Journal istes et documental istes de pressê, pris dans la même toile



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Lrs Cautn?s DLt JoLtt?t\ALtstv,tr xo 5 - Drc.rtttsnr I 9I B Journal istes et documental istes de pressê, pris dans la même toile Véronique Duvergé Etucliunte en ntuîtrise tle scienc'es cle I'inf'rtnttuîiort et cle lu doc:untentutiort èt l'université de Lille III Avec Internet resurgit le vieux débat entre journalistes et documentalistes de presse : où se trouve la frontière entre les deux professions en matière de recherche documentaire? En fait, journalistes et documentalistes de presse travaillent les uns et les autre sur le même objet : l'information. Christine Leteinturier 1 s'attache à cette "zone d'incertitude" 2 entre les deux professions et analyse la signification du mot "information": < La notion d'int'ornmtiott est wte notion très.fluide. Pour les journnlistes, elle signit'ie d'abord nctuslité, mention d'un éuénemcnt, mnis qunnd ils pnrlentle rcclrcrche d'int'ormntiort, il 1tetft s'ngir nussi de recherches de renseignentcnts snns lien drrcct nrtec l'ttcttnlité : un nrrière-t'ond historiqtrc ou des données clùt't'rées. On entre nlors tlnns Ie domoine du document, de ln dounnentation., La frontière entre les deux professions est donc très ténue car journalistes et documentalistes utilisent un même terme pour désigner deux concepts différents. Intemet sor,rlève de nouveau la question de cette frontière. Seion ce qu'on entend par "infonnation", qui doit valider l'information trouvée sur le Web? Christine Leteinturier explique la peur des documentalistes : n L'énrcrgence d'internet et l'engouement dont il est l'objet ntrttrès de tlit,crs rûilisntutrs, y conryris les journnlistes, yteuuent créer un t'nctutr de t'rngilisntion des docrrmanttrlistes. Sn t'ncilité tl'usngc hccès e t nnpigntiott), ln dir,ersité tlas fornrcs d'irtj'onnntion qu'il recèlat le pouooir d'nttrttctittrt tlu multinrédin t'nit d'intertrct tm réseau trés nttirnrft ptour les journalistes, entretentutt l'illusiott tj'une nppropriation t'ncile et donc d'une tûilisntiorr sirnple, nûnrc pou' des non-initiés., Mais Leteinturier voit aussi dans la maîtrise d'lnternet une chance pour les documentalistes d'affirmer leur identité professionnellet leur 116

Jot,rpx.qusrEs Er DOCII\4Et\rAusrEs DE presse. prts DANI u uêtvtrotle spécificité par rapport aux journalistes : ( Cette mnîtrise des technologies notrcelles ptnr des douunentnlistes augmente leur zone de pouuoir mais simultanénrcnt dinùrurc cellc des journnlistes., Les problèmesoulevés par Christine Leteinturier sont, de notre point de vue, au cæur des enjeux liés à Internet dans la documentation de presse. Ce nouvel outil va-t-il rapprocher les deux professions au point de confondrenquête journalistiquet recherche documentaire - donnant ainsi plus d'importance aux documentalistes - ou, au contraire, affranchir totalement les rédactions des services de documentation? Qu'en est-il aujourd'hui? La rencontre de quelques professionnels de la documentation et une enquête menée auprès des étudiants de première année de l'ecole supérieure de journalisme de Lille (ESf permettent d'apporter quelques éléments de réponse. Du côté des professionnels de la documentation de presse Depuis l'arrivée d'lnternet dans la presse, les centres de documentation tentent de s'approprier ce nouvel outil. Quels changements ce réseau tant décrié ou idolâtré apporte-t-il? En quoi bouscule-t-il les rôles des documentalistes et des journalistes? Voyons ce qu'en pensent quelques documentalistes de presse. A Bayard-Presse 3, le premier poste connecté à Internet a été installé à la documentation durant I'été 1995. Ce sont les documentalistes qui, les premiers, ont été formés à la recherche d'informations sur Internet. Puis les