LA PREPARATION MENTALE DES INTERPRETES LANGUE DES SIGNES/FRANCAIS



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Virginie DEVILLIERS M2 Interprétariat LSF/Français Université Lille 3 LA PREPARATION MENTALE DES INTERPRETES LANGUE DES SIGNES/FRANCAIS Année 2012/2013 1

SOMMAIRE Sommaire p.2 Résumé p.5 Introduction p.6 1. LES INTERPRETES ET LA SITUATION D INTERPRETATION p.8 1.1. LA PREPARATION LOGISTIQUE D UN RENDEZ-VOUS p.8 1.2. LA PREPARATION DU CONTEXTE p.8 1.3. LA PREPARATION AU NIVEAU DE LA LANGUE p.9 ET DES CONNAISSANCES 1.4. LA PREPARATION MENTALE, POURQUOI? p.11 2. LA PREPARATION MENTALE DANS LE SPORT ET DANS LES ARTS p.12 2.1. LA PREPARATION MENTALE : QUELLE DEFINITION? p.12 2.2. LA REPETITION ET L IMAGERIE MENTALES p.13 2.3. LES BUTS DE LA PREPARATION MENTALE p.14 2.4. LA PERFORMANCE MENTALE p.15 2.5. LE POTENTIEL ENERGETIQUE p.17 2.5.1. Les savoirs p.17 2.5.2. Les savoir-faire et les savoir-être p.19 2.5.2.1. La motivation p.19 2.5.2.2. La fatigue mentale p.20 2.6. LE POTENTIEL DE CONTROLE EMOTIONNEL p.22 2.6.1. Les savoirs p.22 2.6.1.1. Les émotions p.22 2

2.6.1.2. Deux réactions particulières p.23 2.6.1.3. La zone optimale p.25 2.6.2. Les savoir-faire et les savoir-être p.25 2.6.2.1. Les images positives p.25 2.6.2.2. Le stress p.26 2.7. LE POTENTIEL COGNITIF p.28 2.7.1. Les savoirs p.28 2.7.2. Les savoir-faire et les savoir-être p.32 2.7.2.1. L attention et la concentration p.32 2.7.2.2. Les croyances p.33 2.7.2.3. L erreur p.33 2.8. LE POTENTIEL RELATIONNEL p.34 2.8.1. Les savoirs p.34 2.8.2. Les savoir-faire et les savoir-être p.35 2.9. LE POTENTIEL DE CONFIANCE EN SOI p.36 2.9.1. Les savoirs p.36 2.9.2. Les savoir-faire et les savoir-être p.38 3. LA PREPARATION MENTALE DES INTERPRETES p.38 3.1. LES ENTRETIENS p.39 3.1.1. Le contenu de l entretien p.39 3.1.2. Le bilan des entretiens p.40 3.2. QUELQUES TECHNIQUES TRANSPOSABLES p.41 3.2.1. Longtemps avant un rendez-vous et régulièrement p.41 3.2.1.1. La motivation p.41 3.2.1.2. L apprentissage p.42 3.2.1.3. Les croyances p.42 3.2.1.4. Les relations avec les collègues p.43 3.2.1.5. La confiance en soi p.43 3.2.2. Avant ou juste avant un rendez-vous p.44 3.2.2.1. La concentration p.44 3.2.2.2. La gestion de l énergie p.46 3

3.2.2.3. La gestion émotionnelle p.46 3.2.2.4. La confiance en soi p.48 3.2.3. Pendant le rendez-vous p.48 3.2.3.1. La concentration et la reconcentration p.48 3.2.3.2. La gestion émotionnelle p.49 3.2.3.3. La gestion de l erreur p.50 3.2.3.4. Résister à la fatigue p.50 3.2.3.5. La fluidité p.51 3.2.4. Après le rendez-vous p.51 3.2.4.1. La motivation et le renforcement p.51 3.2.4.2. La gestion de l échec ou de l erreur p.52 3.2.4.3. La gestion émotionnelle p.52 3.2.4.4. La gestion de la fatigue p.53 Conclusion p.54 Remerciements p.55 Annexes p.56 Bibliographie p.60 4

RESUME Ce mémoire est une recherche sur la transposabilité des techniques de préparation mentale, utilisées par les artistes et les sportifs, aux interprètes en langue des signes et en français. Pour tenter de répondre à cette problématique, je suis partie des écrits existants sur la préparation mentale des sportifs. Je me suis intéressée à ce qu était une performance sportive, les habiletés à acquérir pour y parvenir. Les sportifs apprennent et utilisent des techniques de préparation mentale pour la concentration, la gestion des émotions et de la fatigue, Après avoir expliqué touts ces savoir-faire à acquérir, il a été nécessaire d identifier les techniques qui pouvaient présenter un intérêt pour les interprètes et comment ils pouvaient les apprendre et les utiliser. Sportif et interprète peuvent sembler des professions très éloignées mais la préparation mentale utilisée par les premiers peut l être par les seconds en les adaptant à la spécificité du métier. Mots-clés : - préparation mentale - savoir-faire - savoir-être - émotions - confiance - concentration 5

