La ville comme lieu d émergence de nouvelles formes

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Transcription:

La ville comme lieu d émergence de nouvelles formes d urbanité Bachir Ribouh, Karima Bensakhria To cite this version: Bachir Ribouh, Karima Bensakhria. La ville comme lieu d émergence de nouvelles formes d urbanité. Penser la ville approches comparatives, Oct 2008, Khenchela, Algeria. pp.184. <halshs-00381993> HAL Id: halshs-00381993 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00381993 Submitted on 6 May 2009 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La ville comme lieu d émergence de nouvelles formes d urbanité. Cas des quartiers résidentiels de la ville de Constantine Dr. RIBOUH Bachir, BENSAKHRIA Karima 1 Durant les dernières décennies, la ville algérienne a subi de profondes mutations conséquence à la fois d une urbanisation accélérée et des changements socio-économiques. La ville se transforme et devient le terrain propice à l émergence de nouveaux processus d adaptation sociale et d intégration urbaine. Les mobilités résidentielles qui sont la conséquence de ces mutations participent à la construction de nouvelles urbanités. De plus en plus, la ville peut être considérée comme la projection au sol de la société toute entière (H. Lefebvre, 1974) C est dans ce contexte que s insère notre étude, dont l intérêt porte principalement sur ces nouvelles formes d urbanité et leurs expressions spatiales. On peut rappeler que le concept d urbanité a fait l objet d un grand débat depuis L.Whrigt (1938) jusqu à Levy (1999) qui évoque «l évaluation que les individus font de l urbain et de la cohabitation urbaine». Ces nouvelles formes d urbanité en construction seront étudiées au sein des quartiers résidentiels de la ville de Constantine et spécialement dans les lotissements où s installent les migrants des petites villes proches, (Ain-Fakroun, Ain-Mlila, Ain-Beida), commerçants pour la plupart. Les stratégies résidentielles de ces habitants se traduisent en majorité par des pratiques d appropriation de l espace résidentiel dont le point de départ est l achat d énormes lots de terrain destinés à l édification de luxueuses villas polyfonctionnelles qu on peut assimiler à des immeubles familiaux. I- Présentation des lotissements de la ville de Constantine Nos enquêtes ont porté sur les différentes stratégies résidentielles développées au niveau des lotissements légaux, régis par une réglementation portant sur l architecture et l urbanisme. Il a été exclu de cette recherche les lotissements à caractère illégal dont l édification s est faite à partir d autres logiques constructives. La naissance de ces lotissements fait suite au désengagement de l Etat en 1990 et à la nouvelle réglementation qui supprime le monopole des communes sur le patrimoine foncier et autorise la création des lotissements par l initiative privée. 1 Département d Architecture, Université de Constantine

Mais, si l Etat ne dispose plus des droits absolus sur la gestion des sols, il restera toujours l initiateur des instruments et des opérations d urbanisme et de la réglementation architecturale. Tout en se désengageant, l Etat a encouragé la construction, notamment en favorisant la promotion privée et en lançant important programme de lotissements destiné à l auto construction. Une telle situation a permis à la ville de Constantine de disposer d un nombre important de lotissements communaux. Ces lotissements se localisent dans les parties nord-est de la ville (lotissements Mouchadjar, Zouhour, Lauriers roses, El Hayet, El Menzeh, Djebel el ouahch, el Mouna, Berda, Serkina); nord-ouest (lotissements Sidi Mcid, El Djebess) et sud (Lotissements Boussouf, 5 juillet 1962, Ain El Bey 1, 2 et 5, l Eucalyptus et les frères Ferrad) (voir carte1) Notre intérêt a porté sur trois lotissements différents, Boussouf sur l axe sud-ouest de la ville, les frères Ferrad sur l axe sud-est, créé dans les années 90, et El-Riadh, crée dans les années 70 occupé par une catégorie sociale aisée, dans la région nord-est, connu pour être le plus ancien de la ville Carte 01 ; localisation des lotissements de la ville de Constantine Source, PDAU Constantine 1998+ travail personnel

