Maladies et Grands Syndrômes - Psychose et délires chroniques (278) Professeur Jean Michel AZORIN Mai 2005

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Maladies et Grands Syndrômes - Psychose et délires chroniques (278) Professeur Jean Michel AZORIN Mai 2005 Références : Schizophrénie. Synopsis de Psychiatrie de l adulte I. Kaplan H., Sadock B. eds. Masson. Paris, 1998. pp 176-218. Autres troubles psychotiques. Synopsis de Psychiatrie de l adulte I. Kaplan H., Sadock B. eds. Masson. Paris, 1998. pp 219-257. 1. Introduction Dans son sens le plus strict, le terme psychotique se réfère à des «idées délirantes ou des hallucinations prononcées». Une définition élargie du concept psychotique met l accent sur la «perte des frontières du moi ou une perturbation grossière de la perception de la réalité». On distingue quatre types différents de troubles psychotiques : La schizophrénie, Les psychoses délirantes chroniques (paranoïa, psychoses hallucinatoires chroniques, paraphrénies) Le trouble psychotique bref ou bouffées délirantes aiguës, Le trouble schizo-affectif. La schizophrénie est le trouble psychotique le plus classique et le plus fréquent. 2. Schizophrénie 2.1. Définition Dans le DSM 4, la schizophrénie est définie comme un trouble psychotique persistant plus de six mois et comprenant une période d un mois au moins de la phase active au cours de laquelle se manifeste les symptômes suivants : idées délirantes, hallucinations, discours désorganisé, comportement catatonique, symptômes négatifs (cf. Tableau 1). La schizophrénie est le trouble psychotique le plus fréquent. La schizophrénie touche le plus souvent l adulte jeune. La schizophrénie nécessite un traitement précoce et adapté afin d éviter l évolution péjorative et chronique du trouble. 2.2. Épidémiologie La prévalence sur la vie entière de la schizophrénie est à environ 1 %. La schizophrénie existe dans toutes les cultures et dans tous les milieux socioéconomiques. Un à deux tiers des sans domicile fixe souffre de schizophrénie. 1

Les hommes sont plus fréquemment touchés que les femmes. Le début des troubles se situe entre 15 et 25 ans chez l homme et 25 et 35 ans chez la femme. L évolution des troubles schizophréniques est généralement chronique. L évolution de la schizophrénie est en général meilleure chez la femme. Les patients souffrant de schizophrénie ont un taux de mortalité par accidents ou par causes naturelles plus élevé que dans la population générale. Les patients souffrant de schizophrénie ont un risque élevé de troubles somatiques. Les patients souffrant de schizophrénie ont un risque élevé de suicide. Environ 50 % de ces patients font au moins une tentative de suicide et 10 à 15 % d entre eux meurent par suicide. Les principaux facteurs de risque de suicide chez ces patients sont : l existence d une pathologie dépressive, l âge jeune et un niveau de fonctionnement prémorbide élevé. Les patients souffrant de schizophrénie présentent un risque élevé d abus ou de dépendance à des substances comme le tabac ou l alcool. 2.3. Facteurs étiologiques Les causes de la schizophrénie sont certainement hétérogènes. Un des modèles intégrant les facteurs biologiques psychosociaux et environnementaux est le modèle de stress diathèse ou de stress-vulnérabillité. Ce modèle postule qu une personne peut avoir une vulnérabilité spécifique (diathèse) qui, sous l influence d un stress, permet que se développent les symptômes de la schizophrénie. La diathèse ou le stress peuvent être biologiques ou environnementaux, voire les deux. On distingue ainsi des facteurs biologiques, génétiques et psychosociaux. 2.3.1. Facteurs biologiques Certaines régions cérébrales semblent impliqués dans la physiopathologie de la schizophrénie notamment le système limbique, les lobes frontaux, le noyau caudé et le noyau amygdalien. On rapporte par ailleurs des perturbations des différents systèmes de neurotransmission : systèmes dopaminergiques et glutamatergiques principalement. 2.3.2. Facteurs génétiques De nombreuses études suggèrent l existence d une composante génétique dans la schizophrénie. Il existe probablement un fondement génétique hétérogène pour la schizophrénie. 2.3.3. Facteurs psychosociaux Si des facteurs génétiques sont peut-être impliqués dans la genèse de la schizophrénie, les facteurs environnementaux et psychologiques ont une importance certaines dans le développement et l entretien de la maladie. Parmi les approches psychologiques, l approche psychodynamique issue de la psychanalyse est la plus ancienne. Dans cette perspective, un défaut du Moi affecterait l interprétation de la réalité et le contrôle des conduites instinctives. Les attitudes familiales pathologiques, dès la plus petite enfance, peuvent augmenter le stress «émotionnel» et constituer des facteurs de déclenchement ou d entretien de la maladie. 2

Certaines théories «sociales» ont suggérées que l industrialisation et l urbanisation puissent jouer un rôle étiologique dans la schizophrénie. 2.4. Diagnostic positif Il n existe aucun signe pathognomonique de la schizophrénie. 2.4.1. Symptomatologie prémorbide Habituellement, mais de manière non constante, les patients atteints de schizophrénie ont de traits d personnalité schizoïde ou schizotypique. De telles personnalités se caractérisent par la quiétude, la passivité et l'introversion. Il en résulte que ces sujets ont peu d'amis ni de relations sociales. Pendant cette période, le patient peut montrer des intérêts nouveaux pour des idées abstraites, la philosophie, les sciences occultes et les questions religieuses. D'autres signes incluent : les comportements inhabituels, un affect anormal, des propos inhabituel, des idées bizarres et des expériences perceptives étranges. 2.4.2. Diagnostic Le diagnostic de schizophrénie repose sur la présence de certains symptômes de manière permanente pendant au moins 6 mois pour le DSM 4 (cf. - Tableau 1). On individualise classiquement, dans la psychiatrie française trois types principaux de troubles dans la schizophrénie : La dissociation psychique, qui regroupe en partie le discours et la pensée désorganisés du DSM 4, Le délire paranoïde, qui recoupe en partie les manifestations hallucinatoires et délirantes du DSM 4, L'autisme qui regroupe en partie les manifestations négatives du DSM 4. La dissociation psychique correspond à la dislocation, la perte de l unité de la personnalité du sujet qui se traduit dans le domaine de la pensée et de l affectivité comme dans les comportements. Les différentes manifestations de dissociation psychique sont : La dissociation de la pensée. - La pensée est souvent perturbée par des ralentissements ou des suspensions du cours des idées (barrages) et des phénomènes de stéréotypies des mêmes idées. - Il existe des troubles des associations (coq-à-l âne, contaminations d une idée par l autre). - L attention et la concentration sont affaiblies et relâchées. - Il existe de troubles du langage : ralentissement intermittent du débit de la voix (fading), bredouillements. La dissociation affective. - L'appauvrissement de l'affectivité avec indifférence à autrui et la froideur du contact se rencontrent fréquemment. - Perte de l'élan vital ou athymormie. - L'hypersensibilité. - Des réactions émotionnelles brutales peuvent interrompre cette apparente neutralité. 3

