QUESTION N 1 Le diagnostic proposé est celui d'infection urinaire. Quels arguments tirés de l'énoncé permettent de l'affirmer?

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Transcription:

Dossier N 1 Questions Dossier 1 ENONCE Une femme de 68 ans, tabagique non sevrée, est hospitalisée pour altération de l état général. A l'arrivée, la tension artérielle est à 140/80 mm Hg, le pouls à 110/min, elle a une polypnée superficielle. Sa température est de 38,5 C. On trouve une douleur provoquée lombaire droite modérée et un pli cutané. Le traitement en cours est le suivant : metformine (Glucophage ), simvastatine (Zocor ), hydrochlorothiazide (Esidrex ). L ionogramme sanguin est : Na 137 mmol/l, K 4 mmol/l, CI 108 mmol/l, bicarbonates 22 mmol/l, urée 16 mmol/l, créatinine 150 µmol/l. La glycémie est à 12 mmol/l et la protidémie à 82 g/l. Les transaminases (SGOT, SGPT) et la bilirubine sont normales. La NFS montre 15 000 leucocytes/mm 3, 500000 plaquettes/mm 3 et l'hémoglobine est 14 g/dl. A la bandelette urinaire on note : une leucocyturie, la présence de nitrites et une glycosurie +, une protéinurie + et l'absence de cétonurie. L ECBU effectué en ville trouve : 50 000 leucocytes/ml, 75 000 globules rouges/ml, 100 000 bacilles gram négatif /ml. QUESTION N 1 Le diagnostic proposé est celui d'infection urinaire. Quels arguments tirés de l'énoncé permettent de l'affirmer? QUESTION N 2 Quels examens complémentaires demandez-vous et qu'en attendez-vous? QUESTION N 3 Vous retenez finalement le diagnostic de pyélonéphrite. Argumentez l'attitude thérapeutique pour cette malade, en précisant les classes thérapeutiques et les modes d'administration. QUESTION N 4 Quels sont les éléments de surveillance pour les 48 prochaines heures? QUESTION N 5 Quarante huit heures plus tard, I'ECBU revient positif à Escherichia coli, l état clinique de la patiente ne s'améliore pas. Vous demandez un scanner abdominal. (voir iconographie page suivante). Quel est votre diagnostic? Quel traitement proposez-vous? 3

Annales ECN 2007 QUESTION N 6 Trois mois plus tard, alors qu'elle continue à recevoir metformine (Glucophage ) et simvastatine (Zocor ), la fonction rénale s'aggrave et la créatininémie est à 280 µmol/l. Quelles modifications du traitement proposez-vous? QUESTION N 7 Quelles complications métaboliques de l insuffisance rénale chronique faut-il rechercher? QUESTION N 8 Quelles mesures faut-il mettre en place pour ralentir la progression de l'insuffisance rénale? Scanner abdominal 4

Dossier N 1 Réponses Dossier 1 : Réponses QUESTION N 1 Le diagnostic proposé est celui d'infection urinaire. Quels arguments tirés de l'énoncé permettent de l'affirmer? On retient en faveur de ce diagnostic : - Le terrain : femme d âge post-ménopausique, diabétique. - Le syndrome infectieux : Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique (SIRS) avec FC >90 bpm, leucocytes >12000/mm 3, température > 38 C ainsi que le déséquilibre du diabète et la thrombocytose. - Les arguments pour une origine urinaire du sepsis : leucocytes et nitrites sur la bandelette urinaire, leucocyturie >10 4 /ml et bactériurie >10 4 /ml. - Les signes d atteinte parenchymateuse rénale : la douleur lombaire droite. La gravité étant ici principalement liée au terrain. QUESTION N 2 Quels examens complémentaires demandez-vous et qu'en attendez-vous? Il s agit d une infection urinaire, avec insuffisance rénale, sur terrain débilité, on réalise donc EN URGENCE les examens complémentaires supplémentaires suivants : - une échographie abdominale, rénale et des voies excrétrices urinaires à la recherche d une dilatation des cavités pyélocalicielles, d une lithiase et afin de trouver d éventuels diagnostics différentiels de la douleur de la fosse lombaire droite et une radiographie de l abdomen sans préparation (lithiase?) de face ; - un bilan infectieux : hémocultures aéro et anaérobies (au moins une paire même si le germe est vraisemblablement identifié) ; - un bilan évaluant les complications/la gravité du sepsis : électrocardiogramme, gaz du sang avec lactates artériels, mesure de la C-réactive protéine ; - on s assurera qu un antibiogramme est réalisé sur l ECBU diagnostique. Au décours de l infection on réalisera un bilan d insuffisance rénale : électrophorèse des protides plasmatiques, protéinurie des 24h, ionogramme urinaire, sédiment urinaire, fond d œil (rétinopathie diabétique?). NB : Le «couple» ASP + échographie est à préférer à l uroscanner chez cette patiente diabétique sous metformine et insuffisante rénale, du fait du rapport bénéfice/risque défavorable de l injection de produit de contraste iodé et devant l existence d une alternative diagnostique. 5

