cancer de la prostate Le dépistage du Hôpital Bichat - Paris Pr. Vincent Ravery Urologie

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Transcription:

Le dépistage du cancer de la prostate Pr. Vincent Ravery Urologie Hôpital Bichat - Paris

Introduction 1. L espérance de vie augmente (INSEE, 1999) Tranches d âge EDV moyenne 60-64 19 65-69 16 70-74 12 (14.8 sans comorbidité) 75-79 9 80-84 7 EDV s allonge de 3 mois tous les ans

Introduction 2. La qualité de vie s améliore Plus difficile à valider scientifiquement La QDV de gens âgés s améliore 3. Le niveau d information des patients augmente

Introduction Dépistage et diagnostic précoce jusqu à un âge de plus en plus avancé Méthodes alternatives à la chirurgie pour traiter en intention de guérir les patients âgés Manipulations hormonales Implication du patient

Définition Diagnostic précoce : Décidé à l échelle individuelle par le couple patient - médecin Mise en place sur la conviction que la détection précoce apporte un bénéfice (diminution de la morbidité et/ou un allongement de la survie) Dépistage de masse : Décidé à l échelle d une population ciblée par un facteur de risque (âge) par une instance supérieure (Etat, Collectivités, Entreprises) Ne peut être mis en place sans avoir fait la preuve de son bénéfice pour la population 5diminution de la mortalité par cancer dans la population)

Conditions du dépistage 1- Problème de santé publique 2- Test diagnostic 3- Traitement disponible 4- Histoire naturelle connue 5- Preuve de la baisse de la mortalité

L incidence augmente de 10-15% par an Incidence et Mortalité 1980 1985 1990 1995 2000 année taux standardisés Monde pour 100 000 0 20 40 60 80 0 20 40 60 80 Tendance chronologique France incidence Registres anciens incidence Registres récents incidence France mortalité Registres anciens mortalité Registres récents mortalité

La situation actuelle Problème de santé publique : 40 000 nouveaux cas / an en 2000 et 47 000 prévus en 2005 1 er rang (25 %) des cancers chez l homme 2 ème rang (10 %) des causes de décès par cancer chez l homme, après le cancer du poumon

Tendances évolutives D après l INSEE, le nombre d hommes de plus de 50 ans (à risque de cancer) augmentera de 49% entre 2000 et 2030 8,5 à 12,6 millions d hommes Politique de dépistage actuelle déterminante Brutel Insee 2002

Augmentation de l incidence évidente dans l entourage de tout homme Pour un homme né en 1928, le risque d être atteint d un cancer prostatique avant 75 ans est estimé à 7,3 % (environ un homme sur 14) Ce risque serait multiplié par 3 pour un homme né en 1943 (environ un homme sur 5) Bauvin et al, Prog Urol, 2003

Pratique d un dépistage spontané dans la population Explique en partie l augmentation de l incidence Peu influencée par le débat scientifique 51 % des hommes de 60-70ans ont eu un dosage du PSA Données URCAM Tarn 2003

Objectifs du dépistage Stade plus précoce au diagnostic Meilleure chance de guérison Baisse de la mortalité? Sur-traitement?

Stade plus précoce au diagnostic L âge et le PSA médian au diagnostic se sont abaissés entre 1995 et 2002 : De 72 ans à 65 ans De 18 ng/ml à 7 ng/ml (80 % stades localisés) Soulié et al, Prog Urol, 2001; Villers et al, Oncologie, 2004

Données de l étude observationnelle Capsure Evolution dans le temps du stade au moment du diagnostic

Comme pour les autres cancers le dépistage augmente les chances de guérison Valeur du PSA Taux de stade du cancer ng/ml détection 3 à 7 25 % très précoce et curable dans plus de 8 cas/10 7 à 30 65 % précoce, mais curable dans moins de 5 cas/10 30 à 100 90 % avancé non curable, présence de métastases 100 à 1000 100 % tardif non curable, présence de métastases osseuses

Baisse de la mortalité Des études rétrospectives ont montré que le dépistage «permettrait» la réduction de la mortalité liée au cancer de la prostate : Biais importants: peut-être aussi en raison de l amélioration de l efficacité des traitements à des stades plus avancés Avec une meilleure survie des stades métastatiques et une meilleure survie des stades localisés

