FRACTURES DE L AVANT-BRAS CHEZ L ENFANT : EXPERIENCE ET SPECIFICITES DANS UN MILIEU URBANO-RURAL DE KINSHASA (CONGO)



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FRACTURES DE L AVANT-BRAS CHEZ L ENFANT : EXPERIENCE ET SPECIFICITES DANS UN MILIEU URBANO-RURAL DE KINSHASA (CONGO) J.J. ECHARRI*, W. MBOMBO*, R. LUMU* RESUME A Kinshasa, comme partout ailleurs, les fractures de l avant-bras restent les plus fréquentes de toutes les lésions traumatiques de l enfance. Dans une série rétrospective de 167 fractures chez les enfants âgés de 1 à 18 ans, les auteurs ont classifié les différents types de fracture selon l age, le sexe et la période de l année. Elles représentaient 31 % (167/536) du total. Le sex-ratio de 1,8 était en dessous du ratio d autres études. Ils ont trouvé les fractures en «motte de beurre» (23 %) chez les enfants, dès la première année de vie. La chute du haut d un arbre (26 %) s est avérée une cause importante de décollement épiphysaire ou de fracture complète, souvent pendant la saison des mangues. Le traitement a toujours été conservateur : réduction extemporanée et immobilisation plâtrée. Les résultats immédiats, en dépit du manque de matériel (absence d amplificateur de brillance), étaient satisfaisants et le pourcentage de cals vicieux au retrait du plâtre (8 %) relativement faible. Le rôle du remodelage osseux a été un facteur déterminant dans certains cas où la réduction parfaite était impossible. Il semble donc que la prise en charge exclusivement orthopédique soit suffisante et qu on n ait qu exceptionnellement besoin d une intervention chirurgicale. Cela confirme l opinion générale de la majorité des auteurs concernant le traitement des fractures de l avant-bras chez l enfant. Mots clés : fracture de l avant-bras, enfant, prise en charge orthopédique, remodelage osseux, ignorance populaire, Afrique noire. ABSTRACT Forearm fractures in children : our experience and specificity in a semi-urban area of Kinshasa, Africa. In Kinshasa, like elsewhere in the world, forearm fractures are the most frequent form of trauma lesions in childhood. In a retrospective series of 536 patients presenting fractures, 167 cases (31 %) occurred in children aged 1-18 years. The authors have classified the different fractures according to age, sex and season. The sex ratio of 1.8 was below the ratio of other studies. Torus fractures (23 %) were observed in children, from the first year of life, with falls from trees (26 %) (frequently during the mango season) being one of the main causes of epiphyseal tilt or complete fracture. Treatment has always been conservative : reduction and cast application. The immediate results, in spite of a lack of equipment and material, notably brightness enhancement, were seen to be satisfactory, with the percentage of vicious callus on removal of the plaster cast (8 %) being fairly low. Bone remodelling was a decisive factor in some cases where perfect reduction was seen to be impossible. It would appear that, in spite of difficulties linked to the lack of any medical culture, orthopaedic management is sufficient and there is only rarely need for surgery. This confirms the general opinion held by most authors with regard to the treatment of forearm fractures in children. Key words : forearm fractures, children, orthopaedic management, bone remodelling, cultural gap, Africa. INTRODUCTION Les fractures de l avant-bras sont les plus fréquentes chez les enfants. Elles constituent près de la moitié (45 %) de celles des os longs et le quart du total des fractures (1). Les trois-quarts sont localisés au tiers distal * Médecin du Centre Médical Monkole de l avant-bras (2). Les causes indirectes, par chute sur la paume de la main, à l occasion du sport, des jeux ou des accidents domestiques, sont les plus fréquentes. Le traitement conseillé pour ces fractures est généralement orthopédique (3). L intervention chirurgicale est r é s e rvée aux cas de réductions médiocres à partir de l âge de 12 ans chez les garçons et de 10 ans chez les filles (4, 5). Le remodelage osseux joue un rôle impor-

