Objectifs : Objectifs terminaux de l ECN : Orientation diagnostique devant un : Souffle cardiaque chez l enfant Item 331 Devant un souffle cardiaque chez l enfant, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents Objectifs du Collège National des Professeurs de Pédiatrie : Terminaux : Reconnaître le caractère pathologique d un souffle cardiaque chez l enfant Apprécier l opportunité d investigations complémentaires Indiquer les indications d un avis spécialisé Intermédiaires : Décrire les caractéristiques d un souffle anorganique et d un souffle organique Connaître les terrains de survenue des cardiopathies congénitales Reconnaître les tableaux cliniques de décompensation cardiaque (insuffisance cardiaque, cyanose). Identifier les indications d un avis spécialisé Sommaire Introduction 1- Rôle de l âge de l enfant 2- Rôle du contexte clinique et familial 3- Rôle de l existence de signes d insuffisance cardiaque et/ou d une cyanose 4- Rôle des données de l examen cardiaque 5- Souffles organiques les plus fréquemment perçus et Cardiopathies congénitales les plus fréquentes chez l enfant 6- Souffles anorganiques Introduction Situation fréquente, nécessitant constamment une évaluation spécialisée, dont le degré d urgence est fonction de l âge et du contexte de survenue. Les performances de l échocardiographie pédiatrique permettent une évaluation fiable et non invasive. Le caractère organique du souffle est d autant plus probable que sa constatation est plus précoce, puisque la presque totalité des malformations cardiaques causales sont diagnostiquées avant l äge de 3 mois. L orientation diagnostique est influencée par : 1. l âge de l enfant lors de la découverte du souffle, 2. le contexte clinique et familial, 1
3. l existence de signes d insuffisance cardiaque et/ou d une cyanose, 4. les données de l examen cardiaque 1- L âge de survenue la période néo-natale Pendant cette période, tout symptôme ou signe cardio-vasculaire (dont le souffle) doit faire réaliser en urgence une évaluation cardiaque. Cependant : -une cardiopathie même sévère peut ne pas être soufflante (exemple : transposition des gros vaisseaux) ; -une cardiopathie peut ne souffler que de façon différée : ainsi la communication inter-ventriculaire (CIV), la plus fréquente des cardiopathies congénitales, ne souffle qu après quelques jours, lorsque les pressions dans les cavités droites ont baissé (baisse des résistances pulmonaires) ; -le passage de la circulation fœtale à la circulation post-natale (circulation transitionnelle) peut s accompagner d une sémiologie auscultatoire (canal artériel persistant quelques heures, insuffisance tricuspide). au delà de la période néo-natale L environnement médical des premières semaines de vie rend très rare le diagnostic initial d une cardiopathie congénitale sévère au delà de 3 mois de vie. Trois situations : 1- souffle cardiaque sous-tendu par une cardiopathie :. l intensité du souffle n est pas le reflet de la gravité de la cardiopathie : les souffles les plus intenses ne correspondent pas obligatoirement à des cardiopathies sévères ; ainsi, une CIV petite s exprime par un souffle plus intense qu un large défect ;. certaines cardiopathies sont peu ou pas soufflantes, et leur diagnostic peut être tardif, chez le grand enfant, voir chez l adulte (communication inter-auriculaire, coarctation de l aorte). 2- souffle cardiaque liée à une pathologie valvulaire acquise : rhumatisme articulaire aigu, endocardite bactérienne ; le contexte clinique est évocateur ; 3- souffle cardiaque sans anomale sous-jacente : souffle anorganique. Le diagnostic de souffle anorganique est un diagnostic d élimination 2- Le contexte clinique personnel et familial Il est important dans la démarche diagnostic d un souffle. 2.1- Une cardiopathie peut être familiale - c est rarement le cas hors contexte syndromique ; l incidence de malformation cardiaque dans la population générale est de 0,8%. Le risque de récurrence dans la fratrie ou dans la descendance de porteurs de cardiopathie isolée est d environ 2%. L interrogatoire des parents doit donc rechercher d autres cas de cardiopathies dans la famille. - la cardiopathie peut être un élément d un syndrome malformatif familial ; exemples : Micro-délétion 22q11 : pathologie fréquente, à transmission autosomique dominante, associant : o une dysmorphie faciale : racine du nez large, dépression des régions malaires 2