Etudes comparatives randomisées en cours évaluant la baisse de la mortalité dans le groupe bénéficiant du dépistage 2 études sont en cours : 1. Europe : ERSSPC 2. USA : PLCO

L AFU s engage: 1. Information aux patients 2. Information aux MT 3. Campagne de presse médicale

Dépistage / Diagnostic précoce

Recommandations de l AFU «L Association Française d Urologie recommande le dépistage du cancer de la prostate par dosage annuel du PSA total et toucher rectal chez les hommes de 50 à 75 ans» ou plutôt «chez les hommes dont l EDV est estimée supérieure à 10 ans». Car au-delà, l espérance de vie d un patient de cet âge est inférieure à l histoire naturelle d un éventuel CaP localisé, méconnu et non traité.

Recommandations de l AFU Dès 45 ans en cas de FDR Familial - 2 parents en filiation directe - 1 ATCD dans la fratrie avant 45 ans Racial - Afrique - Antilles

Recommandations de l AFU Un dosage de PSA total suffit S assurer de l absence d infection uro-génitale récente et de traitement concomitant par finastéride Toute élévation au dessus du seuil de normalité définie par le laboratoire (le plus souvent 4 ng/ml) est suspecte de cancer

Recommandations de l AFU Le dosage du PSA libre n est pas indiqué de première intention Un dosage annuel est suffisant (sauf cas particulier) Une augmentation > 1 ng/ml/an est suspecte même si le PSA < normalité du laboratoire

Conclusions Malgré 2 questions restant ouvertes : le dépistage du CaP est-il économiquement viable? le dépistage du CaP réduit-il la mortalité spécifique? L AFU recommande après l âge de 50 ans un TR et un dosage de PSA annuels

BIOPSIES PROSTATIQUES Jusqu où abaisser le seuil de P.S.A.?

Pourquoi abaisser le seuil de PSA < 4 ng/ml L étude PCPT a montré que le concept de «normalité» du PSA était erroné. I.M. Thompson JNCI 2006;98:529

Abaisser le seuil de PSA <4 ng/ml? Le risque de Ca est corrélé à : - P.S.A. - Anomalie TR - ATCD familiaux I.M. Thompson JNCI 2006;98:529

Abaisser le seuil de PSA < 4 ng/ml? Les données de «PCPT» permettent d établir un calcul de risque de Ca fondé sur : Age - race - PSA - anomalie TR statut de biopsies précédentes

Abaisser le seuil de PSA à 2.5 ng/ml NON OUI * Augmentation du taux de détection de cancers : - intra-capsulaires - bien différenciés ---> réduction de la mortalité spécifique

Biopsies pour PSA 2.5-4 ng/ml Taux de détection identique Même incidence de CaP de Grade 4 Cinétique du P.S.A. (P.S.A.V) identique Augmentation des Ca intra-capsulaires Ca «non significatifs» : 15 % W.J. Catalona J Urol 2006;175:907

Biopsies pour PSA 2.5-4 ng/ml Migration de stade significative En cas de récidive biologique allongement de temps de doublement du P.S.A. Diminution de la mortalité spécifique? W.J. Catalona J Urol 2006;175:907

Biopsies pour PSA 2.5-4 ng/ml Pas d impact sur la récidive biologique W.J. Catalona J Urol 2006;175:907

Abaisser le seuil de PSA à 2.5 ng/ml? OUI NON Augmentation du nombre de biopsies inutiles Augmentation des complications liées aux traitements

Conséquences de l abaissement du seuil de PSA à 2.5 ng/ml 1. Le nombre d américains biopsiés est de 1.8 millions 2. 1.3 millions de biopsies seront négatives 3. Si 450 000 PR sont réalisées : - 1000 hommes risquent de mourir - 40 000 seront incontinents - 180 000 souffriront de dysfonction érectile 4. Réduction de la mortalité spécifique? H.G. Welch JNCI 2005;97:1132

Seuil de PSA à 2.5 ng/ml OUI NON - Patients jeunes (par l Etat civil ou - Patients âgés par l âge physiologique) - HBP significative, car - HBP mineure c est un facteur de Avec possibilité de détecter confusion des CaP de grade élevé Avec un risque de «sur-détection» H.B. Carter, JNCI 2006;98:506