MEMOIRE DE RECHERCHE APPLIQUEE. Julien THIBAULT. Théorie Financière Classique et Finance Comportementale : Confrontation Théorique et Tests Empiriques



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MEMOIRE DE RECHERCHE APPLIQUEE Julien THIBAULT Théorie Financière Classique et Finance Comportementale : Confrontation Théorique et Tests Empiriques Master Salle des Marchés, Trading Promotion 2012 Pilote de mémoire : David FURCAJG Date de remise : le 2 juillet 2012 Julienthibault72@hotmail.com 1

Résumé/Abstract Ce mémoire a pour objectif de présenter au lecteur cette discipline financière qu est la Finance Comportementale. Afin de lui permettre de bien comprendre tous les tenants et aboutissants de cette méthode encore considérée par certains comme fantaisiste, une recherche de littérature revient sur ses origines, sur sa confrontation à la Finance Classique et sur ses fondements. Dans le but d illustrer les concepts de la Finance Comportementale, nous présenterons une étude empirique qui reproduit un travail d Olga Bourachnikova dont l objectif est de comparer la Frontière Efficiente des portefeuilles optimaux d un modèle classique, celui de la moyenne-variance de Markowitz avec celle des portefeuilles optimaux d un modèle comportemental, celui du modèle de la Behavioral Portfolio Theory de Shefrin et Statman. This dissertation has for objective to present to the reader the new financial discipline, the Behavioral Finance. To allow him to understand all the ins and outs of this subject still considered by some persons as unreliable, a research of the literature dealing on its origins, its confrontation with the Classical Finance and on its fundaments. With the aim of illustrating the activities of the Behavioral Finance, we shall present an empirical study which reproduces a work of Olga Bourachnikova. The main objective is to compare the Efficient Border of the optimal portfolio of a classical model, with the average-variance portfolio of Markowitz but also with the portfolios of a behavioral model, and finally with one of the Behavioral Portfolio Theory of Shefrin and Statman. 2

Remerciements Tout d abord, je tiens à adresser mes sincères remerciements à David Furcajg, mon tuteur de mémoire, pour sa disponibilité, ses conseils et son implication dans mon travail. Je remercie vivement également son équipe de 3rd Wave Consult, en particulier Thomas Catty pour son aide experte dans la réalisation de mon étude empirique. Un grand merci aussi à Damien Tybou et à Edouard Huet-Gypteau pour leur aide dans la programmation du logiciel Matlab, à Jean Meilhoc pour m avoir donné accès à une plateforme Bloomberg, à Manuel Besnard pour la relecture, à Quentin Plessis, Michael Zani et Tom Rodarie pour les longues discussions sur les marchés financiers. Je tiens également à remercier ceux qui m ont donné goût à la Finance, Yves-Alain Thomas, responsable de salle des marchés, Fréderic Lovighi et Thomas Helaine, tous deux Sales/Trader. Vous m avez fait découvrir cette passion pour les marchés, que nous partageons aujourd hui. Sachez que mon expérience dans votre équipe a marqué à jamais ma mémoire. D un point de vue plus personnel, je remercie chaleureusement mes parents qui m ont permis de suivre des études dans de bonnes conditions et qui m ont toujours soutenu dans les moments de doute. Merci également à Alexia, ma petite amie, qui a dû accepter de partager nos temps libres avec mon ordinateur et mes lectures pendant près d un an. Enfin, je remercie mes amis proches, pour les quelques moments de détente dans la campagne mancelle que nous avons tout de même partagé certains weekend. 3

