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Transcription:

Radio-chimiothérapie des cancers bronchiques non à petites cellules de stade III inopérables Chemoradiotherapy in nonoperable stage III non-small-cell lung cancer T. Bouillet* Les cancers bronchiques constituent la première cause de décès par cancer tant chez l homme que chez la femme. Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) représentent 80 % de tous les cancers, et 40 % des CBNPC sont de stade IIIA ou IIIB inopérables. La radiothérapie seule s est imposée dans les années 1970 comme supérieure au traitement palliatif dans les cancers bronchiques localement évolués, avec une dose standard de l ordre de 60 Gy délivrés sur six semaines (1). Néanmoins, les résultats étaient médiocres avec une médiane de survie à moins de un an et des survies à deux ans de l ordre de 15 à 20 %, et de moins de 5 % à 5 ans (2). Face à ces mauvais résultats, la chimiothérapie a été associée à la radiothérapie. La chimiothérapie peut être réalisée soit de façon séquentielle avec deux modalités chronologiques, en induction avant la radiothérapie, ou en consolidation après la radiothérapie, soit de façon concomitante avec la radiothérapie selon deux modalités de doses, faibles doses régulières hebdomadaires ou plurihebdomadaires à titre de radiosensibilisation, ou à des doses proches des chimiothérapies systémiques toutes les trois semaines. L ensemble des essais thérapeutiques, qui servent de base de décision thérapeutique a été réalisé chez des patients en bon état général porteurs de cancers bronchiques IIIA ou IIIB, c està-dire OMS 0 ou 1 ou indice de Karnofsky supérieur à 70 et avec une perte de poids de moins de 5 %. Leur utilisation pour une proposition de soins doit donc tenir compte de ces critères de sélection. Des méta-analyses publiées dans les années 1995 (4-6) confirment un bénéfice en termes de survie, du traitement séquentiel par rapport à la radiothérapie seule (tableau I). Tableau I. Chimiothérapie d induction suivie de radiothérapie versus radiothérapie seule. Étude CALGB RTOG Le Chevalier Nombre de patients 155 Cisplatine/Vlb 60 Gy versus TRT seul 458 Cisplatine/Vlb 60 Gy Cisplatine/Vlb Hfx 69,6 Gy 60 Gy 353 PVCC Hfx : radiothérapie hyperfractionnée ; : radiothérapie Médiane de survie (mois) 13,7 9,6 13,2 11,4 10 Radio-chimiothérapie concomitante Survie à 5 ans (%) Plusieurs essais de phase III (3) ont comparé une radiothérapie seule avec une radio-chimiothérapie concomitante, retrouvant une amélioration de la survie, avec un meilleur contrôle local, mais sans bénéfice en termes de contrôle métastatique. La chimiothérapie, à base de sels de platine, utilisait des doses inférieures à celles administrées en induction (tableau II). 17 6 8 6 5 4 p < 0,05 < 0,02 Chimiothérapie d induction Trois essais ont prouvé la supériorité de la chimiothérapie initiale suivie de radiothérapie, thérapeutique administrée selon un mode séquentiel, sur la radiothérapie seule (3). Ces trois essais retrouvent une supériorité d une chimiothérapie d induction suivie d une radiothérapie par rapport à une radiothérapie seule, avec une amélioration de la médiane de survie et de la survie à 5 ans. Le principal bénéfice concerne la diminution du risque métastatique dans le bras chimiothérapie d induction puis dans le bras radiothérapie. * Service d oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny. Tableau II. Chimio-radiothérapie concomitante versus radiothérapie seule. Étude EORTC Jeremic Jeremic Nombre de patients 331 Cisplatine quotidien Cisplatine hebdomadaire 169 Hfx et CB/étoposide Hfx et CB/étoposide 131 Hfx Hfx et CB/étoposide Survie à 3 ans (%) CB : carboplatine ; Hfx : radiothérapie hyperfractionnée ; : radiothérapie. 16 13 2 6,6 23 16 9 23 p 0,009 0,0024 0,021 62 La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n 3 - mars 2007

