Usage des statines : une structure de consommation à améliorer, un potentiel d économies majeur pour le système de soins

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Transcription:

Point d information 29 mai 2013 Usage des statines : une structure de consommation à améliorer, un potentiel d économies majeur pour le système de soins Les statines, médicaments destinés à traiter l excès de cholestérol dans le sang, notamment le LDL-Cholestérol, constituent l une des principales classes thérapeutiques prescrites en France : 6,4 millions de patients suivent actuellement un traitement par statines, on enregistre plus d 1 million de nouveaux patients traités chaque année et les remboursements représentent 1,2 md en 2012. L Assurance Maladie, dans le champ qui est le sien et comme elle le fait depuis plusieurs années, a souhaité compléter son analyse sur l usage de ces médicaments en France, afin de favoriser une utilisation appropriée des statines et optimiser leurs coûts pour la collectivité. Les recommandations sanitaires, françaises et internationales, reconnaissent l efficacité clinique des statines chez le patient à risque cardio-vasculaire, et ce, quelle que soit la molécule prescrite. Une étude inédite menée par l Assurance Maladie, à partir de ses bases de données et du PMSI 1, ne montre ainsi pas de différence significative d efficacité sur la morbimortalité entre la rosuvastatine 5 mg et la simvastatine 20 mg. Celle-ci porte sur un effectif important : près de 165 000 patients, suivis sur une période moyenne de 3 ans et ayant débuté un traitement par statines en prévention primaire. Les conclusions de cette analyse apportent un éclairage complémentaire pour améliorer la prescription des statines en France. En effet, des progrès ont été réalisés depuis plusieurs années pour mieux cibler les patients traités tandis qu un ralentissement de la croissance des volumes prescrits est enregistré depuis le milieu des années 2000 après une très forte dynamique (+15% par an environ sur la période 2000-2004). Au total, les remboursements de statines se sont stabilisés sur la décennie, grâce à l infléchissement de la dynamique des volumes, aux baisses de prix et au développement des génériques, tout en améliorant la couverture des personnes nécessitant ce traitement. Néanmoins, la structure de consommation des statines en France demeure en décalage avec les recommandations sanitaires et très éloignée de celle des autres pays européens : la rosuvastatine, recommandée pour le traitement des patients dont le risque cardiovasculaire est élevé et seule molécule non génériquée, totalise 30% des volumes prescrits alors qu il existe une alternative génériquée dans les mêmes indications. En 2011, 1 traitement initié sur 3 était ainsi une prescription de rosuvastatine. Si l on observe 7 des principaux pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Finlande, Norvège, Espagne), la structure de consommation est inverse : la rosuvastatine occupe une place très minoritaire (7,8% des volumes en moyenne, seulement 3,9% au Royaume Uni et 0,5% en Allemagne), les prescriptions se concentrant sur la simvastatine 1 Programme de Médicalisation des Systèmes d Information Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 1

(68,5% et 82,5% des volumes au Royaume-Uni et en Allemagne contre seulement 16,4% en France). Cette structure de consommation très défavorable, marquée principalement par un très large recours à la rosuvastatine, a un impact économique majeur pour notre système de soins : la France se situe ainsi en tête des coûts de traitements par statines, avec un coût moyen journalier deux fois plus élevé que la moyenne des pays observés. Ainsi, à titre d exemple, en adoptant la structure de consommation et les coûts des traitements allemands, les économies générées pourraient atteindre 500 M en année pleine. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 2

