L ANALGESIE APRES CHIRURGIE THORACIQUE

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Analgésie postopératoire 259 L ANALGESIE APRES CHIRURGIE THORACIQUE M. Fischler, G. Kuhlman, P. Mezzarobba, Service d Anesthésie, Hôpital Foch, 92151 Suresnes. INTRODUCTION Plusieurs facteurs caractérisent les suites d une thoracotomie : la durée prolongée (3 à 5 jours) de la période algique, les origines multiples des phénomènes douloureux (incision cutanée et musculaire, écartement costal, fracture de côte, drainage pleural, douleurs projetées), le lien entre l analgésie et l amélioration de la fonction respiratoire postopératoire, l importance de la kinésithérapie qui n est active que si l analgésie est efficace à la mobilisation et à la toux. Ces éléments doivent être nuancés lorsque le patient a bénéficié d une intervention par mini-thoracotomie ou par thoracoscopie. L importance de la douleur postopératoire justifie la mise en œuvre systématique d une des nombreuses techniques décrites [1], dont le choix dépend essentiellement des possibilités de surveillance. 1. LES DIFFERENTES TECHNIQUES RETENUES 1.1. ANALGESIE CONTROLEE PAR LE PATIENT (ACP) La pratique de l ACP n a pas de particularité après chirurgie thoracique. Après une titration initiale par bolus répétés de 1 à 3 mg IV de morphine dès que la douleur apparaît, il est possible de ne pas limiter la demande de morphine tant que le patient séjourne dans une unité où la surveillance est constante. Un schéma possible de prescription comprend des bolus de 1,5 mg de morphine avec un délai de 5 minutes entre deux bolus. Par la suite, il est nécessaire de définir une dose limite : 30 mg de morphine toutes les 4 heures, par exemple. La dose totale de morphine administrée pendant les premières 24 heures postopératoires est de 40 [2] à 70 mg [3, 4] en moyenne avec une importante variabilité interindividuelle. L ACP est devenue une technique habituelle d analgésie postopératoire dans les services d hospitalisation conventionnelle mais plusieurs éléments en limitent l intérêt après chirurgie thoracique : - retard fréquent dans l apparition d une analgésie satisfaisante : la douleur de repos, évaluée sur une échelle visuelle analogique graduée de 0 à 100 mm, ne devient modérée (inférieure à 30 mm) qu après 4 à 6 heures. L introduction de la morphine avant l arrivée

260 MAPAR 1998 dans la salle de surveillance postinterventionnelle peut permettre d éviter un réveil algique. L administration intrathécale de morphine est particulièrement efficace, nous y reviendrons. - Faible efficacité de l ACP lors des efforts de toux et lors des mobilisations : elle peut être compensée par l adjonction d un antalgique non morphinique, type propacétamol, et/ou surtout d un anti-inflammatoire non stéroïdien [5]. Son indication doit être discutée dans chaque cas, compte tenu des risques de complications gastrique et rénale (risque majoré par une hypovolémie). Le risque hémorragique, très faible si le traitement est de courte durée et s il n existe pas de facteur de risque, doit inciter à ne le débuter qu après quelques heures de surveillance, en l absence d un saignement postopératoire important. Malgré ces associations, l analgésie procurée par l ACP est généralement insuffisante pour permettre une kinésithérapie active, élément majeur de réduction des complications respiratoires postopératoires. - Complications habituelles de l ACP : prurit, nausées ou vomissements et rétention d urines, n ont pas de particularité après chirurgie thoracique. L expérience a montré que le risque respiratoire de l ACP, redouté après chirurgie thoracique, était exceptionnel à condition de respecter ses contre-indications : non compréhension de la technique, pathologie accroissant le risque respiratoire de l administration de morphine (obésité, syndrome d apnées du sommeil). La pratique de l ACP nécessite la formation continue des infirmières du service d hospitalisation conventionnelle. La surveillance clinique doit être régulière : niveau de sédation essentiellement, qualité de la ventilation (ronflement, tirage, pause), mesure de la fréquence respiratoire. La mesure continue de la saturation artérielle en oxygène par un oxymètre de pouls est un appoint important. Les infirmières doivent veiller à éviter l auto-médication, notamment celles des médicaments pouvant accroître le risque respiratoire, somnifère par exemple. 