SOMMAIRE. Quelle est la place des traitements non chirurgicaux dans une option curative?



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Transcription:

SOMMAIRE Sur quels arguments discuter un dossier en rcp? C. Ducerf Quelle est la place des traitements non chirurgicaux dans une option curative? R. Brunet Le curage ganglionnaire : pourquoi, comment? G. Piessen Quel type de gastrectomie et de rétablissement D. Collet Que faire en cas de découverte d une carcinose péritonéale S. Msika La laparoscopie est-elle un standard en 2010? J.L. bouillot

CANCER GASTRIQUE ET RCP QUELLE PLACE POUR LE CHIRURGIEN? Christian DUCERF Service de Chirurgie Digestive Hôpital de la Croix-Rousse LYON La résection chirurgicale reste le seul traitement à visée curatrice de l adénocarcinome invasif de l estomac. Il est donc capital une fois le diagnostic établi de se donner tous les moyens de savoir si le patient pourra bénéficier de ce traitement. Les dossiers de tous les patients doivent faire l objet d une discussion collégiale en particulier en préopératoire. Le diagnostic est habituellement simple par l endoscopie et les biopsies. Il faut savoir diagnostiquer un lymphome gastrique dont le traitement sera spécifique et souvent non chirurgical. Le diagnostic est parfois difficile pour des cancers prenant le masque de l ulcère traité et cicatrisé par les IPP. Le diagnostic de lignite gastrique peut être difficile et reste de mauvais pronostic. La répétition des examens endoscopiques et des biopsies est parfois nécessaire. L état général du patient doit être soigneusement évalué par l anesthésiste et le chirurgien. L évaluation du bénéfice risque de l intervention chirurgicale doit être faite par l équipe chirurgicale qui soumettra cette évaluation au patient et à sa famille. La sanction d inopérabilité ne doit pas être prise uniquement en réunion sans évaluation clinique. Le diagnostic du stade de la maladie doit être validé par tous. Le stade de la maladie va guider la stratégie thérapeutique. La stadification est souvent simple avec des examens de base comme le TDM, l IRM voire l écho-endoscopie. L évaluation d une carcinose péritonéale voire de micro-métastases hépatiques peut nécessiter une exploration par cœlioscopie de la cavité abdominale soit dans le même temps opératoire, soit mieux dans le cadre du bilan d évaluation pour mieux programmer un éventuel traitement néo-adjuvant. Le pet scanner, l IRM de diffusion sont utiles, leur sensibilité et leur spécificité doivent être validées surtout avant de contre indiquer un geste chirurgical. Si, dans le meilleur des cas, un geste de résection chirurgicale peut être programmé, le choix de la stratégie dans l association thérapeutique avec la chimiothérapie (sels de platine, fluoropyrimidines, anthracyclines, taxanes, irinotecan) et la radiothérapie ainsi que la chronologie utilisée seront discutés en RCP. Il est très souhaitable d inclure le patient dans un des nombreux protocoles d évaluation thérapeutique soit pré opératoire (de type MAGIC par exemple) soit post opératoire (tel qu était le protocole Mac Donald) soit pour évaluer le moment opportun des traitements complémentaires (protocoles TRACE ou PETACC7). Les choix du chirurgien dans les options du protocole chirurgical (caractère total ou partiel de la gastrectomie, étendue de la lymphadenectomie : D1 ou mieux D2-D3, choix de la reconstruction digestive) doivent être argumentés par l équipe chirurgicale en fonction des résultats du bilan préopératoire et notamment d une cartographie histologique la plus précise possible de la cavité gastrique. Des recommandations de sociétés savantes (FFCD, SFCD) et de l HAS existent dans ce domaine.

Une nouvelle RCP est nécessaire en post opératoire pour discuter du compte rendu de l examen anatomopathologique en présence du médecin pathologiste pour adapter une nouvelle stratégie en cas de surprise per et post opératoire. Cette réunion est d autant plus capitale qu elle n aurait pas eu lieu avant l intervention chirurgicale. Les données de l examen anatomopathologique doivent être précises et complètes. La qualité de l examen de l ensemble de la pièce opératoire, la recherche de dysplasies et métaplasies éventuelles (Intestinal CDX2 + MUC2 + Gastrique MUC5AC + MUC 6 +) voie TP53, voie MSI (Instabilité Micro satellitaire) caractère E-Cadhérine négatif et caractère diffus permettent de guider dans des voies d histogénèse complexes voire dans le pronostic. L utilisation de classification (Lauren, Carneiro) permet de préciser l hétérogénéité des cancers gastriques. Le nombre de ganglions examinés est une donnée capitale. Aujourd hui, des examens d immuno-histochimie à la recherche d oncogènes et protéines spécifiques (anti- HER2, anti-her1, anti-vegf, inhibiteurs voie C-met, inhibiteurs multityrosinekinase) peuvent guider le choix de thérapeutiques ciblées (trastuzumab HERCEPTIN*, lapatinib, pour anti HER2 ; cetuximab, panitumumab, gefitib, erlotinib pour anti HER1 et anti EGFR ; bevacizumab pour antivegf ; anti m-tor et everolimus). Le chirurgien garde une place très importante dans la prise en charge palliative d un patient porteur d un cancer gastrique évolué en particulier métastatique. Il y a peu de place à la résection dans la prise en charge chirurgicale des métastases hépatiques ou pulmonaires des cancers gastriques. La CHIP a montré une certaine efficacité dans le traitement de certaines formes de carcinose péritonéale de cancer gastrique. C est surtout la discussion d une éventuelle gastrectomie partielle palliative qualifiée à tord de propreté qui peut être utile dans des formes sténosantes ou hémorragiques.

