Revue du Rhumatisme 76 (2009) 222 226. Mise au point. Accepté le 19 septembre 2008 Disponible sur Internet le 14 février 2009



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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 222 226 Mise au point Impact de la contraception estroprogestative et progestative sur la densité minérale osseuse Impact of combined and progestogen-only contraceptives on bone mineral density Julie Sarfati a, Marie-Christine de Vernejoul a,,b a Inserm U606, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France b Pôle ostéoarticulaire, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Accepté le 19 septembre 2008 Disponible sur Internet le 14 février 2009 Mots clés : Capital osseux ; Contraception ; Estrogènes ; Progestatifs ; Stéroïdes Keywords: Peak bone mass; Contraception; Estrogens; Progestogens; Steroids Les stéroïdes sexuels sont des régulateurs hormonaux importants du turn-over osseux dans les deux sexes. Les effets majeurs des estrogènes sur le squelette de la femme sont bien connus en raison de l effet de la ménopause sur la masse osseuse. Cependant, les estrogènes ont aussi un rôle dans l acquisition du pic de masse osseuse qui détermine en grande partie la survenue d ostéoporose chez la femme âgée. Les contraceptions estroprogestative et progestative pure sont utilisées par de très nombreuses femmes de manière prolongée et de plus en plus précocement au cours de la vie reproductive. Bien que de nombreux facteurs jouent sur le capital osseux, facteurs génétiques, activité physique, facteurs nutritionnels, les estrogènes sont les principaux régulateurs du tissu osseux chez la femme. Il est donc légitime de se poser la question de l impact sur le capital osseux de ces différentes formes de contraception. 1. Effets des stéroïdes sexuels sur la croissance osseuse et le pic de masse osseuse La masse osseuse augmente au cours de l enfance et de l adolescence. En période prépubertaire, il existe une corrélation étroite entre la taille de l enfant et sa masse osseuse, mais Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2008.09.014). Auteur correspondant. Adresse e-mail : christine.devernejoul@lrb.aphp.fr (M.-C. de Vernejoul). elle est moins nette au cours de la puberté. Chez les filles, la vitesse d acquisition de masse osseuse décroît rapidement après la ménarche alors que chez les garçons, le gain persiste jusqu à l âge de 17 ans environ et est corrélé au stade pubertaire. Les travaux princeps de J.P. Bonjour ont montré que le capital osseux augmente de 25 à 40 % au cours de la période pubertaire, mais que plus de 95 % de ce capital osseux du squelette est constitué chez la fille à l âge de 16 ans [1]. Quoiqu il en soit, à 18 ans, dans les deux sexes, la grande majorité de la masse osseuse a été acquise [2]. Les données sur la persistance d une acquisition de masse osseuse au cours de la troisième décade sont contradictoires. Plusieurs études ont retrouvé un gain de masse osseuse après la 20 e année de l ordre de 5 % à l avant bras et de 6 % au niveau du rachis lombaire [3], mais ces données n ont pas été confirmées et l existence d un gain de masse osseuse au cours de la troisième décade n a pas été encore clairement démontrée. De nombreux facteurs semblent influencer l acquisition du pic de masse osseuse. Les facteurs génétiques sont un déterminant majeur du pic de masse osseuse, 60 à 80 % de sa variation est génétiquement déterminée. En particulier, l étude de jumeaux montre une corrélation positive entre les densités minérales osseuses (DMO) de deux jumeaux et cette corrélation est plus forte à l intérieur d une paire de jumeaux monozygotes qu à l intérieur d une paire de jumeaux dizygotes. Les bases moléculaires de cet effet ne sont pas complètement définies. Il existe plusieurs gènes candidats potentiels qui codent pour des molécules impliquées soit dans le métabolisme osseux, telles que facteurs endocrines circulants (PTH, IGF-1, 1169-8330/$ see front matter 2008 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.09.013