- L'ambivalence affective et volitionnelle est "cette tendance de l'esprit schizophrénique à considérer dans le même temps sous leurs deux aspects négatif et positif des divers actes psychologiques". Les troubles du comportement. - On retrouve une indécision du geste, un caractère emprunté et maladroit des attitudes, un maniérisme et une bizarrerie ddes mimiques. - Le syndrome catatonique regroupe : un négativisme psychomoteur (attitudes de retrait, refus de la main tendue, opposition et repli), une inertie (suppression du geste..), des stéréotypies, des hyperkinésies et une catalepsie (perte de l'initiative motrice, flexibilité cireuse, plasticité ) - Les conduites sociales sont fréquemment perturbées : ambivalence et le désintérêt entraînent un isolement social progressif. Le délire paranoïde. Tous les mécanismes délirants peuvent être observés (distorsions perceptives, intuitions, interprétations, productions imaginaires), mais les plus fréquents sont les hallucinations et l'automatisme mental. Les hallucinations sont le plus souvent accoustico-verbales. Les thèmes délirants sont souvent intriqués (persécution, menace, influence ). L'autisme. L'autisme explique le repli sur soi-même, l'indifférence et l'impénétrabilité. Les manifestations cliniques de la schizophrénie sont actuellement regroupées au sein de 2 syndromes principaux. On distingue ainsi des manifestations cliniques dites positives et négatives. Les symptômes positifs les plus fréquemment rencontrés sont : Les hallucinations. Les idées délirantes. Il s agit de convictions erronées (non partagées par d'autres) présentent de façon. Le patient les considère comme réelles même en présence de preuves démontrant le contraire. Les troubles de la pensée. Les personnes souffrant de schizophrénie sont parfois incapables de penser ou de communiquer de manière logique. Leur pensée et leur discours peuvent êtres désorganisés et parfois difficile à suivre. Les troubles du comportement. Ces troubles peuvent se manifester par des comportements bizarres ou injustifiés, qui peuvent aller jusqu'à l hostilité et l'agressivité. - Les symptômes négatifs les plus fréquemment rencontrés sont : Le Manque d énergie et de motivation. La maladie peut causer une perte de vivacité, d entrain et d intérêt général. Cela se traduit souvent par une incapacité d assumer ses responsabilités à la maison, au travail ou à l école. Associés au manque d'énergie, les patients présentent souvent un manque d intérêt pour les relations sociales ce qui peut les conduire à éviter tout contact social et même familial. Cela est responsable d'un retrait social. Émoussement affectif. Le patient perd sa capacité à ressentir et à exprimer des émotions. L expression faciale est souvent réduite ou même absente. Pauvreté de la pensée. Les patients peuvent présenter un ralentissement général de la pensée, voir même une absence d idée, les rendants incapables de s'exprimer. 4

2.5. Formes cliniques 2.5.1. Formes cliniques classiques Les modalités cliniques de la schizophrénie sont très diverses. Trois formes classiques de schizophrénies sont isolées : 2.5.1.1. La schizophrénie paranoïde. C'est la forme la plus fréquente. Elle se caractérise par la présence d'un délire paranoïde et d'un syndrome dissociatif. Elle est relativement sensible aux chimiothérapies. 2.5.1.2. L'hébéphrénie. Elle débute typiquement à l'adolescence de manière insidieuse par des troubles de la concentration intellectuelle responsable d'une baisse du rendement scolaire ou professionnel. Le tableau clinique sera peu à peu dominé par le syndrome dissociatif (discordance idéique et verbale, indifférence affective et apragmatisme). 2.5.1.3. La forme catatonique. Cette forme est devenue très rare. Elle se caractérise par la prédominance du syndrome dissociatif dans la sphère de la psychomotricité avec inertie, maniérisme, stéréotypies motrices et négativisme. 2.5.2. Formes cliniques dans actuels. Dans le DSM 4, 5 sous-types sont actuellement individualisés : paranoïde, désorganisé, catatonique, indifférencié et résiduel. - Le type paranoïde se caractérise par la présence d'une ou plusieurs idées délirantes et par des hallucinations auditives fréquentes et par l'absence de comportements caractéristiques des types désorganisé et catatonique. - Le type désorganisé (autrefois appelé hébéphrénique) se caractérise par une régression marquée des comportements primitifs, désinhibés et désorganisés et par l'absence des critères du type catatonique. - Le type catatonique est caractérisé par des perturbations importantes de la fonction motrice qui peuvent comporter stupeur, négativisme, rigidité, excitation ou adoption de postures. - Le type indifférencié correspond aux patients ne pouvant entrer dans l'une ou l'autre des catégories diagnostics précédentes. - Le type résiduel se caractérise par l'absence d'idées délirantes, d'hallucinations, de discours désorganisé et de comportement désorganisé ou catatonique. Il persiste cependant certains éléments de la maladie comme la présence de symptômes négatifs (émoussement affectif, alogie perte de la volonté) ou de symptômes atténués 2.6. Diagnostic différentiel Les principaux diagnostics différentiels de la schizophrénie sont rapportés au Tableau 3. Les symptômes psychotiques peuvent êtres provoqués par un large éventail de troubles médicaux ; De nombreuses substances peuvent induire des troubles psychotiques chroniques. 5

