RECONNAISSANCE DE L'ACTE COMMIS: OUVERTURE A LA THERAPIE OU CLOTURE DE LA RELATION THERAPEUTIQUE? Mireille Stigler Langer
... Tous les traitements mis en œuvre requièrent de la part de la personne prise en charge : la reconnaissance pleine et entière d'avoir réellement commis les actes délictueux ou criminels, la prise de conscience de leurs effets néfastes sur la victime, la volonté de contrôler le comportement sexuel déviant et d'éviter toute rechute et récidive et donc une implication personnelle sérieuse dans la démarche thérapeutique E. Archer- l Information Psychiatrique mai 1998.
Plan I. Récidive et traitement : bref rappel II. La reconnaissance de l acte Classification Statistiques descriptives La reconnaissance de l acte : «ouverture ou fermeture à la psychothérapie?»
La récidive Bien différencier les différents types de récidive (sexuelle, violente, contre les biens) Bien différencier les différents types de délits sexuels ( plus le lien est fort plus le risque est faible, si l acte a été sanctionné) Le taux augmente en fonction de la durée de suivi Perception du caractère pathologique u fonctionnement de la pensée 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 1
DELINQUANTS SEXUELS : LA RECIDIVE (1) En fonction de la nature de la récidive Nombr e Récidive générale Récidive de délit sexuel Récidive de délit violent Finkelhor (1986) 36% 6 à 35%, moyenne 20% Rice et Harris (1997) 288 35% (101) 58% (166) En fonction de la nature du délit sexuel considéré Langevin (1993) 19% à 41% (exhibitionnistes 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 2
DELINQUANTS SEXUELS : LA RECIDIVE (2) En fonction de la durée d observation Auteurs Nb de délinquants suivis Durée %de récidive de délits sexuels Christiansen (1965) 2934 12 à 24 ans 10% CESDIP (1989) 4 ans 6% viols, 1.7% autres délits sexuels Quinsey(1984) 86 (auteurs de viols) 22 ans 6% viols, 9% autres Ets Pen. Can. (1991) 1164 3 ans 6.2% (ens.), 14.6% quand déjà une réc. Proulx (1993) 19 à 41% (exhibit.) 0 à 11% (incest.) Hanson (1993) 197 5ans 8% 10 ans 16 % 19 ans 42% (dlits sex et violents) Gravier et Coll. (2001) 189 23 ans 58% 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 3
les indicateurs : récidive L histoire criminelle (contraste entre allégations de l auteur et trajectoire criminelle) L âge de l agresseur (début à l adolescence pour beaucoup?) Données socio-démographiques: isolement, faibles compétences sociales Facteurs dynamiques: absence de remords, tolérance dans le discours vis à vis des actes délictueux, mauvaise tolérance au stress et à la colère, incapacité à renoncer à leur «hypersexualité» alléguée 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 4
LES NIVEAUX DE RECONNAISSANCE Une classification en quatre catégories apprécie le niveau de reconnaissance du délit: OUI, totalement: Le sujet reconnaît totalement le délit, il est en outre conscient que celui-ci représente le signe d'un dysfonctionnement lié à un ensemble de facteurs internes et externes. OUI, partiellement, niveau 1: Le sujet reconnaît son délit mais il accuse des facteurs extérieurs et/ou il se dit guéri et affirme qu'il n'y aura pas de récidive. OUI, partiellement, niveau 2: Le sujet reconnaît avoir eu des contacts avec la victime, voire des contacts sexuels, mais il ne reconnaît pas leur caractère délictueux. NON : négation totale du délit.
Reconnaissance totale Le sujet : Reconnaît le délit dans les faits Reconnaît les conséquences de son délit sur la/les victime/s Reconnaît les conséquences - pénales - morales - sociales Est conscient que ce délit est lié à un dysfonctionnement de certains facteurs internes et externes Juge son acte anormal Souhaite changer
A souvent déjà entrepris une demande thérapeutique Reconnaissance partielle Le sujet : Reconnaît le délit dans les faits Ne reconnaît pas la violence de ses actes Evoque le plus souvent des facteurs externes - alcool - drogue - problèmes - familiaux - conjugaux
Quand il évoque un facteur interne recherche un événement traumatique qui expliquerait le passage à l acte Décrit souvent la victime comme : - Consentante - Provoquante, séductrice - L excitation n est pas issue de lui mais de la victime Est convaincu qu il ne récidivera pas
Degré de reconnaissance du délit (recherche SMPP) A partir d un collectif de sujets condamnés pour délits sexuels, pour 220 sujets pour lesquels nous disposons de l information: Reconnaissance totale : 66 (30%) Reconnaissance partielle: 106 (48%) Déni total: 48 (22%) Les agresseurs d enfant reconnaissent davantage leurs délits 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 1
Degré de reconnaissance du délit : agresseurs d'adultes (N=121) 13% 30% 23% sans information reconnaissance partielle déni total reconnaissance totale 34% 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 2
Degré de reconnaissance du délit : agresseurs d'enfants (N=195) 26% 31% sans information reconnaissance partielle déni total reconnaissance totale 10% 33% 30 janvier 2004 B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 3