tant dans la correction des réductions anatomiques imparfaites. Dans ce travail, nous voulons montrer la place de la prise en charge orthopédique dans un contexte limité en moyens techniques et confronté aux difficultés du milieu. CONTEXTE ET POPULATION Le Centre Hospitalier Monkole est l un des centres de r é f é rence de la Zone de Santé urbano-rurale de Kitokimosi (170.000 habitants). Situé dans la partie sud de Kinshasa, Monkole reçoit chaque année près de 22.000 patients. Les diff é rents quartiers de la zone ne sont pas urbanisés et les routes ouvertes à la circulation sont peu nombreuses. Les parcelles sont constituées de lopins de terre avec des petits champs de culture et des arbres fruitiers (manguier, avocatier,...). La population est dans sa majorité de condition socioéconomique relativement basse (économie de subsistance). L incompréhension des exigences du suivi médical est à l origine de la disparition de certains malades au cours des phases du traitement, nous obligeant parfois à aller les chercher à domicile. Quoi que relativement bien équipé, le Centre ne dispose pas encore d un amplificateur de brillance, ni de matériel d ostéosynthèse. Au cours de la période de janvier 1996 à juin 1999, nous avons constitué 536 dossiers d enfants fracturés dont 167 cas intéressaient les os de l avant-bras. L â g e de ces enfants variait de 1 à 18 ans. METHODES Nous avons répertorié dans tous les cas de fracture s, l âge, le sexe de l enfant, la date et le type de fracture sur la base du cliché radiologique réalisé sous deux incidences. La réduction a toujours été réalisée manuellement selon les méthodes classiques, sous anesthésie locale, générale ou simple sédation en cas de fracture récente. Lors de la réduction, nous avons veillé à la correction de la rotation des fragments, dans les fractures complètes et dans celles en bois vert à deux niveaux, qui ne remodèlent pas (2, 5). L immobilisation (pendant six semaines) a été réalisée au moyen d un plâtre ou d une attelle, selon les cas. Dans les fractures métaphysaires, nous avons toujours utilisé le plâtre d appui en trois points (3). Nous n avons pas considéré, pour l analyse des résultats, les fractures avec tassement («en motte de beurre») qui ne donnent pas habituellement de complications. Au retrait du plâtre, nous avons noté les bons résultats anatomiques et les éventuelles complications tard i v e s, notamment les cals vicieux par déplacement secondaire sous plâtre, qui limitent la prono-supination. Dans certaines circonstances, les radios de contrôle n ont été réalisées que tardivement à cause du manque de ponctualité des malades lors des diff é rentes étapes du suivi. Pour l appréciation des résultats à long terme, nous avons étudié 15 cas de fractures graves, plusieurs mois plus tard, afin d apprécier le rôle du remodelage osseux. RESULTATS Tableau I : Répartition des 166 fractures de l avant-bras chez l enfant au C.M. Monkole (Kinshasa) selon le type de fracture, sexe et tranches d âge. Type de fracture 0-1 an 2-4 ans 5-10 ans 11-14 ans 15-18 ans G F G F G F G F G F Diaphysaire bois vert 1 0 7 5 19 12 4 1 2 0 51 Diaphysaire complète 0 0 1 0 10 3 1 2 3 0 20 Diaphysaire tassement 0 0 0 1 0 2 0 0 0 0 3 Métaphysaire bois vert 0 1 2 2 3 5 6 2 1 0 22 Métaphysaire complète 0 0 1 0 1 3 10 3 1 0 19 Métaphysaire tassement 4 0 4 8 6 4 6 4 2 1 39 Décollement épiphysaire 0 0 0 0 3 1 3 1 5 0 13 Total Total (%) 6 (4 %) 31 (19%) 72 (43 %) 43 (25%) 15 (9%) 167 (100%) 352

