILITÉ INDEMNITAIRE

Evaluation des coûts de dépistage d Entérocoques Résistants aux Glycopeptides : Résultats préliminaires

La stratégie de maîtrise des BHRe est-elle coût-efficace? Gabriel Birgand

MINISTERE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES

Projet QUALIMED et Maintenance Biomédicale

TRANSPORT ET LOGISTIQUE :

Formation d Auxiliaire ambulancier

MASTER (M2) MANAGEMENT DU SOCIAL ET DE LA SANTÉ

GARANTIE Naturelle Pour aborder vos missions l esprit tranquille, vous devez vous sentir bien protégé. Naturelle a été pensée pour vous apporter

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Réseau AES Sud Est Lyon Hôtel Dieu 5/12/2006

Docteur, j ai pris froid!

LE PROJET QUALITE-GESTION DES RISQUES- DEVELOPPEMENT DURABLE

Pour l'entrée en institut de formation paramédicale

Allocution d ouverture de Jean DEBEAUPUIS, Directeur Général de l Offre de soins

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Evolution de la collecte des RPU Réseau OSCOUR

4. Base de données des connaissances

Signalement et gestion des infections respiratoires aiguës (IRA) et des gastroentérites aiguës (GEA) 19 juin 2014

La biologie médicale en France : présent et avenir. Académie Nationale de Pharmacie Mercredi 4 Février 2015

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

Mise en place de référents grippe au sein d un centre hospitalier

STAGE DE NATATION. Perfectionnement A GRAND-COURONNE. Comité Ile de France de Natation. (Bassin de 50m couvert) Du 6 au 10 juillet 2015

Accès aux antiviraux contre les hépatites dans les pays à bas et moyens revenus : produire localement des génériques. Maurice Cassier CNRS CERMES3

Programme National de Prévention des infections associées aux soins en ES,

Les Mesures Additionnelles aux Précautions Standard

Objectifs pédagogiques Lecture critique d article

OUVERTURE ET MISE EN PLACE

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

La raison d être des systèmes d information

Résumé des modifications intervenues : simplification et clarification des actions descriptives

Le titrage de l AgHBs: un témoin du statut du patient et de la réponse au traitement. Denis Ouzan Institut Arnault Tzanck, Saint-Laurent-du-Var

Médecin Responsable volet hospitalier - Koulikouro - MALI

Référentiel Officine

Incertitude et variabilité : la nécessité de les intégrer dans les modèles

ASSURANCE RESPONSABILITE CIVILE MEDICALE QUESTIONNAIRE GENERAL

Rougeole, Oreillons Rubéole et Coqueluche

OFFRE DE FORMATION SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES PHARMACIE 2015/2016

Charges virales basses sous traitement: définition impact virologique. Laurence Bocket Virologie CHRU de Lille

SYSTEM O. Un système unique pour des réseaux distincts Eau froide sanitaire Eau chaude sanitaire

INAUGURATION LABORATOIRE DE THERAPIE CELLULAIRE 16 FEVRIER 2012 DOSSIER DE PRESSE

Vaccinations - Rédaction Dr BOUTON

C. Cohen, Inf. M.Sc. Professeure HEdS La Source & Intervenante à l IUFRS

Transcription:

Vaccination des soignants et impact sur le risque de transmission L exemple de la grippe à l Hôpital Edouard Herriot Pr Philippe Vanhems Service d Hygiène Hospitalière, Epidémiologie et Prévention, Hospices Civils de Lyon C. CLIN Sud-Est UMR CNRS 5558

Exemple de transmissions de grippe confirmée sur 2 unités de médecine (saison 2004-2005) Février Mars 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 1.... 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 Patient 1 Grippe A Soignant 1 Soignant 2 Exposition familiale documentée Soignant 3 Exposition familiale documentée Patient 2 Grippe B Soignant 4 vacciné Soignant 5

Vaccination chez les cas confirmés 106 grippes confirmées 69 patients 37 soignants 25 patients vaccinés (36 %) 6 soignants vaccinés (16 %) Nombre d individus 2004 2005 6 2005 2006 2 2006 2007 5 2007 2008 1 2008 2009 4 2009 2010 0 2010-2011 1 2011-2012 6 Nombre d individus 2004 2005 2 2005 2006 1 2006 2007 0 2007 2008 0 2008 2009 0 2009 2010 0 2010-2011 1 2011-2012 2

