Évaluation de la hauteur discale lombaire : comparaison entre un système de radiographie basse dose à balayage (EOS) et un système de radiographie numérique (RN) N. Zée 1, V. Freire 1, M. Benhamou 2, S. Poiraudeau 2, J.-L. Drape 1, A. Feydy 2 (1) Radiologie B, Hôpital Cochin, Université Paris Descartes, (2) Service de Rééducation et de Réadaptation de L Appareil Locomoteur et des Pathologies du Rachis, Hôpital Cochin, Université Paris Descartes
PLAN Étude - Introduction - Matériels et méthodes - Résultats - Discussion - Conclusion
INTRODUCTION (1) Certaines pathologies nécessitent la réalisation de radiographies répétées pour le suivi de l évolution de la maladie (scoliose, lombalgie chronique.). Le bilan d imagerie doit donc utiliser les techniques les moins irradiantes, puisque les organes radio-sensibles sont dans le champ d exploration (seins, moëlle osseuse, thyroïde, organes génitaux). EOS (Biospace Med, Paris, France) est un système de radiographie basse dose à balayage basé sur un détecteur linéaire gazeux à micropistes, qui permet une réduction spectaculaire des doses de rayons X par rapport aux techniques conventionnelles. Cette technique est dérivé des recherches de Georges Charpak (prix Nobel de physique en 1992) (1)
Les images EOS sont obtenues par balayage du sujet examiné (acquisition ligne par ligne), le tube à rayon X et le détecteur se déplaçant simultanément selon un mouvement vertical de haut en bas. Système EOS : présentation schématique des 2 détecteurs gazeux linéaires avec mouvement vertical simultané (en haut). Photographie du système (en bas).
INTRODUCTION (2) L examen se fait en position debout (permettant une analyse de la statique), corps entier en 20 secondes Il permet d obtenir une image 2D de face et de profil simultanément (double collimation) Reconstruction possible en 3D La résolution finale est élevée (254 μm) grâce à la suppression du rayonnement diffusé L irradiation est diminuée de 6 à 8 fois par rapport à une radiographie standard numérisée Le système EOS autorise donc une étude globale du squelette et de la statique du rachis et des membres inférieurs La qualité d image permet aussi une analyse morphologique précise des pièces vertébrales, du bassin et des os longs
OBJECTIF DE L ÉTUDE Comparer la hauteur discale des derniers étages lombaires entre l imagerie EOS et la radiographie numérisée (RN) chez des patients lombalgiques chroniques
MATÉRIEL Patients : adultes, âge < 75 ans Inclusion si lombalgie rachidienne commune isolée ou prédominant sur les radiculalgies, d évolution chronique Exclusion si lombalgie symptomatique ou radiculalgie déficitaire Étude monocentrique : Service de Rééducation des Pathologies du Rachis de l hôpital Cochin
Caractéristiques des Patients N = 50 Femmes, N (%) 41 (82) Âge, années, moy +/- DS 49,4 +/-10.7 IMC, moy (DS) 26,6 +/- 4.8 Antécédent de chirurgie rachidienne, N (%) 15 (30%) Statut professionnel, N (%) - en activité - en arrêt de travail - en invalidité - retraité 14 (28) 21 (42) 8 (16) 7 (14) Durée d évolution, années, moy +/- DS 2,3 +/-3,7 EN lombalgie sur 100, moy +/- DS 59,0 +/-19,4 Indice de Quebec sur 100, moy +/- DS 52,0 +/-15,6 Etiologie principale, N (%) - Canal lombaire rétréci - Arthrose articulaire postérieure - Spondylolisthesis - Scoliose - Discopathie - Maladie de Scheuermann - Non déterminée 3 (6) 6 (12) 4 (8) 1 (2) 29 (58) 3 (6) 4 (8)
MÉTHODES (1) Qualité de l image RN et EOS est évaluée à l aide d une échelle visuelle analogique (0-10) Étude de la hauteur discale des 3 derniers étages lombaires sur : Une radiographie de De Sèze et une radiographie de profil du rachis lombaire ; Un cliché EOS du rachis entier de face et de profil Lecture en aveugle par 2 médecins seniors indépendants : Lecteur 1 : spécialisé en pathologie ostéoarticulaire (Rhumatologue) Lecteur 2 : spécialisé en imagerie ostéoarticulaire (Radiologue)
MESURE DE LA HAUTEUR DISCALE H discale = (H ant + H post) / 2 H ant H post Cliché EOS du rachis lombaire de profil