documentalistes ont organisé des journées de formation à Internet, ouvertes aux journalistes. Des postes étaient mis à leur disposition au centre de documentation et chacun pouvait y passer librement. Pour les documentalistes, Internet n'a pas été l'occasion d'affirmer leur savoir - et doâc leur (< pour les documentalistes, Internet pouvoir - sur les journalistes. Il ne fallait surtout n'a pas été l'occasion d'affirmer pa9 cufpabiliser les nouvelles recrues. Annie bur saaoir - et donc leur pouaoir - Milhaud, documentaliste du groupe"u"::19:l:::r^? sur les journalistes >> précise qu'il n'est pas facile d'avouer son ignorance dans le domaine et qu'il est important d'en tenir compte. D'ailleurs les documentalistes avaient choisi de n'aborder que les questions d'ordre matériel. Ils ont aidé les journalistes à adopter l'outil... tout en prenant soin de préserver leur indépendance. Actuellement, des brochures expliquant le b.a.-ba des moteurs de recherche sont à la disposition des journalistes près du poste qui leur est réservé. Le documentaliste n'intervient qu'en cas de problème ou pour des recherches plus "pointues" nécessitant une bonne connaissance des outils documentaires.un autre poste connecté se trouve à l'accueil. Il est réservé aux documentalistes qui s'en servent essentiellement pour consulter des bases de données. L'arrivée d'lnternet n'a Das bouleversé fonctionnement du service de documentation. Au Monde 1, les documentalistes ont reçu une première formation à Internet il v a environ deux ans, mais ils ne s'en servent vraiment que depuis peu. Un poste est en accès libre à la documentation. Même si son utilisation n'est pas 117

Lrs CnutrRS DLt torjrnaltsntr N" 5 - DrcruaBr I I I B encore très répandue dans les rédactions, certains journalistes viennent y faire des recherches personnelles. Marie-Hélène Dupasquier, documentaliste au quotidien du soir, estime que cela relève alors plus du journalisme d'investigation. Pour des recherches plus spécifiques, d'autres journalistes préfèrent consulter directement les documentalistes. Un dessinateur vient parfois pour trouver des photos de personnalités avant de commencer une bobine. Qui décide de la "fiabilité" des sites? Ce sont toujours les journalistes qui valident les sources, sauf si la rechercheffectuée qui décide de la "fiabilité" par un documentaliste a été suffisamment spécifiée des sites? >> par le journaliste (avec des noms de référence par exemple). Les documentalistes les hiérarchisent et vérifient leur pertinence. Ensuite, ils effectuent un travail de classement des sites retenus par les journalistes ou de sites officiels intéressants. Et ils se chargent d'organiser des signets sur le poste de la documentation : administration et gouvernement, arts et culture, bibliothèques, cartes, international, etc. Si Internet n'est pas encore très utilisé par les documentalistes, il sert surtout à la consultation de banques de données professionnelles comme, par exemple, L'Européenne de données. A L'Express en revanche 5, la façon dont les documentalistes utilisent Internet est très particulière. A première vue, il y a vraiment une prise de pouvoir et une transformation du métier de documentaliste de presse. La documentation utilise l'outil pour faire un travail rédactionnel. Corinne Denis, documentalistet rédacteur en chef multimédia de l'hebdomadaire en question, déclare que le site en ligne est < un prolongement naturel du sertice de la documentation,. Ici, la frontière entre les deux professions disparaît. Les documentalistes, plus de leurs tâches traditionnelles, participent à la mise en ligne du site et sont parfois amenés à écrire ou à mettre en forme des informations. Certes, la plupart des documentalistes de L'Express avaient la carte de presse avant l'apparition d'lnternet. Cette