Sommaire Résumé/Abstract Remerciements Introduction Théorie Financière Classique versus Finance Comportementale 9 a) Théorie de l Efficience des Marchés : une Hypothèse Fragilisée 9 Origines de l EMH 10 Définition Empirique de l EMH 12 EMH versus Anomalies du Marché: une Théorie Limitée? 15 b) Hypothèse de Rationalité Parfaite des Intervenants 20 Théorie de l Utilité et Paradoxe de Saint- Pétersbourg 21 Axiomatisation du Choix des Investisseurs 25 Règle de Bayes et Paradoxe de Grossman & Stiglitz 29 c) Finance Comportementale et Psychologie des investisseurs 32 Premier Pilier de la Finance Comportementale : Les Limites de l Arbitrage 34 Second Pilier de la Finance Comportementale : L Irrationalité des Investisseurs 38 Inventaire des Biais psychologiques 42 Etude Empirique : Modèle de Shefrin et Statman versus Modèle de Markowitz 49 d) Données et méthodologie 52 Données 52 Méthodologie 54 e) Résultats 65 Conclusion Bibliographie Annexes : 83 A.1 Définition de la valeur intrinsèque d une action : 83 A.2 Définition de la marche aléatoire : 84 A.3 Différentes Répartitions de l Efficience 85 A.4 Formule de Black & Scholes 86 A.5 Démonstration du Paradoxe d Allais 87 A.6 Graphiques tirés des travaux d Odean 89 A.7 Graphique tiré des travaux de Knox & Inkster 91 A.8 Composition de l Indice Eurostoxx 50 (au 26/05/2012 et avant retraitement) 92 A.9 Liste des jours supprimés pour cause de données manquantes ou jours fériés 93 A.10 Liste définitive des titres étudiés 94 A.11 Autres essais de tirage des 100 000 portefeuilles 95 A.12 Encodage sur MATLAB 96 2 3 5 72 75 4

Introduction Nous définissons aujourd hui la Finance comme l étude du procédé que les agents économiques et autres organismes utilisent pour investir leur argent. La Finance de Marché est quant à elle une «sous-discipline» de la Finance dont l objectif est d analyser le fonctionnement des marchés, afin de mieux les comprendre et de permettre une meilleure intervention des agents économiques sur ces mêmes marchés. Ces deux matières représentent un enjeu fondamental tant du point de vue individuel (ex : optimiser la performance d un portefeuille), que du point de vu sociétal (ex : prévenir la formation d une bulle ou les risques de crises). Au cours de la seconde partie du XXème siècle, de grands économistes et théoriciens ont donc tenté de modéliser le comportement des actifs boursiers en se basant sur les trois grands piliers que sont l Efficience des Marchés, la Maximisation de l Espérance d Utilité et l Hypothèse de Rationalité des Investisseurs, donnant naissance à des théories mathématiques probabilistes appliquées à la Finance. Bien que ces théories aient poussé le développement de modèles dans le domaine de la gestion de portefeuille, de l analyse du comportement des cours boursiers, de l évaluation des actifs financiers etc. elles montrent un caractère dogmatique certain, en particulier pour l Hypothèse d Efficience des Marchés qui est considérée comme la principale proposition de la Théorie Financière. Le principe de l Utilité Espérée, proposée par Bernoulli, est devenu une référence en matière de micro-économie. Cette hypothèse est la condition de base de nombreux, si ce n est de tous les modèles financiers classiques. Or, le dogmatisme peut être dévastateur pour les théoriciens, en particulier lorsque la matière étudiée est considérée comme évolutive ou mouvante. Des idéologies parallèles ont cependant émergé, et se sont posées comme des alternatives aux concepts dits «intouchables» de la Théorie Financière Classique. 5

Ainsi, de nombreux auteurs ont remis en cause l Hypothèse d Efficience des Marchés, la Théorie de la Maximisation de l Utilité, l Hypothèse d Absence d Opportunité d Arbitrage ou encore l Hypothèse de Rationalité Parfaite des Investisseurs en mettant en avant des anomalies visibles sur les marchés (ex : anomalies calendaires). Ce courant est associé à ce qu on appelle aujourd hui la Finance Comportementale. En effet, dans la réalité des marchés, l investisseur construit ses anticipations sur l évolution des prix des actifs en fonction de ses expériences, de ses connaissances et de l information dont il dispose. Il prend ensuite des décisions d achat ou vente à partir de ses nombreux critères de choix et de préférences. Ainsi, il participe directement au processus de formation des prix. L hypothèse que cet investisseur lambda n ait en toute circonstance que des décisions purement rationnelles est souvent mise à mal par certains auteurs. De nombreux biais comportementaux ont été remarqués par des observateurs spécialisés dans la psychologie. Ceux-ci montrent que l investisseur est soumis à certaines croyances, certaines simplifications d analyse ou réactions émotionnelles, brisant ainsi l idée qu il ne se fie qu aux informations et probabilités disponibles. Pour répondre à la Théorie de l Espérance d Utilité, des modèles dits «comportementaux» ont donc été développés par cette nouvelle vague de théoriciens. L un des plus connus de ces modèles alternatifs est la Théorie des Perspectives, développée par Kahneman et Tversky en 1979. Cette approche semble imposer des choix, dans la construction des portefeuilles, complètement différents de ceux recommandés par les modèles dits «classiques», comme celui de Markowitz. En effet, avec sa Théorie Moderne du Portefeuille, Markowitz suggère qu un portefeuille optimal est un portefeuille parfaitement diversifié. Il mesure le risque de ce portefeuille par la variance. Or, des études montrent que, dans la réalité, les investisseurs ne choisissent pas forcément le principe de diversification parfaite de Markowitz. En 2000, Shefrin et Statman 6