I Statines : une efficacité reconnue sur la morbimortalité, similaire entre les molécules A. Point sur les recommandations sanitaires sur les statines Face aux débats et interrogations sur l efficacité et l usage des statines en France, le rappel des recommandations sanitaires dans ce domaine constitue un préalable indispensable. Dans sa fiche de Bon usage des médicaments publiée en février 2012 sur les statines 2, la Haute Autorité de Santé insiste sur l importance de la mise en œuvre de mesures hygiénodiététiques en matière de prévention cardio-vasculaire, en amont et durant toute la durée du traitement si celui-ci est nécessaire. Elle indique que les statines ont une efficacité clinique reconnue chez le patient à risque cardio-vasculaire, en permettant : o une réduction de 10% du risque de mortalité toutes causes, quelle que soit la statine choisie, o une baisse du risque d événements cardio-vasculaires de 15 à 23%, selon le type d événements. Le choix de la molécule et de son dosage dépend du niveau de risque du patient, de l existence d antécédents cardio-vasculaires, du taux initial de LDL-Cholestérol (LDL-C) et de la baisse recherchée. La HAS souligne également qu il est inutile de prescrire une statine ayant un potentiel de baisse du LDL-C supérieur à celui recherché car cela génère des dépenses médicalement injustifiées. Un dosage ajusté doit ainsi être choisi pour ne pas faire baisser le LDL-C plus que cela est nécessaire. L objectif est avant tout d agir de façon globale et équilibrée sur l ensemble des facteurs de risque (tabagisme, diabète, sédentarité, nutrition inadaptée ) En outre, les effets secondaires des statines augmentent avec la dose prescrite. Enfin, dans ses recommandations, la HAS rappelle que la statine ayant la meilleure efficience (rapport coût / efficacité) doit être préférée. Au niveau international, les recommandations sanitaires sont globalement concordantes : elles soulignent l efficacité clinique similaire des statines, en prévention primaire et secondaire, chez les patients à risque cardio-vasculaire tout en insistant sur la nécessité de prescrire à moindre coût. Ainsi, compte tenu des recommandations françaises et des molécules disponibles, il apparaît clairement que la totalité des situations cliniques peut être aujourd hui traitée dans le cadre du répertoire génériqué, permettant une efficacité optimale sur le plan médical, au meilleur coût pour le système de soins. 2 «Prévention cardio-vasculaire : le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience», février 2012, Haute Autorité de Santé Fiche valable à la date de publication du document, les modifications de prix intervenues suite à cette date ont modifié le rapport coût / efficacité et donc la hiérarchie des statines recommandées. Le principe de la prescription de la molécule la plus efficiente est néanmoins affirmé. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 3

B. Une étude en «vie réelle» de l Assurance Maladie comparant l efficacité clinique d une molécule génériquée (simvastatine 20 mg) et d un princeps non génériqué (rosuvastatine 5 mg) En juin 2012, l Assurance Maladie a présenté une 1ère étude comparant l efficacité de la simvastatine 20 mg et de ses génériques, en s appuyant sur les données du Sniiram. Cette étude a confirmé qu il n existe pas de différence entre le médicament princeps et ses génériques pour atteindre leur finalité : éviter la survenue d évènements cardiovasculaires graves. L Assurance Maladie a souhaité poursuivre cette démarche en initiant une nouvelle étude sur l efficacité comparée de la simvastatine 20 mg et de la rosuvastatine 5 mg, en prévention primaire, en termes de morbimortalité. Les résultats des méta-analyses sur l efficacité biologique des statines montrent en effet une réduction plus prononcée du LDL-C avec la rosuvastatine 5 mg qu avec la simvastatine 20mg, sans qu une efficacité supérieure en termes de morbimortalité soit démontrée. Près de 165 000 patients suivis sur 3 ans en moyenne L étude, réalisée à partir du Sniiram et du PMSI, porte sur les patients âgés de 40 à 79 ans, en prévention primaire 3, ayant débuté un traitement par statines (par rosuvastatine 5 mg ou simvastatine 20 mg) entre 2008 et 2009. Les patients sélectionnés ont suivi leur traitement initial, sans changement de molécule ou de dose, pendant une période d au moins 1 an. Au total, 163 801 patients (71 460 hommes et 92 341 femmes) ont été inclus dans l étude sans différence significative entre les patients sous rosuvastatine 5 mg et ceux sous simvastatine 20 mg ou entre les hommes et les femmes. La durée moyenne du suivi s élève à 34,8 mois, avec une période maximale de 48 mois. La comparaison a porté, d une part, sur la survenue de décès toutes causes et d autre part, sur les événements tels que les hospitalisations pour cardiopathie ischémique aigüe ou pour accident cérébral aigu et/ou décès. Résultats : Sur l effectif total, près des deux tiers (65%) des patients étaient traités par rosuvastatine 5 mg et un tiers (35%) par simvastatine 20 mg. De manière générale, dans l échantillon observé, le risque cardiovasculaire initial apparaît moindre chez les patients traités par rosuvastatine que par simvastatine : - des patients plus jeunes (60,0 ans versus 60,4 en moyenne), - une moindre part de bénéficiaires de la CMU-C pour les patients de moins de 60 ans (5,3% versus 6,8%), - un niveau de risque vasculaire moins élevé en début de traitement : part de patients diabétiques (18,4% versus 23,4%), prise d un traitement de l hypertension artérielle (56,6% versus 60,1%) et d antiagrégants plaquettaires (16,0% versus 18,5%). Un ajustement des données sur l ensemble des facteurs de description des patients observés a été réalisé : âge, sexe, indice de défavorisation de la commune, bénéfice de la CMU-C, comorbidités et traitements médicamenteux associés (pathologie cardiaque, hypertension 3 Cf annexe 1 méthodologie détaillée Patients sans antécédents cardio/cérébro-vasculaires (cardiopathies ischémiques, maladies cérébrovasculaires, phlébites, thrombophlébites intracrâniennes et intrarachidiennes, hémiplégie). Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 4