7 - principes généraux du traitement des délinquants sexuels RECONNAISSANCE DE L ACTE " EMPATHIE POUR LA VICTIME " SOUFFRANCE PERSONNELLE " % # #! LOI "$ SOIN 30 janvier 2004 IDENTIFICATION DES FACTEURS DE RISQUE B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 4
Degré de reconnaissance du délit : Comparaison avec les données de la littérature et commentaires! En comparaison avec d autres études, nous nous apercevons que les chiffres varient énormément d une étude à l autre en ce qui concerne le degré de reconnaissance des délits, pouvant s agir peut-être d une variable difficile à évaluer. Kahn et Chambers (1991) notent que seuls 8 sur 221 délinquants sexuels adolescents ont totalement nié leur offense.! A l opposé, Spaccarelli et coll. (1997) trouvent que parmi 24 délinquants sexuels arrêtés, 15 (63%) ont reconnu soit l agression sexuelle, soit avoir initié des contacts sexuels non désirés, et 8 autres (33%) ont admis avoir été accusé d un délit, mais niaient l agression sexuelle
Degré de reconnaissance du délit : Comparaison avec les données de la littérature et commentaires! Dans son ouvrage, Ciavaldini (1999) affirme que moins de la moitié des délinquants sexuels reconnaissent totalement les actes pour lesquels ils sont inculpés. Lorsque l agresseur a lui-même été victime d actes d agression dans l enfance ou l adolescence, il semblerait qu il reconnaisse plus facilement les faits. Par rapport à la nature du délit, Ciavaldini distingue les «auteurs de viol mineurs non-incestants» des «agresseurs de mineurs non-incestants», les seconds reconnaissant plus fréquemment leurs actes.! Dans le même sens que nos résultats, il ajoute par contre que les agresseurs ou auteurs de viol d adultes reconnaissent partiellement plus souvent leur délit, mais moins souvent totalement, contrairement aux agresseurs d enfants, ce qui l amène à conclure à quel point les agresseurs d adultes auraient tendance à banaliser leurs actes.
7 - principes généraux du traitement des délinquants sexuels RECONNAISSANCE DE L ACTE " EMPATHIE POUR LA VICTIME " SOUFFRANCE PERSONNELLE " % # #! LOI "$ SOIN 30 janvier 2004 IDENTIFICATION DES FACTEURS DE RISQUE B. Gravier, de la psychopathologie à l'évaluation et la prise en charge, DIU de Psychiatrie criminelle 1
FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE DE L AUTEUR D AGRESSION SEXUELLE 1. L acte d agression sexuelle Protection contre une menace d effondrement Sentiment de toute puissance narcissique Moyen d imposer sa violence «Percevoir l excitation du sexuel pour ne pas percevoir l excitation du manque à être» A. Ciavaldini 2. Déni Déni de la réalité Déni d altérité Déni de la différence des génération 3. Clivage Clivage du Moi Le comportement déviant n est pas reconnu comme émanant de soi 4. Relation à l autre Relation d emprise 5. Pensées
Défaillance de la capacité de mentalisation Pauvreté fantasmatique 6. Rapport particulier à la Loi
Monsieur L., 40 ans Condamnation : 10 ans de réclusion pour actes d ordre sexuel avec des enfants, viol, contrainte sexuelle, lésions corporelles simples agravées. Expertise : Traits de personnalité dyssociale Personnalité émotionnellement labile, type impulsif Troubles somatoformes douloureux. Troubles dépressifs récurent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques non congruents à l'humeur
Monsieur D., 50 ans Condamnation : 5 ans de réclusion pour actes d ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle et violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d un appareil de prise de vues. La poursuite du traitement ambulatoire en détention est ordonnée. Expertise : Diagnostic psychiatrique Troubles de la préférence sexuelle Voyeurisme Examen psychologique Etat limite inférieur organisé autour de l'axe pervers mais qui présente quelques éléments plus archaïque d'aspect paranoïaque.
LA RECONNAISSANCE TOTALE CHEZ L AUTEUR D AGRESSIONS SEXUELLES 1. Admettre la réalité des faits : renoncer au déni 2. Reconnaître et nommer les éléments constitutifs de l'agression sexuelle : la violence, la contrainte l humiliation 3. Surmonter le clivage du MOI : reconnaître les divers parties clivées et les réunir, les relier 4. Reconnaître la victime dans son altérité, dans sa spécificité
LA RECONNAISSANCE DE L ACTE A LA PLACE DE L ACTE La reconnaissance de l acte joue le même rôle que l acte de protection contre l anéantissement d apaisement de soutien de la toute-puissance narcissique Le clivage est maintenu Cette reconnaissance invalide tout processus thérapeutique. Percevoir l excitation de la reconnaissance de l acte pour ne pas percevoir l excitation du manque à être.
PSYCHOTHERAPIE ACTIVE UNE THERAPEUTIQUE EN ARTICULATION AVEC LE JURIDIQUE La reconnaissance de l acte, un travail en deux étapes : 1. A l aide d un questionnaire, faire : décrire nommer les faits 2. Intégrer la reconnaissance dans l analyse globale du fonctionnement psychique Confrontation active : au déni au clivage