vont d ailleurs démontrer que les investisseurs peuvent investir une part importante de leur fortune dans un produit financier risqué afin de pouvoir bénéficier de son potentiel de hausse. En d autres termes, les auteurs démontrent que l investisseur lambda s assure dans un premier temps une rentabilité stable, si petite soit-elle, avec des actifs dits «sans-risque» (ex : obligations souveraines). Puis, dans un second temps, il investit le reste de sa fortune dans une loterie plus ou moins risquée. Cette méthode de gestion de portefeuille est l un des fondements de la Théorie Comportementale du Portefeuille (BPT) développée par Shefrin et Statman. Cette théorie s appuie sur deux piliers. Tout d abord, sur le fait que les investisseurs ont tendance à ne pas tenir compte des probabilités objectives, ou en tout cas à les déformer (idée défendue par Maurice Allais en 1953). Puis sur le phénomène de la comptabilité mentale mis en évidence par Thaler en 1980. La BPT utilise également une méthode de mesure du risque différente de celle utilisée par Markowitz, basée sur le principe du Safety First. Les études sur la Finance Comportementale sont de plus en plus nombreuses. Mais très peu mettent en application ses principes sur le marché réel, et encore moins sur des périodes à forte volatilité. La problématique de notre étude est donc de revenir sur cette confrontation entre Finance Classique et Finance Comportementale, et de l illustrer par une comparaison entre un modèle de chaque idéologie, sur une période ayant enregistré bulles spéculatives, krachs boursiers et incertitudes macroéconomiques. Dans cette étude, l objectif de la première partie est de revoir, par le biais d une revue littéraire, les différentes phases qu ont connues la Théorie Financière Classique et la Finance Comportementale. Pour cela, nous résumerons tout d abord les concepts de l Efficience des Marchés, de la Rationalité des investisseurs et enfin de la Finance Comportementale. Nous présenterons ainsi les travaux de différents auteurs qui semblent indispensables au cadre de notre problématique. Enfin, dans la seconde partie de ce document, nous proposons une étude empirique qui a pour base un travail d Olga Bourachnikova 1 dont l objectif était de confronter le modèle moyenne-variance de Markowitz avec le modèle de Shefrin et Statman, ainsi que de vérifier si 1 BOURACHNIKOVA, O. (2009) : «Théorie Comportementale du Portefeuille : une analyse critique» 7

les Frontières Efficientes de ces modèles étaient toujours confondues.. Le but de notre étude est de reprendre sa méthode afin de vérifier si les résultats sont les mêmes sur une période présentant des bulles, krachs et périodes d incertitudes. 8

Théorie Financière Classique versus Finance Comportementale a) Théorie de l Efficience des Marchés : une Hypothèse Fragilisée Les théoriciens classiques ont, pendant des décennies, bâti un ensemble d outils d analyse des marchés financiers. Ces raisonnements, jusqu ici présentés comme robustes, se sont toujours reposés sur différentes hypothèses telles que l Efficience des Marchés. Cette hypothèse défendue par de nombreux auteurs fut également, à de nombreuses reprises, attaquée. Les théoriciens classiques sont accusés de nier la réalités des marchés et du comportement des investisseurs. Dans cette partie, nous allons revenir sur les origines de l Hypothèse d Efficience des Marchés (EMH). Nous reviendrons donc sur les travaux de Bachelier et sa distribution aléatoire des cours, de Fama, ainsi que ceux de Regnault ou encore Savage. Nous présenterons ensuite les différentes définitions qu on a attribuées à l EMH pour en venir aux arguments de ceux qui la contredisent. 9

