Tumeurs neuroendocrines gastriques

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Transcription:

Tumeurs neuroendocrines gastriques Jean-Yves Scoazec Hospices Civils de Lyon Centre de Recherche contre le Cancer de Lyon INSERM U1052-CNRS UMR5286

Journées Francophones d Hépato-gastroentérologie et d Oncologie Digestive 2012 Consultant : Novartis Consultant : Ipsen Consultant : Keocyt CONFLITS D INTÉRÊT

Objectifs Connaître la démarche diagnostique à adopter devant une suspicion de tumeur neuroendocrine gastrique Connaître les différents types de tumeur neuroendocrine gastrique et leur profil clinique et évolutif Connaître les facteurs histopronostiques et les principes de classification

Les tumeurs neuroendocrines gastriques: contexte Un groupe particulièrement hétérogène Présentant des spécificités importantes Survenant dans des contextes cliniques variés

Les populations endocrines normales de la muqueuse gastrique Cellules entérochromaffine-like (ECL): histamine D,D1,EC,P Calcitonine, Ghréline VMAT2 Cellules G: Gastrine gastrine

Des interactions fonctionnelles: régulation de la sécrétion acide gastrique Histamine (cellules ECL) Gastrine (cellules G) H+

Démarche diagnostique Reconnaître la nature neuroendocrine de la tumeur gastrique, en appliquant les mêmes principes que pour les autres tumeurs neuroendocrines digestives Identifier le type spécifique de tumeur neuroendocrine gastrique, afin d en déduire le risque évolutif et la meilleure stratégie de traitement et de surveillance Evaluer les facteurs histopronostiques

Diagnostic et identification Chromogranine A Synaptophysine

Les différents types de tumeurs neuroendocrines gastriques Tumeurs ECL Type I Type II Type III Tumeurs non-ecl

Tumeurs ECL de type I Site fundus Caractères macroscopiques lésions polypoïdes de petite taille (<1 cm) multiples Caractères microscopiques morphologie bien différenciée faible grade histologique faible invasivité (limitées à la sous-muqueuse) Lésions associées de la muqueuse péritumorale Gastrite chronique atrophique, habituellement avec métaplasie intestinale Hyperplasie des cellules ECL

Pathogénie Gastrine H+ Histamine H2-R H+ H+ H+ H+ Cellule ECL Cellule pariétale Hypergastrinémie secondaire

Un processus séquentiel HYPERPLASIE DYSPLASIE NEOPLASIE

Lésions hyperplasiques Chromogranine A Stade Simple Linéaire Micronodulaire Adénomatoïde

Un processus séquentiel HYPERPLASIE DYSPLASIE NEOPLASIE

Gastrite chronique auto-immune Lésions associées de la muqueuse gastrique Maladie de Biermer Anémie macrocytaire, parfois microcytaire Autres causes d atrophie glandulaire sévère Biopsies de voisinage (fundus) Biopsies à distance (antre)

Tumeurs ECL de type II Contexte Hypergastrinémie primaire (syndrome de Zollinger-Ellison secondaire à un gastrinome duodénal ou pancréatique syndrome NEM1) Site: Fundus Caractères macroscopiques Lésions polypoïdes de petite taille, multiples Caractères microscopiques Tumeurs de morphologie bien différenciée, de faible grade histologique, limitées à la sous-muqueuse Lésions associées de la muqueuse péritumorale Gastrite hypertrophique, hyperplasie des cellules ECL

Tumeurs ECL de type II

Tumeurs ECL de type II Chromogranine A Ménine

Tumeurs ECL de type III et tumeurs non ECL Contexte: Tumeurs sporadiques, sans contexte particulier Site: Pas de localisation préférentielle Caractères macroscopiques Lésion unique, volumineuse (>2 cm), localement invasive Caractères microscopiques Le plus souvent, tumeurs de morphologie bien différenciée, de grade histologique faible ou intermédiaire Rarement, tumeurs de morphologie peu différenciée Lésions associées Absence d atrophie glandulaire, de gastrite hyperplasique, d hyperplasie endocrine

Caractères cliniques et évolutifs Incidence (%) Taille 2 cm (%) Invasion limitée à la sousmuqueuse (%) Métastases Ganglionnaires / à distance (%) Décès liés à la tumeur (%) Type I Type II Type III 80 99 91 2 / 2 0 6 82 91 30 / 10 < 10 14 67 24 71 / 69 25-35

Facteurs histopronostiques Grade histologique Classification OMS Stade TNM

Grade histologique ENETS, 2006 Difficultés potentielles d application aux prélèvements biopsiques WHO, 2010

Classification OMS 2010 Tumeur neuroendocrine G1 Tumeur neuroendocrine G2 Carcinome neuroendocrine Type à petites cellules Type à grandes cellules Carcinome adéno-neuroendocrine Morphologie bien différenciée Index mitotique <2 et index Ki67 2% Morphologie bien différenciée Index mitotique: 2-20 et/ou index Ki67: 2-20% Morphologie peu différenciée Index mitotique >20 et/ou index Ki67 >20% Tumeur mixte

Stade TNM (UICC, 7 ème édition) T- tumeur primaire TX, tumeur non évaluable T0, pas de signe de tumeur primitive Tis, tumeur in situ/dysplasie (<0,5 mm) T1, tumeur envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse et 1 cm T2, tumeur envahissant la musculeuse ou >1 cm T3, tumeur envahissant la sous-séreuse T4, tumeur envahissant la séreuse ou des structures adjacentes Pour tous les T, ajouter (m) pour les tumeurs multiples N- ganglions lymphatiques régionaux N0, absence de métastase ganglionnaire régionale N1, métastase ganglionnaire régionale M- métastase à distance M0, absence de métastase à distance M1, métastase à distance

Points forts 1. Comme dans les autres localisations digestives, le diagnostic des tumeurs neuroendocrines gastriques repose sur des arguments morphologiques et immunohistochimiques 2. Un point particulier aux tumeurs neuroendocrines gastriques est leur hétérogénéité: elles comportent plusieurs sous-groupes différents par leur évolutivité et leur pronostic 3. L'identification précise du type de tumeur neuroendocrine gastrique est indispensable pour la prise en charge correcte du patient 4. Comme pour toute autre tumeur neuroendocrine, le pathologiste doit indiquer les facteurs histopronostiques et classer la lésion selon les recommandations actuelles, à condition qu'elles puissent s'appliquer au prélèvement dont il dispose 5. Le pathologiste ne peut pas classer une tumeur neuroendocrine gastrique sans biopsies en muqueuse à distance, qui doivent être systématiquement réalisées