Il convient ainsi généralement devant un patient psychotique de rechercher systématiquement une maladie organique ou une intoxication chronique. Parmi les autres pathologies psychiatriques il convient de distinguer : Les autres troubles psychotiques chroniques. Les caractéristiques des idées délirantes ou la présence de troubles de l'humeur contemporaine des éléments délirants permettront d'orienter le diagnostic. Un trouble de l'humeur. Le diagnostic différentie, entre schizophrénie et troubles de l'humeur, peu parfois être difficile. Les symptômes affectifs ou thymiques dans la schizophrénie doivent êtres brefs par rapport à la durée des symptômes principaux psychotiques. Un trouble de la personnalité. Plusieurs troubles de la personnalité peuvent avoir certaines caractéristiques de la schizophrénie (personnalité schizoïde ). Dans ces troubles de la personnalité, contrairement à la schizophrénie, les symptômes sont modérés et peu invalidants. 2.7. Évolution/pronostic Les symptômes prémorbides débutent en général à l adolescence. Le déclenchement des symptômes psychotiques peut parfois être lié à des modifications sociales ou environnementales, comme le départ à l université, la prise de substances toxiques ou le décès d un proche. Après le première épisode, le patient a le plus souvent une période de récupération progressive, qui peut être suivi par une longue période de fonctionnement relativement normal. Les rechutes sont cependant fréquentes, essentiellement au cours des 5 premières années d évolution qui conditionnent le pronostic. Chaque rechute est suivie d une détérioration de plus en plus importante de fonctionnement de base. Plus de 50 % des patients souffrant de schizophrénie ont une évolution défavorable avec hospitalisations répétées, aggravations symptomatiques, des épisodes de troubles de l humeur majeurs ou des tentatives de suicides. Les facteurs de bon et de mauvais pronostic sont rapportés au Tableau 2. 2.8. Traitement Le traitement de la schizophrénie doit associer un traitement pharmacologique à une prise en psychosociale. Le traitement doit être poursuivi pendant au moins un an après la première rechute et plus de 5 ans à partir de la troisième rechute. Il convient de prévenir les rechutes qui participent au handicap cognitif et social des patients. La précocité de ce traitement permet d'éviter dans la plupart des cas une évolution péjorative. Le traitement doit être régulier et dure parfois plusieurs années pour éviter les rechutes. Chaque rechute a des conséquences pénibles pour le patient et son entourage et nécessite la plupart du temps une nouvelle hospitalisation. La récupération est plus longue et plus difficile à chaque rechute. 6

2.8.1. Traitement pharmacologique. Le traitement pharmacologique repose principalement sur l utilisation de médicaments neuroleptiques. On distingue actuellement deux classes principales de neuroleptiques : - Les neuroleptiques classiques, qui sont associés à des effets secondaires parfois gênants (essentiellement neurologique) et à une efficacité peu importante sur les symptômes négatifs et les troubles cognitifs de la maladie. - Les neuroleptiques atypiques. Ces médicaments induisent moins d effets extrapyramidaux et augmentent moins les taux sanguins de prolactine que les neuroleptiques dits classiques. La tolérance clinique apparaît ainsi meilleure. Au cours des épisodes ou rechutes de schizophrénie, les médicaments neuroleptiques traitent les symptômes positifs et certains des symptômes négatifs. Lors de leur utilisation en phase d entretien (en dehors des rechutes), les neuroleptiques contribuent à prévenir les rechutes. Le risque de rechute reste élevé tout au long de la vie du patient et il est possible que les neuroleptiques soient nécessaires pour une durée relativement longue (plusieurs années), surtout si les rechutes ont été graves. La durée du traitement dépend ainsi de l analyse risques-bénéfices pour les patients ; analyse faite entre l équipe soignante et le patient. Il convient ainsi d'informer chaque patient souffrant de schizophrénie des avantages et des inconvénients d'un traitement neuroleptique. Chez les patients ne souhaitant pas prendre leur traitement plusieurs fois par jour, les neuroleptiques "retards" ou à action prolongée peuvent être proposés. Ils permettent d injecter en une seule fois, en intramusculaire, la quantité de neuroleptique dont le patient a besoin pour une période de 2-4 semaines. L intervalle entre deux injections varie entre 1 et 6 semaines en fonction des patients et du médicament. L utilisation de neuroleptiques retards permet parfois de réduire les effets secondaires. Les effets secondaires des neuroleptiques varient d'un patient à l'autre. Il convient cependant de les rechercher et de les traiter car ils sont source d'inobservance et d'inconfort pour les patients. Certains effets secondaires (effets extrapyramidaux, tremblements ) apparaissent au début du traitement. Ils peuvent être réduits en diminuant les posologies des neuroleptiques ou en changeant de médicaments. D autres effets secondaires peuvent apparaître plus tard (prise de poids..). L apparition d effets secondaires ne nécessite habituellement pas l interruption du traitement. A certains moments de l évolution de la maladie, d autres médicaments sont nécessaires pour traiter l anxiété, une dépression, des problèmes de sommeil ou d éventuels effets secondaires persistants des antipsychotiques. 2.8.2. Traitement psychothérapeutique. La maladie schizophrénique interfère avec la vie sociale des patients. Les médicaments neuroleptiques permettent de contrôler les symptômes de la maladie cependant, les conséquences liées à l'évolution des troubles sur l'insertion sociale justifient une prise en charge psychosociale. Ce type de prise en charge associée aux neuroleptiques améliore l adaptation sociale et la qualité de vie des personnes souffrant de schizophrénie. 7