INTRODUCTION Lors de mes stages, les tuteurs m ont, à plusieurs reprises, conseillé de me concentrer, de me mobiliser avant un rendez-vous. Je me suis alors questionnée sur les moyens dont je disposais pour me préparer mentalement avant une interprétation. Nous avons vu en cours ou à travers des ouvrages comment préparer techniquement et linguistiquement un rendez-vous. Mais comment se mettre en «condition mentale»? C est pour cela que j ai choisi de m intéresser à la partie «préparation mentale» du métier d interprète. Je me suis demandée alors si la préparation mentale, que pouvait effectuer un interprète avant un rendez-vous, pourrait éventuellement se rapprocher de la préparation effectuée par certains athlètes ou certains artistes. Un sportif de haut niveau doit être capable de se mobiliser physiquement et mentalement pour produire le meilleur lors d un évènement sportif. Il doit pouvoir se concentrer, gérer son stress et ses émotions, occulter les bruits environnants, être attentif, mobiliser toute son énergie, se motiver, se fixer des objectifs, avoir confiance en lui, contrôler ses pensées, Tout cela en vue d accomplir une tâche bien précise. Avant une compétition importante, le sportif va s entraîner, répéter des gestes techniques, apprendre avec son entraîneur à se mobiliser sur le plan mental. C est également le cas d un musicien professionnel qui, après de longues heures de répétition, devra, sur scène, être au mieux de sa forme technique et mentale pour être capable de réaliser une performance ou une prestation de qualité. Un comédien doit, au terme d une préparation, monter sur scène en réussissant à mobiliser le maximum de son potentiel artistique et mental afin que sa prestation soit en adéquation avec ses capacités. Ces différentes habiletés mentales mobilisées par les sportifs ou les artistes font étrangement penser au métier d interprète en langue des signes. Avant un rendez-vous, un interprète va devoir se concentrer et se préparer mentalement à ce qui va se passer : se concentrer, se mobiliser mentalement, se faire confiance pour avoir confiance en sa traduction, éviter les pensées parasites, ne pas se laisser trop distraire par l environnement qui peut être parfois perturbant. Dans une première partie, j expliquerai en quoi consiste la préparation effectuée par un interprète avant un rendez-vous. 6

Dans une deuxième partie, je détaillerai les recherches sur la préparation mentale et psychologique dont peuvent bénéficier certaines professions comme les sportifs de haut niveau ou les artistes. Comment est définie la préparation mentale et/ou psychologique par les chercheurs et certains psychologues ou coaches du sport? Dans quel but est-elle proposée aux athlètes ou aux artistes? Quelles sont les habiletés mentales qui peuvent être acquises? Enfin, dans une troisième partie, je reprendrai certaines techniques de préparation psychologique et je formulerai des hypothèses quant à leur transposabilité au métier d interprète tout en les étayant à l aide d entretiens. 7

1. LES INTERPRETES ET LA SITUATION D INTERPRETATION Avant un rendez-vous, l interprète prépare et se prépare. Cette préparation peut se décomposer en plusieurs étapes. Elle varie suivant le type de rendez-vous : liaison, réunion, formation ou conférence. Mais la base de la préparation reste identique. Il s agit pour l interprète de se préparer au mieux afin d aborder le rendez-vous le plus sereinement possible même si la préparation parfaitement complète n est pas possible. 1.1. LA PREPARATION LOGISTIQUE D UN RENDEZ-VOUS Avant un rendez-vous, il est important de préparer le rendez-vous d un point de vue que nous appellerons «logistique», c est-à-dire tout ce qui relève de l organisation-même : - connaître les horaires, la date et la durée, - avoir le lieu précis et savoir comment s y rendre, évaluer le temps nécessaire pour le trajet (voiture, métro, circulation dense, ), au besoin savoir où se garer, - posséder d éventuels codes pour accéder à un immeuble ou avoir prévenu suffisamment à l avance pour avoir un badge d accès prêt à l accueil,, - savoir s il s agit d un rendez-vous court, si l on vient relayer un collègue ou si l on sera plusieurs interprètes, - s assurer que l organisme, qui a fait appel à un interprète, connaisse les contraintes de la profession : la nécessité d une pause après une heure d interprétation, le besoin de deux interprètes pour une intervention complexe ou dépassant deux heures, la déontologie, Tout cela s organise en amont et plusieurs jours, voire semaines à l avance. Pour les interprètes débutants ou nouvellement arrivés dans une ville, cette étape de la préparation, qui pourrait sembler futile, est pourtant primordiale. Cela permet d évacuer une partie de stress inutile liée à tout ce qui se déroule en amont d une interprétation. 1.2. LA PREPARATION DU CONTEXTE Il est également nécessaire pour que l interprète puisse assurer une prestation de qualité de connaître un minimum de contexte par rapport au rendez-vous prévu. Comme l expliquent A. Bernard, F. Encrevé et F. Jeggli (2008 : 77), «Lorsqu un interprète accepte d interpréter une situation de liaison (entretien), de réunion, de formation ou de conférence, il doit s informer auparavant de son contenu ainsi que de ses objectifs. Il est même recommandé, si l interprète en a la possibilité, de connaître 8

les intentions de chacune des parties présentes [ ] Le but de ces informations est de lui permettre d être en mesure d interpréter le plus justement les propos et intentions de chacun.» Toute cette connaissance du contexte va permettre à l interprète de se préparer par rapport aux personnes en présence et au thème du rendez-vous. Les informations données au préalable pourront apporter à l interprète des informations sur : - Les personnes en présence et leur rôle ou fonction : sourds, entendants, participants à une réunion ou à une formation, invités lors d une conférence, réunion à distance par visioconférence, - Les personnes qui vont prendre la parole : en liaison avec un médecin ou un employeur, en conférence avec un ou plusieurs orateurs présents sur scène et un débat ou des échanges avec la salle ensuite, en formation avec un enseignant présent ou un intervenant extérieur, des parents sourds ou entendants avec des enfants ou adolescents sourds ou entendants - Le type de structure où l interprète va intervenir : hôpital, entreprise, établissement scolaire, institution,. - La fréquence de l intervention : suivie ou ponctuelle - Le thème et les objectifs du rendez-vous : enjeux personnels ou professionnels, annonce de diagnostic, formation diplômante, Toute cette préparation permet de contextualiser le rendez-vous et d arriver en ayant levé certains questionnements. Ce n est pas lorsque l entretien sera commencé et que l interprète pourra être en difficulté qu il faudra songer à cette préparation. Bien-sûr, malgré tout cela, l interprète peut avoir oublié certains détails ou ne pas avoir songé à certaines questions et se retrouver en difficulté. Les informations données peuvent être inexactes ou incomplètes. L interprète aura de plus la possibilité d expliquer son cadre de travail : temps de travail, besoin de pause, intervention seul ou en binôme, Cette connaissance du contexte permet également de cerner les émotions qui pourront éventuellement être ressenties pendant le rendez-vous. Cela donnera des informations à l interprète sur le climat éventuel. Nous reviendrons sur ce point dans la partie sur la préparation mentale. 1.3. LA PREPARATION AU NIVEAU DE LA LANGUE ET DES CONNAISSANCES La situation d interprétation nécessite de comprendre pour ensuite être en capacité de traduire dans une autre langue. 9

