Rééducation avec prise en charge globale de femmes ayant des signes fonctionnels urinaires (SFU). Quels résultats?

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Transcription:

Pelvi-Périnéologie DOI 10.1007/s11608-010-0360-8 ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Rééducation avec prise en charge globale de femmes ayant des signes fonctionnels urinaires (SFU). Quels résultats? Comprehensive care of urinary functional symptoms (UFS) in women. What results? B.-G. Marti F.-A. Valentini G. Robain Reçu le 28 septembre 2010 ; accepté le 12 octobre 2010 Springer-Verlag France 2010 Résumé Introduction : La prise en charge globale des signes fonctionnels urinaires (SFU) associe rééducation périnéale et techniques comportementales. Le but de cette étude est d analyser pour cette prise en charge l adhésion, les résultats, la satisfaction et les motifs d abandon. Population et méthodes : Soixante-quatre patientes, d âge moyen 53 ans [22 82], ayant des SFU, ont été incluses dont 55 incontinentes. Trente-quatre patientes étaient ménopausées, 15 avaient déjà bénéficié de rééducation périnéale. En plus de la rééducation périnéale classique, la prise en charge comportementale associait tâches à domicile et exercices de relaxation. Le nombre de séances prescrites avait une médiane de 10 (une séance hebdomadaire). L évaluation de l amélioration par le kinésithérapeute s effectuait sur les données cliniques avec utilisation de l échelle MHU. La satisfaction des patientes était évaluée par l échelle EVA. Résultats : Pour 35/64 (54 %) des patientes ayant accompli l ensemble des séances prescrites, l EVA et le score MHU étaient significativement améliorés (p = 0,0001). Les 29 patientes ayant abandonné avaient effectué la moitié des séances prescrites. L abandon était plus fréquent chez les patientes sans antécédent de rééducation (50 % vs 33 %). Le motif d abandon était l amélioration (10), une raison extérieure (8) ou inconnue (11). Cinquante patientes étaient considérées comme améliorées par le kinésithérapeute. B.-G. Marti Service de rééducation, hôpital Saint-Antoine, F-75012 Paris, France F.-A. Valentini (*) G. Robain ER6, université Pierre-et-Marie-Curie, F-75006 Paris, France e-mail : francoise.valentini@rth.aphp.fr Service de MPR, hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, F-75012 Paris, France Public/Intérêt : Chercheurs/Faible. Cliniciens/Élevé. Enseignants/Élevé. Étudiants/Élevé. Autres professions de santé/élevé. Cadres santé publique/faible. Parmi celles-ci, seules 44 étaient satisfaites ; les patientes non satisfaites présentaient des troubles comportementaux. Conclusion : La prise en charge globale des SFU est proposée en première intention pour des tableaux cliniques complexes. Malgré le nombre important d abandons qui, cependant, reste comparable aux données de la littérature, abandon n est pas synonyme d échec puisqu un grand nombre d entre eux est le fait de patientes se considérant comme suffisamment améliorées. Pour citer cette revue : Pelvi-Périnéologie (2010). Mots clés Signes fonctionnels urinaires Rééducation Thérapie comportementale et cognitive Abstract Introduction: Comprehensive care of urinary functional symptoms (UFS) combines pelvic floor rehabilitation (PFR) and behavioral and cognitive therapy (BCT). The purpose of our study was to analyze for this approach the patients compliance, the results, the satisfaction, and the reasons for discontinuation. Population and methods: Sixty-four women with UFS, mean age 53 years (22 82), were included; 55 were incontinent. Thirty-four were post-menopausal and 15 had already PFR. In addition to the conventional PFR, the BCT comprised of homework assignments and relaxation exercises. The mean number of sessions prescribed was 10 (one session weekly). The assessment of improvement by the physiotherapist was evaluated on clinical data using the MHU scale. Patient satisfaction was evaluated using the VAS scale. Results: For 35/64 (54%) women who completed all the sessions prescribed, VAS and MHU scores were significantly improved (P = 0.0001). The 29 women who discontinued had done half of the prescribed sessions. Discontinuation was more common among women with no history of PFR (50% vs. 33%). The motive for discontinuation was feeling improved (10), external cause (8), and unknown (11). Fifty patients were considered improved by the physiotherapist. Among these patients, only 44 were satisfied; the other six had behavioral dysfunction.

