FACTEURS INFLUENÇANT LA COMPLIANCE AU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX CHEZ LES PATIENTS SCHIZOPHRÈNES

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OBSERVANCE THÉRAPEUTIQUE Bien qu un traitement continu par antipsychotiques soit toujours considéré comme la référence pour les patients souffrant de schizophrénie, bon nombre de ces patients font preuve d un manque de compliance thérapeutique. Toutefois, la stimulation de la compliance thérapeutique peut avoir un impact considérable, tant sur le patient (contrôle des symptômes et prévention des rechutes) que sur la collectivité (diminution des coûts liés aux hospitalisations). Dès lors, pour prévenir les conséquences néfastes d un manque de compliance thérapeutique, il est important d identifier les facteurs qui influencent cette compliance. FACTEURS INFLUENÇANT LA COMPLIANCE AU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX CHEZ LES PATIENTS SCHIZOPHRÈNES N2231F Marc De Hert, Johan Detraux Centre psychiatrique, département des neurosciences, KU Leuven Si on examine les preuves actuelles, force est de constater que, jusqu à présent, peu de facteurs prédictifs clairs d une bonne compliance thérapeutique ont été identifiés. Seules la compréhension de la maladie, une attitude positive du patient vis-à-vis de son traitement médicamenteux, la compliance thérapeutique antérieure et l absence d abus de substances sont systématiquement avancées comme des facteurs significatifs d une bonne compliance thérapeutique chez les patients schizophrènes. Bien que les effets indésirables des médicaments soient souvent considérés comme la principale cause d une mauvaise compliance thérapeutique, la plupart des études indiquent que les effets indésirables des antipsychotiques n ont aucune influence sur la compliance au traitement. Les patients présentant des symptômes plus sévères et un moins bon fonctionnement neurocognitif ne paraissent par définition pas moins compliants non plus. Jusqu à présent, pour bon nombre d autres facteurs (par exemple la forme du traitement 1 l NEURONE VOL 20 N 6 2015

antipsychotique ou le soutien social), les résultats sont encore équivoques ou trop limités. Par conséquent, de plus amples études sont nécessaires pour pouvoir développer des stratégies d intervention plus efficaces pour la prise en charge d une piètre compliance au traitement. Introduction Les antipsychotiques constituent toujours la pierre angulaire du traitement de la schizophrénie. Ces médicaments doivent souvent être administrés pendant de longues périodes pour contrôler les symptômes psychotiques et prévenir les rechutes. Pour aboutir à cet effet optimal du traitement, il est important que le patient prenne fidèlement ses médicaments. C est surtout au début de la maladie qu une bonne compliance au traitement est significative, car elle prédit de manière importante l évolution ultérieure de la maladie. Une méta-analyse d études longitudinales ( 12 mois de suivi) chacune portant sur minimum 80% de patients souffrant d un premier épisode psychotique a par exemple démontré que les patients peu compliants au traitement courent jusqu à quatre fois plus de risques (Odds Ratio [OR] = 4,09; IC 95%: 2,55-6,56; p < 0,01) de rechute (1). Pour cette raison, la World Federation of Societies of Biological Psychiatry (WFSBP) recommande un traitement continu (2), et les directives cliniques relatives au traitement des patients schizophrènes préconisent de ne pas interrompre l administration d antipsychotiques (3). En dépit de l importance d un traitement médicamenteux continu pour le pronostic de la maladie, une bonne compliance thérapeutique peut probablement être pointée comme le plus grand défi sur le plan du traitement des patients schizophrènes, étant donné que près de la moitié des patients traités sont peu compliants (4, 5). Dès lors, pour prévenir les conséquences néfastes d une piètre compliance au traitement, il est important d identifier les facteurs qui influencent négativement ou positivement cette compliance. Cet article a de ce fait pour but de donner un aperçu systématique des facteurs qui peuvent avoir une influence sur la compliance thérapeutique des patients schizophrènes. La discussion qui suit est en majeure partie basée sur des études à grande échelle (souvent prospectives) et des articles de synthèse publiés depuis l an 2000. La compliance thérapeutique, surtout au début du traitement de la schizophrénie, prédit de manière importante l évolution ultérieure de la maladie. Dès lors, il est pertinent d identifier les facteurs qui influencent cette compliance. Facteurs influençant la compliance au traitement médicamenteux chez les patients schizophrènes Une enquête (6) menée auprès d experts a démontré que ces cliniciens mentionnent beaucoup de facteurs susceptibles d influencer la compliance thérapeutique des patients schizophrènes. Toutefois, les facteurs qualifiés de facteurs principaux étaient «un manque de compréhension de la maladie par le patient» et «la souffrance associée aux effets indésirables persistants ou à la crainte d effets indésirables possibles des antipsychotiques». Une récente étude de synthèse systématique (5) a