L interprète a donc besoin de connaissances préalables avant un rendez-vous d où l importance de cette partie de la préparation. Il s agit pour l interprète de préparer linguistiquement la traduction : chercher le lexique spécifique, repérer le thème, le déroulement de l intervention, les mots-clés,. Mais il s agit aussi d arriver avec suffisamment de connaissances pour comprendre ce qui va être dit afin de pouvoir l interpréter au mieux. Dès que l interprète sait où il va intervenir, il lui est nécessaire de faire des recherches linguistiques sur le vocabulaire susceptible d être utilisé pendant le rendez-vous. Pour les rendez-vous médicaux, les interprètes savent en général dans quel service ils se rendent et s il s agit d un suivi annuel, d un examen ou d une situation plus particulière. Cela permet de préparer des signes en rapport avec le thème, de se renseigner sur les différents types d examens. Par exemple, en ophtalmologie, il y a une suite d examens bien précise qui est effectuée. Pour un dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), le rendez-vous ORL est assez standard. L interprète en amont, peut se documenter sur le plan médical et sur le plan linguistique. Si des collègues sourds sont présents dans le service, il peut également les solliciter pour certains concepts ou réfléchir avec eux sur les signes les plus appropriés à la situation. Pour les rendez-vous administratifs, il est utile d avoir l organigramme de la structure administrative dans laquelle s effectue le rendez-vous en tête ou de connaître certaines démarches ou procédures administratives. La préparation permet aussi de repérer des sigles ou termes techniques qui pourraient être utilisés par un agent administratif. Lorsqu il s agit de formations ou de réunions plus spécifiques, il est important de connaître le contenu, d avoir de la documentation envoyée en amont afin de bien comprendre par exemple le fonctionnement d une entreprise, d un projet en cours. Certaines entreprises utilisent un langage très spécifique ou utilisent des termes ou expressions en anglais que tout le personnel présent comprend sauf l interprète. Bien se documenter sur l entreprise pour laquelle on va aller traduire permet d avoir une vue d ensemble de la structure, d en connaître la hiérarchie, le fonctionnement, ce qui pour certains rendez-vous est loin d être négligeable. S il s agit d un cours et quel que soit le niveau, savoir à l avance le thème qui va être abordé permet à l interprète d acquérir, si besoin, des connaissances qui pourront l aider pendant son interprétation et pour bien comprendre le discours. Toutefois, comme l explique Pierre Guitteny (2009 : 126), «[ ] il est impossible d avoir une égale maîtrise dans tous les domaines, tant au point de vue du vocabulaire que des concepts utilisés.» Même s il est vrai que les connaissances requises en collège ou en lycée peuvent sembler moins exigeantes que les savoirs de l enseignement supérieur, connaître les 10

objectifs de l enseignant, les notions-clés abordées est nécessaire pour une interprétation de qualité. Pour les conférences, il est indispensable de connaître le thème à l avance et d avoir un diaporama ou les supports qui vont être utilisés. Ce type d intervention étant souvent technique, avoir ces documents en amont permet à l interprète d effectuer des recherches, de contacter des personnes ressources ou d approfondir un thème qu il ne maîtrise que partiellement. Il est également important de vérifier avec qui on va travailler, pour savoir si ce sont des interprètes exerçant en libéral ou d un autre service qui seront présents. Cela permet de s assurer que les interprètes sont bien diplômés. 1.4. LA PREPARATION MENTALE «Il existe peu de métiers où la concentration doit être immédiate et la compréhension et l analyse correctes du premier coup.» (A. Bernard, F. Encrevé, F. Jeggli, 2007 : 83). Cette phrase, à elle seule, résume la nécessité d une préparation mentale. Une fois que l interprète a réuni toutes les informations nécessaires pour se rendre au rendez-vous dans les meilleures conditions, il se prépare psychologiquement. C est pour cette étape que bien connaître le contexte aide. Savoir si le rendez-vous va se dérouler dans une ambiance tendue ou non, si une information grave va être annoncée à l une des personnes présentes, si une personne sourde est convoquée par son patron pour faute grave par exemple ou si des parents sourds se rendent dans un établissement scolaire pour aller se plaindre. Les exemples peuvent se décliner à l infini. De nombreux interprètes disent qu ils se préparent à un éventail très large de possibilités en envisageant tout ce qui pourrait arriver suivant le type de rendez-vous qu ils vont traduire. La préparation mentale s effectue, aussi bien, sur les personnes en présence, le contenu de la discussion, l environnement, les comportements et les émotions qui vont émaner de ce moment de communication. En se préparant mentalement, l interprète canalise son énergie, se concentre, se mobilise intellectuellement et linguistiquement, gère son stress. Différents types d émotions peuvent interférer pendant l entretien et déstabiliser l interprète. 11

2. LA PREPARATION MENTALE CHEZ LES SPORTIFS ET LES ARTISTES 2.1. LA PREPARATION MENTALE : QUELLE DEFINITION? Tous les auteurs traitant du sport et de la préparation mentale chez les sportifs s accordent pour dire que la réussite sportive passe par trois paramètres étroitement liés et interdépendants : - Des aptitudes physiques et physiologiques et leur développement, - L acquisition de gestes techniques, - La connaissance d habiletés mentales et la capacité à les utiliser. Dans les différents écrits sur la préparation psychologique des sportifs, les auteurs utilisent à la fois les termes de préparation mentale, de préparation psychologique, de préparation psychique de l athlète. Il est important, dans un premier temps, de définir tous ces termes afin d avoir une idée précise de ce qu ils recouvrent. C. Sève (2009 : 170) différencie la préparation mentale de la préparation psychologique. Selon elle, la préparation mentale est «l utilisation par l athlète, à l approche de la compétition, de techniques de contrôle de l anxiété et de renforcement de l attention» alors que la préparation psychologique utilise des techniques de préparation mentale en plus d autres méthodes afin d améliorer le potentiel psychique de l athlète. M. Lévèque (1993), psychologue et maître de conférence en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), définit la préparation mentale comme «l ensemble des procédures directes ou indirectes susceptibles d améliorer le potentiel psychique de l athlète». S. Baert et Y. Dufour (2007 : 7) la définissent comme «un ensemble de techniques que l athlète apprend puis applique de façon autonome, en vue de développer l ensemble de ses qualités psychologiques et d optimiser sa performance.» Même si, dans ces trois définitions, les termes utilisés sont différents, on voit bien que la préparation dite mentale vise à apprendre ou à développer certaines techniques permettant une amélioration du potentiel psychique. Il est donc intéressant pour l athlète d acquérir un certain nombre de techniques et d habiletés mentales afin de supprimer le plus possible des facteurs perturbants d ordre psychologique. Durant l entraînement et surtout lors d une compétition, l athlète, pour être au meilleur de son potentiel technique et physique, doit réussir à développer son potentiel mental, c està-dire se concentrer, gérer son stress et ses émotions, se mobiliser physiquement et 12