J. Sarfati, M.-C. de Vernejoul / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 222 226 223 IL6, TNF ), récepteurs hormonaux (récepteur de la vitamine D, récepteur des estrogènes), cytokines influençant localement la formation et la résorption osseuse, soit dans la structure de la matrice organique du squelette. Le polymorphisme de chacun de ces gènes contribue de façon modeste à la variance individuelle de la masse osseuse, expliquant la nécessité d étudier des très larges populations pour mettre en évidence ces liens. Les autres déterminants du pic de masse osseuse sont la nutrition et les caractéristiques anthropométriques, l apport en calcium, l activité physique et le statut hormonal [4]. Les stéroïdes sexuels ont un rôle important lors de la croissance osseuse et l acquisition du pic de masse osseuse. L acquisition du pic de masse osseuse survient durant la puberté dans les deux sexes et est parallèle à l augmentation du taux des stéroïdes sexuels. Ils sont responsables du dimorphisme sexuel du squelette qui apparaît au cours de l adolescence : le squelette mâle est caractérisé par une plus grande taille des os (après correction à la taille et au poids du corps) avec un diamètre et une épaisseur corticale des os longs plus importants. Cependant, la densité minérale osseuse, elle même, est similaire chez les jeunes hommes et les jeunes femmes. La plus grande taille des os chez le garçon est due à une longueur mais aussi à une largeur plus importante des os qui serait lié à l effet positif des androgènes sur l apposition périostée. Cette largeur augmentée pourrait conférer une protection envers les fractures en augmentant le moment d inertie. Les estrogènes sont aussi nécessaires pour la fermeture des cartilages de conjugaison. Ainsi, en l absence exclusive d estrogènes chez l homme (résistance aux estrogènes ou déficit en aromatase), on observe un retard d âge osseux et une grande taille, la croissance épiphysaire se poursuit, malgré des taux circulants normaux de testostérone [5]. Le rôle majeur des stéroïdes sexuels sur la densité minérale osseuse est flagrant en situation d hypogonadisme (taux bas d estrogènes et de testostérone qui peut être de causes multiples), où il existe toujours une diminution de la densité osseuse. Une diminution d «imprégnation estrogénique» chez des jeunes femmes qui ont un poids corporel bas est associé à une densité osseuse diminuée [4]. En particulier, on peut rappeler la situation extrême des jeunes athlètes ayant une très faible masse grasse, une puberté très retardée et qui y associent une densité osseuse basse. En effet, l âge de début de la puberté est un déterminant important du statut osseux. Certaines études ont montré qu une puberté retardée était associée à une diminution du pic de masse osseuse et de la densité minérale osseuse plus tardivement au cours de la vie [6]. Les androgènes semblent avoir un rôle propre dans l acquisition de masse osseuse chez la femme, cependant ce rôle est difficile à déterminer. Ainsi, les femmes ayant un excès d androgènes auraient une densité minérale osseuse plus élevée [7]. Il existe peu de données sur les effets de la progestérone sur le métabolisme osseux. Les ostéoblastes humains expriment les récepteurs à la progestérone et il a été décrit une stimulation de la prolifération et de la différenciation des ostéoblastes en réponse à de fortes doses de progestérone. Certains progestatifs, en particulier les dérivés de la 19-nortestosterone pourraient avoir des effets bénéfiques anaboliques indépendants sur la masse osseuse, mais les données sont contradictoires. De la même façon, il n y a pas de lien clair établi entre la chute du taux de progestérone et la perte osseuse. La testostérone et les estrogènes inhibent la résorption osseuse et favorisent la formation osseuse. Le rôle dominant des estrogènes est l inhibition de la résorption osseuse alors que les androgènes ont un rôle anabolique plus important [8]. 2. Contraception féminine et masse osseuse 2.1. La contraception estroprogestative n a pas d effet délétère sur les paramètres osseux dans la population générale De nombreuses études ont été réalisées sur le sujet, mais elles sont majoritairement de médiocre qualité méthodologique. Cela peut s expliquer par de multiples raisons : la plus importante étant l impossibilité, dans le domaine de la contraception, de réaliser des études contre placebo. Cela tient aussi à l hétérogénéité des populations étudiées avec l effet confondant de nombreux autres facteurs dont le poids et le tabagisme. Ainsi, la métaanalyse de la littérature la plus récente [9] portant sur l effet des contraceptions hormonales sur les fractures osseuses n a retenu que six études randomisées de bonne qualité portant sur une contraception estroprogestative combinée. Les autres étaient rétrospectives, transversales, ou prospectives mais de méthodologie critiquable, avec un