artérielle, antiagrégants plaquettaires, diabète, dépression, maladie d Alzheimer, asthme, cancer, insuffisance rénale ). Au total, après ajustement, l étude menée par l Assurance Maladie sur ces patients en prévention primaire, avec une période d observation de près de 3 ans, n a pas montré de différence significative d efficacité sur la morbimortalité entre la rosuvastatine 5 mg et la simvastatine 20 mg. Les résultats de cette étude réalisée en «vie réelle» sur un effectif très important de patients ne sont ainsi pas en faveur d une prescription préférentielle de rosuvastatine 5 mg par rapport à la simvastatine 20 mg, génériquée et dont le coût est nettement moins élevé. Or, comme le montre cette analyse, dans l échantillon, 2 patients observés sur 3 suivent un traitement par rosuvastatine 5 mg. En outre, la rosuvastatine 5 mg, pourtant recommandée pour les patients dont le risque cardiovasculaire est élevé est prescrit à des patients dont le risque cardiovasculaire est moindre que ceux traités par simvastatine 20 mg. Enfin, ces résultats contrastent avec ceux d une étude cas-témoins récente, réalisée sur 617 patients 4, qui concluait que la rosuvastatine «diminue le risque d infarctus du myocarde de 37% par rapport à la simvastatine et a un fort effet protecteur contre la survenue d un 1 er infarctus». Etude Cnamts sur l efficacité comparée de la rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg Mortalité chez les hommes Instaurations de rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg en prévention primaire par un généraliste en 2008-09 chez les 40 à 79 ans (prise régulière pendant la première année) 4 28th International Conference on Pharmacoepidemiology & Therapeutic Risk Management, August 23-26, 2012 Pharmacoepidemiology and drug safety2012. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 5

Etude Cnamts sur l efficacité comparée de la rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg Mortalité chez les femmes Instaurations de rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg en prévention primaire par un généraliste en 2008-09 chez les 40 à 79 ans (prise régulière pendant la première année) Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 6