confirmé qu une «piètre compréhension de la maladie» est un facteur associé de manière systématique à un manque de compliance thérapeutique. En outre, cette étude a également révélé qu une «attitude positive vis-à-vis des médicaments» est un facteur récurrent de bonne compliance au traitement. La compliance thérapeutique partielle ou imparfaite chez les patients schizophrènes est un phénomène multifactoriel (7). Habituellement, on distingue quatre groupes de facteurs qui influencent la compliance au traitement: - facteurs inhérents à la maladie et au patient; - facteurs inhérents au traitement; - facteurs inhérents au médecin et au personnel soignant (alliance thérapeutique); - facteurs environnementaux (7-9). Facteurs inhérents à la maladie et au patient Facteurs inhérents à la maladie Sévérité de la pathologie Plusieurs études (10) indiquent l existence d une relation directe entre la sévérité du tableau clinique et le degré de compliance au traitement. Ainsi, les patients présentant un délire de persécution ou une mégalomanie peuvent se montrer plus réticents à prendre leurs médicaments. La présence de symptômes négatifs sévères peut également interférer avec la volonté ou la possibilité qu a le patient de prendre fidèlement ses médicaments (8). La perception que le patient a du bénéfice potentiel de la prise d un traitement médicamenteux peut également être largement déterminée par la sévérité de la pathologie. Ainsi, les patients présentant des symptômes plus sévères peuvent être moins enclins à considérer une rechute comme une conséquence négative potentielle d un manque de compliance thérapeutique (11). Toutefois, la sévérité de la pathologie n est pas un facteur prédictif systématique: de nombreuses études (5, 12, 13) n ont pas non plus trouvé de relation avec la compliance thérapeutique. En outre, des études ont démontré que les patients ayant un moins bon fonctionnement neurocognitif ne sont pas nécessairement moins compliants au traitement (5, 12). Manque de compréhension de la maladie Une proportion considérable de patients schizophrènes ont une compréhension défaillante, voire totalement absente, de leur maladie, qui les rend peu ou pas conscients des symptômes et des 2 l NEURONE VOL 20 N 6 2015

La sévérité de la pathologie n est pas un facteur prédictif systématique de la compliance thérapeutique. La présence d un dysfonctionnement cognitif chez le patient n est pas nécessairement néfaste sur le plan de la compliance au traitement. conséquences de celle-ci. Les experts ont découvert qu un manque de compréhension de la maladie est le principal facteur qui détermine la compliance thérapeutique (6). Ceci a été confirmé récemment par une étude de synthèse systématique (5). La plupart des études démontrent une relation directe entre la compréhension de la maladie et la compliance au traitement, une compréhension plus fine de la maladie étant associée à une meilleure compliance au traitement (5-8,11). Les patients qui n acceptent pas le fait d être malades, par manque de compréhension de la maladie, ne considèrent pas que leurs symptômes sont problématiques et ne seront par conséquent pas motivés à suivre un traitement, notamment en acceptant de prendre des médicaments (9). Facteurs inhérents au patient On peut distinguer 6 facteurs inhérents au patient: des caractéristiques sociodémographiques, un abus de substances, des croyances relatives aux médicaments, la compliance thérapeutique antérieure, l obésité et des facteurs religieux et spirituels (10). Caractéristiques sociodémographiques La littérature à ce sujet est contradictoire. Bien qu une série d études n aient pas démontré de lien entre la compliance thérapeutique et des caractéristiques sociodémographiques telles que le sexe, l âge, le statut familial ou marital, l ethnie, le statut professionnel ou la qualification professionnelle et le niveau d instruction, d autres études ont rapporté un lien entre ces deux variables (10). D après ces dernières, il existerait une relation positive entre la compliance au traitement et l âge plus avancé, un niveau d instruction plus élevé, le fait d être marié, le sexe féminin et un parcours professionnel actif (5, 8, 10). Une étude (14) a également constaté que les patients de race blanche seraient plus enclins à prendre leurs médicaments fidèlement, comparativement aux patients d origine afro-américaine. En dépit des résultats contradictoires révélés par ces différentes études, les individus jeunes, de sexe masculin, ayant un statut socio-économique faible, ont vraisemblablement le profil à risque maximal pour une piètre compliance thérapeutique (5). Abus de substances La plupart des études constatent une relation négative entre l abus de substances et la compliance au traitement (5, 8, 10, 12, 15). L une d entre elles (15) a indiqué que près d un tiers des patients schizophrènes non compliants au traitement avaient un double diagnostic, contre seulement un cinquième des patients compliants. Croyances relatives aux médicaments La manière dont un patient envisage ses médicaments est également un important facteur de compliance thérapeutique. Les patients qui sont convaincus de la nécessité