nombre faible de patientes incluses et un taux élevé de perdues de vue. De plus, la quasi-totalité de ces études ne s intéressent qu aux marqueurs intermédiaires, DMO et marqueurs de remodelage osseux et pas au risque fracturaire lui-même. Au sein de ces six études sélectionnées, cinq études [10 14] comparaient deux types de pilules estroprogestatives entre elles et une étude [15] comparait une contraception estroprogestative à un dispositif intra-utérin. Les cinq études comparant des contraceptions estroprogestatives combinées entre elles ne montrent pas de différence significative sur la DMO à un an, selon la dose d éthinylestradiol (EE) (10, 20 ou 30 g), le progestatif utilisé (noréthindrone ou désogestrel) ou son dosage. À noter, ces études ne portent que sur des cohortes de moins de 200 patientes. De la même façon, une revue de la littérature plus ancienne [16] ayant évalué le retentissement osseux des pilules dosées de 20à40 g d EE ne retrouvait aucun effet délétère sur les niveaux de la densité minérale osseuse ou les marqueurs du remodelage osseux, même pour les plus faibles posologies de 20 g/jour. Enfin, dans l étude menée chez 148 femmes argentines (sixième étude de la Cochrane [15]), âgées de 38 à 50 ans comparant le mésigyna en une injection intramusculaire par mois à un dispositif intra-utérin (Nova-T), aucune différence significative sur la DMO lombaire à deux ans n a été observée entre les deux groupes, mais plus de 50 % des patientes étaient perdues de vue à un an et plus de 75 % à deux ans. Mais, les résultats de plusieurs autres études, non randomisées, font penser que derrière cette neutralité apparente se cachent des situations différentes selon qu il s agit de femmes

224 J. Sarfati, M.-C. de Vernejoul / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 222 226 jeunes, en phase d acquisition du pic de masse osseuse, de patientes âgées de plus de 25 ans ou de patientes en périménopause. 2.2. Une contraception estroprogestative combinée débutée dans les années qui suivent la puberté pourrait avoir effet défavorable sur la densité osseuse Il est logique de penser que les effets osseux potentiels de l EE puissent être fonction du niveau de remodelage osseux sous jacent. Une étude transversale retrospective récemment publiée [17], menée chez 248 jeunes allemandes âgées de 18 à 24 ans, a comparé les patientes sous contraception estroprogestative introduite moins de trois ans après les premières règles et prise plus de deux ans, à un groupe témoin ne prenant pas de contraception estroprogestative. Une baisse significative (p < 0,001) de 10 % de la DMO fémorale et non significative de 5 % de la DMO lombaire a été observée dans le groupe de patientes sous contraception estroprogestative versus le groupe témoin. De plus, l ensemble des jeunes femmes qui avaient déjà utilisé une contraception estroprogestative avait une DMO fémorale et tibiale plus basse que les jeunes femmes n en ayant jamais utilisé et cela malgré l ajustement pour l âge, la taille, le poids, le BMI, les heures d exercice et la prise de calcium. Dans cette étude transversale, différents types de contraception étaient utilisés tant pour la dose de EE (20 ou 30 microgrammes) que pour le progestatif associé. Deux autres études portant sur un nombre très restreint de patientes aboutissent à des résultats similaires. Ces études suggèrent donc un potentiel effet délétère sur l os de l utilisation des contraceptions orales combinées chez les jeunes femmes plus particulièrement si elle est débutée précocement (c est-à-dire au cours des trois années qui suivent la ménarche) [18]. Il existe plusieurs hypothèses possibles à ce phénomène, mais la plus vraisemblable est qu il est secondaire à la diminution des androgènes. Les études chez les animaux montrent que les androgènes sont des stimulateurs importants de l apposition osseuse périostée [19]. Ainsi, sous contraception estroprogestative, le taux des androgènes est fortement diminué via le rétrocontrôle négatif sur l axe hypothalamohypophysaire, et cela réduirait l expansion périostée des os longs chez ces femmes en croissance. Ces résultats demandent, cependant, confirmation dans d autres cohortes et dans des études prospectives de plus longues durées. 