II Des progrès réalisés mais une structure de consommation qui demeure en décalage avec les recommandations sanitaires et les pratiques européennes Avec 6,4 millions de patients traités et plus d 1 million d instaurations de traitement en 2011, les statines constituent une classe thérapeutique majeure qui totalise 1,2 md de remboursements en 2012. Depuis plusieurs années et notamment la convention médicale de 2005, l Assurance Maladie en accord avec les syndicats représentatifs des médecins libéraux se mobilise pour améliorer l utilisation des statines et maîtriser la croissance des dépenses liées à cette classe. Les actions menées par l Assurance Maladie ont ainsi visé à favoriser le respect des recommandations sanitaires pour : - Améliorer à la fois la couverture par statines de patients parfois insuffisamment traités comme les patients diabétiques à haut risque cardio-vasculaire et éviter la prescription systématique de statines en prévention primaire aux patients à faible risque cardio-vasculaire pour lesquels le suivi de mesures hygiéno-diététiques peut éviter un traitement souvent pris «à vie», - Améliorer l efficience de la prescription : choix de doses ajustées et prescription dans le répertoire de médicaments génériqués. A. Des progrès réalisés dans la pertinence des traitements Les actions menées pour mieux cibler les traitements par statines ont permis d améliorer le taux de patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire traités. Ainsi, à l instar du Contrat d Amélioration des Pratiques Individuelles (CAPI), la Rémunération sur objectifs de santé publique, mise en place en 2012 auprès de l ensemble des médecins libéraux, intègre un indicateur dédié à la prescription de statines pour ces patients, avec des résultats significatifs 5. Le taux de patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire traités par statines a progressé de 7 points entre fin 2009 et fin 2012, passant de 53% à 60%. Pour la seule année 2012, cela représente 33 000 patients diabétiques supplémentaires couverts. L analyse des données depuis 2000 illustre également le ralentissement de la progression des statines, en volumes et en montants remboursés, tout en améliorant la couverture des personnes nécessitant un traitement. La période 2002-2005 a été marquée par des taux de croissance des volumes prescrits très élevés, avec des taux de +22 à 11%. Cette forte dynamique s est infléchie de 2006 à 2010, avec des taux de +6 à 7% par an. En 2011 et 2012, la croissance est respectivement de +2,9% et +3,8%. Sur la décennie, les efforts engagés sur les volumes prescrits, conjugués aux baisses de prix et à la générication progressive des molécules ont permis de stabiliser les montants remboursés pour cette classe thérapeutique. En 2012, ils enregistrent même une baisse de 6,7%, après une stagnation (+0,8%) en 2011. 5 Cf Dossier de presse «Rémunération sur objectifs de santé publique : une mobilisation des médecins et de l Assurance Maladie en faveur de la qualité des soins», 11 avril 2003, www.ameli.fr/espace-presse Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 7

12,9% 14,1% 10,6% Nombre de traitements mensuels* : évolution des taux de croissance annuels 25,0% 22,1% 20,0% 15,0% 10,0% 5,0% 6,4% 8,7% 8,2% 5,5% 6,1% 2,9% 3,8% 0,0% 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 * Traitements mensuels : nombre de boites comptabilisées en nombre de mois de traitement / patient Les actions menées depuis 2005 par l Assurance Maladie auprès des professionnels de santé et des patients ont contribué à ces progrès. Ainsi, plus de 100 000 visites des délégués de l Assurance Maladie et entretiens confraternels ont été réalisés sur le thème des statines dans le cadre des actions de maîtrise médicalisée, pour sensibiliser les médecins aux recommandations sanitaires et favoriser la prescription dans le répertoire génériqué. Le Contrat d Amélioration des Pratiques Individuelles et aujourd hui la Rémunération sur objectifs de santé publique, avec des indicateurs dédiés sur cette classe thérapeutique (couverture par statines des patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire et prescription dans le répertoire génériqué), renforcent la démarche de l Assurance Maladie dans ce domaine. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 8