particularité relève de la tradition du magazine selon laquelle toute personne participant à l'élaboration d'un article doit être titulaire de la carte de presse. Cependant, le statut rédactionnel est uniquement dû au Web, car auparavant les documentalistes ne retouchaient jamais f information. Mais en ce qui concerne la recherche documentaire, rien n'est encore fait. Corinne Denis le reconnaît : n Intcnrct pour le nnment est loin d'être une slurce docunrcntaire. Certains iournnlistes s'en scrttent pour prendre dcs contncts (comme naec Ie téléphone), Les doumrcntnlistes s' en seraent très peu, Internet n'ot'fre pratiquement rien par rapport aux bnses de données prot'essionnelles. Pnr contre, si un journaliste pnrt à lérusnlem, pnr exemplet qu'il ueut se doumenter, il pourra auoir /e Jérusalem Post. Tous les documentnlistes sont t'ormés ù ln recherche. Mnis, en Frnnce,la recherche documentnire sur Internet n'en est encore qu'à ses premiers bnlbutiements par rapport nux f tnts-unis où l'on trouue benucoup plus de slurces ot't'icielles., Pour les documentalistes, la recherche documentaire sur Internet se résume en fait à la consultation des bases de données qui existaient déjà sur Minitel. tlb

JouprutsrEs Er DocuMENtAusrES DE zresse. prts DANs ta uêur TotLE Internet n'a pas entraîné de changements profonds. Annie Milhaud (Bayard- Presse) déclare d'ailleurs qu' n Internet ne modit'ien rien la mnsse de trnanil des documentnlistes., Les journalistes, quant à eux, savent qu'ils peuvent faire appel aux documentalistes cas de problème ou pour un conseil lors d'une recherche. Si Internet a entraîné des changements dans les centres de documentation, ce sont des changements d'ordre pratique et techniqu et non pas d'ordre relationnel. Les élèves iournalistes Internet, nous l'avons vu, ne semble pas fragiliser le fonctionnement des centres de documentation de presse. Il ne transforme pas les pratiques professionnelles. Mais comment les élèves des centres de formation accueillentils ce nouvel outil? Pour les étudiants de première année de l'école supérieure de journalisme de Lille, l'apprentissage du métier coihcide avec l'introduction d'lnternet dans les programmes de l'établissement. Comment envisagent-ils les recherches documentairesur Internet? Laissent-ils une place aux documentalistes ou se préparent-ils à un travail de journaliste affranchi des contraintes des services de documentation? Même si une grande partie des étudiants de première année de I'ESJ n'avaient pas eu accès à Internet avant d'entrer à l'écolè, la culture informatique était relativement bien intégrée chez eux puisque 54 étudiantsurt possèdaient déjà un ordinateur personnel. A I'ESJ, depuis octobre 1997, quatre postes connectés à Internet sont en accès libre au centre de documentation et six autres le sont dans une salle multimédia aménagée à cet effet. À la rentrée d'octobre, un questionnaire écrit a a éft soumis aux étudiants de première année pour connaître leur pratique d'internet. En octobre, la majorité des étudiants (84"/") attendaient du Web de pouvoir collecter de l'information plus facilement. Un étudiant explique : < l'nttends principalement que ce soit une slurce d'int'ormation inépuisnble et consultnble à n'importe quel moment, c'est-ù-dire qu'internet doit ttouuoir nous libérer des contraintes que sont leslnraires d'otn,erture ct'ln conrplexité d'accès aux documents des bibliothèques 0u enclre de t'açon très prntique, le poids et le uolume des liures et nutres supports papier. Internet doit réduire ln distance entre nous et la connaissnnce.,. De plus, le gain de temps et l'élargissement des sources apparaissent, pour 72o/o des étudiants consultés, comme les principales incidences d'lnternet sur les pratiques du journalisme au cours des prochaines années. Certains