MÉTHODES (2) Étude de la reproductibilité par une technique quantitative (coefficient de corrélation intra-classe ou CCI) et une technique qualitative (graphe de Bland et Altman) Étude de la corrélation par le coefficient de corrélation de Spearman
RÉSULTATS : ÉCHELLE VISUELLE ANALOGIQUE (LECTEUR 1-LECTEUR 2) EVA /10 RN EOS p Lecteur 1 7,3 7,7 0,01 Lecteur 2 7,8 7,4 0,003 Qualité de lecture : Discordance entre les lecteurs, le radiologue préférant l analyse sur RN plutôt que sur EOS tandis que le rhumatologue préfère la lecture sur EOS plutôt qu en RN
RÉSULTATS : HAUTEUR DISCALE (mm) Lecteur 1 Lecteur 2 RN EOS RN EOS L3-L4 9.1 +/- 2.2 6.6 +/-1.5 9.9 +/-1.9 7.3 +/-1.5 L4-L5 9.6 +/-2.3 6.8 +/-1.7 10.6 +/-2.4 7.8 +/- 1.6 L5-S1 8.0 +/-3.4 5.8 +/-2.3 9.8 +/-1.5 6.8 +/-2.5 La hauteur discale est toujours mesurée plus haute en RN qu en EOS
RÉSULTATS REPRODUCTIBILITÉS : MÉTHODE QUANTITATIVE CCI inter-lecteur RN EOS L3-L4 0,821 [0,701-0,896] 0,738 [0,575-0,845] L4-L5 0,652 [0,453-0,790] 0,656 [0,456-0,793] L5-S1 0,777 [0,627-0,871] 0,853 [0,752-0,915] Bonne reproductibilité inter-lecteur avec des CCI allant de 0.652 à 0.853 CCI inter-technique Lecteur 1 Lecteur 2 L3-L4 0,221 [-0,057-0,460] 0,137 [-0,158-0,410] L4-L5 0,184 [-0,101-0,442] 0,269 [-0,022-0,518] L5-S1 0,557 [0,328-0,724] 0,460 [0,194-0,664] Mauvaise reproductibilité inter-technique, quelque soit le lecteur, avec des CCI allant de 0.137 à 0.557
RÉSULTATS REPRODUCTIBILITÉS : MÉTHODE QUALITATIVE (GRAPHE DE BLAND AND ALTMAN) Figure 1 Figure 2 Figure 1 : Reproductibilité entre RN et EOS à l étage L3-L4 (lecteur 1) Figure 2 : Corrélation entre RN et EOS à l étage L3-L4 (lecteur 1)
RÉSULTATS DE CORRÉLATION ENTRE RN ET EOS Spearman DR / EOS Lecteur 1 Lecteur 2 L3-L4 0,742 0,922 L4-L5 0,764 0,894 L5-S1 0,783 0,854 Bonne corrélation entre les 2 techniques, RN et EOS
DISCUSSION (1) Qualité de lecture : résultats discordants entre les lecteurs. L étude de Deschenes (2) retrouvait une tendance à une meilleure qualité en EOS qu en radiographie standard Bonne reproductibilité inter-lecteur avec des CCI allant de 0.652 à 0.853 Mauvaise reproductibilité inter-technique, quelque soit le lecteur, avec des CCI allant de 0.137 à 0.557 Bonne corrélation entre les 2 techniques, RN et EOS, quelque soit le lecteur Mesure de la même entité avec la même technique mais pas de comparaison possible de la hauteur discale d un même patient par ces 2 techniques différentes
DISCUSSION (2) Les hauteurs discales étaient systématiquement supérieures pour la radiographie, et ce d autant plus que le disque est épais Ceci est expliqué par la technique d acquisition par balayage horizontal, ligne par ligne d EOS, comparativement à la radiographie numérique classique où le rayonnement provient d un seul point avec un faisceau divergent Meilleurs CCI du radiologue que ceux du rhumatologue : résultat attendu Dans la littérature, une seule étude existe sur la qualité d EOS pour étudier la discopathie : comparaison entre EOS et IRM (3) en 2D : la hauteur discale est conforme sur l imagerie EOS à celle réalisée en IRM; pas de comparaison réalisée avec la radiographie standard dans cette étude
IRRADIATION : Littérature Dose EOS entre 0,11 et 0,27 mgy Dose RN entre 0,59 et 2,47 mgy Ratio entre 2,9 et 9,2 (2) Radiographie de face entre 0,5 à 3,1 mgy Radiographie de profil entre 0,89 à 3,9 mgy Correspondant à 3 à 18 fois plus pour RN en comparaison avec EOS
CONCLUSION Les hauteurs discales sont systématiquement inférieures en EOS mais corrélées avec la RN, permettant d envisager un suivi par la même modalité d imagerie notamment dans les discopathies chroniques Le caractère moins irradiant de l imagerie EOS plaide pour son utilisation dans le suivi des lombalgiques Limites : appareils peu répandus en France
BIBLIOGRAPHIE 1. Charpak G. Prospects for the use in medicine of new detectors of ionizing radiation. Bull Acad Natl Med. 1996 2. Deschenes S. Reducing patients radiation dose with a new slot-scanning X-ray imager. Spine. 2010 3. Rillardon L. Evaluation of the intervertebral disc spaces with a low dose radiographic system. J Radiol. 2005