Une méta-analyse publiée en 2005 (7) retrouve une amélioration de la survie en cas de radio-chimiothérapie concomitante par rapport à la radiothérapie seule avec un risque relatif de décès de 0,89 en cas de radio-chimiothérapie concomitante par rapport à une radiothérapie seule, correspondant à un bénéfice en termes de survie à 2 ans de 4 %. Radio-chimiothérapie concomitante ou traitements séquentiels chimiothérapie puis radiothérapie? Quatre essais publiés comparent une chimiothérapie soit réalisée de façon séquentielle soit de façon concomitante à doses standard, et non à visée potentialisatrice, et associée à une radiothérapie classique (tableau III). Ces essais retrouvent systématiquement un bénéfice de l association concomitante radio-chimiothérapie en termes de survie avec comme principale toxicité un accroissement du taux et de l intensité des toxicités aiguës, en particulier d œsophagite (8-11), mais sans augmentation du taux de toxicité tardive. Il existe un bénéfice de survie en faveur des traitements de radio-chimiothérapie concomitante par rapport aux traitements séquentiels quand la dose de chimiothérapie est suffisamment importante et non simplement radio-sensibilisante. Rôle de la chimiothérapie d induction en cas de radio-chimiothérapie concomitante L essai du CALGB () compare une radiothérapie à 66 Gy sous carboplatine + paclitaxel concomitante, hebdomadaire contre la même radio-chimiothérapie concomitante, mais précédée de deux cycles de carboplatine + paclitaxel d induction. Cet essai ne retrouve aucune différence en médiane de survie ou en survie à un an. La chimiothérapie d induction ne semble donc pas apporter de bénéfice supplémentaire à une radio-chimiothérapie seule concomitante. Radio-chimiothérapie concomitante ou radiothérapie seule en cas de chimiothérapie d induction? L essai CTRT 99/97 compare après deux cycles de chimiothérapie d induction par carboplatine + paclitaxel chez des patients non progressifs, une radiothérapie seule à 60 Gy ou une radiochimiothérapie avec paclitaxel hebdomadaire. La survie médiane est de 14,1 mois dans le bras radiothérapie seule et de 18,7 mois dans le bras chimiothérapie + radiothérapie. Cette différence n est pas statistiquement significative (p = 0,091). En revanche, le temps jusqu à progression est plus important dans le bras radio-chimiothérapie (11,5 mois) que dans le bras radiothérapie seule (6,3 mois). La radio-chimiothérapie semble donc être supérieure à une radiothérapie seule après chimiothérapie d induction chez des patients non progressifs sous le traitement d induction (13). Rôle des chimiothérapies post-radiothérapie? Dans une phase II récente publiée par le SWOG (14), des patients en stade IIIB reçoivent une chimiothérapie à base de sels de platine et de VP 16 à pleines doses et une radiothérapie concomitante, suivie de trois cycles de chimiothérapie par docétaxel en consolidation. Les résultats sont impressionnants avec une survie à deux ans de 54 % et une survie médiane de 26 mois. Cet essai de phase II est isolé actuellement et nécessite une confirmation. Une chimiothérapie de consolidation paraît une voie de recherche importante. Quelle est donc la meilleure séquence thérapeutique : séquentielle, concomitante ou consolidation? L essai LAMP (15) est une phase II non comparative, évaluant sur des stades IIIB non à petites cellules une chimiothérapie initiale sous forme de 2 cycles de carboplatine + paclitaxel, suivie Tableau III. Chimio-radiothérapie séquentielle versus radio-chimiothérapie concomitante. Étude (n) Chimiothérapie Radiothérapie (Gy) Schéma Médiane de survie (mois) Survie actua. (%) p Furuse (320) Mitomycine + cisplatine + vindesine 56 13 17 9 (5 ans) 16 (5 ans) Curran (610) vinblastine 63 14,6 17,1 18 (3 ans) 26 (3 ans) Zatloukal (102) vinorelbine 60 16,6,9 0,023 Fournel (2) étoposide 66 14,5 16,3 24 (2 ans) 35 (2 ans) NS La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n 3 - mars 2007 63