étudiants y voient un outil supplémentaire pour mieux exercer leur métier. Il o pourrnit permettre un plus grnnd cont'ort dnns la pratique du journnlisme : raccourcissement des délnis de recherche, t'acilité de communicntion (même lointnine). Ce qui permettrnit dnns Ie mênrc temps de se consnuer à d'nutres t'ncettes du métier, Internet en simplit'isnt le métier pourrait l'enrichir car il met à disposition du temps pour nutre chos et pnrnllèlement il permet un élnrgissenrcnt considérnble de l'int'ormation accessible,. Mais Internet suscite également des craintes au sujet de l'évolution de la profession, essentiellement en matière de vérification des sources. 41 % des 119

Lrs CautrRs DU toljrnaltswr rrto 5 - DrcrusBr I I I B étudiant sondé se déclarent en effet inquiets à cause du contenu qu'on peut trouver sur le Web et qui n'est pas toujours facile à vérifier : n Celn risque de poser problème en tarme de sources cnr le réseau comporte Ie nrcilleur et le pire, ca dont il t'audra bien gnrder conscience. Les risques de nmnittulntion seront grnnds,, Les étudiant se montrent aussi préoccupés par les recherches proprement dites. Ainsi un étudiant a peur de u se laisser débortler par ln masse documentaire proposée pnr Internet ef ce stidétrirnent des nutres types de sltffce >>. Paradoxalement, la facilité et la vitesse de l'accès à,. t.. - l'information génèrent aussi des inquiétudes. En les rrsclues ae mant0ulatron f.. '. ' '. f.,, eïiet, ce qul est cense ralre gagner ou temps peut 'une seront grands >> aussi.n fuir. perdre bjurîcoup. Ainôi, étudiante se montre critique par rapport à ses recherches: n Le premier nrtnntage que je uois dnns I'utilisntion d'internet est ltt possibilité tl'rtccéder à des int'orntntiorts et à de ln douunentation rnpitlenrcrft, sans nz,oir à passer des heures, rroire des journées, dnns les rayonnnges des bibliothèques ou à tlépouiller des paperasses. Toutet'ois, je me suis rendu cornpte qtiott pouunit oussi perdre beaucoup de tenrysur Intemet, et j'ai part'ois été déçue par le résultst de mes recherches, rtotnntnrcnt quturt n In dnte de-ç doctunents. > En début d'année, les étudiantsont encore fascinés par Internet, en partie parce que beaucoup ne savent pas très bien de quoi il s'agit ou manquent de pratique. Ainsi, un étudiant avoue :,, On m's benucotry dit qu'ln pouaoit TOUT en nttendre,. Un autre, fasciné par les possibilités technologiques du nouvel outil, déclare : o Il deoiendrn uossible noec un aortsblet ut l,letbook d'enriclùr son trntnil d'int'ormntittts cltnplcmarftnires quel qut soit Ie lieu où I'on se trotrcers. L'int'ormntiott sern tout de suite accessible, plus besoin de s'ent'ermer bibliothèque. De plus, une t'ois le numériqlte en place, le trnuail prendrn tme nutre dhnension. Il sern plus t'acile de dift'user nnis nussi de receooir. L'nutortonrie, i'espère, s-rl slns doute plus grnnde., Or, les perspectives d'avenir ne sont peut être pas aussi "roses" à l'heure orh les connexions dans les rédactions françaises restent encore rares. Au moment du sondage, la première attente des étudiants était, en fait, de gagner en autonomie pour les recherches documentaires. D'ailleurs59'/o d'entre eux expriment le désir de voir intégrer à la formation à Internet des cours de méthodologie pour trouver et trier l'information. Plus concrètement, des entretiens avec les étudiants de première année de I'ESJ permettent de mieux comprendre la façon dont ils se servent d'lnternet pour leurs recherches documentaires 7. Ils considèrent ainsi Internet comme un simple "outil"- parmi d'autres - désormais à leur disposition et sont beaucoup moins fascinés par les aspects techniques du réseau. < Aannt, j'étais très impressionné ptnr la technique qui captait 80 % de mon nttention. Mnintennnt In tendnnce s'inuerse, je suis moins dépendnnt de ls technique et ma clncetltrntiorr sur Ie sujet est phs importnnte >, a\roue un étudiant. Ceci est dû essentiellement au manque de pratique :,, Aonnt, je n'imngiltttis même pas trnuniller nuec Internet. Mnintennnt, c'est rnre qu'il n'y nit pns de iour snns 140