Le tableau I montre la distribution de la population, selon la classification de Ehalt, avec un sex-ratio de 1,8. La majorité des fractures (67 %) était localisée dans le tiers distal. Le pourcentage total était de 31 % (167/ 536). Les fractures «en motte de beurre» (23 %) étaient distribuées de façon régulière dans toutes les tranches d âge. Les fractures métaphysaires en bois vert intére s - saient surtout les enfants âgés entre 5 et 14 ans et les f r a c t u res métaphysaires complètes entre 11 et 14 ans. Les fractures diaphysaires ont été plus fréquentes entre 5 et 10 ans. Les 10 cas de cal vicieux (8,2 %), complication par déplacement secondaire sous plâtre, sont indépendants du fait qu il y eut réduction ou pas (Tableau II). Ils se sont produits surtout dans les fractures en bois vert. Type de fracture Tableau II : Evolution des fractures de l avant-bras chez 126 enfants après traitement orthopédique avec ou sans réduction Nb de fractures Avec réduction Bon résultat Complications Nb de fractures Sans réduction Bon résultat Complications Diaphysaire complète 18 16 D (1), P (1) 2 2 0 Diaphysaire bois vert 17 15 D (1), P (1) 34 32 D (1), P (1) Métaphysaire complète 18 18 0 1 1 0 Métaphysaire bois vert 6 6 0 16 14 D (2) Décollement épiphysaire 13 11 RM (2) 0 0 0 Total 72 66 6 53 49 4 D : Déplacement secondaire sous plâtre P : Déplacement décrit par Patrick RM : Réduction médiocre Les deux cas de réduction médiocre au cours d un décollement épiphysaire étaient liés à un retard dans la prise en charge. Nous avons par ailleurs répertorié 8 cas de fracture s d i a p h y s a i res complètes chez des enfants âgés de plus de 10 ans chez les filles et de 12 ans chez les garçons avec un seul cas de cal vicieux. La répartition des fractures qui ont bénéficié d une réduction extemporanée (Figure 1) ont été plus fréquentes pendant la période des mois de septembre à j a n v i e r, correspondant à la saison des mangues, soit 42/72 cas. Figure 1 : Distribution des fractures de l avant-bras chez l enfant par période de l année Saison des pluies Saison sèche 14 12 10 8 6 4 2 Nb de fractures Période de mangues Fracture avec réduction Fracture sans réduction 0 Sept. Oct. Nov. Déc. Jan Fév Mars Avr Mai Juin Juil Aoû 353

Concernant la cause des fractures, 20/72 cas, (26 %), étaient produites par chute du haut d un arbre. Il s agissait surtout de décollements épiphysaires et de fractures métaphysaires complètes. Dans deux cas, ce furent des fractures doubles. C) Deux ans après, l anatomie et la fonction étaient quasi parfaites grâce au remodelage osseux. Dans les 15 cas étudiés avec des résultats tardifs, nous avons constaté une correction anatomique et fonctionnelle satisfaisante, illustrée radiologiquement par un bon remodelage osseux. Nous avons enregistré 35 cas (20 %) de disparition, au retrait du plâtre et au dernier contrôle. L examen des clichés radioiogiques a, par ailleurs, démontré la présence de zones de Looser dans 13 cas de fractures métaphysaires chez les enfants âgés de moins de 5 ans. En guise d illustration, nous reportons 2 cas concrets de fractures complètes de l avant-bras qui ont bien évolué (Photos 1 et 2) et 1 cas de complication (Photo 3). Photo 1 : Fracture diaphysaire complète instable avec déplacement chez un garçon de 9 ans A) Avant la réduction Photo 2 : Fracture métaphysaire en bois vert sans déplacement chez une fillette de 5 ans. A) Cliché radiologique initial B) Immédiatement après la réduction Chevauchement en baïonnette 354

B) Cal vicieux à l ablation du plâtre. On aurait pu éviter cette éventualité par un bon suivi radiologique C) Un mois après le retrait du plâtre, le remodelage osseux était satisfaisant. DISCUSSION Photo 3 : Fracture métaphysaire du radius à trait oblique chez un garçon de 6 ans A) Cliché avant l essai de réduction. B) Réduction anatomique impossible. Alignement avec plâtre en pronation forcée et flexion palmaire Dans notre série, le pourcentage élevé de fractures diaphysaires observé chez les filles (35 %), contraste avec les données de la littérature (6) et pourrait être dû à la similitude des jeux entre garçons et filles dans notre contexte. D autre part, les fractures localisées au tiers distal sont relativement moins fréquentes dans notre série par rapport à ce qui est observé dans les pays développés (2). Le pourcentage des fractures en «motte de beurre» (23 %) est plus élevé que ce que les auteurs ont décrit (7). Aussi nous les retrouvons à un âge inférieur (entre 0 et 4 ans), ce qui peut signifier que les petits enfants