References Benefit of adjuvant chemotherapy for resectable gastric cancer: a meta-analysis GASTRIC (Global Advanced/Adjuvant StomachTumorResearchInternational Collaboration) Paoletti X, Oba K, Burzykowski T,Michiels S, Ohashi Y, Pignon JP, Rougier P, Sakamoto J, Sargent D, Sasako M, Van Cutsem E, Buyse M.Collaborators (45) Buyse M, Michiels S, Oba K, Paoletti X, Rougier P, Yamamoto S, Yoshimura K, Bang YJ, Bleiberg H, Burzykowski T, Buyse M, Delbaldo C, Michiels S, Morita S, Ohashi Y, Paoletti X, Pignon JP, Pozzo C, Rougier P, Sakamoto J, Sargent D, Sasako M, Van Cutsem E, Alberts S, Bajetta E, Benedetti J, Bonnetain F, Bouche O, Coombes RC, Di Bartolomeo M, Grau JJ, Garcia-Valdecasas JC, Fuster J, Krook JE, Lordick F, Lise M, Macdonald JS, Michel P, Nakajima T, Nashimoto A, Nelson GD, Nitti D, Popiela T, Rougier P, Tsavaris N. JAMA. 2010 May 5;303(17):1729 37. Treatment Options for Surgically Resectable Gastric. Cancer.Curr Treat Options Oncol. 2010 Mar 27.Rajdev L. Peritoneal Carcinomatosis from Gastric Cancer: A Multi-Institutional Study of 159 Patients Treated by Cytoreductive Surgery Combined with Perioperative Intraperitoneal Chemotherapy. Ann Surg Oncol. 2010 Mar 25. Glehen O, Gilly FN, Arvieux C, Cotte E, Boutitie F, Mansvelt B, Bereder JM, Lorimier G, Quenet F, Elias D Factors correlated with early and late recurrence after curative gastrectomy for gastric cancer. Hepatogastroenterology. 2009 Nov-Dec;56(96):1760-4. Ogata K, Mochiki E, Yanai M, Toyomasu Y, Ando H, Ohno T, Aihara R, Asao T, Kuwano H.

ADENOCARCINOMES GASTRIQUES TRAITEMENTS NON CHIRURGICAUX R. Brunet, R. Bodin Bordeaux Bien que son incidence ait sensiblement diminué au cours des 20 dernières années, le cancer gastrique reste une préoccupation en cancérologie digestive tant son pronostic demeure péjoratif avec une survie globale, tous stades confondus, inférieure à 10% à 5 ans. La pathologie est très complexe eu égard aux divers aspects épidémiologiques, étiologiques, histologiques expliquant des évolutions naturelles bien différentes. Les cancers gastriques constituent une entité hétérogène ce qui anime les réflexions et controverses à propos de leur prise en charge, difficile à standardiser. A l instar des débats chirurgicaux autour du type de gastrectomie et surtout de l étendue du curage ganglionnaire, les discussions sur la place et l intérêt des traitements non chirurgicaux, chimiothérapie et/ou radiothérapie, adjuvant ou néo-adjuvant, ont ajouté à la complexité de la réflexion sur la prise en charge optimale et les moyens d améliorer le pronostic. Il faut en effet souligner que les études de phase III sont relativement peu nombreuses et comportent souvent un nombre limité de malades, incluant parfois les cancers du cardia. La puissance statistique des résultats s en trouve amoindrie, rendant nécessaire le recours aux méta-analyses pour conclure. Actuellement la chirurgie est le traitement standard à visée curative mais avec les progrès des traitements non chirurgicaux, il est de plus en plus admis que la prise en charge de l adénocarcinome gastrique est devenue résolument pluridisciplinaire. Chaque situation doit donc être évoquée en réunion de concertation pluridisciplinaire avant la prise en charge thérapeutique du malade. Les traitements adjuvants sont réalisés au décours d une chirurgie optimale à visée curative, en connaissance des facteurs pronostiques, et concernent les malades généralement atteints d une tumeur avec extension ganglionnaire. Les études ont porté soit sur la chimiothérapie exclusive, soit sur une combinaison chimio-radiothérapie. La chimiothérapie adjuvante est étudiée depuis plus de 20 ans, utilisant des protocoles très divers. Le bénéfice qu elle apporte est reconnu au Japon et en Asie du Sud Est alors qu il reste incertain en Europe et aux Etats-Unis où, néanmoins, le recours aux méta-analyses permet de mieux préciser son intérêt. Ainsi, les données d un grand nombre de malades inclus dans des études randomisées sont regroupées pour comparer les résultats obtenus avec une chirurgie à visée curative, soit seule, soit suivie d une chimiothérapie postopératoire. Cela permet une analyse plus représentative des résultats et aboutit à des conclusions de meilleure significativité. Plusieurs méta-analyses peuvent ainsi rapportées dont les résultats sont concordants, indépendamment du type de chimiothérapie qui a varié selon les études.