Les interventions psychosociales augmentent les capacités de la personne souffrant de schizophrénie à faire face aux différentes situations sociales qu il rencontre et aux événements de vie stressants. De même, la participation de la famille au programme de traitement est utile. La réadaptation psychosociale doit permettre de contribuer à réinsérer les patients dans une vie sociale et professionnelle. La prise en charge des patients souffrant de schizophrénie doit associer un traitement médicamenteux avec une prise en charge psychosociale. Les traitements psychosociaux ont pour but d aider le patient et sa famille à faire face à la maladie et aux problèmes qu elle crée. De nombreux patients tirent profit d un tel traitement même en phase de rémission. Le traitement le plus approprié dans le cas de chaque patient (psychothérapie de soutien, réadaptation psychosociale, thérapie familiale) sera choisi en concertation avec le médecin. Tout patient (et si possible sa famille) devrait participer à un programme psycho-éducatif après un premier épisode de schizophrénie afin de s informer sur la maladie, son traitement et son évolution à long terme. On peut parfois avoir recours dans le cadre de la réinsertion des patients à des structures intermédiaires entre l'hospitalisation et l'autonomie sociale : hôpitaux de jour, foyers de post-cure, maison d'accueil, appartements thérapeutiques.. 3. Délires chroniques systématisés Les délires chroniques systématisés se définissent comme "des psychoses caractérisées par des idées délirantes permanentes qui font l'essentiel du tableau clinique". Le caractère permanent du délire permet de les distinguer des psychoses délirantes aiguës. On les oppose aux psychoses schizophréniques en raison de leur caractère relativement systématisé et de la rareté ou l'absence de signes déficitaires importants. L'école psychiatrique Française reconnaît habituellement trois grands types de délires chroniques systématisés : La psychose hallucinatoire chronique, Les psychoses fantastiques ou paraphréniques, Les délires paranoïaques. Dans les classifications actuelles des troubles mentaux, ces délires chroniques ne sont pas non plus clairement individualisés. Dans la DSM 4, seul le Trouble délirant est individualisé et renvoie aux psychoses paranoïaques. La psychose hallucinatoire chronique et la paraphrénie font partie dans DSM 4 des troubles schizophréniques. Dans la CIM 10, à côté des troubles schizophréniques, sont isolés des Troubles délirants persistants (F 22) renvoyant aux psychoses paranoïaques et aux paraphrénies de l'école psychiatrique française. 3.1. Délires paranoïaques ou Trouble délirant Classiquement les délires paranoïaques sont caractérisés par un délire systématisé, sans hallucination et sans détérioration intellectuelle. Dans la DSM 4, le trouble délirant est principalement défini par l'existence d'idées délirantes prédominantes. La nature non bizarre des idées délirantes permet en partie de différencier ces états des schizophrénies. 8

3.1.1. Épidémiologie L'épidémiologie exacte du trouble délirant est difficile en raison de sa rareté relative. Le trouble délirant peut être sous-évalué car les patients délirants recherchent rarement une aide psychiatrique. La prévalence estimée de ce trouble est actuellement de 0,02 à 0,03 %. L'âge moyen de début est d'environ de 40 ans. Il existe une légère prédominance des sujets de sexe féminin. Beaucoup de patients sont mariés et ont un emploi. 3.1.2. Clinique Les critères diagnostics du trouble délirant selon le DSM 4 sont présentés au Tableau 4. Le critère principal de délire paranoïaque est par la présence d'idées délirantes non bizarres et systématisées. Il n'existe par ailleurs pas d'éléments en faveur d'un trouble schizophrénique. Le délire paranoïaque s'installe le plus souvent de manière progressive et insidieuse chez des sujets d'âge moyen (35 à 45 ans). Il convient de distinguer les différentes formes de délire et la personnalité prémorbide ou personnalité paranoïaque. 3.1.2.1. Différentes formes cliniques. Dans le DSM 4, 7 formes cliniques différentes sont isolées (cf.- tableau 5).Elles reprennent en partie, les formes cliniques de la clinique française des psychoses paranoïaques qui distingue : - Le délire d'interprétation (la paranoïa). Le mécanisme central est l'interprétation. L'interprétation délirante est décrite comme un raisonnement faux à partir d'un fait exact, d'une perception réelle qui prend par le fait d'associations liées aux tendances et à l'affectivité une signification personnelle pour le malade par le jeu d'inductions et de déductions erronées. Le délire s'étend pour intégrer, de façon logique claire et cohérente de nouvelles interprétations. On qualifie le mode développement de "en réseau" car aucun des domaines de la vie du sujet t n'est à priori exclu. Il s'accompagne d'une conviction absolue. Le thème du délire est presque constamment un thème de persécution, de préjudice, de malveillance. L'humeur est généralement neutre. Les fonctions mentales restent longtemps satisfaisantes. - Le délire de relation (paranoïa sensitive). Cette forme de délire survient sur une personnalité dite "sensitive" qui n'ont ni la sûreté de soi, ni l'agressivité des caractères paranoïaques. Elles sont le plus souvent timides, asthéniques et très susceptibles. Le délire se développe souvent à la suite d'événements particulièrement pénibles d'échecs de frustrations ou de rejets. Le sujet rumine douloureusement les impressions de brimade et de mépris. Il développe des idées de référence qui deviennent vite une certitude. Les éléments délirants sont constitués de la conviction d'une conjuration visant la dignité de sa personne, de la part de son milieu de travail ou de ses proches. Le délire est généralement ponctués d'épisodes dépressifs. - Les délires passionnels. Les thèmes sont divers (érotomanie, délire de jalousie, délire de revendication). Ces délires sont dits en "secteur", car le délire ne s'étend pas à la totalité de la vie mentale du sujet, ni à l'ensemble de son système relationnel et de ses champs d'intérêt. On distingue : Le délire érotomaniaque ou "l'illusion délirante d'être aimé". Il est assez rare et affecte le plus souvent les femmes que les hommes. Le sujet est convaincu d'être aimé par un personnage souvent considéré comme prestigieux (vedette de cinéma, homme politique..). 9