psychologiquement. Tout cela en vue de réaliser une performance à la hauteur de ses capacités physiques, techniques et mentales. Cette préparation mentale s applique de la même façon aux artistes puisque les préparateurs mentaux qui suivent les sportifs et les artistes utilisent les mêmes techniques et ont suivi les mêmes formations universitaires. Le terme sportif utilisé dans ce mémoire recouvrera, par conséquent, à la fois le domaine artistique et sportif. T. Bompa (1983, cité dans R. Thomas (1994 :11) explique très bien l acquisition de toutes les compétences menant à la réussite ou à la réalisation d une performance sportive ou artistique. Ces performances doivent être acquises par l athlète les unes à la suite des autres. T.Bompa (1983) L acquisition de ces habiletés mentales a pour but d améliorer les performances sportives ou artistiques par le biais de la performance mentale. Certaines habiletés sont rapidement apprises par les athlètes ou les artistes, d autres nécessitent un apprentissage plus long avec l aide d un coach mental ou d un spécialiste. De plus, chaque personne étant différente, certaines vont réagir de façon positive à ces apprentissages, d autres auront besoin de plus de temps ou n y adhéreront jamais. Il en sera de même pour les personnes qui souhaitent avoir recours à une préparation mentale dans leur vie personnelle ou professionnelle. L acquisition de ces habiletés dépendra de plusieurs éléments : le potentiel psychologique de l athlète, son état psychologique au moment de l apprentissage et les demandes qu il aura formulées. 2.2. LA REPETITION ET L IMAGERIE MENTALE «La répétition mentale est généralement définie comme la répétition intériorisée d un patron moteur, sans la production concomitante de l activité musculaire normalement requise pour l exécution de ce patron moteur. La répétition est à l œuvre, par exemple, 13

lorsqu un individu visualise les étapes d un mouvement complexe ou d une action à exécuter.» M. Denis (1987, cité dans R. Thomas, 1994 : 38) La répétition mentale et l imagerie sont à la base de l acquisition de toutes les habiletés mentales. Tous les savoir-faire et les savoir-être, que peut acquérir un sportif, ne seront possibles qu avec un entraînement mental rigoureux et régulier. Par contre, chaque individu a une capacité à imaginer différente. Le travail ne sera donc pas le même. L imagerie mentale peut cependant s améliorer. Le sportif doit s entraîner en dehors des moments de compétition avec des images familières qui faciliteront au départ le développement de ses habiletés mentales. 2.3. LES BUTS DE LA PREPARATION MENTALE L entraînement mental va permettre au sportif de s améliorer dans plusieurs domaines : - La préparation psychologique va, d une part, améliorer les apprentissages technique et tactique. - Cette préparation va pouvoir également supprimer ou occulter les facteurs de perturbation de la performance sportive et mieux maitriser les émotions. - Elle va renforcer la motivation, améliorer la confiance en soi et permettre à l athlète de mieux gérer ses objectifs. - Elle va aussi augmenter la récupération physique et psychologique et accroître la capacité physique. Ces domaines sont en lien direct avec des savoir-faire et des savoir-être à acquérir qui seront développés ultérieurement. Toute cette préparation mentale a des effets bénéfiques sur l athlète. De nombreuses études ou auteurs l ont démontré au fil de l histoire sportive et certains pays l utilisent depuis de nombreuses années. Les sportifs décrivent un sentiment de bien-être et l utilité de cette préparation ressentie pendant l épreuve. C est en 1977, en France, qu est créé le laboratoire de psychologie du sport à l INSEP (Institut National du Sport, de l Expertise et de la Performance) tandis que les États-Unis s y intéressent depuis les années soixante-dix (E. Thill et P. Fleurance, 2000 :4). Alors que les Soviétiques étaient les pionniers en la matière, en Suède, 65% des sportifs de haut-niveau utilisent la préparation psychologique et même les élèves de l école publique bénéficient d une formation en entraînement mental (R. Thomas, 1994 : 16-17). 14

En juin 1991, le premier congrès mondial d entraînement mental est organisé. Ces quelques références mondiales et historiques prouvent que la préparation mentale fait partie intégrante de la préparation du sportif. Les auteurs expliquent, de plus, que toutes ces techniques ne se limitent pas au domaine sportif mais que des néophytes peuvent les utiliser en apprenant seuls ou avec un spécialiste et que cela peut trouver son utilité dans la vie quotidienne. Pour résumer, le but de la préparation mentale est de «rendre les athlètes capables de contrôler et de modifier leurs niveaux d activation nerveuse et de résister émotionnellement aux évènements qu ils rencontrent afin de maintenir leur équilibre psychologique.» (C. Sève, 2009 : 180). La performance mentale est donc une subtile et délicate question d équilibre. 2.4. LA PERFORMANCE MENTALE La performance mentale, c est-à-dire la réussite lors d une compétition grâce à la maîtrise d habiletés mentales, passe par différentes étapes qu il convient de détailler et de définir. F. Raynal et A. Rieunier (1997 :76-279) définissent la performance comme «l actualisation de la compétence». L. d Hainaut (1985, cité dans F. Raynal et A. Rieunier, 1997 : 77), quant à lui, explique que la compétence est un «ensemble de savoirs, de savoirfaire et de savoir-être qui permet d exercer un rôle, une fonction ou une activité, de façon que le traitement des situations aboutit au résultat espéré par celui qui les traite ou à un résultat optimal». La compétence est donc un ensemble de potentiels ou de capacités qui vont être à développer, à modifier ou à mettre en œuvre chez un athlète : - Les savoirs sont l ensemble des connaissances théoriques et des concepts acquis par une personne. - Les savoir-faire sont une mise en œuvre d un savoir et d une habileté pour une réalisation spécifique. - Les savoir-être sont un ensemble de comportements et d attitudes dans une situation donnée. Tous ces savoirs forment la capacité qui va être exploitée à travers une compétence. Cette même compétence va être utilisée par un athlète ou un artiste pour réaliser une performance et en particulier une performance mentale. 15