B. Une structure de consommation en décalage avec les pays européens, un respect des recommandations sanitaires à améliorer Si l on observe globalement un infléchissement de la croissance des volumes prescrits et une stabilisation des montants remboursés, l analyse de la structure de consommation française demeure défavorable à la fois au regard des recommandations sanitaires et des pratiques observées en Europe : La France se caractérise par une sur-représentation de la rosuvastatine Les données de l Assurance Maladie montrent un très large recours à la rosuvastatine : en 2012, cette molécule, recommandée pour les patients dont le risque cardiovasculaire est élevé, totalisait néanmoins 30,1% des volumes prescrits (en unités standards). Sur plus d 1 million de traitements de statines initiés en 2011, plus d 1 sur 3 (près de 356 000) était une prescription de rosuvastatine. Dans le même temps, la simvastatine et la pravastatine, recommandées pour la très large majorité des patients traités, représentaient seulement respectivement 16,4% et 17,4% des volumes (cf. tableau ci-dessous). Un décalage important avec les pratiques observées en Europe Lorsqu on compare la France avec 7 autres pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Finlande, Norvège, Espagne), sa structure de consommation apparaît très éloignée des pratiques européennes. Ainsi, au Royaume-Uni et en Allemagne, la simvastatine représente respectivement 68,5% et 82,5% des volumes prescrits. La moyenne des 7 pays européens observés (hors France) se situe à 60,7% des prescriptions en volumes contre 16,4% en France seulement. Parallèlement, la rosuvastatine, 2 ème molécule prescrite en France (30% des volumes) derrière l atorvastatine, occupe une place très largement minoritaire dans les 7 autres pays observés : 7,8% des prescriptions (en unités standards) en moyenne et seulement 3,9% au Royaume Uni et 0,5% en Allemagne. Structure de consommation par pays : parts de marché des principales statines par pays (en unités standards) Pays Rosuvastatine Atorvastatine Pravastatine Simvastatine Fluvastatine France 30.1% 32.4% 17.4% 16.4% 3.7% Royaume-Uni 3.9% 22.6% 4.8% 68.5% 0.3% Allemagne 0.5% 6.6% 5.8% 82.5% 3.9% Global 7 pays hors France 7,8% 23,7% 5,6% 60,7% 2,1% Source : données IMS Health 2012 calculs CNAMTS. Global= France, Italie, Espagne, Pays Bas, Royaume Uni, Finlande, Norvège, Allemagne. Attention : certaines molécules ne sont pas commercialisées en France, elles représentent un faible pourcentage des parts de marché dans les autres pays et elles n apparaissent pas dans ce tableau (lovastatine et pitavastatine). Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 9

III Un potentiel d économies majeur pour l équilibre du système Conséquence de cette structure de consommation très défavorable, les coûts de traitements par statines 6 sont deux fois plus élevés en France que dans les 7 autres pays européens observés. La France se situe ainsi en tête de ces coûts de traitement : 0,40 /jour contre 0,20 /jour en moyenne dans les 7 pays européens, 0,19 /jour au Royaume Uni et 0,13 /jour en Allemagne. Statines - Prix fabricant moyen par unité standard (HT en euros) 0,45 0,40 0,35 0,30 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00 0,40 0,32 0,19 0,19 0,19 0,14 0,13 0,13 0,24 0,20 Source : données IMS Health 2012 calculs CNAMTS. Ainsi, en France, un traitement par rosuvastatine 5 mg représente 17,5 par mois 7 contre 10,7 pour les génériques de la simvastatine 20 mg, soit un coût 64% plus élevé. Compte tenu du nombre de patients concernés et de la durée de suivi très longue de ces traitements, l impact économique de la structure de consommation française est très important et le potentiel d économies majeur pour l équilibre du système de soins. Ainsi, si la structure de consommation française était comparable à celle de l Allemagne, 200 M d économies pourraient être réalisés chaque année. De même, si les coûts de traitements étaient alignés sur ceux de l Allemagne, les économies réalisées atteindraient également 200 M en année pleine. Au total, en conjuguant ces deux facteurs qui se potentialisent, la structure de consommation et les prix observés en Allemagne, les dépenses de statines seraient réduites de 500 M chaque année en France. 6 Prix fabricant hors taxes Les bases de données internationales sont en PFHT pour permettre des comparaisons d un pays à l autre. 7 Prix public TTC. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 10