d une radiothérapie exclusive à 63 Gy, la même chimiothérapie d induction pour deux cycles suivie d une radiothérapie identique sous carboplatine hebdomadaire, et un troisième bras comparant cette même radio-chimiothérapie sous carboplatine suivie de deux cycles de consolidation par carboplatine + paclitaxel. Cet essai retrouve une survie médiane supérieure dans le groupe radiothérapie concomitante suivie de chimiothérapie de consolidation par rapport au bras séquentiel et au bras induction, puis concomitant (tableau IV). Tableau IV. Essai LAMP. Modalité Médiane survie Survie globale 1 ans Survie globale 2 ans Chimiothérapie le Chimiothérapie concurrent chimiothérapie Induction/ concomitant chimiothérapie chimiothérapie / consolidation 13,1 mois,7 mois 16,3 mois 59 % 53 % 64 % 28 % 24 % 31 % Cet essai ne permet pas de conclure en raison de problèmes méthodologiques. La méta-analyse, publiée en 2006 (16), compare d après les critères de survie, les essais de radiothérapie seule, de traitement séquentiel, de traitement concomitant, et retrouve une amélioration de la survie successive entre radiothérapie seule, chimiothérapie d induction puis radiothérapie, chimiothérapie d induction puis radio-chimiothérapie et radio-chimiothérapie concomitante d emblée. Le meilleur bras est la radio-chimiothérapie concomitante. Pour l instant, la séquence idéale de chimiothérapie et de radiothérapie ne paraît pas clairement évidente. Une radio-chimiothérapie concomitante semble supérieure à une chimiothérapie initiale d induction suivie de radiothérapie exclusive. La chimiothérapie d induction n apporte pas de bénéfice supplémentaire à une radio-chimiothérapie concomitante. La chimiothérapie de consolidation paraît être une voie thérapeutique prometteuse. Par ailleurs, l ensemble des protocoles de radio-chimiothérapie utilise une association de sels de platine, de vinorelbine ou de taxanes. Aucun essai n a porté sur la définition de la meilleure combinaison possible de drogues ou sur l apport des nouvelles drogues. Ces données sont valables pour des patients en bon état général, avec des pertes de poids de moins de 5 % et OMS 0 ou 1. Le taux de contrôle locorégional reste néanmoins médiocre, ce qui amène à discuter une amélioration de l efficacité de l irradiation grâce à de nouvelles techniques de radiothérapie. Apport des nouvelles technologies en radiothérapie Malgré la radio-chimiothérapie la plus optimale possible, le taux de rechute locale et régionale est important, ce qui souligne l importance de l amélioration du contrôle local par la radiothérapie. Cet accroissement d efficacité de la radiothérapie passe par une amélioration de la technique de réalisation de l irradiation tant sur le plan spatial que chronologique. Effet-dose en radiothérapie Le taux de rechute locale diminue avec l augmentation de la dose au-delà des classiques 60 Gy et incite donc à proposer une augmentation de la dose d irradiation. Cette escalade de doses est possible grâce aux nouvelles techniques de dosimétries conformationnelles tridimensionnelles qui permettent de mieux délimiter les volumes critiques tumoraux et les organes cibles à protéger. Trois principaux organes thoraciques sont critiques et à protéger : le poumon (moins de 35 % de la somme des deux volumes pulmonaires doit recevoir au maximum 20 Gy, moins de 25 % de la somme des deux volumes pulmonaires doit recevoir moins de 30 Gy), la moelle épinière cervico-thoracique (la dose médullaire doit rester inférieure à 45 Gy) et, enfin, l œsophage (moins de 50 % de l œsophage doit recevoir 50 Gy). L effet-dose a été mis en évidence dans l essai d escalade de doses RTOG 93,11. L accroissement de doses délivrées était réalisé en utilisant des fractions d 1,2 Gy, deux fois par jour, jusqu à un total de doses selon 5 paliers : 60, 64,8, 69,6, 74,4 et 79,9 Gy. Le taux de survie le plus important a été obtenu pour la dose de 69,6 Gy sans bénéfice au-delà. Cette absence de bénéfice peut résulter de l augmentation de la durée du traitement diminuant cependant l efficacité de la radiothérapie. La phase I d escalade de doses (17) retrouve la dose délivrée comme facteur prédictif de contrôle locorégional, avec trois niveaux de dose étudiés : 60-69 Gy, 74-84 Gy, 92-103 Gy. Le niveau de dose est un facteur prédictif indépendant à la fois de la survie globale et du taux de contrôle locorégional. Chaque augmentation de 1 Gy accroît le contrôle locorégional à long terme entre 3 et 5 ans de 1 % et augmente la survie de 3 %. Les techniques d irradiation conformationnelle ont permis dans plusieurs essais de phase II d augmenter les doses à des niveaux supérieurs à 70 Gy sur le volume tumoral retrouvant une amélioration de la survie par rapport aux séries historiques sans augmentation importante de la toxicité. Mais, ces modalités de radiothérapie à fortes doses nécessitent une dosimétrie conformationnelle prévisionnelle très précise, une limitation du volume pulmonaire selon les critères déjà vus et une parfaite reproductibilité du positionnement du patient (18). Une augmentation de la dose pour dépasser celle de 70 Gy sur de petits volumes tumoraux sur une période de l ordre de 7 semaines paraît donc possible en pratique courante. L une des difficultés de 64 La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n 3 - mars 2007