PERFORMANCE MENTALE Actualisation d une compétence : Potentiels ou capacités savoirs savoir-faire savoir-être Pour donner un exemple concret, un athlète fait une erreur pendant une compétition. Il est surpris donc se démobilise. Il sait qu il doit retrouver sa concentration car, sans cela, il n y a pas de réussite possible (savoirs). Il dispose des savoir-faire et des savoir-être pour corriger ce type d erreur et se reconcentrer. Il sait donc quelles capacités il doit modifier pour continuer à être performant sur le plan mental et plus largement sur le plan sportif. Tous ces savoirs vont s acquérir au cours des entraînements et le sportif, le jour de la compétition, pourra mettre en œuvre cette compétence et réaliser une performance. Toute cette démarche s apprend évidemment, soit seul, soit avec l aide d un préparateur mental et peut être utilisée aussi bien dans la vie sportive que dans la vie professionnelle ou personnelle. De nombreux préparateurs mentaux interviennent maintenant dans les entreprises, dans le monde des affaires, auprès de managers, de cadres, On trouve désormais sur Internet de nombreux coaches mentaux qui proposent leurs services pour des professionnels ou des particuliers. Nous avons vu que pour réaliser une performance sportive à l aide, entre autres, d une performance mentale, il convient d acquérir une compétence qui est un ensemble de potentiels. Le sportif devra développer ou modifier ces potentiels pour atteindre un niveau de bien-être lui permettant de réussir un match ou une épreuve. Tout ceci est évidemment dépendant d un niveau physique, technique et tactique suffisant. La préparation mentale seule ne suffit pas à réaliser une performance sportive. C. Target (2008 : 35) définit, dans un de ses ouvrages, quatre types de potentiels impliqués dans la préparation mentale. Nous allons reprendre sa catégorisation pour expliquer comment un athlète peut se préparer, quels sont, au sein de chacun de ces potentiels, les savoirs, savoir-être et savoir-faire à acquérir et quels types d exercices sont 16

possibles dans chaque catégorie. Et nous verrons qu au centre de ces quatre potentiels interdépendants émerge un cinquième potentiel qui est la clé de la réussite. Modèle de fonctionnement de l être humain C. Target (2008 : 87) 2.5. LE POTENTIEL ENERGETIQUE 2.5.1. Les savoirs Le potentiel énergétique, c est-à-dire la capacité qu a un athlète à mobiliser toute son énergie mentale à la réussite d une épreuve, est directement lié à la motivation. H. Piéron (2003 : 286) définit la motivation comme «le facteur psychologique prédisposant l individu à accomplir certaines actions ou à tendre vers certains buts». Pour E. Thill et P. Fleurance (2000 : 94-95), «la motivation influence le déclenchement (elle dynamise le comportement de l athlète), la direction (elle oriente l athlète vers le comportement approprié) et la persévérance (elle pousse l athlète à rester ou non dans son sport) du comportement». On voit donc que le potentiel énergétique est en prise directe avec la motivation. De plus, la motivation se décline en deux pans : l intensité qu un athlète va consacrer à sa réussite et la direction dans laquelle il va orienter cette motivation, c est-à-dire l investissement qu il va porter à l activité sportive choisie. Cette intensité de la motivation va permettre d élever le niveau d activation du système nerveux central. L athlète aura alors un niveau d éveil (de l état de sommeil à la 17

surexcitation) suffisant ou non et sera performant ou non mentalement. Un athlète surexcité ne sera évidemment pas performant car il aura dépassé le niveau d activation optimal. Cet état permet au sportif de ne pas se désintéresser de la tâche sportive à accomplir. La motivation est aussi liée à la difficulté de l action à accomplir. Cette problématique sera développée dans la partie sur le potentiel cognitif. Mais cela permet de comprendre que toute la performance mentale est la résultante de potentiels étroitement imbriqués. La baisse ou le manque de motivation provoquent une diminution du potentiel énergétique. Ce problème est très souvent la conséquence d un épuisement psychologique ou d une fatigue mentale. Ce syndrome est évolutif et provient d une charge de travail trop importante, d une pression émotionnelle trop grande, d une implication personnelle trop intense, d un surentraînement physique. Cela perturbe également le processus de récupération et provoque une baisse de l attention et de perte de contrôle qui sont des facteurs psychologiques relevant d autres potentiels. C. Sève (2009 : 129) Mais ce qui est rassurant, c est que cette fatigue mentale se détecte très vite grâce à des grilles contenant des critères d évaluation notés de 1 à 9 que l athlète peut remplir seul ou avec son entraîneur et que des solutions existent. Pour atteindre un niveau optimal de potentiel énergétique, le sportif dispose de savoirfaire et savoir-être qu il pourra acquérir seul ou avec son préparateur mental. 18