Origines de l EMH Certains considèrent que l on peut attribuer l Hypothèse d Efficience des Marchés à Louis Bachelier, mathématicien français. Dans sa thèse «La Théorie de la Spéculation» 2 de 1900, Bachelier met en évidence l Hypothèse de Marche au Hasard des rentabilités boursières ou «Random Walk». Selon lui, les rendements sont statistiquement indépendants sur le long terme, et par déduction, un investisseur ne peut, en théorie, battre durablement son benchmark 3 et ne peut s appuyer sur les séries historiques pour établir des prévisions sur la variation des prix futurs. En 1863, Jules Regnault 4 émet l hypothèse que les variations des cours boursiers sont causées par l arrivée de nouvelles informations sur le marché, certains observateurs considèrent donc que l on retrouve l origine du concept de l EMH dans ses travaux. Regnault distingue pour ces variations deux types de causes, les causes «accidentelles» qui correspondent donc aux flux informationnels qui entrent sur le marché, et les causes dites «constantes» qui correspondent par exemple à l effet d un détachement de coupon 5. Les hypothèses de marche aléatoire des marchés sont complétées ou confirmées par les travaux de Cowles 6, Working 7 et Kendall 8 formulées entre 1930 et 1950. Bien qu on puisse alors considérer que les hypothèses de Regnault et Bachelier forment une partie de la base de l Efficience des Marchés, il est impossible de leur attribuer la théorie de l EMH qui en réalité s est dessinée dans les années 1950 aux Etats-Unis, partant d une base quelque peu différente. Dans les années 50, des économistes tels que Paul Samuelson ou Maurice Kendall, reprennent les concepts de marche aléatoire de Bachelier et l idée qu il est impossible de 2 BACHELIER, L. (1900) : «Théorie de la Spéculation», Annales Scientifiques de l École Normale Supérieure 3 Le benchmark désigne un point de référence, souvent représenté par un indice boursier. 4 REGNAULT, J. (1863) : «Calcul des Chances et Philosophie de la Bourse» 5 Lors d un détachement de coupon, le cours du titre en question est généralement impacté de la valeur du coupon. 6 COWLES, A. (1933) : «Can Stock Market Forecasters Forecast» Econometrica 7 WORKING, H. (1934) : «A Random Difference Series for Use in the Analysis of Time Series» Journal of the American Statistical Association 8 KENDALL, Maurice G. (1953) : «The Analytics of Economic Times Series» 10

devancer les marchés. Samuelson dira même : «Quand l agent de change appelle pour dire vite, vite, vite! c est ridicule. S il était certain que l action monte, elle l aurait déjà fait.» 9 On parle alors de l efficience des marchés comme d un synonyme de la marche aléatoire. C est à cette période, alors que les universitaires orientent de plus en plus leurs recherches vers le monde professionnel, que l EMH commence à émerger avec également les travaux de Cootner qui dit en 1962 : «The stock exhange is a well-organized, highly competitive-market. Assume that, in fact, it is a perfect market. ( ) the only prices changes that would occur are those which result from new information. Since there is no reason to expect that information to be non-random in its appearance, the period-to-period price changes of a stock should be random movements, statistically independent of one another». 10 Viennent ensuite les travaux d Eugène Fama, à qui l on attribue aujourd hui le terme «d Efficience des Marchés». Fama, membre de la prestigieuse Ecole de Chicago, donne pour la première fois en 1965, une définition de l Efficience informationnelle des marchés : «An efficient market is defined as a market where there are large numbers of rational, profit-maximizers actively competing, with each trying to predict future market values of individual securities, and where important current information is almost freely available to all participants.» 11 Notons que sa définition de l EMH implique nécessairement un modèle d évaluation d actifs tel que le MEDAF et, que cette association entre un modèle d équilibre des actifs et une distribution aléatoire, est absente dans les travaux de Bachelier ou de Regnault. La théorie de Fama réduit les propriétés stochastiques des prix mises en évidence dans les travaux de Bachelier, Samuelson et Cootner à une simple conséquence de l efficience des marchés, non plus à une cause. Samuelson et Mandelbrot en 1965 et 1966, reviendront sur cette l hypothèse de FAMA et démontreront que l autonomie des prix et de rendement des actifs est bien cohérente avec l EMH mise en évidence par Fama. 9 Dans un échange avec P.L Bernstein, cité dans «Capital Ideas» page 122 10 COOTNER, P-A. (1962) : «Stock Prices : Random vs Systematic Changes» Industrial Management Review, Vol 3, 1962, page 25 11 FAMA, E. (1965) : «Random Walks in Stock Market Prices» 11