o une insuffisance vélaire avec voix nasonnée, o diverses anomalies neuro-sensorielles (retard mental), endocriniennes (hypoparathyroïdie), immunologiques (déficit T-lymphocytaire). o la cardiopathie est soit une CIV, soit une malformation plus sévère (atrésie pulmonaire avec CIV). Syndrome de Noonan : transmission autosomique dominante, phénotype Turnérien à caryotype normal, survenant chez le garçon et la fille. La cardiopathie est habituellement une sténose pulmonaire. Syndrome de Marfan, avec possibilité d anévrysme de l aorte ascendante et prolapsus mitral dès l âge pédiatrique. 2.2- Une cardiopathie peut être génétique, sans transmission familiale ; exemples : Trisomie 21 : la cardiopathie est présente dans un cas sur deux, et c est le plus souvent un canal atrio-ventriculaire. Syndrome de Turner XO : la cardiopathie est habituellement une coarctation aortique. 2.3- Une cardiopathie peut être d origine environnementale, les tératogènes les plus courants étant : l alcool : la cardiopathie n est qu un des éléments d une embryo-foetopathie très sévère, avec dysmorphie et retard mental ; le diabète sucré maternel, augmentant l incidence de cardiopathies congénitales ; de plus, en cas de diabète maternel mal équilibré, possibilité de myocardiopathie hypertrophique néonatale ; le lupus maternel peut entraîner un bloc-auriculo-ventriculaire congénital ; les médicaments : anticonvulsivants ; les radiations ionisantes ; les agents infectieux : la rubéole. L aspect du patient peut orienter d emblée vers un diagnostic de syndrome. L interrogatoire maternel : - analyse les conditions de naissance - recherche une pathologie de la mère: diabète, lupus, infection pendant la grossesse - recherche des antécédents familiaux cardiopathie dans un cadre syndromique = consultation de génétique 3- Recherche de signes associés de décompensation cardiaque Les 2 modalités de décompensation d une cardiopathie sont l insuffisance cardiaque et la cyanose, les deux étant parfois associés. 3.1- l insuffisance cardiaque 3.1.1- Signes d appel : -difficultés d alimentation: lenteur et dyspnée à la prise des biberons, vomissements; -infléchissement de la courbe de croissance, prédominant sur le poids. 3.1.2- Signes d amont : -hépatomégalie ± splénomégalie; -turgescence jugulaire persistant en position assise; -oedèmes exceptionnels chez le nourrisson. 3
3.1.3- Signes respiratoires : -polypnée, -auscultation: ronchus, sibillants; -infections bronchiques à répétition. 3.1.4- Signes d aval : -pouls périphériques et tension artérielle: leur analyse est fondamentale pour le diagnostic étiologique:.absence de pouls fémoraux ou asymétrie entre pouls radiaux et fémoraux;.asymétrie tensionnelle entre membres supérieurs et inférieurs;.hyperpulsatilité globale. -hypersudation; -cyanose périphérique discrète, en l absence de cardiopathie cyanogène. 3.1.5- Examen physique du coeur: l élément constant est la tachycardie ; le galop est fréquent. 3.2- la cyanose C est la coloration bleutée des téguments et des muqueuses qui apparaît lorsque le taux d hémoglobine réduite dans le sang excède 4g/100ml. -l intensité peut être :.discrète, labio-unguéale.ou intense, généralisée ; -l évolutivité peut être :.permanente.ou par crises paroxystiques (crise anoxique de la tétralogie de Fallot). La désaturation causale peut être mesurée par saturométrie trans-cutanée (une cyanose clinique correspond à une Sa tco2 de 80% ou moins Lors de l évaluation pour un souffle cardiaque, les signes de décompensation cardiaque doivent être systématiquement recherchés, et particulièrement : -pouls aux 4 membres -fréquence cardiaque -fréquence respiratoire -TA et temps de recoloration cutanée 4- Les données de l Examen cardiaque 4.1- l Inspection recherche une déformation de la cage thoracique : -thorax globalement distendu : en faveur d une hypertension artérielle pulmonaire ; -thorax creux (pectus excavatum) pouvant se voir dans le syndrome de Marfan, ou être isolé ; dans ce cas, la compression de la chambre de chasse du ventricule droit peut générer un souffle sur la voie pulmonaire ; -espace inter-mamelonnaire augmenté avec angulation sternale marquée orientant vers un syndrome de Turner ou de Noonan. 4.2- la Palpation -analyse du choc de pointe ; s il est étalé, il témoigne d une cardiomégalie, donc d une probable cardiopathie. -recherche d un frémissement, précordial ou sus-sternal, témoin d un flux sanguin accéléré au travers d un orifice restrictif (valve, communication inter-ventriculaire). -la palpation des pouls périphériques et la prise tensionnelle sont fondamentales. 4