Nombre malades études HR 95% CI 1 - Janunger et al. NR 21 0.84 0.74 0.96 2 - Earle and Maroun (1990) 13 0.80 0.66 0.97 3 - Mari et al. (3658) 20 0.82 0.75 0.89 4 - Panzini et al. (3118) 17 0.72 0.62 0.84 5 - Hermans et al. (2096) 11 0.82 0.68 1.08 1- A systematic overview of chemotherapy : Acta oncol : 2001 ; 40 : 309-26 2 - Adjuvant chemothérapy in non asian patients : Eur J Cancer : 1999 ; 35 : 1059-64 3 - (A study of the GISCAD) : Ann Oncol 2000 ; 11 : 837-43 4 - Adjuvant chemotherapy in gastric cancer : Tumori : 2002 ; 88 : 21-27 5 - Adjuvant therapy after curative resection of gastric cancer : JCO 1993 ; 11 : 1441-47 Les analyses portent sur un grand nombre de malades et globalement elles démontrent un bénéfice modeste mais significatif en faveur de l association d une chimiothérapie à la chirurgie à visée curative. Le risque de mortalité est réduit d environ 20% et le bénéfice absolu en survie est évalué à 5% environ. Dans une méta-analyse récente, le «GASTRIC group» (Global Advanced/Adjuvant Stomach Tumor Research International Collaboration) reprend les données individuelles de 3838 patients inclus dans 17 essais randomisés (JAMA, 2010 ; vol 303 : 1729 1737) avec un suivi médian supérieur à 7 ans. L apport de la chimiothérapie adjuvante est confirmé tant au niveau de la survie globale (HR : 0,82 ; intervalle de confiance à 95% entre 0,76 et 0,90 ; p< 0.001) qu en ce qui concerne la survie sans rechute.

Probabilité de survie globale après chirurgie seule vs chirurgie puis chimiothérapie adjuvante (d après méta-analyse du «GASTRIC group») A 5 ans les survies globales sont respectivement de 49,6% avec chirurgie seule et 55,3% avec chimiothérapie postopératoire. Ces résultats sont intéressants car ils montrent également que le bénéfice se maintient au-delà de 10 ans. L analyse de sous groupes, en fonction du type de chimiothérapie, ne permet pas d établir la supériorité d un protocole particulier. Il faut noter que les progrès enregistrés au niveau des chimiothérapies palliatives sont trop récents pour qu ils puissent être analysés dans le cadre d études de traitements adjuvants. En définitive, la chimiothérapie adjuvante des cancers gastriques apporte un bénéfice modeste et aucune étude isolée n a suffisamment de puissance pour l imposer comme traitement standard. Les métaanalyses renforcent l intérêt que présente cette chimiothérapie postopératoire en mettant en évidence une différence significative en terme de survie sans rechute et de survie globale, ce qui contribue à justifier son usage, notamment chez les malades présentant des facteurs de mauvais pronostic. La chimio-radiothérapie adjuvante a pour but de renforcer le traitement sur le site locorégional de la tumeur. Cette perspective est justifiée si l on prend en compte le mode de rechute des cancers gastriques, qui comporte des lésions locorégionales dans 70 à 80% des cas. L intérêt de ce traitement a été démontré par l étude randomisée du groupe américain SWOG, rapportée par Mc Donald et coll. (NEJM, 2001 ; 345, 10 : 728 730) et dont les résultats ont été actualisés en 2006. L étude a porté sur 556 malades ayant subit une résection d adénocarcinome gastrique et dont la prise en charge a été randomisée entre suivi postopératoire seul (275 malades) et chimio-radiothérapie complémentaire (281 malades). Les malades traités ont reçu une radiothérapie à la dose de 45 grays, précédée de 1 cycle et suivi de 2 cycles de chimiothérapie de type FuFol

Les résultats de cette étude se sont traduits par une amélioration significative de la survie médiane de 9 mois, se situant à 27 mois pour le groupe chirurgie seule et à 36 mois après chimio-radiothérapie adjuvante. Le risque de rechute dans le groupe chirurgie seule est de 1,52 par rapport au groupe de malades traités, intervalle de confiance de 95% entre 1,23 et 1,86 (p<0,001) Dans cette étude randomisée du SWOG le bénéfice de la chimio-radiothérapie adjuvante se retrouve au niveau de la survie sans rechute et de la survie globale. Ces résultats se retrouvent indépendamment de la qualité de la chirurgie. En effet, il est mentionné que 299 patients n ont pas de curage ganglionnaire (D0) : 151 dans le groupe avec traitement adjuvant, 148 chez les malades opérés puis seulement surveillés. Pour ce sous groupe D0 l apport de la chimio-radiothérapie post opératoire est similaire à l ensemble de la série, en octroyant un gain de survie médiane de 17 mois (de 23 à 40 mois). Il est aussi intéressant de noter que la réalisation d une chimio-radiothérapie adjuvante a une incidence sur le type des rechutes. Le suivi a permis d identifier 178 rechutes locorégionales après chirurgie seule contre