Statines - Coûts de traitement journalier Hors associations fixes au 1 er juin 2013 Molécule Atorvastatine Fluvastatine Pravastatine Rosuvastatine Simvastatine Nom commercial Posologie* Génériques Tahor Génériques /Fractal /Lescol **** Génériques Elisor /Vasten Crestor Génériques Zocor /Lodales coût minimal sur 30 jours** 10mg/j 9,03 20mg/j 16,51 40mg/j 18,32 80mg/j 18,32 10mg/j 14,87 20mg/j 27,47 40mg/j 30,59 80mg/j 30,59 20mg/j 6,73 40mg/j 7,49 80mg/j 12,40 10mg/j 6,67 20mg/j 11,85 40mg/j 13,21 10mg/j 10,46 20mg/j 19,08 40mg/j 21,31 5mg/j 17,56 10mg/j 25,56 20mg/j 33,57 10mg/j 3,86 20mg/j 10,72 40mg/j 11,95 10mg/j 20mg/j 20,69 40mg/j 23,12 *La posologie journalière usuelle correspond à 1 comprimé par jour. **Ces coûts correspondent aux prix publics des plus grands conditionnements disponibles en ville, rapportés sur 30 jours. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 11

IV Annexes Annexe 1 Comparaison de l efficacité de la rosuvastatine et de la simvastatine en termes de morbimortalité : méthodologie de l étude Cette étude est une étude observationnelle de cohorte historique réalisée à partir des données de remboursements du régime général du Système National d'information Inter-Régimes de l'assurance Maladie (SNIIRAM) chaînées aux données des hospitalisations du Programme de Médicalisation des Systèmes d'information (PMSI). Critères de sélection des patients Patients inclus dans la cohorte : - patients débutant un traitement par statine (rosuvastatine 5 mg ou simvastatine 20 mg) entre 2008 et 2009 - âgés de 40 à 79 ans - prise d un traitement initial régulièrement, sans changement de molécule ou de dose, pendant au moins une année, période de 12 mois dite «période de sélection». Pour se placer en situation de prévention primaire, seuls les patients sans antécédents cardio/cérébrovasculaires (cardiopathies ischémiques, maladies cérébrovasculaires, phlébites, thrombophlébites intracrâniennes et intrarachidiennes, hémiplégie) et dont la prescription initiale émanait d un médecin généraliste, ont été inclus dans la cohorte. Les patients pouvaient cependant présenter des facteurs de risque cardiovasculaire. Ceux répondant aux critères d inclusion ont alors été suivis jusqu'à fin 2011 au maximum. Evènements d intérêt La comparaison a porté sur la survenue de décès toutes causes et sur la survenue d un évènement composite : décès/ou des hospitalisations pour cardiopathie ischémique aigue ou accident vasculaire cérébral aigu. Les évènements ont été identifiés dans le PMSI à l aide de codes diagnostic. Analyse principale et analyses de sensibilité L analyse principale a été réalisée «en intention de traiter» chez les patients n ayant pas changé de traitement, ni en terme de dose ni en terme de molécule, durant les 12 premiers mois. Trois analyses de sensibilité ont également été réalisées. Effectifs Sur 465 699 nouveaux utilisateurs de rosuvastatine 5 mg ou simvastatine 20 mg en 2008 ou 2009 (régime général stricto sensu, hors DOM 8 ), 163 801 patients dont 71 460 hommes et 92 341 femmes ont été inclus. Durée de suivi La durée totale de suivi, incluant la période de sélection, était de 48 mois au maximum avec une moyenne de 34,8 mois (écart-type 7,0) sans différence significative entre les patients sous rosuvastatine 5 mg et ceux sous simvastatine 20 mg ou entre les hommes et les femmes. 8 Le choix de travailler sur cette seule population est notamment justifié par le fait que les dates de décès ne sont disponibles dans le SNIIRAM que pour la population relevant du Régime général stricto sensu. Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 12

Annexe 2 Etude sur l efficacité comparée de la rosuvastatine 5 mg versus simvastatine 20 mg Etude Cnamts sur l efficacité comparée de la rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg Evénement combiné chez les hommes Instaurations de rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg en prévention primaire par un généraliste en 2008-09 chez les 40 à 79 ans (prise régulière pendant la première année) Etude Cnamts sur l efficacité comparée de la rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg Evénement combiné chez les femmes Instaurations de rosuvastatine 5 mg / simvastatine 20 mg en prévention primaire par un généraliste en 2008-09 chez les 40 à 79 ans (prise régulière pendant la première année) Usage des Statines Assurance Maladie 29 mai 2013 13