4.3- l Auscultation 4.3.1- Elle précise les caractéristiques sthétacoustiques du souffle : -gradation de 1 à 6 ; -topographie et irradiation, souvent difficile à préciser chez le prématuré et le nouveau-né, même avec un sthétoscope au pavillon adapté ; -situation dans le cycle cardiaque :.systolique, diastolique, ou continu ;.couvrant une partie (proto- ou télé-) ou la totalité (holo-) de la systole ou de la diastole ;.couvrant toute la systole ou diastole (régurgitation) ou à majoration mésosystolique (sténose). 4.3.2- Elle précise les éléments séméiologiques surajoutés : -caractéristiques du B1 et du B2 -association d un roulement ou d un galop diastolique. 5- Souffles organiques les plus fréquemment perçus et Cardiopathies congénitales les plus fréquentes chez l enfant -CIV souffle holosystolique, mésocardiaque, irradié en rayons de roue ;.les très petites CIV génèrent un souffle localisé, proto-mésosystolique ;.les petites CIV génèrent un souffle holosystolique intense (4 à 5/6).les larges CIV génèrent un souffle de moindre intensité (2 à 4/6) avec B2 pulmonaire intense d hypertension artérielle pulmonaire, roulement diastolique apexien d hyperdébit pulmonaire. -CIA souffle systolique peu intense (1 à 2/6) au foyer pulmonaire ;.dédoublement du B2 pulmonaire d hyperdébit ;.roulement diastolique tricuspidien en cas de débit très élevé. -Canal artériel souffle continu sous-claviculaire gauche -Sténose pulmonaire souffle éjectionnel latéro-sternal gauche, d intensité proportionnelle au degré de sténose, irradié à la périphérie du poumon. Attention! un souffle de sténose pulmonaire peut être le témoin d une cardiopathie plus complexe ; exemple : tétralogie de Fallot (voir cardiopathies cyanogènes) -Coarctation aortique souffle systolique de faible intensité, parfois avec discret prolongement diastolique, sous-claviculaire et omo-vertébral gauche. 6- Souffles anorganiques L analyse séméiologique fine était d actualité avant l ère de l échocardiographie ; elle présente actuellement beaucoup moins d intérêt (cf Tableau I) 5
Arguments en faveur de l anorganicité d un souffle cardiaque : Pas de symptomatologie fonctionnelle Souffle systolique, non holosystolique Faible intensité Variation de l intensité en fonction de la position et du cycle respiratoire B1 et B2 normaux, diastole libre Inspection et palpation normales Le message important est que Tout souffle cardiaque à l âge pédiatrique doit faire l objet d une expertise échocardiographique - urgente avant 3 mois de vie ou lorsqu il apparaît en cours d évolution d une pathologie aiguë - non urgente dans les autres cas. -l affirmation du caractère anorganique permet de lever l anxiété que génère chez les parents une sémiologie cardiaque ; -la confirmation du diagnostic de cardiopathie permet d en apprécier le retentissement hémodynamique, et de préciser le programme de surveillance et/ou de traitement. Tableau I : Caractéristiques des souffles anorganiques Type de souffle Vibratoire Ejectionnel pulmonaire Topographie 3ème- 4ème espace 2ème espace intercostal inter-costai gauche gauche parasternal parasternal irradiation -sous-claviculaire gauche -apex -xyphoïde veineux Cervical Irradié 2ème espace intercostal gauche et droit Temps Protosystolique Protosystolique Continu à majoration diastolique Intensité < 3/6 < 3/6 3-4/6 Tonalité Variations -effort, fièvre -décubitus -respiration -rotation de la tête, compression jugulaire Musicale (violon, diapason) aiguë + + + + - variable + - Age 2-7ans Nourrisson Petit enfant mécanisme Péricarde? Flux pulmonaire flux pulmonaire? Rude Basse fréquence enfant Rapidité du flux veineux 6