101 chez les malades traités en postopératoire, démontrant ainsi l intérêt de la chimio-radiothérapie pour l obtention d un meilleur contrôle locorégional de la maladie. La chimio-radiothérapie postopératoire permet d améliorer le pronostic des malades traités de carcinomes gastriques et les résultats sont significatifs, notamment après une chirurgie non optimale au niveau du curage ganglionnaire. Il faut cepandant considérer que ce traitement est parfois difficile à réaliser chez des malades récemment gastrectomisés et fragiles. C est ainsi qu environ 60% des malades seulement arrivent au terme du protocole du fait des toxicités digestive, générale ou hématologique engendrées. Cela reste une arme thérapeutique intéressante dans les situations de mauvais pronostic sous réserve d en mesurer la faisabilité individuelle. La chimiothérapie néoadjuvante est actuellement en plein développement, bénéficiant des progrès des nouvelles chimiothérapies dont la supériorité est acquise en situation palliative, avec l apport des fluoropyrimidines orales, de l oxaliplatine (protocole ECF ou EOX par exemple) ou des taxanes (protocole TCF par exemple). Au-delà du fait que la chimiothérapie est généralement mieux tolérée lorsqu elle est administrée avant la chirurgie qu après, à titre adjuvant, d autres avantages peuvent aussi apparaître déterminants : - Elle permet de tester la chimiosensibilité de la maladie qui prend une place importante ayant valeur de facteur pronostique. Son efficacité engendre généralement une amélioration rapide des symptômes, le bénéfice sur l état général l emportant sur les réactions de toxicité. - L importance de la réponse tumorale peut être mesurée et l obtention d un «downstaging» est un objectif principal de cette chimiothérapie néoadjuvante, favorisant alors la résécabilité de la tumeur. - L effet de cette chimiothérapie s exerce sur les micrométastases dont on connaît l intérêt qu elles soient traitées le plus précocement possible dans le but de limiter la maladie générale. La discussion amène cependant à soulever et prendre en compte les contraintes ou risques qu elle engendre : - L éventualité de devoir différer la chirurgie en raison d une toxicité n a pas de conséquence majeure, notamment si la chimiothérapie néoadjuvante a fait preuve d efficacité, car le retard est généralement limité. - Le risque de progression de la maladie sous chimiothérapie existe et impose d être vigilant quant à la réponse, en l évaluant précocement pour ne pas prolonger le traitement inefficace. - C est surtout l importance du bilan pré thérapeutique qui soulève la discussion afin de s assurer qu il n existe pas de signe de diffusion que les examens habituels peuvent ne pas révéler et que la chimiothérapie préalable pourrait masquer. Il est nécessaire de s assurer que la maladie est d évolution locorégionale avant d entreprendre un programme néoadjuvant. Dans ces circonstances, le dosage des marqueurs, l indication d une TEP scan, voire d une cœlioscopie peuvent s envisager. La chimiothérapie néoadjuvante du carcinome gastrique trouve actuellement sa justification dans les résultats de l étude «MAGIC», même si celle-ci inclue des carcinomes du cardia dans la série (D. Cunningham et coll. : perioperative chemotherapy vs surgery alone for resectable gastroesophageal cancer : N. Eng. J. Med., 2006, 355 : 11 21). L étude randomisée (503 malades) compare les résultats d un traitement chirurgical seul à ceux obtenus avec la combinaison de 3 cycles d ECF avant chirurgie, prévoyant aussi 3 cycles postopératoires. L analyse est

en faveur de la chimiothérapie néoadjuvante dont le bénéfice est significatif sur les survies globale et sans rechute. Les résultats positifs de chimiothérapie néoadjuvante sont aussi obtenus par l intermédiaire d une amélioration du taux de résécabilité qui, dans l étude «MAGIC», et pour la résection R0, passe de 69% pour la chirurgie seule à 79% lorsque la chimiothérapie néoadjuvante est réalisée (p= 0.02). En outre le traitement préopératoire n a aucune incidence sur les suites opératoires, aucune surmorbidité ou surmortalité n étant enregistrées. En définitive, il semble que la tendance soit de donner la priorité à la chimiothérapie néoadjuvante dans la mesure où les protocoles actuels, plus efficaces, sont aussi plus toxiques et seraient plus difficilement réalisables en période postopératoire. D autres modalités thérapeutiques adjuvantes ou néoadjuvantes, combinées à la chirurgie se développent, en général dans le sens d un alourdissement, à la recherche d une amélioration du pronostic. Les résultats des études sont très préliminaires. - La chimio-radiothérapie préopératoire vise à associer les bénéfices attendus d une chimiothérapie première sur le plan général et de l irradiation au niveau locorégional. Si les premières données sont encourageantes (Ajani et coll. : Phase II trial of preoperative chemoradiation in patients with localized gastric adenocarcinoma ; J. Clin. Oncol. : 2006 ; 24 : 3953 58), il s agit d une étude limitée dont il convient de suivre les résultats. Une telle combinaison de chimiothérapie puis chimio-radiothérapie est certes efficace, admise et réalisée chez des malades porteurs de lésions inextirpables mais son application à titre néoadjuvant peut faire craindre de compromettre la réalisation d une prise en charge globale optimale. - La chimiothérapie intra péritonéale au décours de la gastrectomie trouve sa justification dans la fréquence de la survenue d une carcinose péritonéale lors des rechutes. L étude de Newman (semin. Oncol : 2005, 32 (59) : S97 S100) n évoque actuellement que sa faisabilité.