2 Pelvi-Périnéologie Conclusion: Comprehensive care of UFS is prescribed as a first-line treatment for intricate cases. The number of discontinuations, however, remains similar to the literature data. Discontinuation is not due to failure but because of the fact that women consider themselves sufficiently improved. To cite this journal: Pelvi-Périnéologie (2010). Keywords Functional urinary symptoms Rehabilitation Behavioral and cognitive therapy Introduction et but de l étude La rééducation périnéale ne consiste pas seulement en l utilisation des techniques classiques : travail manuel, électrostimulation, biofeedback. De plus en plus fréquemment est mise en œuvre une prise en charge plus globale incluant les grands principes de thérapie comportementale et cognitive (TCC) [1,2]. Les questions qui se posent sont : quelles patientes sont concernées? adhèrent-elles? sont-elles améliorées? sont-elles satisfaites? et quels sont les motifs d abandon? Dans ce travail, nous étudions les résultats d une prise en charge associant techniques classiques et TCC sur une population de femmes ayant des signes fonctionnels urinaires (SFU) pour lesquels une indication de rééducation avait été posée. Matériel et méthodes Techniques de rééducation Nous ne rappellerons que brièvement l approche classique incluant un temps de travail manuel périnéal permettant à la fois une amélioration de la qualité du travail musculaire (force, résistance, endurance, rapidité, adaptation à l effort) et un apprentissage du relâchement. Les TCC présentent des particularités tant au niveau du bilan que de la mise en place des techniques rééducatives. Le bilan permet de définir avec le patient le SFU dominant qui sera le «problème cible». Celui-ci sera analysé selon les colonnes de Beck [3] (situation, émotion, sensation, comportement et cognition). Pour la situation «clé dans la serrure», on aura émotion «peur des fuites», sensation «besoin urgent», comportement «précipitation aux WC» et cognition «je vais finir incontinente comme ma mère». Les outils d évaluation comportent des échelles : MHU [4], EVA [5], gêne et/ou douleur, et des mesures d autoévaluation : calendrier mictionnel détaillé sur 24 ou 48 heures. La prise en charge en TCC présente habituellement quatre temps [1] : contrat thérapeutique (le patient doit être actif et assidu) ; définir les objectifs (gérer l urgenturie au retour au domicile) ; éducation du patient (questions ouvertes, mise en évidence des cognitions erronées) ; et mise en place des outils. Les différents outils sont : le travail de la respiration étage par étage avec prise de conscience de la mobilité périnéale ; le développement des techniques de relaxation progressivement focalisées sur l abdomen et le plancher périnéal ; trouver des pensées alternatives ; les tâches à domicile qui sont redéfinies à chaque séance (exercices musculaires à quota, tenue de différents calendriers au long cours, mise en application progressive des outils dans le «problème cible»). Le patient doit s auto-observer de façon à savoir quel outil utiliser en fonction du «problème cible». Des conseils hygiénodiététiques doivent être donnés. Une séance type comprend trois temps : reprise des tâches à domicile, objectivation des améliorations et mise en évidence des difficultés ; mise en place de nouveaux outils (travail musculaire, respiration, relaxation, etc.) ; et définition de nouvelles tâches à domicile. Évaluation des résultats L évaluation des résultats est réalisée par le thérapeute et le patient. Le thérapeute recueille des données cliniques qui permettent l utilisation de l échelle MHU [4] : fréquence et importance de l incontinence, fréquence mictionnelle diurne et nocturne, qualité du jet (dysurie, rétention), douleurs et infections urinaires. La satisfaction de la patiente est évaluée par l échelle EVA de gêne globale [5]. Lorsqu une patiente abandonne avant la fin des séances prescrites, la satisfaction est évaluée d après les propos de la patiente lors de la dernière séance. Population La population comprenait 64 patientes ayant des SFU adressées pour rééducation dans un centre où une prise en charge globale était envisageable. Cinquante étaient adressées par