1.2. BLOC INTERCOSTAL De multiples variantes ont été décrites : cathéter mis en place par l opérateur ou en percutané, un seul cathéter dans l espace sus-jacent à l incision ou un cathéter situé de part et d autre de l incision, injection en bolus ou en perfusion. La perfusion de bupivacaïne à 0,25 % par l intermédiaire de cathéters placés dans les espaces sus et sous-jacents à celui de l incision (10 ml puis 5 ml.h -1 injectés dans chacun des cathéters) permet de diminuer les besoins en morphine administrée de manière concomitante en intraveineux : 29 (valeurs extrêmes de 22 et 37) mg avec l injection d anesthésique local et 44 (32 à 57) mg avec celle d un placebo durant les 24 premières heures postopératoires [6]. On peut recommander l association ACP - analgésie intercostale durant les deux premiers jours postopératoires, l ACP étant poursuivie au-delà. L absence d effet respiratoire, hormis le bloc moteur des muscles intercostaux du côté opéré, et d effet hémodynamique sont des arguments en faveur de la technique. Cependant la vascularisation importante de l espace intercostal et la diffusion vers le feuillet pariétal de la plèvre expliquent que les taux plasmatiques d anesthésique local soient élevés avec un pic dès la quinzième minute suivant un bolus. L administration d une solution adrénalinée, réduisant les taux plasmatiques, est recommandée [7]. Bien que le risque clinique soit très faible, il faut être prudent quant au respect des posologies ; l administration d un bolus supplémentaire, qui accroîtrait le taux plasmatique et pourrait être responsable d accident de surdosage, doit être interdit.

Analgésie postopératoire 261 1.3. ADMINISTRATION INTRATHECALE DE MORPHINIQUE OU RACHIANALGESIE Après un engouement initial dans les années 80, la rachianalgésie a été abandonnée essentiellement pour 3 raisons : risque de dépression respiratoire, délai d installation important et durée limitée de l analgésie. Le regain d intérêt pour cette technique s explique par des réponses appropriées : posologie inférieure à 0,5 mg de morphine (réduction du risque respiratoire), adjonction de l injection intrathécale d un morphinique liposoluble (réduction du délai d action), association avec une ACP (relais de l analgésie sans rupture). L injection intrathécale est faite juste avant l induction de l anesthésie. L injection intrathécale, n autorisant pas la titration des morphiniques, nous avons fait le choix de posologies élevées pour assurer une analgésie précoce dès la fin de l intervention (0,5 mg de morphine et 50 mcg de sufentanil). Ceci explique probablement qu environ 20% des patients requièrent une ventilation postopératoire de 1 à 3 heures [4]. Le risque respiratoire se situant avant la 24 ème heure, le retour du patient dans sa chambre avec une ACP peut se faire le lendemain de l intervention sans risque supplémentaire par rapport à une ACP seule. Prurit, nausées et vomissements sont rares à l inverse du risque de rétention d urines qui impose le sondage vésical. Les contre-indications de la technique sont rares et comprennent essentiellement les contre-indications d une ponction dure-mérienne. Par ailleurs, le schéma de prophylaxie de la maladie thrombo-embolique doit être modifié : pas d injection dans les 12 heures précédant l intervention, première injection 6 heures après l intervention. L injection intrathécale ne figure pas actuellement dans l AMM du sufentanil. 1.4. ANALGESIE PERIDURALE THORACIQUE L analgésie péridurale thoracique, associant l administration d un anesthésique local et d un morphinique liposoluble est la technique la plus efficace [1]. Cette association a pour objectifs de parfaire la qualité de l analgésie, chaque classe de médicament ayant un point d impact différent, et de réduire l incidence des effets secondaires grâce à la réduction des posologies. Le risque de l anesthésie locorégionale étant essentiellement lié à l extension du bloc sympathique, il est recommandé de diminuer la concentration d anesthésique local (bupivacaïne à 0,125 %) et de limiter le volume injecté. Ceci impose que l extrémité du cathéter soit proche du niveau métamérique de l incision, entre T6 et T8 ou plus difficilement entre T4 et T5. Certains auteurs préconisent la perfusion continue d une association bupivacaïne (0,125 %) - morphinique liposoluble, sufentanil (1 mcg.ml -1 ) [8] ou fentanyl (10 mcg.ml -1 ) [9], malgré le risque d accroissement de leur taux plasmatique. Une analgésie insuffisante ou l existence d une douleur projetée, en particulier de l épaule, ne doit pas conduire à injecter un bolus péridural ou à augmenter les volumes injectés mais à associer des analgésiques par voie parentérale. D autres auteurs préconisent l association morphine et bupivacaïne [10]. Les effets secondaires possibles le premier jour d une analgésie péridurale thoracique sont : un prurit (14 %), des nausées (11 %), une parésie des membres inférieurs (1 %), une hypotension (2,4 %). La nécessité d administrer de la naloxone est exceptionnelle et est en règle générale liée à un dépassement important des posologies recommandées [9]. Seul le risque de rétention d urine reste très fréquent. Les contre-indications de la technique sont rares et comprennent essentiellement les contre-indications d une ponction péridurale. La mise en place et le retrait du cathéter doivent être pratiqués en période d isocoagulabilité.