En conclusion Le traitement standard de l adénocarcinome gastrique est chirurgical mais les discussions quant à l indication de traitements combinés sont habituelles dès lors que des facteurs pronostiques péjoratifs sont identifiés, notamment l envahissement ganglionnaire, puisque le stade de la maladie reste le facteur pronostique principal. Même si les données à notre disposition ne permettent pas de retenir de traitement non chirurgical standard, suffisamment d arguments existent actuellement pour proposer alors un traitement complémentaire de la résection. Ses modalités varient sur l ensemble du territoire, en fonction des équipes, selon les traitements les mieux maîtrisés. Donner la priorité à la chimiothérapie néoadjuvante paraît être l orientation qui se dessine lorsque le bilan initial identifie une tumeur locorégionalement évoluée mais la réalisation d une chimio-radiothérapie post opératoire peut être retenue si des facteurs pronostiques péjoratifs sont mis en évidence lors d une chirurgie première ou à l examen anatomopathologique. Les évolutions thérapeutiques permettent d espérer des améliorations des résultats, qu elles soient attendues au niveau des techniques de radiothérapie, ou qu il s agisse de progrès en oncologie, validant de nouveaux protocoles d association de chimiothérapie et surtout les indications des thérapies ciblées. Il faut surtout retenir la grande hétérogénéité des carcinomes gastriques qui regroupe un ensemble de maladies sûrement très différentes. C est une meilleure connaissance de la maladie, au niveau biologique notamment, qui contribuera à démembrer cet ensemble. Cela est vraisemblablement le préalable à de substantiels progrès thérapeutiques.

LA CHIRURGIE GANGLIONNAIRE DANS LES CANCERS VISCERAUX CANCERS DE L ŒSOPHAGE ET DE L ESTOMAC Christophe MARIETTE (1), Guillaume Piessen (1), Corinne VONS (2) (1)Service de chirurgie digestive et générale, Hôpital C. Huriez CHRU Lille, (2) Service de chirurgie générale et digestive, Hôpital Jean Verdier - CHU - Bondy Article publié dans le journal de Chirurgie Viscérale Vol 145, N HS4 décembre 2008, p21-29. Chirurgie ganglionnaire dans le cancer de l estomac 1.Introduction L'envahissement ganglionnaire est le principal facteur pronostique du cancer gastrique. La survie à 5 ans est de 70 % en l absence de métastase ganglionnaire (N0), de 30 % en cas de métastase ganglionnaire périgastrique (N1), et de 5 % en cas de métastase ganglionnaire régionale [56-59]. Ainsi, depuis ces trente dernières années, l étendue du curage ganglionnaire a été un sujet primordial de discussion. Le rationnel de cette attitude est fondé pour les équipes japonaises sur :a) les très bons résultats observés après ces curages extensifs avec des survies à 5 ans (selon le stade histologique) supérieures à celles observées en occident ; b) la possibilité d avoir après ces curages extensifs, un staging précis du cancer gastrique, l un étant possiblement la résultante de l autre. 2.Classification des relais ganglionnaires et définitions des curages La Japanese Research Society for Gastric Cancer (JRSGC) [60] a défini en 1981 les règles générales de la chirurgie du cancer gastrique en donnant à chaque groupe ganglionnaire une numérotation individuelle (Figure 2). Les ganglions lymphatiques régionaux de l'estomac sont ainsi divisés en 16 groupes [61]. Ces groupes sont ensuite réunis en trois régions qui permettent de définir trois niveaux de dissection ganglionnaire qui sont appelés D1, D2 et D3. Dans le curage D1, les ganglions périgastriques N1 allant du groupe 1 au groupe 6 sont habituellement réséqués. Dans le curage D2, outre les ganglions N1, les ganglions des groupes 7 à 11 (N2) sont emportés de manière complémentaire. Enfin, dans le curage D3, les ganglions N1 et N2 sont réséqués ainsi que les ganglions des groupes 12 à 16 (N3). Mais il existe des variations du regroupement ganglionnaire selon la localisation du cancer gastrique ; ainsi le groupe ganglionnaire 2 peut être considéré comme N1 pour un cancer proximal, mais est considéré comme N2 pour un cancer distal. C'est le type de résection gastrique à réaliser qui dicte le type du curage ganglionnaire.