Pelvi-Périnéologie 3 un service hospitalier spécialisé (service d urologie ou d urodynamique) et 14 par un médecin de ville (généraliste, urologue, gynécologue). La moyenne d âge était de 53 ans (22 82) ; 34 patientes étaient ménopausées. Quinze patientes avaient déjà bénéficié de rééducation périnéale. Le motif principal est décrit dans le Tableau 1. Résultats Le nombre de séances prescrites avait une médiane de 10 [5 50] à raison d une séance hebdomadaire. Six patientes ont bénéficié en plus de la prise en charge de relaxation globale, et 12 d électrostimulation. Seules 35/64 (54 %) des patientes ont accompli l ensemble des séances prescrites. Pour celles-ci, l EVA passait de 5,7 ± 2,0 à 3,2 ± 1,8 (p < 0,0001), et le score MHU de 8,6 ± 4,0 à 4,6 ± 3,7 (p = 0,0001). Les 29 patientes ayant abandonné avaient effectué la moitié des séances prescrites. L abandon était plus fréquent chez les patientes sans antécédent de rééducation (50 % vs 33 %). Le motif d abandon était l amélioration (10), une raison extérieure (8) ou inconnu (11). Cinquante patientes étaient considérées comme améliorées par le kinésithérapeute. Parmi celles-ci, seules 44 étaient satisfaites ; cinq des six patientes non satisfaites présentaient des troubles comportementaux et/ou cognitifs. Cinq des 14 patientes considérées comme non améliorées par le kinésithérapeute étaient satisfaites. Quatorze patientes sur 64 (21,8 %) étaient considérées comme non améliorées par le kinésithérapeute, mais seules neuf gardaient la même plainte. Parmi ces patientes, trois ont abandonné en raison d une amélioration. Analyse des abandons : l EVA à J1 ne diffère pas quel que soit le sous-groupe (5,8 ± 2,1 vs 5,5 ± 1,8), alors que le score MHU est plus élevé chez les patientes qui termineront la rééducation (9,5 ± 4,2 vs 7,3 ± 3,8) (Tableau 2). L analyse des raisons d abandon montre que les patientes améliorées ont des scores EVA (5,1 ± 2,5 vs 5,8 ± 1,5) et MHU (6,0 ± 4,0 vs 8,2 ± 3,0) à J1 plus bas que les autres (Tableau 3). Parmi les patientes incontinentes, 23/55 (41,8 %) abandonnent, abandon non corrélé au type d incontinence. Les patientes continentes abandonnent plus Tableau 1 Motifs pour lesquels la rééducation était prescrite Patientes incontinentes n =55 Patientes continentes n =9 Incontinence urinaire d effort : Pollakiurie ou dysurie : 6 15 dont deux post-partum Urgenturie : 16 dont un prolapsus Douleur ou infection : 3 Incontinence urinaire mixte : 24 dont trois post-partum Tableau 2 Analyse des scores EVA et MHU initiaux en fonction de l adhésion des patientes à la totalité des séances prescrites Résultats EVAàJ1 MHUàJ1 Abandon 5,5 ± 1,8 7,3 ± 3,8 Pas d abandon 5,8 ± 2,1 9,5 ± 4,2 Toutes 5,6 ± 2,1 8,3 ± 4,2 Tableau 3 Analyse des raisons d abandon de la rééducation en fonction des scores EVA et MHU initiaux Raisons d abandon EVA à J1 MHU à J1 Dix améliorées 5,1 ± 2,5 6,0 ± 4,0 Huit raisons extérieures 5,8 ± 1,5 8,2 ± 3,0 Onze inconnues 5,8 ± 1,3 8,3 ± 3,7 fréquemment 6/9 (66 %). Les cinq patientes en post-partum abandonnent dont trois pour amélioration. Les 12 patientes suivies en psychiatrie ont, à J1, une EVA (6,5) légèrement supérieure à la moyenne des patientes et un score MHU (8,7) semblable. Discussion Dans la littérature, les thérapies