Le délire de jalousie. L'alcoolisme chronique est fréquemment associé à ce type de délire. Les délires de revendication. Relativement fréquents, ils présentent des thèmes divers et sont caractérisés par la conviction qu'il faut faire triompher la "justice" ou la "vérité". On distingue ainsi des "quérulents processifs", les "inventeurs méconnus", les "délirants hypochondriaques". - Personnalité prémorbide ou personnalité paranoïaque. Les personnalités dites paranoïaques ne constituent pas le substratum de tous les délires paranoïaques. Les principales caractéristiques de la personnalité paranoïaque sont : Hypertrophie du moi avec orgueil et sentiments de supériorité, Humeur ombrageuse et méfiante, avec tendance de méconnaissance hostile de l'entourage et aux interprétations malveillantes des actes d'autrui, La fausseté du jugement, avec paralogisme irréductible responsable d'interprétations erronées, qui forment la trame d'un véritable système délirant, soi de persécution, soit de grandeur. 3.1.3. Diagnostic différentiel Face à l'apparition d'idées délirantes, il convient de rechercher (Tableau 5) : Certaines affections médicales. Les plus fréquentes sont les maladies neurologiques en particulier les étés démentiels. Les troubles liés à l'usage de substances (cocaïne,..) ou de médicaments (antituberculeux, antiparkinsoniens..). d'autres troubles psychiatriques (dépression, schizophrénie, autres troubles délirants chroniques..). La distinction avec la schizophrénie repose sur l'absence d'autres symptômes schizophréniques dans la paranoïa ou trouble délirant. 3.1.4. Traitement 3.1.4.1. Traitement médicamenteux Le recours au traitement neuroleptique est le plus souvent recommandé dans les troubles délirants. Les mêmes précautions d'emploi que chez les patients souffrant de schizophrénie sont nécessaires. De faibles posologies au début de traitement sont le plus souvent recommandées du fait de la grande sensibilité de ces patients aux effets secondaires des médicaments neuroleptiques. Les délires d'interprétation sont généralement peu sensibles à la chimiothérapie neuroleptiques. Ces médicaments atténuent cependant les convictions délirantes, atténuent l'angoisse et réduisent l'agressivité du patient. Le recours à des antidépresseurs ou des normothymiques est parfois nécessaire dans les formes à type de délires des sensitifs et les délires passionnels. Il est recommandé de les associer dans ces formes des neuroleptiques. 3.1.4.2. Traitement socio-psychothérapeutique L'essentiel d'une psychothérapie efficace est l'établissement d'un rapport de confiance entre le patient et le thérapeute. La thérapie individuelle semble plus efficace que la thérapie de groupe. Les thérapies de soutien, comportementales ou cognitives peuvent être proposées. 10

Une adaptation sociale satisfaisante, plutôt qu'une disparition totale des idées délirantes des patients peut être le signe d'une réussite du traitement. 3.2. Psychose hallucinatoire chronique 3.2.1. Clinique Le début de la Psychose Hallucinatoire Chronique (PHC) est relativement tardif, entre 30 et 50 ans. La personnalité prémorbide est souvent marquée de traits de caractère sensitifs ou psychasthéniques. Le début est souvent assez brutal par un épisode psychotique aigu richement hallucinatoire avec d'emblée un automatisme mental. Le syndrome d'automatisme mental, rencontré aussi dans la schizophrénie comporte la perception par le sujet de l'énoncé ou du commentaire de ses actes, l'impression que sa pensée est devinée, devancée, parasitée ou répétée en écho, et le sentiment que sa pensée et ses actes sont soumis à une influence extérieure. A la phase de délire installé, la PHC se caractérise par l'importance des hallucinations. L'automatisme mental est constant comportant une série de phénomènes par lesquels le malade exprime le sentiment d'avoir perdu le contrôle de sa vie psychique et les limites de sa personne. Les hallucinations sont essentiellement auditives. Les hallucinations sont essentiellement auditives, acoustico-verbales. Le contenue des voix est le plus généralement injurieux, grossier, menaçant ou accusateur. On peut parfois retrouver des hallucinations olfactives ou gustatives voire cénesthésies. Les thèmes délirants sont variés : thèmes de grandeur ou de puissance Le plus souvent il est de thème persécutif. Les persécuteurs sont souvent désignés de façon vague et générale. L'élaboration délirante est généralement pauvre et vécue sur un mode passif voire dépressif. 3.2.2. Évolution/traitement Classiquement quatre phases évolutives étaient individualisées : phase d'inquiétude, phase de persécution, phase des idées ambitieuses, phase terminale de démence. Ce type d'évolution est actuellement exceptionnel. Spontanément, l'évolution se fait par poussées au cours desquelles le délire se réactive, entrecoupé de rémission plus ou moins marquée. À la longue, le délire tend à s'étendre, à s'enrichir de phénomènes imaginatifs envahissant de plus en plus la vie mentale et sociale du sujet qui se coupe progressivement de la vie extérieure. Le traitement est généralement constitué de médicaments neuroleptiques parfois associés à des antidépresseurs. Dans certaines formes cliniques très résistantes aux traitements, laes électrochocs sont parfois justifiés. Sous traitement, on obtient généralement d'une extinction assez complète des phénomènes hallucinatoires et une mise à distance et un "enkystement" du délire. 3.3. Paraphrénies 3.3.1. Clinique On utilise actuellement le terme de paraphrénie pour désigner des délires chroniques où les mécanismes imaginatifs prédominent sur les autres mécanismes délirants. Les thèmes sont volontiers grandioses et fantastiques. On distingue deux formes cliniques suivant les mécanismes du délire : 11