Tableau I : Groupes ganglionnaires devant être réséqués pour un curage D1, D2 ou D3, en fonction du type de gastrectomie (pour la numérotation des groupes, voir la figure 2). Tableau I : Groupes ganglionnaires devant être réséqués pour un curage D1, D2 ou D3, en fonction du type de gastrectomie (pour la numérotation des groupes, voir la figure 2). Type de gastrectomie D1* D2* D3* Proximale Groupes 1 à 4 Groupes 1 à 11 Groupes 1 à 16** Distale subtotale Groupes 3 à 6 Groupes 3 à 9 Groupes 1 à 16 Totale Groupes 1 à 6 Groupes 1 à 11 Groupes 1 à 16 * Groupes ganglionnaires à réséquer ** incluant les ganglions médiastinaux inférieurs. Certaines particularités pratiques liées à ces curages ganglionnaires méritent d être soulignées : d après les auteurs japonais [62], l'exérèse des groupes ganglionnaires 9, 10, 11 nécessite a priori la ligature de l artère splénique donc une splénectomie et une pancréatectomie gauche. Les lymphadénectomies systématisées et étendues nécessitent une expertise anatomopathologique [63]. Ainsi il faudrait examiner dans le cas d un cancer invasif au moins 15 ganglions pour un curage D1 [64-66] et 25 ganglions pour curage D2 [67]. C est l absence de métastase sur des curages réalisés et interprétés selon ces normes qui permettrait de s assurer du caractère N0 d une lésion [63,68-70]. Enfin, il a été récemment proposé d évaluer l envahissement ganglionnaire en calculant le rapport entre le nombre de ganglions métastatiques sur le nombre de ganglions examinés [71] ou en calculant l index de Maruyama (MI) (la somme des pourcentages de ganglions non réséqués, pour les sites ganglionnaires de 1 à 12) [72-75]. 3. Résultats des études randomisées contrôlées comparant les différents types de curages 3.1. Morbidité et mortalité respectives des différents types de curage Curage D1 vs curages D2 (ou D3) : Nous avons à notre disposition les résultats de 5 essais [76-84] et une méta-analyse [85]. Les deux premiers essais [76,77] avaient un faible effectif et des reculs limités et ne seront donc pas détaillés ici. Ensuite, deux importants essais multicentriques occidentaux ont comparé le curage D1 au curage D2 : l essai britannique ayant inclus 400 patients [78,79] et l essai hollandais ayant inclus 721 patients provenant de 80 hôpitaux [80-82]. Les auteurs avaient suivi scrupuleusement les recommandations des auteurs japonais pour le curage, s aidant parfois d un collègue japonais présent pour les instruire. Une splénopancréatectomie gauche (SPC) était réalisée de principe en cas de gastrectomie totale. Ces deux essais ont fait l objet d une méta-analyse Cochrane [85]. En 2006, un essai randomisé monocentrique de Taiwan, a inclus 221 patients [83,84] et a comparé le curage D1 au curage D3. Cette étude a été réalisée avec une méthodologie de bonne qualité Une SPC était

réalisée de principe en cas de gastrectomie totale, les patients devant avoir une SPC de nécessité (envahissement ou grosses masses ganglionnaires) étaient exclus. Dans les essais anglais et hollandais [78,81], le curage D2 augmentait la morbidité et la mortalité postopératoires, par rapport au curage D1. La méta-analyse de ces deux essais a confirmé ces résultats en montrant qu en cas de curage D2, la mortalité était triplée avec risque relatif de 2,93 (CI95% 1,45-3,45). La «surmortalité» des curages D2 rapportée dans les deux essais est rapportée par la majorité des auteurs à la courbe d apprentissage des chirurgiens participants aux essais. Le nombre de procédures pour dépasser la période d apprentissage a été évalué à 25 [86,87], ce qui est bien au-delà du nombre rapportés dans les essais britannique (32 chirurgiens pour inclure 400 patients soit 12,5 patients par chirurgiens en moyenne sur 7 ans) et hollandais (85 chirurgiens sur 80 hôpitaux pendant 4 ans soit une résection par an et par chirurgien). Dans ce sens, l étude monocentrique Taiwanaise [83,84], a montré que si la morbidité était augmentée en cas de curage D3 (par rapport au D1), la mortalité était nulle et identique quelque soit l étendue du curage. Curage D2 vs curage D2 associé à un curage des ganglions para-aortiques : 4 essais randomisés [88-91], ont été publiés. On relève une grande disparité quant à la définition du curage D2+. Il était qualifié de D2+ [88,91], de D3 [90] et même de D4 [89]. Il faut noter aussi que, sauf un essai où la splénectomie était systématique [88], la splénectomie et pancréatectomie étaient réalisées uniquement en cas de métastases ganglionnaires ou d envahissement local de la rate ou du pancréas. Parmi ces 4 essais, un seul a montré une augmentation statistiquement significative de la morbidité après curage D2 associé au curage des ganglions para aortiques (D3) [90]. Dans les trois autres, la morbidité était identique. Enfin dans ces la mortalité postopératoire n était pas augmentée après curage lombo-aortique en plus du curage D2 classique dans les 4 essais. Curage D2 avec ou sans splénectomie, deux essais [92,93] ont été publiés. Ces essais ont comparé la morbidité et la mortalité postopératoires ainsi que la survie, selon qu une splénectomie «de principe» ait été ou non associée au curage ganglionnaire D2 au cours d une gastrectomie totale, en excluant les patients ayant un envahissement de continuité de la rate et les métastases ganglionnaires, obligeant à la splénectomie. Dans 6 essais randomisés [78-84,89-91] il avait été montré une forte corrélation, indépendante, entre la morbidité et la mortalité postopératoires et la résection de la rate et de la queue du pancréas. Ainsi, dans l étude de Cuschieri et al. [78] les auteurs ont montré que la morbidité et la mortalité étaient significativement plus élevées en cas de splénectomie (respectivement 59 % vs 22 %, p<0,001 et 17 % vs 6 %, p<0,001). Ces résultats étaient confirmés par l étude hollandaise. Wu et al. [83] ont aussi constaté une augmentation de la morbidité en cas de splénectomie, mais pas de la mortalité. Enfin dans les autres études [87-89] la pancréatectomie était le facteur prédictif le plus important de complications postopératoires, et était associé à une augmentation de la morbidité, que le curage comporte ou non les ganglions para aortiques. Les deux essais évaluant spécifiquement l influence de la splénectomie (sans pancréatectomie) sur les résultats du curage D2 montraient des résultats contradictoires.