des médicaments ou qui sont confiants par rapport au fait que les médicaments qu ils doivent prendre auront un effet positif sur leur vie quotidienne seront davantage compliants au traitement que les patients qui pensent, par exemple, que les médicaments sont inutiles ou inefficaces (5, 7, 8, 10, 16, 17). Une récente méta-analyse de 14 études, conduites entre 1980 et 2010, a montré un effet faible à modéré d une attitude positive du patient vis-à-vis de ses médicaments sur la compliance au traitement (18). Ces données indiquent que le processus décisionnel du patient est pertinent pour le résultat clinique d un traitement. Des preuves suggèrent que la croyance et la confiance du patient dans l efficacité de son traitement auront une influence positive sur la compliance thérapeutique. Compliance thérapeutique antérieure Le degré de compliance thérapeutique des patients, avant le traitement médicamenteux ou au début de celui-ci, constitue un important facteur prédictif de la compliance thérapeutique ultérieure (5, 9). Une étude (15) a démontré qu au cours de la première année du traitement médicamenteux, les patients sont jusqu à trois fois (OR = 3,1; IC 95%: 2,0-4,8; p < 0,001) plus enclins à la non-compliance s ils ont rapporté une non-compliance au cours des 4 semaines précédant le début du traitement. Obésité Il existe un lien entre l obésité ou non du patient et le degré de compliance thérapeutique. Les patients qui souffrent de leur excès de poids ou de leur obésité sont plus enclins à faire preuve d une compliance thérapeutique perfectible (10). Une étude (19) a constaté que les patients schizophrènes obèses étaient jusqu à deux fois moins (OR = 2,5; IC 95%: 1,1-5,5; p = 0,022) enclins à faire preuve de compliance, comparativement à ceux qui avaient un indice de masse corporelle normal. Facteurs religieux et spirituels Une étude (15) a montré que les patients compliants au traitement étaient plus activement impliqués dans des pratiques religieuses que les patients non compliants. Facteurs inhérents au traitement Effets indésirables Bien qu il soit indéniable que certains patients arrêteront de prendre leurs médicaments pour cause d effets indésirables (7), il est frappant de constater que la plupart des études démontrent que les effets indésirables des antipsychotiques n ont aucune influence sur la compliance au traitement (5, 13). Les quelques études (prospectives) (11, 21) qui ont effectivement trouvé une relation semblent indiquer que, pour un tiers à la moitié des patients schizophrènes, les effets indésirables liés aux médicaments peuvent constituer d importants obstacles à la 3 l NEURONE VOL 20 N 6 2015

Tableau 1: Facteurs qui ont une influence sur la compliance des patients schizophrènes au traitement médicamenteux. Facteurs déterminants de la compliance Manque de compréhension de la maladie Croyances au sujet des médicaments Compliance thérapeutique antérieure Abus de substances Facteurs potentiellement déterminants de la compliance Forme des antipsychotiques (formes orales versus formes à libération prolongée) Alliance thérapeutique Psycho-éducation Soutien social Conditions de vie Stigmatisation Obésité Facteurs peu déterminants de la compliance Caractéristiques sociodémographiques Sévérité de la pathologie Dysfonctionnement neurocognitif Effets indésirables des antipsychotiques Classe d antipsychotiques (antipsychotiques atypiques versus typiques) compliance thérapeutique. Parmi tous les effets indésirables des antipsychotiques, la prise de poids (surtout chez les femmes) et une sédation excessive seraient les facteurs les plus susceptibles de compromettre la compliance au traitement. Les effets indésirables sont souvent considérés comme la principale explication d un manque de compliance thérapeutique. Une revue de la littérature indique cependant que la plupart des études démontrent que les effets indésirables des antipsychotiques n ont aucune influence sur la compliance au traitement. En partant des données d études ci-dessus, on peut donc affirmer que bon nombre de patients schizophrènes confrontés à des effets indésirables des médicaments ne feront pas nécessairement preuve d un manque de compliance (22, 23). Les patients pour qui l efficacité des médicaments est plus importante, dans leur perception du traitement médicamenteux, que les conséquences effrayantes de leurs effets indésirables resteront malgré tout compliants, en dépit de la présence de ces effets indésirables (10). Forme et classe du traitement antipsychotique Il n existe aucune consensus dans la littérature scientifique quant à savoir si l utilisation d antipsychotiques atypiques (ou un passage de produits typiques à des produits atypiques) augmenterait la compliance thérapeutique des patients schizophrènes (5, 10). Une autre observation, qui peut potentiellement être qualifiée de contre-intuitive, est également que le mode d administration de l antipsychotique (oral versus à longue durée d action) ne semble à première vue avoir aucun impact sur la compliance au traitement. Ainsi, une récente méta-analyse de 21 études randomisées contrôlées (n = 5.176) (24) a constaté que les formes à libération prolongée sont