2.5.2. Les savoir-faire et les savoir-être Pour définir ce que sont les savoir-faire, nous reprendrons la définition de C. Target (2008 : 113) qui utilise le terme de «savoir-faire procédure» : «Il s agit d une suite d opérations codifiées, soigneusement construite et répétée puis enregistrée en mémoire. [ ] Il permet la mise en œuvre immédiate d une capacité mentale afin de répondre directement à un besoin programmé ou non. [ ] Il permet de construire (ou de modifier) un outil intégré et de le stocker dans sa mémoire. Ce savoir-faire devient alors une ressource immédiatement mobilisable.» Les savoir-faire prennent en permanence des formes visuelle, kinesthésique ou auditive. À chaque athlète de déterminer le canal qui lui correspond le mieux. Les savoir-être sont bien-sûr inhérents à tous les savoir-faire des cinq potentiels. Ce sont tous les comportements et les attitudes d un sportif lors d un entraînement ou d une compétition. Le potentiel énergétique est en lien direct avec la motivation, l ambition, le besoin de réalisation de soi et d accomplissement. Une baisse ou un manque d énergie peuvent être provoqués par différents facteurs et conduisent à un état de fatigue générale. Cela peut provenir d un manque d engagement, c est-à-dire de motivation, être la conséquence d une fatigue mentale ou d un manque d ambition. Cette fatigue mentale peut rapidement disparaître grâce à l acquisition de savoir-faire. Mais, il est nécessaire de maintenir un équilibre entre le niveau d exigence physique, technique et mental. 2.5.2.1. La motivation La motivation chez un sportif est intrinsèque ou extrinsèque : - L athlète pratique une activité physique pour son propre plaisir et non par contrainte : il apprend ou travaille des techniques uniquement pour le plaisir et les sensations que cela lui procure. - Le sportif s entraîne parce que son entraîneur l y contraint, pour augmenter sa capacité musculaire ou pour ne pas se sentir coupable de ne pas aller à l entraînement. Pour développer une motivation plus autodéterminée, il existe plusieurs savoir-faire. Pour éviter la démotivation de son athlète, un entraîneur peut lui proposer de participer à la gestion des objectifs à atteindre tout en déterminant un calendrier pour y parvenir. Il s agit de réussir à fixer, avec le sportif, les buts qu il peut atteindre sans qu ils soient trop aisés ou trop ambitieux. Cela permet au sportif d apprendre à mieux se connaître, à se fixer des objectifs réalisables et à évaluer ses capacités. L athlète doit sentir qu il est à l origine de sa 19

performance tout en continuant à bénéficier de l aide de son coach. Mais il doit avoir la sensation que ses choix techniques ou stratégiques lui ont permis de réaliser une passe décisive ou un coup gagnant par exemple. Ce sentiment d autonomie et de compétence augmente la motivation d un individu. L athlète peut aussi utiliser une technique de répétition mentale. Il peut s imaginer sur un podium et y associer les émotions de ce jour-là ou se rappeler ce qu il a ressenti en gagnant un match ou une course par exemple. Il peut également se remémorer son entraîneur le félicitant pour une passe réussie et qui lui explique à l aide de quelle compétence, il est parvenu à bien exécuter ce geste technique. Cette habileté permet d augmenter la motivation intrinsèque. 2.5.2.2. La fatigue mentale En ce qui concerne la fatigue mentale, le principal savoir-faire est lié aux techniques de relaxation. Elles sont nombreuses : la sophrologie, la respiration abdominale, le trainingautogène de Schultz, le yoga, la relaxation progressive de Jacobson, l hypnose, Certaines nécessitent la présence d un spécialiste, d autres peuvent être utilisées facilement et rapidement par l athlète seul. - Avec un préparateur mental Le training-autogène de Schultz (R. Thomas, 1994 : 68-71) est une technique de relaxation qui permet d «atteindre un état hypnotique». La personne s installe confortablement au calme. Les exercices sont progressifs et doivent être répétés trois fois par jour pendant un cycle de douze à dix-huit semaines. Les exercices sont : «l induction au calme», «l expérience de pesanteur», «la sensation de chaleur». Quand ils sont maîtrisés, la personne passe au «contrôle cardiaque, respiratoire», à la «sensation de chaleur au niveau de l abdomen» et à «l idée de fraicheur du front». Par contre, ces exercices ne peuvent se faire qu en présence d un spécialiste et avec de la persévérance. Il existe ensuite un cycle inférieur qui permet de contrôler les affects et un cycle supérieur réservé aux personnes expérimentées. D autres sportifs utilisent la relaxation progressive de Jacobson. Dans un premier temps, l athlète contracte un groupe musculaire précis utilisé pendant un effort puis relâche des muscles qui ne sont pas concernés par l effort. Il compare ensuite les sensations. Cette technique est souvent utilisée en complément de l imagerie mentale et du contrôle respiratoire. Ce contrôle musculaire permet, par la suite, un contrôle psychologique. Ces deux techniques permettent de «créer une image mentale de relâchement» (R. Thomas, 1994 : 68). 20

D autres techniques plus spécifiques existent : la sophrologie, le yoga, la méditation, l hypnose. Elles sont utilisées pour certains athlètes ou ont été utilisées à certaines périodes. - Seul La relaxation permet de régénérer les fonctions biologiques et cognitives, de réguler le tonus musculaire, la tension et la respiration. L athlète apprend à se détendre physiquement et psychologiquement. Cette technique peut avoir une durée longue, courte ou très courte, ce qui permet à l athlète de l utiliser dans plusieurs situations et de s adapter rapidement. Pour pratiquer des exercices de relaxation, l athlète doit d abord se mettre en condition dans un endroit calme. C. Target (2000 : 120) propose des exercices progressifs pour atteindre cet état de relaxation. Il s agit de fiches que la personne complète elle-même et qui lui permettent de progresser à son rythme. Pour chaque exercice, tout le déroulement est détaillé et la personne peut ainsi cibler les savoir-faire du potentiel qu elle souhaite travailler. La première étape consiste à «se placer en situation de calme, de regard et de disponibilité intérieurs» et comprend trois exercices dont deux sont réalisables en public (voir les fiches en annexes). Ce sont des exercices de relâchement progressif de tout le corps, de la tête au pied. C est un dérivé de l induction au calme de Schultz. L objectif est de les réaliser rapidement en position assise et non allongée afin de pouvoir les effectuer dans tout type d endroit. La seconde étape permet au sportif de contrôler son rythme respiratoire et cardiaque. La dernière étape fait appel à la technique «d image ressource calme». Elle permet un contrôle de l image (geste technique) en se remémorant des sensations passées, de déterminer quel canal domine (visuel, kinesthésique, auditif), de retrouver des sensations de plaisir dans la pratique sportive. Cette dernière étape permettra ensuite d enclencher un contrôle du potentiel émotionnel. L athlète, en pratiquant ces exercices de relaxation, peut faire face à l anxiété et au stress en adaptant son niveau de vigilance au plus juste. Il contrôlera ainsi son potentiel énergétique et évitera de développer une certaine fatigue mentale. La respiration abdominale est une technique de relaxation assez simple à utiliser, même pour des non-initiés. Il s agit de respirer lentement et profondément en utilisant le diaphragme. Cela commence par la respiration haute puis la respiration basse pour ensuite alterner les deux. Le niveau d anxiété diminue grâce à la mise en œuvre du système parasympathique (système nerveux autonome). Les tensions physiques se relâchent. Le manque d engagement peut être dû à un stress trop important ou à une difficulté pour le sportif d identifier les objectifs à atteindre. Il existe pour ces perturbations d ordre psychologique des savoir-faire à acquérir. 21