262 MAPAR 1998 2. LES TECHNIQUES D ANALGESIE N AYANT PLUS LEUR PLACE Certaines techniques d analgésie ne sont pas retenues soit du fait de leur faible efficacité soit du fait de la complexité de leur mise en œuvre : - l analgésie interpleurale : le bénéfice de la technique a été rapporté comme transitoire voire nul [2] ; il existe une résorption importante des anesthésiques locaux malgré le drainage pleural [2]. - le bloc paravertébral : cette technique, proche du bloc intercostal continu, nécessite également l association à une ACP. La perfusion extrapleurale de 5 ml.h -1 de bupivacaïne (0,25 %) réduit la consommation de morphine de 69 ± 26 à 39 ± 15 mg pendant les premières 24 heures postopératoires [3]. De plus, la mise en place chirurgicale du cathéter comporte plus d aléas que celle des cathéters intercostaux. - l administration péridurale lombaire de morphine : cette technique a été supplantée par l ACP, la supériorité de l administration péridurale lombaire de morphine sur son administration par voie intraveineuse n étant pas retrouvée de manière régulière [11, 12]. 3. CHOIX D UNE TECHNIQUE D ANALGESIE 3.1. INTERVENTIONS PAR THORACOTOMIE Parmi les nombreuses techniques efficaces, la seule technique qui abolisse la douleur postopératoire tant au repos qu à la toux et à la mobilisation est l analgésie péridurale thoracique. Elle seule permet d obtenir une bonne coopération du patient pour réaliser une kinésithérapie active. En pratique, le choix de la technique d analgésie dépend le plus souvent des possibilités de surveillance postopératoire. L expérience de nombreux centres montre que la pratique de l analgésie contrôlée par le patient (ACP avec de la morphine par voie intraveineuse) est possible dans un étage d hospitalisation conventionnel alors que celle de l analgésie péridurale ne l est avec sécurité que dans des unités spécialisées (unités de surveillance continue, l hospitalisation en réanimation motivée par la seule surveillance d une analgésie péridurale ou le maintien en salle de surveillance postinterventionnelle durant plusieurs jours devant être exceptionnels). Ainsi, trois techniques d analgésie postopératoire peuvent être retenues compte tenu des possibilités de surveillance postopératoire : l ACP éventuellement associée à un bloc intercostal, la rachianalgésie associée à une ACP, qui nécessite que le patient passe la première nuit postopératoire en salle de surveillance postinterventionnelle, l analgésie péridurale thoracique, qui ne peut être pratiquée que si le patient séjourne dans une unité de surveillance continue pendant 3 à 5 jours. Ainsi, la succession rachianalgésie - ACP est utilisée par notre équipe depuis 2 ans de manière systématique pour tous les patients ayant subi une thoracotomie, hormis les rares contre-indications de la technique, et les patients à haut risque respiratoire et cardiovasculaire qui bénéficient d une analgésie péridurale. 3.2. INTERVENTIONS PAR MINI-THORACOTOMIE OU THORACOSCOPIE La thoracotomie «traditionnelle» n est plus la règle, il existe d autres voies d abord : mini-thoracotomie avec réduction du traumatisme musculaire ou réalisée dans le creux axillaire, vidéo-chirurgie isolée et acte vidéo-assisté (associant une mini-thoracotomie aux sites d introduction des trocards) [13-16]. Ces voies d abord ont des suites moins algiques que celles des thoracotomies postéro-latérales [17]. En pratique, il peut être