Définition Empirique de l EMH L Hypothèse d Efficience des marchés est traduite de l anglais «Efficience Market Hypothesis» ou EMH. Cette traduction est en fait discutable, puisque le terme Efficience se traduit en réalité par le mot Efficacité. En français, le mot efficience désigne la capacité d un système à accomplir parfaitement son rôle dans la plus grande économie de moyens. On pourrait considérer alors le marché comme efficient à partir du moment où il assure sa fonction (cf. Financer l économie et permettre une vélocité des ressources). Mais les théoriciens spécialistes de l EMH donnent des précisions à cette définition. On peut lire par exemple : «De manière simple et schématique, ce concept exprime que le prix coté reflète fidèlement la réalité économique sous-jacente, et permet donc une bonne prise de décision (achat ou vente), en toute connaissance de cause. Le marché est alors «efficient», dans le sens où, en tant que mécanisme d échange, l information nécessaire à cet échange est correctement transmise par les prix» 12. Pour résumer, l EMH se base sur le fait que les prix des actifs d un marché liquide intègrent directement toute l information gratuite et disponible instantanément sur ce marché. Elle s appuie également sur le principe d atomicité du marché 13, et sur la concurrence entre ses intervenants qui est sensée maintenir le prix du titre boursier relativement proche de sa valeur intrinsèque 14. L EMH est donc par définition, soumise au caractère homogène et rationnel des anticipations des intervenants 15. Selon cette définition, seule une information non-anticipée a un impact sur les cotations. Ce caractère imprévisible de l information implique donc le fait que le marché soit soumis à une marche aléatoire 16. 12 WALTER, C. (1996) : «Une Histoire du Concept d Efficience sur les Marchés Financiers» Annales HSS, n 4, p. 873 13 Les acheteurs et vendeurs sont suffisamment nombreux, aucune entente sur les prix n est possible et les agents ne peuvent influencer les cours. 14 Définition en annexe A.1 15 Nous y reviendrons dans la partie b) Hypothèse de Rationalité parfaite des intervenants. 16 Définition en annexe A.2 12

La première définition de l efficience donnée par Fama étant quasi-impossible à vérifier, celui-ci la précise en 1970 dans un article du «Journal of Finance» intitulé Efficient Capital Markets : A Review of Theory and Empirical Work, en différenciant trois types d efficience : - l efficience faible : (ou Weak Hypothesys), on considère le marché efficient lorsque les prix actuels se basent sur les prix et rendements passés. Déjà à partir de ce niveau d efficience, les défenseurs du concept considèrent l Analyse Technique comme erronée. - l efficience semi-forte : (ou Semi Strong Hypothesys), lorsque les acteurs du marché disposent de toutes les informations fondamentales publiques. Les défenseurs de l EMH décrédibilisent ici les analystes dont les supports sont, pour un marché, la macro-économie, ou pour une entreprise, l évaluation fondamentale. - l efficience forte : (ou Strong Hypothesys), lorsque toute l information, qu elle soit publique ou non est connue des acteurs et donc incorporée presque instantanément dans les prix. Dans cette situation, les délits d initiés sont quasi-inexistants. Dans l article Efficient Capital Markets, il explique : «Les catégories forme faible, forme semi-forte et forme forte ont essentiellement pour but de nous permettre de cerner le niveau d information où l hypothèse s effondre» 17. Il admet également que le test d efficience ne prend pas en compte deux variables : le coût de l information et des transactions, ainsi que le problème de l hypothèse jointe. C est à dire qu on ne peut jamais vraiment savoir si c est le marché qui présente des signes d inefficience ou si c est le modèle utilisé pour évaluer les actifs financiers qui est faux. James Tobin 18 en 1984 et Broihanne, Merli et Roger en 2004 19 revoient cette répartition 20. 17 FAMA, E. (1969) : «Efficient Capital Markets : A Review of Theory and Empirical Work» Journal of Finance (Propos traduits par Philippe Bernard dans l Hypothèse d Efficience des Marchés, 2003 18 TOBIN, J. (1984) : «On the Efficiency of the Financial System» 19 BROIHANNE, M., MERLI, M. & ROGER, P. (2004) : «Finance Comportementale» Economica 20 Voir annexe A.3 13

Dans la pratique, l EMH est l un des fondements de la méthode de gestion dite «indicielle passive» introduite à la même période que la Théorie Financière Classique. Cette méthode représente aujourd hui un tiers de la gestion de titres en fonds de pension aux USA. 14