comparables aux formes orales sur le plan de la compliance au traitement (relative risk [RR] = 0,77; IC 95%: 0,49-1,22; p = 0,22). Dans des études observationnelles non randomisées (25), les antipsychotiques à libération prolongée sont cependant associés à des avantages significatifs (26). On suspecte que les études randomisées gomment la différence entre les groupes sous traitement oral et sous traitement à action prolongée et qu elles sous-estiment donc les avantages qu offrent ces derniers, en termes de compliance thérapeutique accrue (27). Bien que le lien relationnel avec le psychiatre traitant puisse être bon, tant chez les patients compliants que non compliants, les «difficultés à établir une alliance thérapeutique» et une «mauvaise relation entre le clinicien et le patient» constituent d importants facteurs prédictifs d un manque de compliance thérapeutique. L existence d une «bonne relation avec l équipe clinique» est également un important élément prédictif d une bonne compliance au traitement (6, 16, 28). Les patients compliants au traitement ont davantage confiance en leur médecin traitant et ils s attendent également à ce que les psychiatres puissent les aider durant leur processus thérapeutique (23). En interrogeant le patient au sujet de sa compliance au traitement, le psychiatre peut également favoriser une prise régulière des médicaments. En revanche, la vérification régulière de la compliance du patient par ses proches peut s avérer néfaste pour la continuité du traitement médicamenteux (22). Psycho-éducation Il est possible que, par manque d information, les patients ne sachent pas ce qu ils doivent attendre de leur traitement (risque d effets indésirables, moment de la réponse ). En ce sens, la nature et l ampleur de la psycho-éducation peuvent avoir une influence positive sur la compliance thérapeutique du patient (7). Une perception positive des patients au sujet du traitement médicamenteux peut expliquer qu ils resteront malgré tout compliants, et ce en dépit de la présence d effets indésirables des antipsychotiques. Facteurs inhérents au médecin et/ou au personnel soignant Relation ou alliance thérapeutique Facteurs environnementaux Les facteurs externes ou environnementaux englobent le soutien de la famille et des proches, les conditions de vie du patient et la stigmatisation induite par sa maladie. 4 l NEURONE VOL 20 N 6 2015

L hétérogénéité frappante au niveau des résultats d études, qu on peut observer dans ce domaine de recherche, limite en effet largement le développement de stratégies evidence-based visant à optimiser la compliance de ces patients. Soutien social et encadrement Les preuves relatives à l impact de ce facteur sur la compliance au traitement sont contradictoires. Certaines études ont démontré qu un bon soutien émanant de la famille et de l entourage social du patient, ainsi qu une plus grande implication du patient dans des activités sociales peuvent favoriser la compliance au traitement (6, 29). D autres études n ont par contre pas trouvé de preuves en faveur de l existence d une relation entre le soutien familial et social et la compliance (5). Diverses études semblent cependant indiquer que ce facteur est surtout important lorsqu il s agit de patients jeunes (5). Conditions de vie Une vie désorganisée ou chaotique, des problèmes financiers et des problèmes de logement sont prédictifs d un manque de compliance thérapeutique (6). Stigmatisation La stigmatisation associée au fait de prendre des médicaments représente un obstacle fréquent à une bonne compliance thérapeutique (10). Le tableau donne un aperçu du degré selon lequel divers facteurs peuvent avoir une influence sur la compliance des patients schizophrènes au traitement médicamenteux (Tableau 1). Conclusion Si on examine les données d études relatives à la compliance thérapeutique chez les patients schizophrènes, force est de constater que, jusqu à présent, peu de facteurs prédictifs clairs d une bonne compliance ont été identifiés. Bien que la compréhension de la maladie, une attitude positive du patient vis-à-vis de son traitement médicamenteux, la compliance thérapeutique antérieure et l absence d abus de substances soient les facteurs les plus pertinents de bonne compliance thérapeutique chez les patients schizophrènes, il est urgent de conduire des études prospectives à grande échelle et à long terme portant sur l impact potentiel de divers autres facteurs (tels que la forme du traitement antipsychotique et le soutien social). L hétérogénéité frappante au niveau des résultats d études, qu on peut observer dans ce domaine de recherche, limite en effet largement le développement de stratégies evidence-based visant à optimiser la compliance de ces patients. Ceci devient d autant plus préoccupant si l on tient compte du fait que la compliance thérapeutique est un phénomène dynamique qui fluctue dans le temps. Malgré tout, cet article de synthèse démontre que l analyse de ce que les patients comprennent et croient au sujet du traitement que leur propose le clinicien est incontestablement importante en vue d une bonne compliance thérapeutique. Références sur demande. 5 l NEURONE VOL 20 N 6 2015