comportementales sont le plus souvent proposées à des patientes présentant une urgenturie avec ou sans pollakiurie. Ces prises en charge sont généralement réduites à la tenue d un calendrier mictionnel (maîtrise progressive de l intervalle mictionnel) en association avec des conseils hygiénodiététiques et un travail musculaire [6 9]. Les résultats montrent une amélioration modérée des SFU, mais une meilleure qualité de vie. Il faut signaler l étude de Garley et Unwin [10] utilisant uniquement une TCC (par conséquent aucun travail musculaire) dont les résultats sont comparables aux autres études de la littérature. Notre étude présente un biais de recrutement puisque les patientes sont supposées pouvoir adhérer à un mode d approche global, qu elles sont dans leur grande majorité (78 %) adressées par un service spécialisé et présentent souvent des pathologies complexes associant plusieurs SFU. Notons que 23 % des patientes avaient déjà bénéficié d une prise en charge rééducative selon les techniques classiques. Dans cette étude, les techniques de biofeedback n ont pas été utilisées. L électrostimulation était réservée aux patientes dont la force musculaire des releveurs n excédait pas la cotation de 2/5, avec une mauvaise perception du travail périnéal.

4 Pelvi-Périnéologie Le nombre d abandons reste comparable aux données de la littérature, mais un grand nombre de patientes qui abandonnent se considèrent suffisamment améliorées. L originalité de la prise en charge globale repose sur l utilisation des techniques classiques [11] en association avec les principes de base des TCC [1,2]. La partie la plus importante repose sur la réalisation d exercices à domicile ; cette prise en charge suppose la capacité de la patiente à s auto-observer et à évaluer le moment opportun pour mettre en place les techniques apprises. Les principes comportementaux associent : un apprentissage de techniques de relaxation générale [12,13] qui vont permettre à la patiente un meilleur contrôle de la «situation problème» ; une graduation dans la difficulté des exercices proposés de façon à mettre la patiente en situation de succès ; une utilisation de «renforcements» sociaux (attention, approbation de l entourage, encouragements du thérapeute) et personnels (tenue de différents calendriers permettant d objectiver les améliorations). À cette thérapie comportementale s associe une approche cognitive [13] qui : met en évidence les distorsions cognitives («je vais devenir incontinente comme ma mère», «c est normal je vieillis») ; propose des pensées alternatives pour modifier les schémas («ma vessie n est pas pleine, c est un faux besoin», «je suis capable d utiliser mon périnée»). Conclusion La prise en charge globale en rééducation périnéale est souvent proposée en première intention avant une prise en charge invasive. Le caractère individuel de cette prise en charge est bien accueilli par les patientes qui s investissent davantage et est la raison principale de l amélioration de la qualité de vie. Malgré le nombre important d abandons qui cependant reste comparable aux données de la littérature, abandon n est pas synonyme d échec puisqu un grand nombre d entre eux est le fait de patientes se considérant comme suffisamment améliorées. Conflit d intérêt : aucun. Références 1. Cottraux J (2001) Les thérapies comportementales et cognitives. 3 e édition. Édition Masson, Paris 2. Samuel-Lajeunesse B, Mirabel-Sarron C, Vera L, et al (2004) Manuel de thérapie comportementale et cognitive. 2 e édition. Édition Dunod, Paris 3. Mirabel-Sarron, Dardennes R (2004) L évaluation en thérapie comportementale et cognitive. In : Samuel-Lajeunesse B, Mirabel- Sarron C, Vera L, et al (eds) Manuel de thérapie comportementale et cognitive. 