EMH versus Anomalies du Marché: une Théorie Limitée? La théorie de l EMH attribuée à Fama réduit les propriétés stochastiques des prix mises en évidence dans les travaux de Bachelier, Samuelson et Cootner à une simple conséquence de l efficience des marchés, non plus à une cause. Cependant, Samuelson 21 et Mandelbrot 22 en 1965 et 1966, reviendront sur cette hypothèse et démontreront que l autonomie des prix et des rendements des actifs est bien cohérente avec l EMH de Fama. Enfin en 1978, Michael Jensen 23, membre de l Université de Chicago, propose une version de l efficience bâtie sur la notion d arbitrage. Selon lui, il est impossible de battre son benchmark sans prendre un risque supplémentaire, risque qui impliquerait une probabilté d être battu par le marché. Ce risque est rémunéré par ce qu il nomme la prime de risque. Il serait donc plus judicieux, pour limiter le risque, de construire un portefeuille diversifié de façon optimal afin de reproduire à l identique, ou presque, les mouvements du marché. On en vient donc à la célèbre Théorie Moderne du Portefeuille de Markowitz(1952) 24. Dans cette intervention, il affirme également qu «aucune proposition en économie n a de plus solides fondements empiriques que l hypothèse d efficience des marchés» 25. Ont suivi ensuite, à partir de l EMH et des travaux de Bachelier ou Markowitz, des modèles tels que celui d Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF) initié par Treynor, Sharpe, Linter, Mossin et Black ou la formule de Black-Scholes 26. 21 SAMUELSON, P. (1965) : «Proof that Properly Anticipated Prices Fluctuate Ramdomly» Industrial Management Review 22 MANDELBROT, B. (1966) : «Forecasts of Future Prices, Unbiased Markets and Martingale Models» Journal of Business 23 JENSEN, M-C. (1978) : «Some Anomalous Evidence Regarding Market Efficiency» Journal of Financial Economics 24 MARKOWITZ, Harry M. (1952) : «Portfolio Selection», Journal of Finance. Nous reviendrons sur cette théorie dans la dernière partie de cette étude 25 Propos traduits par BOYER, R., DEHOVE, M. & PLIHON, D. (2005) : «Les Crises Financières» Alternatives Internationales n 020 26 Proposée en annexe A.4

Bien qu à chaque fois confirmée, l hypothèse de Fama fut de nombreuses fois revisitée, modifiée, transformée. De ce fait, de nombreux auteurs se sont donc permis d émettre des doutes sur la robustesse de la théorie de Fama, et de manière plus générale, sur celle de l EMH. En 1968, Fama défendit à nouveau sa position face à un public composé de gérants de portefeuille et d analystes chartistes, à l occasion de la conférence annuelle de l Institutional Investor : «Nous soutenons qu il n existe aucun résultat empirique tendant à infirmer l hypothèse dans sa forme faible ou semi-forte [...] et que les tests de sa forme forte n ont produit que peu de résultats allant à l encontre de cette hypothèse (en d autres termes, l accès privilégié à l information sur les prix ne semble pas être un phénomène répandu dans la communauté financière)». En plus des multiples modifications proposées pour la théorie de Fama, la constatation de certains phénomènes tels que la saisonnalité ou la météorologie, que certains appellent «anomalies» ou «inefficiences», fragilisent un peu plus l EMH puisqu ils montrent que l on peut parfois prévoir des tendances sur les marchés, voire le prix des actifs. Cette constatation a une portée considérable dans le sens où elle remet en cause la pensée académique de la finance. Ces anomalies, que Burton Malkiel définit en 2004 27 comme des «statistically significant predictable patterns in returns» soulèvent la question d une potentielle défaillance dans le comportement des intervenants. Dans Anomalies and Market Efficiency(2003), G. William Schwert propose un rescensement des anomalies constatées ces dernières décennies : - Data Snooping : En 1990, Lo and MacKinlay 28 mettent en évidence le fait que les échantillons de données utilisés pour tester les modèles sont souvent réutilisés ce qui peut avoir pour conséquence de biaiser les résultats obtenus. 27 MALKIEL, Burton G. (2004) : «Can Predictable Patterns in Market Returns be Exploited Using Real Money?» 28 L0, A. & MACKINLAY, C. (1990) : «Data-Snooping Biases in Tests of Financial Asset Pricing Models» Review of Financial Studies 16