Dans l étude de Csendes et al. [92] la morbidité était significativement augmentée en cas de splénectomie (avec curage D2), et dans l étude de Yu et al. [93] la morbidité n était pas significativement modifiée par la splénectomie. La mortalité était identique dans les deux essais. 3.2. Résultats carcinologiques (survie à 5 ans) des différents types de curage Curage D1 vs curages D2 (ou D3) : Les essais britannique et hollandais [78,82] n avaient pas montré de bénéfice sur la survie du curage D2 par rapport au curage D1. La méta-analyse de la Cochrane [85] concluait à l absence de preuve que le curage D2 améliorait la survie. Le risque relatif global était de 0,95 (95 % CI 0,83-1,09). Mais c était surtout la mortalité postopératoire qui pénalisait la survie dans les deux essais. L essai de Taiwan dans lequel la mortalité postopératoire était nulle quelque soit l étendue du curage a montré pour la première fois qu en cas de curage extensif (D3) la survie était significativement plus élevée [83,84]. Curage D2 avec ou sans splénectomie : Les deux essais spécifiques [92,93] ont montré que le nombre de ganglions enlevés était similaire qu il y ait ou non une splénectomie. De même le nombre de ganglions réséqués, indemnes de métastases ou métastatiques, au niveau du hile de la rate, ou le long de l artère splénique, n était significativement différents. Ces deux essais ont aussi montré que les survies à 5 ans étaient identiques qu il y ait eu ou non une splénectomie de principe en cas de curage D2. Il ne semble donc pas nécessaire de faire de splénectomie, ni de pancréatectomie en cas de curage D2. En conclusion, dans le traitement chirurgical du cancer gastrique, un curage D2 est recommandé, sans splénectomie ni pancréatectomie de principe, car il permet un staging précis qui peut éventuellement guider un traitement adjuvant. Il doit emporter au moins 25 ganglions. Un curage D1 peut être proposé pour les cancers de stade I, et aux patients à risque opératoire élevé ; il doit alors emporter au moins 15 ganglions. 4. Cas particulier du cancer superficiel de l estomac Le cancer superficiel de l estomac (CSE) est défini comme une tumeur dont l envahissement pariétal se limite à la muqueuse et à la sous- muqueuse, quelque soit l envahissement ganglionnaire. Comme dans les cancers invasifs, l envahissement ganglionnaire est un facteur pronostic essentiel dans le CSE. En cas de cancer intra-muqueux le risque de métastases est évalué à 4% [94,95]. Mais dans toutes les séries les métastases ganglionnaires étaient limitées au premier relais ganglionnaire ou groupe N1 [94-96]. En revanche, en cas de cancer sous-muqueux le risque de métastases est évalué à 19-23% [94,95,97] et les métastases peuvent atteindre n importe que relais ganglionnaire (avec parfois des «skip metastases») [95,97]. Les facteurs prédictifs négatifs des métastases ganglionnaires sont la nature non-ulcérée de la tumeur [94,95,98] et la taille < 1 cm. Aucune étude randomisée n a évalué le curage ganglionnaire dans le CSE. Parmi les rares études de cohorte celle de Baba et al. [99] a inclus un grand nombre de patients (n=373). Même parmi ceux qui n avaient pas d envahissement ganglionnaire (N0), la survie à 10 ans était meilleure après curage D2/3 qu après curage D1 (95,4 % vs 81,1 % ; p<0,01), et il y avait de la même façon plus de récidive chez les patients ayant eu un curage D1. Ainsi, les auteurs japonais préconisaient dès 1994 un curage extensif même en cas de cancer superficiel. En conclusion, en cas de cancer intra-muqueux, le curage au-delà de D1 n est pas recommandé car très probablement inutile (il n y a jamais de métastase ganglionnaire en N2).

En cas de cancer sous-muqueux, le curage D2 (sans splénectomie et emportant au moins 10 ganglions) est recommandé afin de faire un staging précis. Les facteurs de risque de métastases ganglionnaires pour le cancer superficiel demandent à être mieux évalués. Figure 2 : Schéma du drainage lymphatique de l'estomac Première région : groupe 1 : para-cardial droit - groupe 2 : para-cardial gauche - groupe 3 : groupe petite courbure gastrique - groupe 4 : grande courbure gastrique- groupe 5 : artère pylorique - groupe 6 : artère gastro-épiploïque droite Deuxième région : groupe 7 : artère coronaire stomachique - groupe 8 : artère hépatique commune - groupe 9 : tronc coeliaque droit et gauche - groupe 10 : hile splénique - groupe 11 : artère splénique. Troisième région : groupe 12 : pédicule hépatique - groupe 13 : pré et rétro-pancréatique - groupe 14 : artère mésentérique supérieure - groupe 15 : artère colicamédia - groupe 16 : latéro-aortiques droit et gauche.