La forme imaginative. Les mécanismes sont essentiellement imaginatifs et peu hallucinatoires. Le délire s'élabore autour d'une fabulation progressive qui s'enrichit des apports de la réalité extérieure : lecture, conversations.. Les thèmes sont souvent des idées de puissance, de richesse ou de filiation. La forme fantastique. Les mécanismes hallucinatoires et imaginatifs sont souvent intriqués. Les hallucinations sont riches auditives, automatisme mental, corporelles). Les thèmes sont fantasmagoriques évoquant tantôt le conte de fées, tantôt la révélation cosmogonique, la science-fiction. Le délire est souvent exprimé avec exaltation et euphorie et une grande richesse d'expression. L'organisation est peu systématisée. Ces états ne comportent pas de détérioration intellectuelle ou affective importante. Ces états sont rares. 3.3.2. Évolution/traitement Les paraphrénies évoluent de façon chronique, faisant alterner pendant des années des périodes fécondes où l'activité délirante s'enrichit et se réactive parallèlement à une exaltation de l'humeur et des périodes de relative sédation du délire. L'adaptation à la réalité reste relativement longtemps satisfaisante. A long terme et en l'absence de traitement, on peut toutefois assister à un appauvrissement progressif des élaborations délirantes. Il peut parfois apparaître une dissociation schizophrénique au cours de laquelle l'incohérence du délire s'accentue avec apparition de troubles du cours de la pensée et du langage. Le traitement neuroleptique est relativement peu efficace sur le délire, mais permet de contrôler l'exaltation thymique, les phénomènes hallucinatoires et les poussées de réactivation délirante. 4. Trouble schizo-affectif Ce trouble possède les caractéristiques de la schizophrénie et des troubles affectifs. Les critères diagnostics du trouble schizo-affectif ont changé au cours des dernières années. 4.1. Épidémiologie La prévalence sur la vie entière est inférieure à 1 %. Le type dépressif serait plus fréquent chez le sujet âgé. Le type bipolaire serait plus fréquent chez le sujet jeune. La prévalence du trouble est plus élevée chez la femme. 4.2. Diagnostic. Les critères du trouble schizo-affectif dans le DSM 4 sont rapportés au Tableau 6. Le critère diagnostic principal du trouble schizo-affectif est que le patient a rempli les critères d'un épisode dépressif majeur ou d'un épisode maniaque et, simultanément, ceux de la phase active de la schizophrénie. Le patient doit par ailleurs avoir eu des idées délirantes ou des hallucinations pendant au moins deux semaines en l'absence de symptômes de trouble de l'humeur au premier plan. Les symptômes de trouble de l'humeur doivent êtres présents pendant une partie conséquente des périodes psychotiques actives et résiduelles. 12

On décrit deux sous-types de la maladie : - Un type bipolaire, - Un type dépressif. 4.3. Évolution/pronostic Dans leur ensemble, les patients atteints de trouble schizo-affectif ont un pronostic intermédiaire entre celui des patients atteints de schizophrénie et celui des patients atteints de troubles de l'humeur. Les patients atteints de trouble schizo-affectif de type bipolaire oint un pronostic comparable à celui des patients atteints de trouble bipolaire de type I. Les patients atteints de trouble schizo-affectif de type dépressif ont un pronostic comparable à celui des patients atteints de schizophrénie. Les facteurs associés à un mauvais pronostic sont : Une mauvaise adaptation prémorbide, Un début insidieux, L'absence de facteur précipitant, Une prédominance des facteurs psychotiques, Un début précoce, Une évolution sans rémission, Des antécédents familiaux de schizophrénie. L'incidence du suicide chez les patients est élevée. On estime ainsi qu'elle de 10 %. 4.4. Traitement Le traitement des troubles schizo-affectifs repose comme pour les schizophrénies et les troubles bipolaires sur l'association d'une chimiothérapie et d'interventions psychosociales. Concernant, la chimiothérapie, suivant le type (dépressif ou bipolaire) on aura recours soit à des antidépresseurs ou des antimaniaques. Les neuroleptiques ne sont utilisés que pour le traitement des manifestations épisodes. Le plus souvent ils ne seront pas employés au long cours. Les patients atteints de trouble schizo-affectif de type bipolaire doivent recevoir en traitement d'entretien du lithium, de la carbamazépine ou du valproate. Les patients atteints de trouble schizo-affectif de type dépressif peuvent recevoir des antidépresseurs ou des normothymiques au long cours. 5. Trouble psychotique bref Le trouble psychotique bref individualisé dans le DSM 4 correspond à un trouble psychotique de courte durée (inférieur à 1 mois et égale au moins à un jour). Les symptômes ne remplissent pas obligatoirement les critères du trouble schizophrénique (cf. tableau 7). Les symptômes se développent en réponse à un plusieurs facteurs des stress psychosociaux sévères. Ce trouble correspond à la conception française de bouffées délirantes aiguës. Ils s'agissaient d'état psychotique d'installation brutal, caractérisés à la fois par : - la richesse et le polymorphisme des phénomènes délirants, - la présence de troubles de l'humeur, - la brièveté de l'épisode (quelques semaines). 13

5.1. Épidémiologie Peu de données sont disponibles concernant l'épidémiologie de ce trouble Il est généralement considéré comme rare. Il est plus fréquent chez le sujet jeune. Il est plus fréquent dans les classes socioéconomiques faibles Il est plus fréquent chez les sujets ayant des troubles de la personnalité. Les sujets ayant vécu des catastrophes ou connu des changements culturels majeurs (immigration ) sont des sujets à risque pour ce trouble. 5.2. Clinique 5.2.1. Forme typique Le début est brutal. Il est souvent précédé d'une phase de quelques heures à quelques jours pendant lesquelles le sujet se sent inquiet ou euphorique. L'état délirant constitue une rupture brutale de l'état émotionnel, de l'expérience vécue et des comportements habituels du patient. Le délire est polymorphe dans ses thèmes et ses mécanismes (hallucinations principalement, illusions, intuitions, interprétations ), par son absence d'organisation et par l'intensité avec laquelle il s'impose à la conscience du sujet. Les hallucinations accoustico-verbales sont les plus fréquentes de même que les phénomènes appartenant à l'automatisme mental. Le délire est vécu de manière intense avec une conviction qui est totale dans l'instant. La vigilance et la conscience ne sont pas profondément perturbées comme dans les états de confusion mentale (orientation temporo-spatiale correcte, pas d'obnubilation ni de perplexité). La conscience de soi et de l'environnement est cependant modifiée par la prégnance de l'expérience délirante. L'humeur est en général profondément modifiée, tantôt dans le sens de l'angoisse, d'un sentiment de catastrophe ou d'une tristesse intense, tantôt dans le sens de l'euphorie ou délation. ces affects peuvent varier très rapidement. Le comportement associe des phases d'excitation motrice avec logorrhée intarissable ou au contraire des phases de mutisme de stupeur ou d'agitation anxieuse. 5.2.2. Facteurs de stress déclenchants Les événements déclenchants jouent un rôle très variable. Classiquement ces troubles sont considérés comme réactionnels à un stress émotionnel, à un choc affectif ou à une situation de frustration majeure. Pour certains auteurs, le facteur de stes pourrait être une série d'événements manifestement stressant. 5.3. Diagnostic différentiel Le problème principal posé par le diagnostic du trouble psychotique bref est celui du diagnostic différentiel. Il convient ainsi avant de poser ce diagnostic d'éliminer : - Une affection médicale générale (pathologie infectieuse, traumatique..). Ces états s'expriment le plus souvent sous la forme d'une confusion. - Un trouble psychotique induit par une substance (amphétamine, cocaïne, ) ou un médicament. 14