- The Size Effect : Selon Reinganum en 1981 29, lorsque sont utilisés des modèles de pricing de type MEDAF, les entreprises à petite capitalisation du NYSE, de l AMEX ou du NASDAQ présentent des rendements anormalement positifs. Idem pour les entreprises à fort rendement courant, à faible PER ou à fort Book to Market 30. On peut considérer que les investisseurs exigent une prime de risque supérieure pour les petites entreprises. Pour expliquer cette défaillance, les défenseurs de l EMH supposent que le MEDAF oublie de prendre en compte certains facteurs liés au risque systématique. Les spécialistes de la Finance Comportementale voient ici une défaillance due à une sous-évaluation temporaire des «small et mid cap» (petites et moyennes capitalisation). - The Turn-of-the-year Effect : En 1976, Rozeff et Kinney 31 et en 1983, Reinganum 32 démontrent qu une grande partie du rendement anormal des petites entreprises cité précédemment a lieu lors des deux premières semaines de janvier. Reinganum explique cela par le fait que les investisseurs liquident leurs positions en fin d année pour des raisons fiscales, et les reprennent en début d année. L effet de cette opération est ressenti sur les petites entreprises du fait des faibles volumes sur ce type de valeur et de leur forte volatilité. Ceci remet donc en question l idée d une rationalité parfaite des investisseurs. Cet argument est cependant discutable car ce phénomène est également observé sur des places où l année fiscale ne se termine pas en décembre (exemple : l Australie). Une des causes avancées par les spécialistes de la Finance Comportementale, comme Shiller 33 en 1999, serait la Comptabilité Mentale. Les investisseurs prendraient inconsciemment le mois de janvier comme un nouveau départ. On parle aussi de «l effet timing» ou de «l effet janvier», qui sont d autres noms pour cette anomalie calendaire. On remarque également une rentabilité en moyenne plus faible au mois de septembre que sur le reste de l année, en particulier sur la deuxième partie du mois. 29 REINGANUM, M (1981) : «Misspecification of Capital Asset Pricing : Empirical Anomalies Based on Earnings' Yields and Market Values» Journal of Financial Economics 30 Ratio qui permet d identifier les valeurs sur ou sous-évaluées, en comparant leur valeur marché et leur valeur comptable. 31 R0ZEFF, M-S. & KINNEY, W-R. (1976) : «Capital Market Seasonality: The Case of Stock Returns» Journal of Financial Economics 32 REINGANUM, M-R. (1983) : «The Anomalous Stock Market Behavior of Small Firms in January» Journal of Financial Economics 33 SHILLER, R-J. (1999) : «Human Behavior and the Efficiency of the Financial System» Handbook of Macroeconomics 17

- The Weekend Effect : Initiées par French 34 en 1980, les recherches sur l effet du jour de la semaine sur le rendement des actifs montrent ce que l on appelle «l effet weekend», «l effet lundi» ou «les effets jours». Historiquement, le lundi est un jour baissier sur les marchés en particulier pendant la première heure de transaction, alors que les mercredis et les veilles de jours fériés sont généralement positifs au niveau de la rentabilité des actifs. - The Value Effect : Nous parlons également de «l effet PER». En 1977, Basu 35 démontre que les valeurs à faible PER du Nyse ont des rentabilités plus élevées que celles aux PER élevés. A la suite de cette observation, certains théoriciens comme Ball 36 en 1978, émettront des doutes sur la méthode de valorisation du MEDAF. - The Momentum Effect : Il a été prouvé que les actions qui ont le plus monté lors des 12, 6 ou 3 derniers mois ont plus tendance à continuer de monter que les actions qui ont le plus baissé sur la même période. DeBondt and Thaler en 1985 ou encore Jegadeesh and Titman en 1993 ont étudié ce phénomène. D autres auteurs comme Edaward M. Saunders 37 en 1993 ou David Hirshleifer et Tyler Shumway 38 en 2003, mettent en avant un lien entre les conditions climatiques et les fluctuations boursières. La perception des nouvelles informations par les investisseurs serait positivement influencée par l ensoleillement, celui-ci semble diminuer leur aversion au risque. En revanche l enneigement ou la pluviosité ne semblent pas avoir d impact sur les marchés. Malgré tout, les frais de transaction et le slippage 39 réduisent les chances de faire durablement des opérations profitables en se basant sur les prévisions climatiques. La volatilité, les krachs et les bulles spéculatives sont d autres phénomènes qui remettent en cause l EMH. En effet, nous savons que selon cette théorie le prix ne peut 34 FRENCH, K-R. (1980) : «Stock Returns and the Weekend Effect» Journal of Finance and Economics 35 BASU, S. (1977) : «Investment Performance of Common Stocks in Relation to their Price-Earnings Ratios : A Test of the Efficient Market Hypothesis» Journal of Finance 36 BALL, R. (1978) : «Anomalies in Relationships Between Securities' Yields and Yield-surrogates» Journal of Financial Economics 37 EDWARD M. Saunders (1993) : «Stock Prices and Wall Street Weather» The American Economic Review 38 HIRSHLEIFER, D. & SHUMWAY, T. (2001) : «Good Day Sunshine: Stock Returns and the Weather» The Journal of Finance 39 Décalage entre l émission et l exécution de l ordre 18