cette augmentation est l utilisation de traitements conventionnels de 1,8 à 2 Gy par semaine, 5 fois par semaine, ce qui rallonge la durée totale de traitement et diminue probablement le taux de contrôle locorégional du fait de la repopulation tumorale survenant en cours d irradiation. Raccourcissement de la durée totale de l irradiation Les modalités de répartition de l irradiation peuvent être également modifiées pour améliorer les résultats. L objectif est d augmenter le taux de contrôle locorégional en raccourcissant la durée totale de traitement pour éviter les repopulations cellulaires survenant en cours de radiothérapie. Plusieurs modes de fractionnement sont employés pour exploiter la différence de réparation des lésions radio-induites entre les tissus normaux et les tissus tumoraux, et pour essayer d empêcher l augmentation de cinétique de prolifération des cellules tumorales, accélération de croissance, qui survient en règle général 4 semaines après le début de la radiothérapie. L hyperfractionnement correspond à la réalisation de plusieurs séances d irradiation quotidiennes, espacées d un minimum de 6 heures afin de permettre une réparation des lésions potentiellement létales survenant au sein des tissus sains et d administrer une dose totale supérieure à celle réalisée en fractionnement classique. Cette approche permet d augmenter la dose délivrée tout en respectant le même niveau de toxicité tardive sur les tissus sains. Ce fractionnement accéléré vise à diminuer la durée totale de traitement afin d éviter la prolifération tumorale accélérée qui survient en cours de radiothérapie. Deux stratégies se discutent : le CHART qui est réalisé selon trois séances quotidiennes sans interruption, y compris le week-end, jusqu à un niveau de dose totale plus faible que la radiothérapie classique. Le HART est la même stratégie de radiothérapie, mais avec des périodes d arrêt correspondantes aux week-ends. Plusieurs essais ont utilisé le CHART réalisé à 54 Gy en trois irradiations quotidiennes d 1,5 Gy, jours de suite, comparativement à une radiothérapie à 60 Gy en fractionnement classique. Ces essais retrouvent une amélioration du taux de contrôle locorégional et une amélioration de la survie, au prix d une toxicité accrue, mais qui paraît contrôlable (19, 20). Durée totale de l irradiation La durée totale du traitement a un impact important sur la survie des cancers bronchiques irradiés. La réactualisation des essais de radio-chimiothérapie concomitante du RTOG (essais 91/06, 92/04, 94/10) retrouve qu en analyse multivariable la durée totale du traitement est une variable continue ayant un impact négatif sur la survie. Chaque jour de prolongation de traitement augmente de 2 % le risque de décès (21). Il est estimé en pratique courante que la survie à 3 ans diminue de 1,7 % par jour d allongement de la durée totale de la radiothérapie prévue (22). Le respect de la durée totale de l irradiation est donc un objectif important en radiothérapie. Modification de fractionnement en association avec la chimiothérapie L essai ECOG 25-97 (20) compare, après deux cycles d induction paclitaxel + carboplatine, soit une radiothérapie classique à 64 Gy, soit une HART à 57,6 Gy sous forme de 1,5 Gy trois fois par jour sur 2,5 semaines. Cet essai retrouve une tendance à l amélioration de la médiane de survie, de la survie à deux ans et trois ans, mais non statistiquement significative en faveur du bras HART. L analyse retrouve une diminution dans le bras HART des métastases à distance, effet qui peut être lié à la réduction de la durée totale du traitement à 2,5 semaines au lieu de 7, limitant les risques de re-population