à Kinshasa sont plus exposés aux risques d accidents traumatiques. De plus, la présence de zones de Looser dans les clichés (13/38 cas) indique une plus grande fragilité osseuse chez ces jeunes enfants. Nos résultats montrent que les fractures de l avant-bras peuvent être parfaitement traitées par une appro c h e exclusivement orthopédique, rendant ainsi exceptionnel le traitement sanglant. Ce dernier est à éviter surtout lorsqu on sait que, dans les conditions actuelles des i n f r a s t r u c t u res hospitalières à Kinshasa, le taux d infection postopératoire (27 %) est important (8). Les cals vicieux au retrait du plâtre (8 %) ont été inférieurs à la proportion de déplacements secondaires sous plâtre (15-20 %) décrite par RIGAULT (1). Ils étaient dus 355

essentiellement au manque de suivi radiologique (9) et non aux difficultés techniques. Les problèmes de prise en charge sont en outre liés a l ignorance et au manque de notions médicales de certains parents, ce qui rend quelque peu difficile le suivi de l enfant fracturé en milieu kinois. En effet, la mise du plâtre paraît aux yeux des parents comme l acte principal et suffisant pour obtenir la guérison, son retrait ultérieur en milieu hospitalier ainsi que les contrôles radiologiques sont perçus comme des actes excessifs et inutilement coûteux. Souvent, le plâtre est retiré à domicile en le trempant dans l eau ou bien on a recours aux services bon marché d un auxiliaire de fortune. Le premier contact avec la famille doit être l occasion pour faire une bonne éducation sanitaire et expliquer le bien fondé du suivi radiologique et des éventuels nouveaux essais de réduction, surtout lors des fractures instables. Les difficultés financières limitent également la bonne prise en charge dans un contexte où il n existe pas d assistance sociale. L engagement de nouvelles dépenses pour le suivi radiologique ou pour un changement de p l â t re, qui est devenu trop lâche après la fonte de l œdème, devient quelque peu compliqué. Il est opportun de signaler que parfois la déformation initiale de la fracture, n est pas observée par le praticien p a rce que la fracture en bois vert est manipulée à chaud, à l endroit de la chute ou à la maison, par un profane appliquant une traction, sans casser la corticale intacte, suivi par des massages intempestifs. Elles peuvent alors paraître comme une fracture en bois vert sans déplacement. Par la suite, il n est pas surprenant de trouver, au moment du retrait du plâtre, la fracture consolidée avec la déformation du départ. En effet, ces fract u res semblent avoir de la «mémoire» (10). Le cliché radiologique de contrôle s avère donc indispensable pour éviter ces éventualités. Nous avons répertorié dans notre série trois cas qui illustrent ces considérations. Une telle attitude a été décrite aussi ailleurs en Afrique (11). Trois autres cas ont présenté la complication telle qu elle est décrite par PAT R I C K (12) (déplacement secondaire sous plâtre par atrophie du muscle brachio-radialis et lorsque le plâtre est suspendu au poignet) suite à une négligence du port de l écharpe. Les parents acceptent facilement cette déformation légère quand on les rassure de la correction ultérieure par le remodelage. Pour la réduction des fractures complètes, à défaut d amplificateur de brillance, nous avons, par expérience, privilégié l examen visuel des avant-bras, comme cela est préconisé par certains auteurs, plutôt que les images radiologiques (13). Par ailleurs, I expérience nous autorise de tenter d abord une approche orthopédique même chez les grands enfants (plus de 12 ans) chez qui le remodelage osseux joue un rôle important comme on peut l observer dans deux cas limites précédemment décrits (14). Nous n avons pas trouvé de diff é rences significatives dans les résultats selon le type d anesthésie utilisée, mais chez les jeunes enfants, nous préférons l anesthésie générale. Dans le traitement des fractures diaphysaires complètes très instables, chez les enfants plus âgés, nous avons eu de bons