Vanhems et al, Arch Intern Med 2011

Fig. 1. Vaccination rates against influenza among patients and HCWs in Edouard Herriot Hospital, Lyon, France, from December 11, 2006 to April 15, 2007. Landelle et al, Vaccine, 2012

Effet de la vaccination antigrippale des soignants sur la prévention de la grippe nosocomiale confirmée chez les patients : une étude cas-témoins

Contexte Morbi-mortalité importante de la grippe nosocomiale Réduction de la mortalité globale et des syndrome grippaux chez les patients après la vaccination des soignants (essais randomisés contrôlés) Carman, Lancet 2000 ; Thomas, Lancet Infect Dis 2006 Pas de diminution de la grippe nosocomiale confirmée Efficacité de la vaccination des soignants dans des études de simulation van den Dool, PLoS Med 2008; van den Dool, Vaccine 2009

Méthodes Source de données : surveillance hospitalière des syndromes grippaux Inclusion : tous les syndromes grippaux Période 15 octobre 15 avril Années 2004-05, 2005-06 et 2006-07 Vanhems et coll., Arch Intern Med 2011 Syndrome grippal Température rectale/axillaire 37.8 C Toux ou mal de gorge Monto, Arch Intern Med 2000

Méthodes Données Clinique, source grippale potentielle Vaccination antigrippale (patients/soignants) Tous les patients : écouvillonnage nasal pour recherche du virus grippal (CNR pour la grippe Sud, Lyon) Source grippale potentielle : 1 personne présentant un syndrome grippal dans l unité dans les 5 jours avant le début des signes chez le patient

Méthodes Etude cas-témoins nichée appariée Cas (= patient avec grippe nosocomiale confirmée) Patient avec grippe confirmée Début des signes 72 heures après admission dans le service Témoin Patient avec syndrome grippal pendant l hospitalisation Avec un résultat négatif concernant la grippe par écouvillonage nasal 4 témoins par cas choisis au hasard, appariés sur l année Salgado, Lancet Infect Dis 2002

Méthodes Prédicteur : proportion de soignants vaccinés contre la grippe dans le service Facteurs de confusion : age, source grippale potentielle, vaccination individuelle, comorbidités, type de service Analyses statistiques Descriptive Régression logistique conditionnelle univariée et multivariée

Résultats Population 11 cas, 44 témoins Age médian : 77 ans Sexe ratio hommes/femmes : 0,34 Patients immunodéprimés : 5% Source grippale potentielle : 36% Patients vaccinés : 44% Proportion médiane de soignants vaccinés par service : 36% (min. 0% - max. 67%)

Table 3 Caractéristiques de cas et des témoins Caractéristiques Patients avec grippe nosocomiale confirmée (N=11) Témoins (N=44) p OR brut (IC 95%) Sexe 1 Homme 3 (27) 11 (25) 1,0 Femme 8 (73) 33 (75) 0,9 (0,2-3,7) 0,9 Age 1 <65 ans 5 (45) 19 (43) 1,0 65 ans 6 (55) 25 (57) 0,9 (0,2-3,6) 0,9 Type de service 1 Médecine 8 (73) 31 (70) 1,0 Chirurgie 3 (27) 13 (30) 0,9 (0,2-3,9) 0,9 Maladie pulmonaire 0,6 chronique Non 9 (82) 39 (89) 1,0 Oui 2 (18) 5 (11) 1,6 (0,3-8,3) 0,6 Maladie cardiaque 1 chronique Non 6 (55) 23 (52) 1,0 Oui 5 (45) 21 (48) 0,9 (0,3-3,3) 0,9 Immunosuppression 0,099 Non 9 (82) 43 (98) 1,0 Oui 2 (18) 1 (2) 8,0 (0,7-88,2) 0,090 p

Résultats Vaccination antigrippale Caractéristiques Patients avec grippe nosocomiale confirmée (N=11) Témoins (N=44) p Proportion de soignants vaccinés contre la grippe dans l unité, médiane Patients vaccinés contre la grippe, N (%) 12,2% 38,9% 0,2 2 (20%) 21 (48%) 0,11