2.3. Contraception progestative pure Les méthodes de contraception progestative se sont développées avec les contre-indications aux estrogènes ou la volonté d en diminuer les taux circulants (migraine, syndrome prémenstruel, insuffisance veineuse, pathologies mammaires ou endométriales). Les données sur le tissu osseux obtenues in vitro sont partagées : la progestérone et les progestagènes seraient ostéoformateurs par un effet positif sur la prolifération des ostéoblastes humains, l induction d IGF-II et l inhibition de l expression de l IL-6. Mais, la progestérone aurait aussi un effet délétère sur l os en réprimant l expression des récepteurs à l estradiol et en contrebalançant les effets positifs de l estradiol sur la production de calcitriol. En pratique, l effet osseux de la contraception progestative passe surtout par son influence sur le taux d estradiol plasmatique via son effet sur les sécrétions hypophysaires. 2.3.1. Par voie orale 2.3.1.1. Contraception microprogestative pure. Il n existe pas d étude sur le retentissement osseux de la contraception orale microprogestative par lévonorgestrel, désogestrel ou noréthistérone. Par extrapolation, ce type de contraception pourrait avoir un retentissement osseux si elle modifiait la sécrétion estrogénique ovarienne, par une action antigonadotrope et non plus locale (modification de la glaire cervical, de la diminution de la mobilité des cils) uniquement. Une étude randomisée en double insu, a comparé sur 12 mois, l inhibition de l ovulation au sein de deux groupes : 75 g de desogestrel ou 30 g de lévonorgestrel [20]. L ovulation (définie par une rupture folliculaire suivie d une augmentation de la progestérone), les taux d estrogènes circulants, les taux de FSH et LH ont été étudiés. Le desogestrel à 75 g inhibe l ovulation de façon significativement plus importante que le lévonorgestrel à 30 g : l ovulation était présente une fois sur 59 cycles étudiés, soit dans 1,7 % dans le groupe desogestrel et dans 16/57 cycles, soit 28 % des cas dans le groupe lévonorgestrel. La diminution de la LH est plus importante dans le groupe desogestrel indiquant une action antigonadotrope plus prononcée. Il s y associe un taux d estradiol significativement plus bas dans le groupe desogestrel que dans le groupe lévonorgestrel, mais aucun hypoestrogénisme n est observé d après les auteurs, tous les taux d estradiol étaient au dessus d un taux qui pourrait être responsable d ostéoporose. On ne peut donc conclure seulement que le desogestrel pourrait avoir un effet antigonadotrope plus important que le lévonorgestrel, ce qui lui permet de diminuer les contraintes liées au respect des horaires des prises, mais aucune donnée ne permet de suspecter un retentissement osseux de ce composé. Des études complémentaires mesurant la DMO chez les patientes prenant ce type de contraception au long cours permettraient de conclure quant à leur éventuel impact sur la masse osseuse. 2.3.1.2. Contraception macroprogestative pure. Nous ne disposons là non plus d aucune donnée. Ce type de contraception n est pratiquement utilisé qu en France (hors AMM) et elle est souvent responsable d une aménorrhée hypoestrogénique du fait de l action antigonadotrope puissante des composés utilisés (acétate de nomégestrol, acétate de chlormédinone, promesgetone). De ce fait, on ne peut pas éliminer la possibilité d une accélération de la perte osseuse induite par l hypoestrogénie. 2.3.2. Contraception progestative par voie injectable Contrairement aux autres progestatifs, la contraception par voie injectable utilisant l acétate de médroxyprogestérone (MPA) a été étudiée sur le plan osseux et a été associée à des conséquences osseuses. Il bloque l ovulation par un effet antigonadotrope, modifie la glaire, atrophie l endomètre et,

J. Sarfati, M.-C. de Vernejoul / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 222 226 225 contrairement aux progestatifs dérivés des norstéroïdes, il n est pas converti en métabolites à activité estrogénique et il n a pas d effet androgénique notable. Dans une étude prospective [21] menée chez 155 femmes américaines âgées de 18 à 33 ans, une baisse significative de 2,74 % de la DMO lombaire à un an a été observée dans le groupe MPA à la dose de 150 mg en IM tous les trois mois. Une baisse de 0,37 % a été constatée dans le groupe témoin. La DMO lombaire a augmenté de 2,33 % dans le groupe noréthindrone 1mg+EE 35 g, versus contrôle et de 0,33 % dans le groupe desogestrel + EE 30 g versus contrôle. Les résultats d une revue de la littérature récente [22] confirment ces données. Chez les adolescentes, quatre études longitudinales ont comparé un groupe d utilisatrices de MPA et un groupe de non utilisatrices [23 26] : toutes ces études ont trouvé une diminution significative de la DMO des utilisatrices en comparaison aux non utilisatrices. Enfin, dans une étude avec des nouvelles utilisatrices [25], âgées de 12 à 18 ans, deux groupes ont été comparés : MPA+ des injections d estradiol cypionate mensuel ou MPA+ placebo. Après 24 mois, le groupe recevant de l estradiol a un gain osseux de +2,8 % à la colonne vertébrale et de +4,7 % au col du fémur au terme de deux ans de suivi. Ce gain contraste avec une perte osseuse de 1,8 % à la colonne vertébrale et de 5,1 % au col fémoral chez les adolescentes qui n ont pas bénéficié de l estrogénothérapie. Cet effet délétère sur la masse osseuse serait d autant plus marqué que la contraception est débutée avant le pic de masse osseuse et qu elle est prolongée. L utilisation de MPA n a cependant pas été corrélé, de façon significative, à un risque ultérieur de fracture. Une telle perte osseuse n est, cependant, pas retrouvée pour la noréthistérone (NETA) injectable. L effet anabolique du NETA a été documenté, il pourrait résulter d une conversion périphérique du NETA en EE ou d un effet androgénique propre de ce progestatif sur l os. 2.3.3. Contraception progestative par voie parentérale Le développement récent de la contraception par implant sous cutané de progestatif a également conduit à s interroger sur les conséquences potentielles de ce type de contraception sur le tissu osseux. Plusieurs progestatifs sont utilisés, le lévonorgestrel ou l étonogestrel (seul composé disponible en France). Ils assurent une inhibition de l ovulation par un effet antigonadotrope et modifient la glaire cervicale la rendant impropre au passage des spermatozoïdes. Si une aménorrhée s observe dans 20 % des cas, l activité estrogénique n est pas complètement supprimée et les concentrations moyennes d estradiolémie restent au dessus du niveau observé en phase folliculaire précoce. Une étude ouverte menée chez 73 finlandaises, âgées de 18 à 40 ans [27], a comparé les effets sur la DMO à deux ans de l implant d étonogestrel à un dispositif intra utérin. Aucune variation significative de la DMO lombaire, fémorale et radiale n a été observée dans les deux groupes. Une étude randomisée récemment menée chez 111 brésiliennes, âgées de 19 à 43 ans [28], n a pas montré de différence significative de la DMO au radius distal après 18 mois d utilisation dans les deux groupes de patientes recevant l implant Implanon à l étonogestrel et l implant Jardelle au lévonorgestrel, mais il a été retrouvé, après ces 18 mois d utilisation, une diminution significative de la DMO au niveau la diaphyse cubitale (de 3,75 % et 3,36 % respectivement au sein des deux groupes). Une étude à 36 mois d utilisation et incluant la mesure de sites osseux plus complets et pertinents est programmée. 3. Conclusion L effet osseux de la contraception estroprogestative combinée pourrait dépendre de l âge de la mise en route de la contraception : chez la jeune fille et avec 20 g d EE, la contraception estroprogestative pourrait réduire le pic de masse osseuse et la prudence s impose quant à l utilisation de ce type de contraception en période péripubertaire et notamment dans les trois premières années qui suivent la ménarche. Après 35 ans et avec 30 g d EE, au contraire, la contraception estroprogestative pourrait avoir un effet neutre, voire protecteur. La contraception progestative pure est une nécessité chez les femmes ayant une contre-indication ou une intolérance aux estrogènes. La contraception par MPA est indiscutablement associée à une perte osseuse, d autant plus marquée qu elle est débutée avant le pic de masse osseuse et qu elle est prolongée, mais en partie réversible à l arrêt du traitement. Les effets de la contraception microprogestative et macroprogestative par voie orale restent à étudier. Les implants progestatifs ne semblent pas avoir d effet délétère osseux. Dans tous les cas, le risque osseux de la contraception progestative est faible, quand il existe, et nécessite une évaluation des facteurs de risque cliniques d ostéoporose. Un examen densitométrique de dépistage pourrait se discuter au cas par cas [29]. Conflits d intérêts Aucun. Références [1] Bonjour JP, Theintz G, Buchs B, et al. Critical years and stages of puberty for spinal and femoral bone mass accumulation during adolescence. J Clin Endocrinol Metab 1991;73:555 63. [2] Theintz G, Buchs B, Rizzoli R, et al. 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