résultats en plaçant, dans un premier temps, une attelle plâtrée afin de réduire l œdème. Après le contrôle radiologique, avec un bon alignement des deux os dans la position latérale, on peut décider de l opportunité d une nouvelle manipulation et la mise en place d un plâtre fermé définitif. Toutefois, dans certains cas, après une réduction satisfaisante et en tenant compte de la règle d Evans (15), nous avons placé d emblée le plâtre définitif, bien cotonné, selon la technique de Charnley (16) et avons obtenu de bons résultats. Quant à la position d immobilisation d une fracture métaphysaire déplacée, nous n avons pas suivi la position en pronation forcée préconisée par certains auteurs (2,16) sauf dans un seul cas à trait oblique et seulement du radius ; généralement, nous avons gardé la position de supination avec flexion palmaire. En conclusion, nous estimons que l approche orthopédique, malgré les difficultés, donne des résultats satisfaisants et répond aux impératifs de notre milieu. Toutefois, I accent devra être mis sur l éducation sanitaire des parents afin qu ils comprennent le bien fondé d un bon suivi radiologique qui obligera éventuellement à réaliser une nouvelle tentative de réduction à cause d un déplacement secondaire ou à un changement du plâtre qui est devenu trop lâche. 356

REMERCIEMENTS Nous sommes reconnaissants à Messieurs KAMANA et KANYNDA, techniciens de radiologie, pour leur précieuse aide dans la qualité radiologique des clichés et l organisation des dossiers médicaux. Nous remercions aussi Monsieur MALO pour son aide dans la résolution des problèmes techniques. BIBLIOGRAPHIE 1 - RIGAULT P. Les fractures de l avant-bras chez l enfant. Ann Chir 1980 ; 34 : 810-6. 2 - BLOUNT W.P. Fractures in children. Williams and Wiins, rd. Baltimore, 1955. 3 - CLAVERT J., METAIZEAU J. Fractures des deux os de l avant-bras chez l enfant. In : Clavert J., Metaizeau J. (eds). Les fractures des membres chez l enfant. Montpellier : Sauramps Médical, 1990 : 51-61. 4 - CHIGOT P., ESTEVE, P. Traitement des fractures diaphysaires de l avant-bras chez l enfant. Rev. Prat 1972 ; 22 : 1615-35. 5 - RANG M. Radius and Ulna. In : Rang A. (eds). Childre n s fractures (2e ed). Philadelphia : JB Lippincott Company, 1983 : 197-215. 6 - WONG P.C. Epidémiologie des fractures des os de l avant-bras dans une communauté du sud-est asiatique. Act Orthop Scand 1965 ; 36 : 153-67. 7 - DAVIS D.R., GREEN D.P. Forearm fractures in children. Pitfalls and complications. Clin Orthop 1976 ; 120 : 172-84. 8 - KABAMBA M., KAPIA. L infection post-opératoire en traumatologie osseuse. Congo Médical 1999 ; 10 : 666-69. 9 - DE PALMA S A., CONNOLLY J.F. Fractures of the bones of the forearm in children. In : De Palma s (eds) The management of fractures and dislocations. An Atlas (3e ed). Philadephia. W.B. Saunders Company. 1981 : 979-1002. 10 - VOTO S.J., WEINER D.S., LEYGHLEY B. Redisplacement after closed reduction of forearm fractures in children. J. Pediatr Orthop 1990 ; 10 : 79-84. 11 - Gaudeuille A., Douzima B., Makolati Sanze J.K. et al. Difficultés dans la prise en charge des fractures supra-condyliennes de l humérus de l enfant en Centrafrique. Med. Trop. 1998 ; 58 : 273-276. 12 - PATRICK J. A study of supination and pronation, with special re f e rence to the treatment of forearm fractures. J. Bone Joint Surg 1946 ; 28 : 737-48. 13 - SALTER R.B. El antebrazo. In : Salter R.B. (eds) Trastornos y lesiones des sisterna musculosquelético. Cientificos y técnicos S.A. Barcelona (eds) 1993 : 476-79. 14 - ECHARRI J.J., MBOMBO D.W. L intérêt du remodelage dans les fractures de l avant-bras chez l enfant : à propos de deux cas limites suivis au Centre Médical Monkolengo. Congo Médical 1999 ; 9 : 578-81. 15 - EVANS E.M. Rotational deformity in the treatment of fractures of both bones of forearm. J. Bone Surg 1945 ; 27A : 373-9. 16 - CHARNLEY J. Fractures of the radius and ulna. In : Charnley J. (ed). The closed treatment of common fracture s. Churchill Livingstone Edimburg rd (3e ed), 1974 : 116-27. 357