Discussion Proportion de soignants vaccinés contre la grippe dans le service 35% par rapport à une proportion inférieure protectrice contre la grippe nosocomiale confirmée chez les patients Indépendamment de la saison grippal, de l âge et de la présence d une source grippale potentielle

Discussion Pas de relation dose-effet retrouvée entre la vaccination des soignants et la grippe nosocomiale chez les patients (taille de l étude limitée) den Dool, Vaccine 2009 Simonsen et al. Intérêt de «endpoint» très spécifique Utilité des études cas-témoins avec des grippes confirmées Simonsen, Lancet Inf Dis 2007

Discussion Forces Données collectées prospectivement Confirmation virologique (centre de référence) Intérêt local dans la grippe nosocomiale Limites Contexte observationnel (ce n est pas un essai clinique) Nombre limité de cas (définition de cas restrictive) Autres mesures peuvent influer sur le risque de transmission grippale (hygiène des mains, etc.)

Conclusion L étude indique un effect protecteur d une proportion de soignants vaccinés contre la grippe dans le service 35% par rapport à une proportion inférieure sur la grippe nosocomiale chez les patients dans un contexte observationnel. Cependant, cette couverture vaccinale n est pas optimale pour contrôler la grippe nosocomiale, une proportion supérieure devrait avoir un impact sur son contrôle. Des essais cliniques randomisés sont nécessaires pour explorer cette issue.

Remerciements Co-autheurs: Thomas Bénet (thomas.benet@chu-lyon.fr), Corinne Régis, Nicolas Voirin, Olivier Robert, Bruno Lina, Silene Cronenberger, et Philippe Vanhems (philippe.vanhems@chu-lyon.fr) Affiliations: Service d hygiène, épidémiologie et prévention, service de médecine du personnel, Hôpital Edouard Herriot; CNRS Université Lyon 1; CNR grippe sud; Service de virologie, Lyon, France Les contribiteurs à l étude hospitalière principale de surveillance des syndrome grippaux : S. Roche, C. Gorain, M. Giard, V. Escuret, F. Najioullah, B. Barret, L. Pollissard, S. David, M.N. Crozet, B. Comte, et R. Ecochard. Les soignants des unités participantes : P.D. Delmas, R. Chapurlat, A. Fontana, E. Tissot, X. Barth, O. Monneuse, B. Comte, H. Paulet-Lafuma, P. Gaucherand, J.A. Chayvialle, O. Boillot, J. Boulez, D. Robert, P. Denis, C. Burillon, M. Michallet, F. Braye, J. Ninet, B. Coppere, M. Laville, J.P. Fauvel, D. Fouque, J.L. Touraine, E. Truy, F. Disant, X. Martin, J.P. Carret, et J. Bejui-Hugues. Financement : PHRC régional et Journée Sanofi-Pasteur PRINOI - 2013

Vaccinations et personnels de santé Vaccinations obligatoires Vaccinations recommandées Professionnels des établissements de santé ou organismes de soins Etudiants (médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques) Personnels de laboratoires d analyses médicales exposés aux risques de contaminations Professionnels libéraux Personnels des entreprises de transport sanitaires BCG Diphtérie, Tétanos, Polio Hépatite B BCG Diphtérie, Tétanos, Polio Hépatite B BCG Diphtérie, Tétanos, Polio Hépatite B Typhoïde (si exposés) BCG Diphtérie, Tétanos, Polio Hépatite B Coqueluche Grippe Rougeole Varicelle Coqueluche Grippe Rougeole Varicelle Rage Coqueluche Grippe Hépatite B Rage Varicelle Grippe Source: Calendrier des vaccinations et des recommandations vaccinales 2012 selon l avis du Haut Conseil de la Santé Publique. BEH, 2012, n 14-15

Vaccinations et personnels de santé «protection des travailleurs contre les risques résultant de leur exposition à des agents biologique» Vaccinations obligatoires Inscrites au Code de la Santé Publique Vaccinations recommandées Recommandations CSHPF (Conseil Supérieur d Hygiène Publique de France) Rôle de la Médecine du Travail - Réalisation des vaccinations - Contrôle que l immunité soit compatible avec l activité sans nuisance pour la santé - Evaluation et analyse des risques avec connaissance de l efficacité vaccinale

Conclusions Vaccination à promouvoir chez les soignants Impact individuel et collectif Populations à risque Besoins d essais cliniques