Les savoir-faire de contrôle du stress seront développés dans la partie sur le contrôle émotionnel. La difficulté à identifier les objectifs à atteindre se trouve dans tous les potentiels. Le sportif ne dispose pas d objectifs clairs et identifiés, il ne sait pas où il va. De plus, si les objectifs sont trop ambitieux, le contrôle émotionnel n est plus possible. L athlète est stressé car il ne se sent pas capable d atteindre la performance attendue. Il n est pas en confiance, est anxieux. Il s épuise mentalement et se démotive. Il est donc primordial pour l entraîneur et l athlète d établir un projet avec des objectifs définis, de gérer le temps et les priorités jusqu à l échéance de la compétition. La fatigue mentale et la baisse de motivation perturbent le potentiel énergétique mais également les autres potentiels. 2.6. LE POTENTIEL DE CONTROLE EMOTIONNEL 2.6.1. Les savoirs du potentiel de contrôle émotionnel 2.6.1.1. Les émotions Le potentiel émotionnel regroupe toutes les émotions pouvant être ressenties par le sportif mais qui sont principalement la conséquence du stress et de l anxiété. Les émotions sont des réponses à ce stress, qu elles soient positives ou négatives. Comme l expliquent S. Baert et Y. Dufour (2007 : 1), «[ ] les émotions bien gérées sont utiles pour l être humain. Elles permettent de s adapter à l environnement, favorisent la raison, l apprentissage, la communication etc. En revanche, les émotions mal gérées et le stress, seront plutôt néfastes pour l individu.». J. Taylor (2001, cité dans C. Target, 2008 : 40), psychologue du sport énonce la règle suivante : «Celui qui perd le contrôle émotionnel perd la compétition.». Les émotions jouent un rôle très important dans la performance mentale car elles sont présentes dans la quasitotalité des savoir-faire que peut acquérir un sportif et dans le dernier potentiel qui est au centre de tous les autres. Les émotions provoquent des modifications physiologiques (rythme cardiaque et respiratoire, tension, température), comportementales (expressions du visage, mouvements des mains) et cognitives (jugement, mémorisation, perception). Elles peuvent donc perturber la performance mentale de plusieurs façons. 22

Longtemps relégué à la dernière place des composantes de la réussite sportive, le potentiel émotionnel est désormais considéré par les spécialistes comme un élément-clé pouvant déterminer la réussite ou l échec. A. Domasio (1992, cité dans C. Target, 2008 : 42), neuropsychologue et professeur de neurologie explique que : «Lorsqu un individu doit prendre une décision face à un évènement nouveau, il est aidé par les composantes affectives, émotionnelles d évènements qu il a déjà vécus. Il va fonctionner comme ce que j appelle un marqueur : un signal qui lui indique si c est une bonne chose à faire ou non. Ainsi, au fur et à mesure des expériences de la vie, chacun dispose non seulement d une analyse objective des situations mais aussi d une histoire de ce que la vie a été pour son organisme.». La décision la plus adaptée, lors d une épreuve sportive, est donc en étroite relation avec le niveau émotionnel et l expérience émotionnelle acquise. Cela permet à l athlète de maintenir un équilibre psychologique idéal, ce qui lui donne la possibilité de ressentir un bien-être personnel. L athlète maintient cet équilibre grâce à des processus d adaptation qui lui permettent de faire face aux exigences de la compétition. Ces processus seront expliqués dans la partie consacrée aux savoir-faire. Certains auteurs parlent d intelligence émotionnelle à la disposition du sportif. D. Goleman (1997, cité dans Thill et Fleurance, 2000 : 76) la définit comme suit : «Les capacités de se motiver pour réaliser quelque chose d important pour soi et de persister dans ses projets en dépit de frustrations, de contenir ses impulsions et de retarder les gratifications, de comprendre ses humeurs et de conserver la maitrise de soi dans des situations difficiles.» Il distingue cinq compétences émotionnelles et sociales élémentaires : la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l empathie et les aptitudes humaines. Cela permet au sportif de reconnaître ses propres sentiments, de gérer ses propres émotions et celles ressenties avec autrui. Les émotions sont à l origine de conduites sportives intelligentes mais elles peuvent être perturbées par le stress et l anxiété. 2.6.1.2. Deux réactions particulières Le stress pour R.S. Lazarus et S. Folkman (1984, cité dans E. Thill et P. Fleurance, 2000 : 77) est : 23