- Un trouble psychiatrique comme la maladie maniaco-dépressive ou un début de schizophrénie. C'est essentiellement l'évolution qui permettra de faire le diagnostic. 5.4. Evolution/pronostic Par définition le trouble psychotique bref évolue en moins d'un mois. La guérison peut être brutale ou progressive. On observe souvent au décours de l'épisode aigu une fluctuation dépressive plus ou moins intense. En l'absence de guérison à court terme, il convient de craindre une évolution vers une schizophrénie. 25 à 40 % des bouffées délirantes resteront un épisode unique dans la vie du sujet. Elles évoluent sans laisser de séquelles. 30 à 50 % évoluent vers une récidive sous la forme de maladie maniaco-dépressive ou de bouffées délirantes récidivantes. Enfin, 15 à 30 % évolue vers un trouble schizophrénique. 5.5. Traitement Quand un patient a des symptômes psychotiques intenses, une hospitalisation brève peut être nécessaire pour l'évaluer et le protéger Une hospitalisation sous contrainte (Hospitalisation à la Demande d'un Tiers) est parfois nécessaire. L'évaluation du patient nécessite une surveillance rapprochée des symptômes, une appréciation de la dangerosité pour lui-même et pour autrui et de la tolérance des traitements. Les deux classes majeures de traitements psychotropes à envisager dans le traitement du trouble psychotique bref sont : les anxiolytiques et les neuroleptiques. Les anxiolytiques constituent des traitements d'appoint et sont associés aux neuroleptiques qui constituent le traitement principal. Le traitement neuroleptique doit être prolongé pendant plusieurs mois (en général entre 6 mois et 1 an) avant d'être arrêté. Ce traitement sera toujours arrêté progressivement. Une surveillance devra permettre d'éviter la réapparition d'éléments délirants. Il convient enfin de proposer au décours de l'épisode un prise en charge psychothérapeutique permettant au patient d'intégrer psychologiquement l'épisode. 15

6. Tableaux 6.1. Tableau 1 - Critères diagnostiques la schizophrénie selon le DSM 4 6.1.1. Symptômes caractéristiques : Deux (ou plus) des manifestations suivantes sont présentes, chacune pendant une partie significative du temps pendant une période d 1 mois (ou moins quand elles répondent favorablement au traitement) : idées délirantes, hallucinations, discours désorganisé (c.-à-d., coq-à-l'âne fréquents ou incohérence), comportement grossièrement désorganisé ou catatonique, symptômes négatifs, par ex., émoussement affectif, alogie, ou perte de volonté. 6.1.2. Dysfonctionnement social/des activités : Pendant une partie significative du temps depuis la survenue de la perturbation, un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels sont nettement inférieurs au niveau atteint avant la survenue de la perturbation (ou, en cas de survenue dans l enfance ou l adolescence, incapacité à atteindre le niveau de réalisation interpersonnelle, scolaire, ou dans d autres activités auquel on aurait pu s attendre). 6.1.3. Durée : Des signes permanents de la perturbation persistent pendant au moins 6 mois. Cette période de 6 mois doit comprendre au moins 1 mois de symptômes (ou moins quand ils répondent favorablement au traitement) qui répondent au Critère A (c.à-d, symptômes de la phase active) et peut comprendre des périodes de symptômes prodromiques ou résiduels. Pendant ces périodes prodromiques ou résiduelles, les signes de la perturbation peuvent se manifester uniquement par des symptômes négatifs ou par deux ou plus des symptômes figurant dans le Critère A présents sous une forme atténuée (par ex. croyances bizarres, perceptions inhabituelles). 16

6.2. Tableau 2 - Critères pronostics dans la schizophrénie Bon Pronostic Mauvais pronostic Début tardif Facteurs déclenchants évidents Début aigu Bonne adaptation prémorbide Symptômes thymiques Antécédents familiaux de trouble de l humeur Bon soutien social mariage Symptômes positifs Début précoce Absence de facteurs déclenchants Début insidieux Mauvaise adaptation prémorbide Symptômes neurologiques Antécédents de traumatisme périnatal Mauvais soutien social célibat, divorce Symptômes négatifs Absence de rémission après 3 ans Nombreuses rechutes Antécédents d agressivité 17