Analgésie postopératoire 263 recommandé d utiliser une ACP ou rachianalgésie associée à une ACP pour les interventions pratiquées par thoracoscopie. CONCLUSION L idéal serait de pouvoir établir le choix de la technique d analgésie en ne prenant en considération que l expérience de l équipe et le souhait du patient, après qu il ait été informé des diverses possibilités en terme de bénéfice attendu et de risques potentiels. Ceci suppose l existence d une unité permettant la surveillance prolongée de ces patients et non que le choix de la technique d analgésie ne soit dicté par les possibilités de surveillance. L impact financier d une prise en charge active de la douleur postopératoire n est pas connu car il est difficile de mesurer l influence de l analgésie sur la durée moyenne de séjour. Deux études peuvent être signalées : 1- la durée moyenne de séjour est plus courte de 2,1 jours après thoracotomie lorsque les patients sont traités par ACP plutôt que par du dolosal IM [18]. Cette différence n est toutefois pas significative, peut-être du fait de la faiblesse des effectifs étudiés. 2- la durée moyenne de séjour est plus courte lorsqu on administre du fentanyl par voie péridurale thoracique (11.1 ± 2.5 jours) que par voie péridurale lombaire (14,4 ± 5,6 jours) ou par voie IV (15,6 ± 5,3 jours) (P = 0,02) [19]. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Kavanagh BP, Katz J, Sandler AN. Pain control after thoracic surgery. A review of current techniques. Anesthesiology 1994;81:737-759 [2] Raffin L, Fletcher D, Sperandio M, Antoniotti C, Mazoit X, Bisson A, et al. Interpleural infusion of 2% lidocaine with 1:200,000 epinephrine for postthoracotomy analgesia. Anesth Analg 1994;79:328-334 [3] Carabine UA, Gilliland H, Johnston JR, McGuigan J. Pain relief for thoracotomy. Comparison of morphine requirements using an extrapleural infusion of bupivacaine. Reg Anesth 1995;20:412-417 [4] Liu N, Kuhlman G, Maret JL, Moutafis M, Dalibon N, Castelain MH, et al. Analgésie après thoracotomie : association intrathécale de sufentanil et de morphine. 39 e Congrès de la SFAR 1997;R290 [5] Merry AF, Wardall GJ, Cameron RJ, Peskett MJ, Wild CJ. Prospective, controlled, double-blind study of i.v. tenoxicam for analgesia after thoracotomy. Br J Anaesth 1992;69:92-94 [6] Dryden CM, McMenemin I, Duthie DJ. Efficacy of continuous intercostal bupivacaine for pain relief after thoracotomy. Br J Anaesth 1993;70:508-510 [7] Safran D, Kuhlman G, Orhant EE, Castelain MH, Journois D. Continuous intercostal blockade with lidocaine after thoracic surgery. Clinical and pharmacokinetic study. Anesth Analg 1990;70:345-349 [8] Laveaux MM, Hasenbos MA, Harbers JB, Liem T. Thoracic epidural bupivacaine plus sufentanil: high concentration/low volume versus low concentration/high volume. Reg Anesth 1993;18:39-43 [9] Lubenow TR, Faber LP, McCarthy RJ, Hopkins EM, Warren WH, Ivankovich AD. Postthoracotomy pain management using continuous epidural analgesia in 1,324 patients. Ann Thorac Surg 1994;58:924-929 [10] Bigler D, Moller J, Kamp-Jensen M, Berthelsen P, Hjortso NC, Kehlet H. Effect of piroxicam in addition to continuous thoracic epidural bupivacaine and morphine on postoperative pain and lung function after thoracotomy. Acta Anaesthesiol Scand 1992;36:647-650 [11] Sandler AN, Chovaz P, Whiting W. Respiratory depression following epidural morphine: a clinical study. Can Anaesth Soc J 1986;33:542-549 [12] Shulman M, Sandler AN, Bradley JW, Young PS, Brebner J. Postthoracotomy pain and pulmonary function following epidural and systemic morphine. Anesthesiology 1984;61:569-575

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