«Une transaction particulière entre la personne et l environnement qui conduit celle-ci à percevoir une discordance réelle ou imaginée entre les demandes d une situation et les ressources de ses propres systèmes biologiques, psychologiques et sociologiques.» Dans le processus de stress, il y a trois phases : la réaction d alarme, le stade de résistance et le stade d épuisement. Ces trois phases découlent d une réaction de l organisme face à une agression extérieure. Ce stress va modifier la réaction comportementale de l athlète sur le plan psychologique en provoquant des réactions cognitives inadaptées et sur le plan physiologique en activant le système nerveux, ce qui va provoquer une modification de la vigilance. Le stress, selon la façon dont il est évalué par l athlète, sera perçu comme positif ou négatif et les conséquences en seront différentes. De plus, le stress précompétitif est très différent du stress général et quotidien que nous avons déjà tous ressenti. Ce stress va influencer la performance en perturbant l estime de soi et en aggravant l inquiétude ou la peur de l échec. L anxiété, quant à elle, est «un malaise à la fois psychique et physique caractérisé par une crainte diffuse, un sentiment d insécurité, de malheur imminent.» (H. Piéron, 2003 : 28). Cette anxiété est souvent précompétitive et touche surtout les athlètes peu expérimentés. Ils perçoivent une situation comme étant dangereuse psychologiquement ou physiquement et ceci pour deux raisons : soit le résultat de la compétition est incertain et l athlète évalue sa probabilité de succès comme assez faible, soit le résultat de l enjeu est d une importance capitale et la réussite prend alors un sens tout particulier. E. Thill et P. Fleurance (2000 : 82) distinguent deux formes d anxiété : - Le trait d anxiété compétitif qui est «une caractéristique durable et stabilisée de la personnalité du sujet» : le sportif est anxieux avant un enjeu sportif mais parvient à maintenir son stress à un niveau acceptable pour ne pas perturber sa performance. - L état d anxiété compétitif qui est «une traduction comportementale résultant des évaluations cognitives dans la situation environnementale. C est un état transitoire de l émotion variable selon les situations.». Cet état d anxiété sera donc variable d une situation à l autre et demandera à l athlète une adaptation des savoir-faire qu il maîtrise pour contrôler ce stress. De plus, des émotions intenses déclenchant le stress ou l anxiété vont augmenter la fréquence cardiaque et le rythme ventilatoire, diminuer la production hormonale et les facultés d analyse. Tous ces changements physiologiques vont perturber la performance du sportif tant sur le plan physique que sur le plan mental. 24

La réponse face à ce stress va être l apparition d émotions positives ou négatives. Il est toutefois possible pour le sportif de contrôler ces émotions grâce, entre autres, à l activation émotionnelle. 2.6.1.3. La zone optimale Les émotions ressenties par un athlète ont des conséquences sur son état d excitation, c est-à-dire sur ce que les auteurs nomment l activation émotionnelle. La notion d activation se définit par les différentes phases d éveil de l organisme au cours de la journée et dépend de plusieurs facteurs externes. Il existe une zone où l activation de l organisme et la performance sont optimales. Cette théorie du vingtième siècle a été reprise et enrichie par Hanin. Il propose une approche idiographique et explique qu il faut tenir compte de la manière dont l individu perçoit cette zone optimale. Pour déterminer cette zone, le sportif doit identifier des émotions : des affects positifs ou négatifs et facilitants ou débilitants (D. Delignières, cité dans P. Fleurance, 1998 : 107-119). Pour une même émotion, deux sportifs peuvent en percevoir des effets complètements différents. En identifiant les émotions qui sont facilitantes et plaisantes, le sportif peut déterminer la zone optimale où il sera capable de produire une performance sportive. 2.6.2. Les savoir-faire et les savoir-être du contrôle du potentiel émotionnel 2.6.2.1. Des images positives La maîtrise de ces savoir-faire est indispensable pour un athlète qui souhaite réussir. Les émotions jouent un rôle primordial pour la concentration, la prise de décision, la gestion du stress, le niveau d énergie, Pour parvenir à contrôler ses émotions, un sportif dispose de plusieurs savoir-faire. Il doit tout d abord identifier le stress ressenti, son origine et son intensité. Il s agit d une évaluation individuelle. Mais il doit, ensuite, se construire des «images de référence» qui vont lui servir de base pour le contrôle émotionnel. Pour élaborer cette base, le sportif tente de «retrouver, revivre, enregistrer les meilleurs moments de vie» (C. Target, 2008 : 149). Il s agit d identifier les sensations ressenties, de déterminer quel canal domine (visuel, auditif, kinesthésique), de les verrouiller grâce au discours interne et de les stocker dans la mémoire permanente. 25

Le sportif pourra ensuite utiliser ses émotions de référence pour construire ce que C. Target (2008 : 149) nomme «l émostat». C est un ensemble «personnalisé d émotions qu un individu opère dans son référentiel émotionnel afin de se placer dans l état le plus favorable à la réussite de l action qu il entreprend». Un émostat est toujours associé à une situation sportive précise et à un canal. Cela permet au sportif de contrôler son potentiel émotionnel mais également cognitif et énergétique. Il se mobilise physiquement en atteignant le niveau d activation souhaité, se concentre et est disponible pour réaliser une performance car il peut contrôler son état émotionnel. Le sportif peut aussi modifier ses états mentaux : - de positifs en très positifs - de négatifs en positifs Pour ce faire, le sportif doit être conscient qu il est dans un état mental inadapté et qu il doit se retrouver dans un état positif adapté. Il doit ensuite prendre la décision de changer en activant une sensation positive dans le même canal ou en changeant de canal. Le questionnement de l athlète est en permanence nécessaire par rapport au contrôle émotionnel. Des questionnaires avec des mots-clés sont utilisés par les entraîneurs. Ils permettent à l athlète de se situer par rapport aux émotions, de se remémorer des émotions positives passées, des réussites. L athlète se questionne par rapport à ce qu il a fait, ressenti, dit et vu et par rapport à ce que son entourage a également perçu par le biais de ces trois canaux (visuel, auditif, kinesthésique). 2.6.2.2. Le stress Une réaction physiologique qui nécessite d être contrôlée par l athlète est le stress qui peut être positif ou négatif. Soit le sportif est trop stressé car il se dit qu il doit absolument réussir et se retrouve dans un état de panique incontrôlable, soit il sent qu il est incapable de faire ce que l entraîneur lui demande et il est alors dans un état de stress insuffisant qui l empêche de se mobiliser physiquement, techniquement et mentalement. Dans les deux cas, il est important de sortir de cet état, de redéfinir des objectifs adaptés, de reconstruire un émostat de réussite. Il s agit d abord d identifier l origine et l intensité du stress. Pour cela, le sportif peut utiliser le thermomètre de stress de Kelley. 26