B- Emergence de nouvelles formes d urbanité et leurs expressions socio-spatiales dans les lotissements de la ville de Constantine Notre recherche s appuie sur un constat réel observé dans les lotissements de Constantine occupés par différentes catégories sociales. Nous nous sommes alors intéressés plus particulièrement à ces habitants nouvellement riches, migrants des petites villes (Ain- Fakroun, Ain-Mlila..) et à la nature de leurs stratégies résidentielles. Ces petites villes, dont ils sont originaires, sont en réalité connues pour leur essor commercial (commerce de pièces détachées et vestimentaire de gros et de détail) faisant d elles d importants marchés au rayonnement régional et national. La mobilité urbaine de cette population s est accrue depuis les années 80 suite à libéralisation du marché foncier, immobilier. Cette population migrante, enrichie par le commerce, investit les lotissements en poursuivant une stratégie fondée sur : - une intégration socio-économique, par le développement d activités commerciales, - une intégration urbaine, par l acquisition d énormes lots de terrain et la construction d arrogantes villas immeubles dont l usage n est pas toujours résidentiel mais plutôt lucratif (commerce, services ). Ces habitants nouvellement riches et récemment arrivés en ville, qu on peut qualifier de néocitadins, tentent à travers ces stratégies résidentielles d afficher le statut social récemment acquis, de revendiquer ainsi un droit à la ville, un droit à l urbanité. Nous nous proposons de présenter en quoi consistent ces formes de stratégies résidentielles dans les lotissements résidentiels de la ville de Constantine 1- Vers une nouvelle réalité ; l immeuble familial Les lotissements analysés au niveau de la ville présentent une silhouette incohérente, une mosaïque de maisons individuelles aux formes et volumes distincts allant de la simple villa individuelle à la volumineuse villa- familiale dépassant les trois niveaux réglementaires. Il est à noter que la réglementation en vigueur dans ces lotissements limite la hauteur des constructions à 11.5 m, afin de préserver la silhouette générale du cadre bâti et l homogénéité de l ensemble ; cette réglementation n est pas toujours respectée. Le lotissement des frères Ferrad nous semble un cas intéressant à saisir, dans la mesure où sa façade urbaine, illustre bien cet aspect, elle présente une silhouette manquant d homogénéité : une diversité de maisons individuelles simples et d immeubles familiaux (voir photo 01) L aspect architectural de cette façade urbaine est très varié ; On peut observer des

constructions avec des matériaux très simples, d autres avec des matériaux plus luxueux reflétant les capacités financières de chacun. photo n 01 : Façade urbaine du lotissement «Frères Ferrad», source : auteurs L enquête sur terrain nous a révélé la dominance du taux des maisons à trois niveaux (R.D.C + 2 étages). Celles ci représentent le cas réglementaire qui respecte la hauteur autorisée par les cahiers de charge. Les constructions composées de deux niveaux (R.D.C + 1 étage) ont un taux assez proche. Mais les fers de construction visibles sur les terrasses indiquent que les propriétaires ont simplement différés la poursuite de leur construction. Les constructions à quatre niveaux (R.D.C + 3 étages) sont néanmoins nombreuses. Elles s imposent, avec leur imposant gabarit dans le paysage du lotissement. Cette typologie des constructions nous montre que différentes stratégies sont mises en œuvre. Elles sont exprimées par les individus selon leurs moyens et leurs besoins socio-économiques. Ces pratiques obéissent à des influences et des changements quotidiens et progressifs qui touchent les attitudes des individus et qui correspondent à l habitus. (Pierre Bourdieu (1977) 2 2- Un phénomène d élasticité verticale et la superposition des étages d habitation Les maisons individuelles réalisées dans les lotissements analysés, attestent de la construction de plusieurs étages conçus sous forme d appartements superposés. Cet aspect semble être une réalité acceptée dans la mentalité des habitants. A chaque niveau construit correspond un 2 Selon le sociologue Pierre Bourdieu (1977) l habitus est d abord un produit de l histoire, il engendre des pratiques, individuelles et collectives conformément aux schémas engendrés par l histoire, il assure la présence des expériences passées, c est aussi un «système de structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c est à dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but»

appartement. Par conséquent ce nombre peut dépasser la limite réglementaire pour atteindre 4 et même 5 niveaux. Photo n 2 : Lotissement l Eucalyptus. Source : auteurs, enquête terrain, 2008. Photo n 03 : exemple d une villa simple. Source : auteurs, enquête terrain, 2008 L analyse de ces pratiques nous a montré qu au sein d un même lotissement il existe une variété de constructions, allant du simple R.D.C surmonté d un étage jusqu aux constructions de plus de 4 niveaux. L exemple le plus représentatif reste celui du lotissement El Riadh, où le cas des maisons à quatre niveaux (R.D.C + 3 étages) est très important et atteint 19% de l ensemble des lots construits. Ces cas reflètent le détournement de la loi et les spéculations