JourtrrtnsTEs Et DOc'uMENTAusrEs DE pressf, prts DANI u uêur TULE que je ne me connecte. Celn n changé nuec l'nccès à plus de machines. " Le Web a d'ailleurs entraîné de nouveaux réflexes chez les étudiants comme celui d'aller se connecter dès le début de leurs recherches documentaires ou encore d'y chercher des illustrations pour la PAO. o Mais comnrcnt t'nisnit-ort nunnt Internet?,, s'est exclamé un étudiant. Si l'on observe plus spécifiquement les sources qu'ils consultent, les sites de presse arrivent en tête (cités par 70"1, des étudiants) devant les sites institutionnels (50"/n). n C'est nussi à cause de ln uérit'icntion de I'int'orntation que je unis uers les sites des médins, car 0n n Ia cnution du journctl du site., Ce sont des sources auxquelles ils avaient accès avant, mais Internet leur permet de gagner du temps et de consulter les documents plus facilement. o Ie unis rynsinwû systénntiqtrcnrcnf strr Internet pour trouaer de l'informntion, Pnr exenryle, ptour l'accidertt d'naion en Angoln, je stis nllé sur le site de l'afp. le uais sur Internet pour constilter des sources traditionnelles. C'est plus rnpide, plus prntiquc, plus et'ficnce, r ll leur permet également de contourner le fax et le téléphone pour obtenir des informations officielles avant de prendre contact avec un interlocuteur. Finalement, les étudiants semblent avoir très bien adopté l'outil. La vérification des sources n'apparaît plus comme un problème majeur puisque les techniques de vérification apprises avec les autres médiasont réinvesties dans le Web. n le n'ni pas cnclre rtrninrcnt été confronté nu problènte de ln oérification des slurces. Déjà, je consulte plusieurs pages, plus des slurces écrites. En générnl, je ne nre base pas Erc sur Internet, l'utilise de sources écrites à côté plur recluper l'int'ormstion. > Les étudiants n'ont plus le sentiment d'avoir besoin d'une aide pour leurs recherches documentaires. Une formation à cette recherche dans le cadre de la profession de journaliste ne leur paraît pas nécessaire. Ils pensent à 70 % qu'on peut s'y former seul. Pourtant, 52 y, estiment qu'une formation de base leur permettrait de gagner du temps et d'être plus efficaces. Se former seul? o C'est dur, c'cst long,, répond un étudiant. Un autre souligne : n Si on se t'onne setù, c'est un peu rudinrcntaire,, Dans les faits, seuls 207o desétudiants choisissent vraiment un moteur précis en fonction de la recherche à effectuer et exploitent les spécificités propres aux moteurs. Et 80 ')'o des étudiants passent indifféremment de Yahoo! à Alta Vista. o le choisis au hnssrd. Si çn nc ninrche pas slu' l'un, je unis xt I'ntûre. Je n'ai pas benucoup de prntique., Les recherches s/apparentent à du tâtonnement. Mais, force est de constater que, même sans connaissance documentaire pointue, les étudiantse débrouillent sans documentaliste. Un nouvel outil mais rien de nouveau Internet apparaît comme un nouvel outil qui n'apporte rien de vraiment nouveau en matière de recherche d'information. Du côté des documentalistes, ce sont les bases de données professionnelles qui sont surtout consultées ou encore les sites officiels et institutionnels. Les journalistes, quant à eux, investissent 141