cellulaire au niveau thoracique. Malgré l effet de l augmentation de dose et du raccourcissement de la durée totale du traitement, le rôle de l hyperfractionnement et l escalade de doses restent discutés. Il y a pour l instant trop peu d évidence pour imposer l hyperfractionnement ou le CHART en routine pour les CBNPC de stade III. Place de la radiothérapie cérébrale et métastases Pratiquement la moitié des patients porteurs de CBNPC de stades IIIA et IIIB développera des métastases cérébrales. Cette évolution métastatique cérébrale est la première cause de rechute pour 15 à 30 % des patients et est responsable d une survie courte de l ordre de 3 à 6 mois. Des essais anciens (23-25) retrouvent une diminution du risque de métastases cérébrales sans différence de survie. Un essai de radiothérapie prophylactique cérébrale pour les cancers bronchiques IIIA ou IIIB en réponse complète ou partielle après un traitement locorégional est en cours (essai RTOG 0214). Cette irradiation cérébrale prophylactique ne peut être actuellement de pratique courante. Apport de nouvelles technologies L objectif est, pour chaque technique, d accroître la dose de radiothérapie sur les tissus tumoraux en protégeant les tissus sains. La tomographie à émission de positons permet de mieux définir les zones tumorales actives en excluant les zones non tumorales du volume irradié, mais aussi d accroître la dose d irradiation sur les zones les plus actives. De nouvelles technologies en radiothérapie apparaissent en pratique courante, en particulier l IMRT, mais aussi de nouvelles machines comme le Cyberknife ou la tomothérapie, techniques prometteuses, nécessitant cependant, pour l instant, une évaluation de leurs résultats thérapeutiques. Les systèmes de contrôle de l irradiation en fonction de la respiration dite Gating doivent permettre de limiter le volume d irradiation en évitant les erreurs dues aux mouvements de la cible pulmonaire au cours de la respiration. Des études sont actuellement en cours pour évaluer l interaction et le bénéfice des différents inhibiteurs des récepteurs à l EGF en association avec la radio-chimiothérapie, et ce de façon synchrone. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n 3 - mars 2007 65

Conclusion Le traitement des cancers bronchiques IIIA ou IIIB non opérables est toujours un domaine de recherche (26). Le meilleur bras reste actuellement une radio-chimiothérapie concomitante qui est supérieure à un traitement séquentiel. Des traitements de consolidation après chimiothérapie + radiothérapie concomitante semblent être efficaces (27). Une augmentation de la dose de radiothérapie et un raccourcissement de la durée totale du traitement en association dans des protocoles de radio-chimiothérapie semblent être prometteurs (28). Les modalités thérapeutiques proposées au quotidien doivent tenir compte des différences de présentation clinique, en particulier de l état général, de l altération de la fonction respiratoire et des comorbidités qui peuvent grandement différer de la situation clinique des patients inclus dans les essais thérapeutiques. R é f é r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s 1. Perez CA, Standley K, Rubin P A prospective randomized study of various irradiation doses and fractionation schedules in the treatment of inoperable non-oat-cell carcinoma of the lung: Preliminary report by the Radiation Therapy Oncology Group. Cancer 1980;45:2744-53. 2. Perez CA, Standley K, Grundy G Impact of irradiation technique and tumor extent in tumor control and survival of patients with unresectable nonsmall-cell lung carcinoma: report by the Radiation Therapy Oncology Group. Cancer 1982;50:1091-9. 3. Stinchcombe TE, Fried D, Morris DE, Socinski MA. Combined modality therapy for stage III non-small-cell lung cancer. The Oncologist 2006;11:809-23. 4. Non-small-Cell Lung Cancer Collaborative Group. Chemotherapy in nonsmall-cell lung cancer: a meta-analysis using updated date on individual patients from 52 randomised clinical trials. Br Med J 1995;311:899-09. 5. Buccheri G, Ferrigno D. Therapeutic options for regionally advanced nonsmall-cell lung cancer. 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