de la part les propriétaires. Le plus souvent, les propriétaires tendent à rajouter d autres étages conçus sous forme d appartements indépendants et superposés. Dans plusieurs cas, ces maisons présentent des volumes imposants, avec une certaine élasticité verticale. Les raisons de cette diversité et de ces évolutions sont multiples : l augmentation de la taille de la famille, les moyens financiers réduits et la crise du logement nous semblent être les principales causes de ces comportements. Plusieurs maisons individuelles relevées à travers les lotissements de la ville de Constantine présentent une division en appartements superposés avec une porte d entrée à chaque palier et sont reliés par une cage d escalier commune. Cet aspect rapproche ces maisons des immeubles collectifs. Le plus souvent ces maisons permettent la cohabitation des mêmes membres de la famille (les frères et leurs épouses) où chaque ménage peut occuper un appartement à part. Cette forme de cohabitation assure une certaine autonomie tout en maintenant «sous le même toit» les membres de la famille. PLAN 2em e ETAGE PARTAGE EN 2 APPARTEM ENTS PLAN 1er ETAGE UN SEUL APPARTM ENT 3- Détournement de la fonction de l espace résidentiel Les stratégies d appropriation des espaces expriment souvent des besoins socio-économiques. La diversité de ces stratégies est liée à la diversité des habitants et à leurs conditions de vie. De ce fait, des transformations sont opérées au niveau des rez de chaussée qui abritent des garages et des locaux commerciaux. L utilisation personnelle ou la location des locaux au

niveau du RDC (ou du sous-sol) vient répondre à des besoins socio-économiques qui dépassent souvent le simple souci d améliorer le revenu familial. Plus qu un revenu d appoint, le local commercial devient un véritable investissement économique. Photo n 04 : Multiplication des niveaux d habitation et des locaux commerciaux au R.D.C, Enquête terrain, 2004 Cette transformation des garages en locaux commerciaux est illicite. Le cahier des charges des lotissements précisant bien que les espaces du R.D.C sont destinés à l habitation ou à des garages. L existence de locaux commerciaux aux R.D.C ou aux sous-sols est très fréquente. Les activités exercées au sein de ces locaux varient entre commerce ou artisanat. Il faut noter que ces locaux sont une source de nuisance (bruits, pollution) pour tout le voisinage, ces perturbations provoquent souvent le mécontentement des voisins. Parfois, c est l ensemble de la construction qui est détournée de sa fonction d habitation abritant alors des activités et de service (clinique, centre de commerce, ). Le lotissement Boussouf est très touché par ce phénomène, qui ne cesse de prendre de l ampleur. Dans ce cas, la rentabilité financière est le facteur le plus recherché.

Photo n 05 : Détournement de la fonction résidentielle, une salle des fêtes, lotissement boussof ) Source : auteurs, enquête terrain, 2008 C- Transgression de la loi, entre détermination et négligence Les lotissements de la ville de Constantine présentent un paysage en mosaïque, une silhouette incohérente due essentiellement à l inégalité des hauteurs et des gabarits. Ni la loi 90-29 du 01/12/1990 portant sur l aménagement et l urbanisme ni le décret 91/175 du 28/05/1991 portant sur les modalités d exercice en urbanisme et architecture, n autorisent ce genre de transgression. Il faut dire que le manque de contrôle judiciaire par les autorités concernées ne fait qu amplifier ces d activités.trois facteurs importants favorisent cette transgression : - L usager est déterminé à réaliser et exploiter la construction selon une stratégie qu il avait établie au préalable, sans se soucier de la réglementation. - Le manque de rigueur des textes de loi concernant les sanctions et le montant des amendes. Ces amendes varient entre 400 et 2000 D.A, ce qui constitue une faible dissuasion. - La complicité passive ou active des agents de contrôle. Conclusion De ce qui précède, il nous parait clair que ces habitants des lotissements, récemment arrivés en ville, développent des stratégies résidentielles dont le caractère ostentatoire permet

d exprimer un statut social récemment acquis, revendiquant ainsi, un droit à l urbanité, un droit à la ville. Il nous semble que ce sont là d excellents indicateurs quant à la recherche et à l exercice de nouvelles formes d urbanité dans les quartiers résidentiels de la ville de Constantine. Dans de nombreux cas, ces pratiques spatiales présentent des formes de dépassements et d entorses à la réglementation sans que le contrôle des autorités ne soit efficace. La diversité de ces pratiques vient répondre à un souci d améliorer les conditions sociales des habitants Elle vient aussi répondre à des besoins utilitaires et fonctionnels sous l influence de contraintes socio-économiques, de valeurs symboliques et culturelles et d aspirations personnelles. Ces pratiques spatiales conduisent selon les cas à l émergence d un nouveau type de maisons similaires dans leur fonctionnement et leurs formes à des immeubles familiaux. Bibliographie BOURDIEU Pierre (1974), Esquisse d une théorie de la pratique, Edition Droz, Genéve, BOURDIEU Pierre (1994), Raisons et pratiques, Edition Le Seuil, Paris.. LEFEBVRE Henri (1974), La production de l'espace, Anthropos. LEVY Jacques (1999), Le tournant géographique, penser la ville pour lire le monde, Paris, Editions Belin. LEVY Jacques, Lussault michel (dir.)(2003), Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Paris, Editions Belin.