Annales ECN 2007 QUESTION N 3 Vous retenez finalement le diagnostic de pyélonéphrite. Argumentez l'attitude thérapeutique pour cette malade, en précisant les classes thérapeutiques et les modes d'administration. Il s agit donc d une pyélonéphrite aiguë droite communautaire vraisemblablement, sans signe de gravité clinico-biologique mais survenant sur terrain débilité (âge, diabète, insuffisance rénale), et la patiente sera hospitalisée en service de médecine. On débutera une antibiothérapie probabiliste active sur les BGN communautaires à bonne pénétration rénale, à dose adaptée à la fonction rénale, initialement parentérale de type céphalosporine de troisième génération, ceftriaxone (Rocéphine ) 1 à 2 g/24h ou cefotaxime (Claforan ) 1 g/8h, un relais per-os étant pris dès que possible selon la sensibilité du germe (fluoroquinolone ou aminopénicilline + acide clavulanique par exemple). Les traitements habituels seront arrêtés, en particulier la metformine et le diurétique. Une insulinothérapie sera débutée : insuline rapide à adapter aux glycémies de la patiente, par voie sous-cutanée. On s attachera à corriger les troubles hydro-électrolytiques (déshydratation extracellulaire et possible part fonctionnelle de l insuffisance rénale : sérum salé isotonique 2000mL/24h, à adapter à la diurèse, au poids, à la tolérance cardiaque et aux ionogrammes de contrôle). On débutera en outre un traitement antalgique, de préférence non antipyrétique, type néfopam ou tramadol par voie parentérale puis orale dès l amélioration clinique. Une prophylaxie des accidents thromboemboliques est nécessaire (épisode infectieux aigu, âge > 60 ans) par enoxaparine à dose isocoagulante soit 40 mg/j par voie sous-cutanée. Un régime type «diabétique» sera mis en place, de même qu un sevrage tabagique avec substitution si nécessaire. 6

Dossier N 1 Réponses QUESTION N 4 Quels sont les éléments de surveillance pour les 48 prochaines heures? La surveillance portera sur : - Contrôle du sepsis : température, fréquence cardiaque, pression artérielle, diminution des besoins en insuline, ECBU de contrôle à H48, amélioration des paramètres inflammatoires biologiques (C-réactive protéine, hyperleucocytose, thrombocytose). - Correction des troubles hydro-électrolytiques : disparition des signes cliniques de déshydratation (pli cutané, retour au poids habituel, sensation de soif), normalisation de la créatininémie, du ionogramme sanguin et de l hyperprotidémie. - Recherche de complication : électrocardiogramme, absence de signe de thrombose veineuse profonde (tachycardie, douleur de mollet, douleur thoracique, dyspnée). - Antalgie : auto ou hétéro-évaluation (EVA, consommation d antalgiques). QUESTION N 5 Quarante huit heures plus tard, I'ECBU revient positif à Escherichia coli, l état clinique de la patiente ne s'améliore pas. Vous demandez un scanner abdominal. (voir iconographie page suivante). Quel est votre diagnostic? Quel traitement proposez-vous? Scanner abdominal injecté avec opacification du parenchyme rénal. Coupe passant par la partie médiane des deux reins et le départ de l artère mésentérique supérieure. - Asymétrie de taille des reins marquée avec atrophie rénale droite dont l'aspect évoque des séquelles de pyélonéphrite majeure peut être sur un obstacle ancien. - Pas de dilatation des cavités pyélocalicielles apparente. - Hypodensité centrale : infiltration graisseuse? Tige pyélo-calicielle dilatée post atrophie? - Néphrite focale (plus qu'un abcès car pas de prise de contraste périphérique et pas de prise de contraste adjacente dans la graisse péri-rénale). - Rein droit peu fonctionnel avec retard de sécrétion marqué par rapport au rein controlatéral. - Vésicule scléro-atrophique. 7

Annales ECN 2007 Devant ce sepsis à point de départ urinaire, sur un rein atrophique probablement non fonctionnel, ne s améliorant pas sous antibiothérapie, on vérifie tout d abord que le germe identifié est sensible, si cela n est pas le cas, on pourra proposer une néphrectomie droite «de propreté». NB : Ne pas oublier d arrêter le Glucophage et d équilibrer le diabète avant la réalisation du scanner injecté puis pendant au moins 48 h après l'injection avec vérification de la fonction rénale. NB2 : Proposer une néphrectomie de propreté pour éradiquer un foyer infectieux rénal est une attitude peu fréquente mais peut se justifier ici devant un rein très atrophique, peu fonctionnel, avec des séquelles d infections antérieures manifestement non stérilisées. Elle sera préférentiellement réalisée un peu plus à distance une fois le foyer infectieux refroidi au maximum par une antibiothérapie adaptée au germe, à forte dose, éventuellement en bithérapie en attendant la chirurgie. NB3 : Il n y a pas ici d argument pour un drainage des urines (cavités non dilatées) ou un drainage d une collection en l absence d abcès rénal clairement individualisé. 8