s éloigner durablement de la valeur fondamentale des actifs. Or, les observations de Schiller 40 en 1981 montrent que la variation des dividendes ne peut expliquer les fortes volatilités des marchés. En d autres termes, les variations brutales des prix que sont les krachs et les bulles ne peuvent s expliquer par des variations équivalentes des valeurs fondamentales. Il s agit donc là d une autre fissure au concept de l EMH. Les défenseurs de la théorie classique considèrent ces phénomènes comme les exceptions qui confirment la règle. Des événements rares et passagés qui s expliquent par le fait que les investisseurs rationnels sont conscients qu ils acquièrent les titres à des prix supérieurs à leurs valeurs fondamentales, mais qu ils espèrent pouvoir les revendre plus cher dans le futur. Certains vont même jusqu à faire part de leur scepticisme quant à l aspect réel des bulles et krachs boursiers. Mais la multiplication de ces phénomènes ces dernières années diminue la crédibilité de cette justification. De la Tulipomanie de février 1637 41 au krach boursier de juillet-août 2011 42, les périodes à forte volatilité ont été nombreuses sur les marchés. En 1998, Fama est revenu sur ses hypothèses en concluant que malgré toutes les tentatives pour les détruire, celles-ci ont survécu. Les néo-classiques estiment qu il n est pas suffisant, pour remettre en cause l EMH, de repérer quelques situations prédictibles par l économétrie, qui de plus, ne tiennent généralement pas compte des contraintes de transaction (frais, impôts, slippage). Il est indéniable que l EMH a beaucoup apporté à la Théorie Financière et à l étude des marchés. Cependant, la théorie n est valable que lorsque les acteurs du marchés font preuve d une rationalité parfaite dans leurs choix d investissements. suivante. Cette rationalité fut souvent discutée. Nous allons donc nous y intéresser dans la partie 40 SHILLER, R-J (1981) : «Do Stock Prices Move to Much to be Justifies by Subsequent Changes in Dividends?» American Economic Review 41 Nous faisons référence ici à la «crise des tulipes», bulle spéculative autour des cours de l oignon de tulipe dans les Provinces-Unies au XVIIème siècle. 42 Krach lié entres autres aux inquiétudes sur la santé économique de la Grèce qui entraîna la chute de plusieurs grands indices boursiers dont le CAC40. 19

b) Hypothèse de Rationalité Parfaite des Intervenants Comme nous le disions, le caractère rationnel des anticipations des investisseurs est une hypothèse importante de l EMH, elle est aussi l une des caractéristiques attribuées à l Homo Economicus 43. Elle met en évidence le comportement des agents économiques lorsqu ils sont confrontés à des choix plus ou moins risqués sur les marchés financiers. En choisissant de positionner tout ou partie de leur patrimoine sur les marchés, les investisseurs décident de soumettre leur espérance de gain à une forme d incertitude (on parle aussi de loterie). Par conséquent, nous pouvons considérer que le processus de formation des prix est lié aux agissements des acteurs du marché face à cette incertitude. Selon la Théorie Financière, le terme «rationalité» intervient lorsque les agents économiques ont un comportement cohérent face à l information disponible, c est à dire lorsqu ils sont capables de l analyser et d adapter leurs choix en fonction de cette information dans le but d optimiser leur satisfaction (ou utilité) 44. En résumé, l investisseur rationnel est amené à respecter rigoureusement deux contraintes : - Agir dans l unique but d augmenter sa satisfaction - Réviser ses croyances selon les principes de la Règle de Bayes (que nous verrons par la suite). Nous devons admettre que si l ensemble des intervenants sur le marché fait preuve d une rationalité parfaite, que l ensemble est donc capable d évaluer de manière fidèle les actifs et que par conséquent, aucun acteur ne s éloignera du «bon prix» de l actif, nous devons reconnaître le marché comme étant efficient. 43 THALER, Richard H. (2000) : «From Homo Economicus to Homo Sapiens», Journal of Economic Perspectives 44 Pour d autres définitions, voir SIMON, H-A. (1986) : «Rationality in Psychology and Economics» The Journal of Business 20