6.3. Tableau 3 - Causes médicales et psychiatriques pouvant induire des troubles psychotiques 6.3.1. Causes Médicales Induites par des substances amphétamines, hallucinogènes, alcaloïdes de la belladone, hallucinose alcoolique, sevrage de barbiturique, cocaïne, phencyclidine (PCP). Épilepsie, plus particulièrement du lobe temporal. Cancer, maladie cérébrovasculaire ou traumatismes, en particulier frontaux ou limbiques. Autres maladies : Syndrome d immunodéficience acquise (sida) Porphyrie aiguë intermittente Déficit en vitamine B12 Intoxication au monoxyde de carbone Lipoïdose cérébrale Maladie de Creutzfeldt-Jakob Maladie de Fahr Maladie de Hallervorden-Spatz Intoxication par les métaux lourds Encéphalite herpétique Homocystinurie Maladie de Huntington Leucodystrophie métachromatique Neurosyphilis Hydrocéphalie à pression normale Pellagre Lupus érythémateux disséminé Syndrome de Wernicke-Korsakoff Maladie de Wilson 6.3.2. Causes psychiatriques Troubles psychotiques non spécifiés Trouble autistique Trouble psychotique bref Trouble délirant Trouble factice avec prédominance de signes et symptômes psychologiques Simulation Troubles de l humeur Adolescence normale Trouble obsessionnel-compulsif Troubles de la personnalité schizotypique, schizoïde, borderline, paranoïaque Trouble schizo-affectif Trouble schizophréniforme. 18

6.4. Tableau 4 - Critères diagnostiques du Trouble délirant selon le DSM 4 Idées délirantes non bizarres (c.à-d. impliquant des situations rencontrées dans la réalité telles que : être poursuivi(e), empoisonné(e), contaminé(e), aimé(e) à distance, ou trompé(e) par le conjoint ou le partenaire, ou être atteint(e) d une maladie), persistant au moins 1 mois. N a jamais répondu au critère A de la schizophrénie. En dehors de l impact de l idée (des idées) délirante(s) ou de ses (leurs) ramifications, il n y a pas d altération marquée du fonctionnement ni de singularités ou de bizarreries manifestes du comportement. En cas de survenue simultanée d épisodes thymiques et d idées délirantes, la durée totale des épisodes thymiques a été brève par rapport à la durée des périodes de délire. La perturbation n est pas due aux effets physiologiques directs d une substance (par ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d une affection médicale générale. Spécification du type (la désignation des types suivants est fondée sur le thème délirant prédominant : Type érotomaniaque : idées délirantes dont le thème est qu une personne, habituellement d un niveau plus élevé, est amoureuse du sujet. Type mégalomaniaque : idées délirantes sont le thème est une idée exagérée de sa propre valeur, de son pouvoir, de ses connaissances, de son identité, ou d une relation exceptionnelle avec une divinité ou une personne célèbre. A Type de jalousie : idées délirantes dont le thème est que le partenaire sexuel du sujet lui est infidèle. A type de persécution : idées délirantes dont le thème est que l on se conduit d une façon malveillante envers le sujet (ou envers une personne qui lui est proche). Type somatique : idées délirantes dont le thème est que la personne est atteinte d une imperfection physique ou d une affection médicale générale. Type mixte : idées délirantes caractéristiques de plus d un des types précédents, mais sans prédominance d aucun thème. Type non spécifié. 19

6.5. Tableau 5 - Causes médicales et psychiatriques pouvant induire des idées délirantes 6.5.1. Causes neurologiques Troubles des ganglions de la base. Maladie de parkinson. Maladie de huntington. Carences en vitamine B 12, folate, thiamine, niacine Démences. Epilepsies. Tumeurs. Troubles vasculaires; 6.5.2. Substances Amphétamines. Anticholinergiques. Antidépresseurs. Antihypertenseurs. Antiturberculeux. Antiparkinsoniens. Cimétidine. Cocaïne. Disulfiram. Hallucinogènes. 6.5.3. Causes Endocriniennes Thyroïdes. Surrénales. Parathyroïdes 6.5.4. Maladies de systèmes Hépatites. hypercalcémie. Hypoglycémie. Porphyrie. Urémie. 20

6.6. Tableau 6 - Critères diagnostiques Trouble schizo-affectif Période ininterrompue de maladie caractérisée par la présence simultanée, à un moment donné, soit d un épisode dépressif majeur, soit d un épisode maniaque, soit d un épisode mixte, et de symptômes répondant au critère A de la schizophrénie. Au cours de la même période de la maladie, des idées délirantes ou des hallucinations ont été présentes pendant au moins 2 semaines, en l absence de symptômes thymiques marqués. Les symptômes qui répondent aux critères d un épisode thymique sont présents pendant une partie conséquente de la durée totale des périodes actives et résiduelles de la maladie. La perturbation n est pas due aux effets physiologiques directs d une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d une affection médicale générale. Spécification du sous-type : * 0 Type bipolaire : si la perturbation comprend un épisode maniaque ou un épisode mixte (ou un épisode maniaque ou un épisode mixte et des épisodes dépressifs majeurs) * 1 Type dépressif : si la perturbation comprend uniquement des épisodes dépressifs majeurs. 21

6.7. Tableau 7 - Critères diagnostiques du Trouble psychotique bref selon le DSM 4 Présence d un (ou plus) des symptômes suivants : I. idées délirantes II. hallucinations III. discours désorganisé (c.d. coq-à-l'âne fréquent ou incohérence) IV. comportement grossièrement désorganisé ou catatonique Au cours d un épisode, la perturbation persiste au moins un jour, mais moins d un mois, avec retour complet au niveau de fonctionnement prémorbide. La perturbation n est pas mieux expliquée par un trouble de l humeur avec caractéristiques psychotiques, un trouble schizo-affectif, ou une schizophrénie et n est pas due aux effets physiologiques directs d une substance (p.ex., une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d une affection médicale générale. 22

6.8. Tableau 8 - Facteurs pronostics du trouble psychotique bref ou bouffées délirantes aiguës Facteurs de bon pronostic Facteurs de mauvais pronostic Épisode aigu, début brutal Prodromes insidieux Existence d'un facteur déclenchant Absence de facteurs déclenchants Personnalité antérieure adaptée Personnalité prémorbide schizoïde Troubles de la conscience pendant l'épisode Sédation lente et partielle Troubles de l'humeur important Absence de troubles de l'humeur Antécédents familiaux maniaco-dépressifs Antécédents familiaux de schizophrénie 23