Physiopathologie des PRP et aspects éthiques Nicolas GRAVELEAU Chirurgien orthopédiste, Clinique du Sport, Paris L utilisation des PRP s inscrit dans le contexte général de la gestion de la blessure. La réparation tissulaire est l aboutissement d un processus parfois long : traumatisme hématome cicatrisation. Comment faire lorsque cela ne fonctionne pas? Comment accélérer parce que nous avons des impératifs de temps et fiabiliser la réparation? I. Contexte général de la cicatrisation Dans la première phase de cicatrisation la création de l hématome, le phénomène d activation plaquettaire fait intervenir les plaquettes et un certain nombre de substances, qui vont être utilisées dans les PRP. S ensuivent différentes phases : une invasion cellulaire, une bio-angiogenèse, une formation d un cal collagénique et, sous la stimulation mécanique, une maturation et un remodelage. Hématome + Activation plaquettaire Invasion cellulaire + Prolifération du paratendon Angiogénèse
Formation d un cal collagénique Stimulation mécanique Maturation et remodelage Ces intervenants cellulaires, biologiques et mécaniques sont évidemment nécessaires pour aboutir à la cicatrisation définitive. Les PRP permettent d agir à une étape, mais on ne peut en aucun cas se passer des autres. Pour stimuler la cicatrisation, les scientifiques travaillent dans plusieurs directions : les cellules souches, le plasma activé, les facteurs de croissance et l apport de matrice extracellulaire. Il existe pourtant un paradoxe entre les bases des sciences fondamentales et expérimentales qui sont extrêmement solides et les résultats cliniques qui sont, eux, extrêmement pauvres. Pour expliquer cette différence entre les résultats obtenus en laboratoire et ceux obtenus chez les patients, il faut reconsidérer la pathologie traitée. Désorganisation microscopique du tendon Prenons l exemple des tendinopathies (désorganisation tendineuse à la fois structurelle et cellulaire). Lors de l entraînement, des lésions cellulaires peuvent apparaître, occasionnant une dégénérescence de la structure même du tendon, pouvant aller jusqu à la rupture. Ainsi, l hyper-utilisation du tendon n est pas une inflammation mais une mauvaise réponse cicatricielle, la cellule réagissant mal au stress.
Phénomène tissulaire Patient avec tendinopathie L idée serait donc de stimuler la régénération du tendon par l utilisation de divers stimulants, dont les PRP. II. Zoom sur le PRP Le PRP est le mythe de la panacée en médecine. Or chacun sait que le médicament universel n existe pas ; on ne pourra jamais guérir toutes les pathologies avec le PRP. L objectif est donc de trouver la place de ce traitement dans les différentes pathologies (à quel moment? à quelle fréquence? avec quels résultats?). Les thrombocytes (ou plaquettes) présents dans le sang libèrent des granules au moment de leur activation. Plaquettes
Ces granules comportent plusieurs facteurs de croissance, chacun favorisant une stimulation (vasculaire, cellulaire ). Le plasma, quant à lui, n est autre que du sérum avec des protéines de la coagulation, les cellules étant directement en suspension (ce qui permet de les sélectionner). Le PRP est donc un plasma riche en plaquettes. Pour obtenir un PRP, il faut prendre des plaquettes inactives et les activer par centrifugation. Elles sont alors capables de délivrer les granules Plaquettes inactives Plaquettes activées et les facteurs de croissance qu elles contiennent. En pratique, c est un produit sanguin prélevé sur le sang du patient (cf. autotransfusion). 5 minutes dans une centrifugeuse suffisent à obtenir un sérum enrichi, concentré en facteurs de croissance.
Préparation du PRP à partir du sang total A noter que les quantités de facteurs de croissance et les concentrations sont variables en fonction de l indication. Le PRP stimule ainsi un certain nombre d éléments favorables à la cicatrisation : ténocytes, angiogenèse, synthèse de collagène Il accélère le processus cicatriciel. Toutefois, en termes de résultats cliniques, si le PRP diminue les douleurs et améliore la fonction, il n améliore pas la cicatrisation de façon objective. Les trois études fiables menées sur ce procédé n ont montré aucun bénéfice. L utilisation de sang total n est donc pas recommandée aujourd'hui par les experts. III. Problématiques éthiques Au niveau éthique, plusieurs questions se posent. La preuve de la non dangerosité du PRP justifie-t-elle son utilisation courante? Peut-on proposer l utilisation d un produit dont l efficacité clinique n est pas clairement établie par des études d un niveau de preuve suffisant? Peut-on être certain de l innocuité d un tel produit? Enfin, le médecin est-il parfaitement indemne de toute pression commerciale, médiatique ou professionnelle pour choisir l utilisation de ce produit en pleine quiétude? En France se pose également un problème au niveau de la prise en charge en ce qu il n existe pas d acte correspondant dans la nomenclature. C est la porte ouverte à un certain nombre d excès.
Au niveau du dopage, l utilisation du PRP a été autorisée, probablement parce qu il est difficile de la tracer. IV. Conclusion L utilisation du PRP est une technique récente en orthopédie (plus ancienne dans d autres domaines), relativement simple en termes de réalisation technique. Toutefois, le recul scientifique n est pas suffisant pour convaincre de sa réelle efficacité.