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MODALITES DE RECONSTRUCTION DIGESTIVE APRES GASTRECTOMIE POUR CANCER D. Collet (Bordeaux) L ablation d une partie ou a fortiori de la totalité de l estomac est responsable d un certain nombre de séquelles digestives, contreparties de l objectif curatif du traitement du cancer gastrique. Des phénomènes d adaptation mal connus en atténuent avec le temps l intensité, néanmoins elles peuvent entrainer un grave préjudice digestif et nutritionnel, et retentissent de façon quasi constante sur la qualité de vie. Il n est donc pas étonnant que de nombreux procédés de reconstruction digestive aient été proposés afin d en minimiser l importance et leurs conséquences. Ceux-ci ne concernent que les gastrectomies totales et distales, les résultats à court et long terme des gastrectomies proximales sont tels que cette intervention ne doit plus être réalisée. Nous n évoquerons pas de ce chapitre les modalités des anastomoses digestives. I Les séquelles des gastrectomies sont dues à la réduction et au maximum à la suppression du réservoir gastrique, aux répercussions physiologiques induites par l arrivée brutale du bol alimentaire dans l intestin grêle ainsi qu aux modifications importantes des relations estomac-cerveau et à leur retentissement sur la perception de la faim. 1) Le syndrome du petit estomac entraine une sensation de satiété pour des repas de petite quantité. Il est souvent peu intense après gastrectomie partielle, et peut s améliorer avec le temps. Il nécessite néanmoins une alimentation fractionnée définitive après gastrectomie totale. 2) L arrivée brutale du bol alimentaire dans l intestin grêle entraine des modifications du débit splanchnique responsable du dumping syndrome. Celui ci associe une sensation de malaise postprandiale, avec pâleur et tachycardie calmées par le décubitus. Ces symptômes sont augmentés par la prise de repas gras. 3) L arrivée brutale des aliments dans le grêle entraine une réponse insulinique brutale et qui est responsable d hypoglycémies postprandiales. Celles-ci sont paradoxalement augmentées par les aliments riches en sucre. 4) Enfin, la suppression de l estomac modifie radicalement la sensation de faim : la physiologie de la prise alimentaire est un phénomène très complexe faisant intervenir des mécanismes nerveux végétatifs et des mécanismes humoraux où la ghreline 1 joue un role important mais non exclusif. Il est courant d observer une anorexie chez les gastrectomisés, qui aggrave les conséquences nutritionnelles de l intervention et qui peut poser des problèmes d interprétation chez des patients opérés d une affection néoplasique.

II Gastrectomie partielle Les modalités de reconstruction après gastrectomie partielle sont l anastomose gastro-duodénale type Péan ou Bilroth 1, l anastomose gastro jéjunale type Polya ou Finsterer (Billroth 2) et l anse en Y. 1) L anastomose gastroduodénale (figure 1) reproduit le circuit digestif physiologique et pourrait sembler le procédé de référence. Cependant cette intervention entraine un reflux duodéno-gastrique constant et régulièrement un reflux oesophagien duodéno-biliaire du fait de la modification de la jonction oesogastrique induites par la traction sur la grande courbure. Ce dernier est très inconfortable et insensible au traitement antisécrétoire. En définitive, ce type de montage n a pratiquement pas d indications du fait de ses mauvais résultats fonctionnels bien qu elle ait de meilleurs résultats sur le plan nutritionnel 2 Figure 1 Anastomose gastro duodénale type Billroth 1 2) L anastomose gastro jéjunale type Billroth 2 peut être réalisée sur toute la tranche gastrique (Polya) ou une partie seulement (Finsterer). Elle entraine un reflux duodéno-biliaire qui peut être source de gastrite du moignon et d œsophagite en cas d incompétence de la jonction oesogastrique. Figure 2 Anastomose gastro duodénale type Billroth 1 3) C est pourquoi, l anastomose gastro-jéjunale sur une anse en Y (figure 3) est de plus en plus utilisée. Les résultats fonctionnels sont supérieurs 3-5 6 sans augmentation de la morbidité postopératoire, et les résultats sont équivalents sur le plan nutritionnel, bien que ce montage entraine d avantage de retard à l évacuation gastrique que l anastomose gastro-duodénale 7 L un des principaux avantages de l anse en Y est la suppression du reflux bilio-pancréatique duodéno gastrique et de ses conséquences fonctionnelles et organiques : gastrite chronique, augmentation du taux d infection par h.pylori 8, et corrélativement du risque à terme de dégénérescence du moignon gastrique 9

Ce montage expose au risque d ulcère peptique et doit donc être associé à une vagotomie tronculaire. Cette dernière permet en outre de diminuer les troubles de la vidange gastrique induits par l intervention 3. Figure 3 Anse en Y après gastrectomie distale III Gastrectomie totale Le nombre de procédés décrits pour la reconstruction après gastrectomie totale reflète l absence de procédé idéal. La suppression de la totalité de l estomac est une mutilation sévère, qui entraine de graves conséquences sur la qualité de vie et l état nutritionnel des opérés. Les deux procédés les plus utilisés sont l anse en Y (figure 4) et l interposition jéjunale décrite par Henley (figure 5). Figure 4 Anse en Y après gastrectomie totale associé à un montage antireflux 11. Les avantages théoriques de l interposition sont le maintien du cadre duodénal dans le circuit alimentaire et la constitution d un néoréservoir intestinal dont le volume est déterminé par la longueur d anse interposée. Celle-ci doit avoir une longueur minimum de 50 cm afin d éviter un reflux duodéno-biliaire. La suppression du réservoir gastrique après anse en Y peut être compensée par la réalisation d un réservoir jéjunal par agrafage jéjunojéjunal à la pince linéaire, d une longueur de 15 cm 10. Celui-ci peut être réservoir Figure 5 Anse en Y après gastrectomie totale Plusieurs études concluent au 12, 13, 14 bénéfice de la réalisation d un sans efficacité prouvée sur le statut nutritionnel. Cependant, ces résultats ne sont pas retrouvés dans toutes les études réalisation d un tous cas le taux 15 La réservoir n augmente pas en de complications ni la durée de l hospitalisation postopératoires.