2 e édition. Édition Dunod, Paris, pp 71 81 4. Amarenco G, Kerdraon J, Perrigot M (1992) Échelle d évaluation du handicap pelvien : mesure du handicap urinaire (MHU). In : Pelissier J, Costa P, Lopez S, Mares P (eds) Rééducation vésicosphinctérienne et anorectale. Édition Masson, pp 498 504 5. Chamoux A, Paris C, Simon-Rigaud M-L, et al (1996) Enquête nationale multicentrique ASMT. Stress, pratique sportive et monde du travail, 20 novembre 1997. Édition ASMT 6. Goode PS, Burgio KL, Locher JL, et al (2002) Urodynamic changes associated with behavioral and drug treatment of urge incontinence in older women. J Am Geriatr Soc 50(5):808 16 7. Burgio KL, Goode PS, Locher JL, et al (2002) Behavioral training with and without biofeedback in the treatment of urge incontinence in older women: a randomized controlled trial. JAMA 288(18):2293 9 8. Burgio KL (2009) Behavioral treatment of urinary incontinence, voiding dysfunction, and overactive bladder. Obstet Gynecol Clin North Am 36(3):475 91 9. Burgio KL, Kraus SR, Borello-France D, et al (2010) The effects of drug and behavior therapy on urgency and voiding frequency. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 21(6):711 9 10. Garley A, Unwin J (2006) A case series pilot cognitive behaviour therapy for women with urinary incontinence. Br J Health Psychol 11:373 86 11. Leriche B, Conquy S (2010) Recommandations pour la prise en charge rééducative de l incontinence urinaire non neurologique de la femme. Prog Urol 20(Suppl 2):S104 S8 12. Schultz JH (2008) Le training autogène. Méthode de relaxation par autodécontraction concentrative, essai pratique et clinique. 20 e édition. Éditions Quadrige/PUF, Paris 13. Mirabel-Sarron C, Vera L (2004) L entretien technique. In : L entretien en thérapie comportementale et cognitive. 2 e édition. Édition Dunod, Paris, pp 71 92

Pelvi-Périnéologie 5 G. Valancogne * Parmi les conclusions du travail sur les EBM, au sujet de l efficacité de la rééducation sur les incontinences urinaires de la femme, présentées au congrès de la SIFUD-PP en 2010, ressortaient l importance de l implication et de la participation du patient, et l intérêt du suivi et de l entretien des exercices et des réflexes acquis. Ces paramètres dépendent pour une part du patient, mais également du thérapeute qui doit s adapter au profil de celui-ci et à son mode de vie, mais aussi aux données anatomophysiologiques indiquées par les bilans. La prise en charge rééducative a largement dépassé le cadre du seul «périnée» pour s intéresser avec le même intérêt aux efforts, à la statique lombo-pelvienne, à la compétence abdominale ou à l aspect comportemental. Il faut donc savoir largement adapter et personnaliser la rééducation. Ainsi, pour les patients présentant des «tableaux cliniques complexes», les techniques comportementales et cognitives (TCC) apparaissent comme un apport intéressant et efficace. Pour ce type de prise en charge, la phase de l éducation du patient et l apprentissage du mouvement sont particulièrement importants. Il s agit également d établir un véritable contrat thérapeutique permettant de s assurer de l adhésion et de la participation du patient, et de définir très clairement les objectifs de cette prise en charge. Les techniques reposent sur le travail de la respiration, sur la relaxation et sur le travail autour des «tâches à domicile» qui sont étudiées et redéfinies à chaque séance. Dans ce travail sur 64 patientes (âge moyen : 53 ans), la prise en charge globale a permis d assurer une bonne implication du patient et d obtenir une amélioration significative de la qualité de vie évaluée par l EVA et le score MHU (p = 0,0001). * 85 boulevard des Belges, 69006 Lyon e-mail : gvalancogne@wanadoo.fr