Lrs CautrRS DLt JouRNAugvr r,to5 - DÉcruaBr l99b plutôt ies sources traditionnelles :journaux, fil AFP, sites officiels. Si d'autresites sont consultés pour élargir les sources,le recoupement s'apparente à la démarche adoptée dans une enquête. En fait, journalistes et documentalistes ne font que reproduire des modèles déjà existants. Internet n'est pas une rér,olution mais un révélateur. Un étudiant déclare d'ailleurs que maintenant, dans la formation à Internet, o il faudrnit peutêtre pousser à utiliser tous les atouts daaantnge de t'açon journalistique. C'est en train de même si Ie réseau semble 'ôïrii:::i:lïi.,ut. du documentaliste de presse f acile d'accès, il demeure si le journaliste peut se débrouiller sans lui? Une un outil complexe >> formation à la recherche documentaire sur Internet lâtil i;ff i :' i: I'H,T:.,,ï î i:'ff: " x'il' fi.'; complexet son utilisation est loin d'être toujours intuitive comme on seraitenté de le croire. Pour les documentalistes, le premier atout reste la consultation des bases de données professionnelles. Mais d'autres initiative sont intéressantes. Ainsi, au Monde, le système de signets, nourris par les journalistes et organisés par les documentalistes, semble bien adapté pour la recherche d'informations générales. Marie-Hélène Dupasquier compare ces signets à o une petite bibliothèque ". Par ailleurs, des signets actualisés régulièrement par les documentalistes fonction de l'actualité pourraient constituer des pistes utiles pour les journalistes. Ils seraient en fait des stimuli pour d'autres recherches. Ce mode de fonctionnement s/apparenterait à de la veille documentaire. Les documentalistes pourraient ainsi mettre en signet des sites intéressants liés à des événements prévisibles comme la Coupe du monde de football ou encore les élections. Ceci permettrait d'utiliser vraiment Internet de façon documentairet ouverte au public des journalistes. Finalement, loin de gommer la frontière entre journalistes et documentalistes de presse, Internet réaffirme au contraire deux identités différentes. Tout comme les sources classiques, Internet est utilisé de façon particulière par chacune des deux professions. Avec ce nouveau média, le rôle du documentaliste n'est pas de prendre le pouvoir ou au contraire de s'effacer, mais de faire gagner l'utilisateur en autonomie tout en lui apportant ses compétences spécifiques I 142

JottBN,llsTFS ET DocLtN,rENrAL6TES DE zresse. prts DANi tn uêur rotle Notes 1. LETEINTURIER Christine (1996), L'identité prot'cssionnelle dcs docutncntnlistes, ADBS Éditions 2. Christine LETEINTURIER emprunte les notions d "incertitude" et de "pouvoir" à Michel Crozier et Erahard Friedberg : "S'il y a iricertitude, les acteurs capables de la conirôler l'utiliseront dans leurs tractations avec céux qui en dépendent. Car ce qui est "incertitude" du point de r,ue des problèmes est "pt-ruvoir" tlu poinide vue des acteurs: les ràpports des acteurs, individuels tru colleètifs, entre eux ôt au problènie qui les concerne, s'inscrivent dônc dans un champ inégalitaire, structuré par des relations de pour,ôir et de dépendance." [r,oir CROZIER Michel-et FRIEDBERG Erahrd (1977),L'ncteur le sqstèmc, Editions du Seuill 3. Entretien avec Annie MILHAUD, documentaliste à Bayard Presse, février 1998. Béatrice FOENIX-RIOU (1997), "lnternet et les journalistes : l'expérience de Bayard Presse", BASÊ5. n" 4 4 F f ' t/).ie\;rrcr v/ 4. Entretien avec Marie-Hélène DUPASQUIER, documentaliste au Mondr, février 1998 5. Entretien avec Corinne DENIS, documentaliste et rédacteur en chef multimédia à L'Erpress, fér'rier 1998 6. Questionnaire réalisé en octobre 1997 par Thierry WATINE, directeur des Etudes et de la Recherche à I'ESJ. Il comportait six questions ourbrtes et a été proposé aux7l étudiants de première année : 60 en filière "généraliste" et i4 en filière "spécialisée' (jôurhalistet scientifique). 7. Entretien effectué avec 24 étudiants de première année, 23 utilisent Internet pour leurs recherches documentaires, un n'utilise jamais Internet. 8. Entretien avec Marie-Hélène DUPASQUIER, documentaliste au Mondr, fér'rier 1998. 141