SAPHRIS MC Schizophrénie et maladie bipolaire OCTOBRE 2012 Marque de commerce : Saphris Dénomination commune : Asénapine Fabricant : Lundbeck Forme : Comprimé sublingual Teneurs : 5 mg et 10 mg Avis de refus Valeur thérapeutique (Schizophrénie) Avis de refus (Épisode maniaque de la maladie bipolaire) DESCRIPTION DU MÉDICAMENT L asénapine est un antipsychotique atypique de seconde génération. Il s agit d un antagoniste des récepteurs centraux sérotoninergiques, noradrénergiques, dopaminergiques et histaminiques. L asénapine s administre par voie sublinguale et est indiquée «dans le traitement de la schizophrénie» ainsi que «dans le traitement de courte durée des épisodes maniaques ou mixtes associés au trouble bipolaire de type I». D autres antipsychotiques atypiques tels que l aripiprazole (Abilify MC ), l olanzapine (Zyprexa MC et versions génériques), la rispéridone (Risperdal MC et versions génériques), la quétiapine (Seroquel MC et versions génériques) et la ziprasidone (Zeldox MC ) sont inscrits sur les listes de médicaments. La présente évaluation découle de l opportunité que l Institut national d excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a offerte au fabricant de soumettre une demande de réévaluation à la suite du refus d inscrire Saphris MC sur les listes de médicaments. BREF HISTORIQUE Juin 2012 VALEUR THÉRAPEUTIQUE Avis de refus Valeur thérapeutique (Schizophrénie et épisode maniaque de la maladie bipolaire) Parmi les publications analysées, une nouvelle étude pour le traitement de la schizophrénie (Buchanan 2012) est présentée. Dans le contexte du traitement de la manie dans la maladie bipolaire, trois publications s ajoutent pour l évaluation de la valeur thérapeutique, soit une méta-analyse (Yildiz 2011) et deux essais cliniques (McIntyre novembre 2009, McIntyre Décembre 2009). Schizophrénie Dans l évaluation précédente, l INESSS a conclu que les résultats des études démontrent que l asénapine 5 mg est plus efficace que le placebo, alors que l asénapine 10 mg ne se distingue pas de façon statistiquement significative du placebo. Par ailleurs, dans un devis à long terme, l asénapine est moins efficace que l olanzapine pour le contrôle de la symptomatologie, comme démontré par les résultats à l échelle Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS) (Schoemaker 2010). Les abandons en raison du manque d efficacité et de l apparition d effets indésirables sont nombreux et en défaveur de l asénapine. En conséquence, la valeur thérapeutique de l asénapine pour le traitement de la schizophrénie n a pas été reconnue. 1
L étude de Buchanan est une étude à répartition aléatoire, multicentrique, à double insu, d une durée de 26 semaines, suivies d une phase ouverte de la même durée. Elle regroupe deux essais dans la même publication, incluant des sujets provenant de l hémisphère est (Europe, Australie, Afrique) et de l hémisphère ouest (Amérique du Nord et Amérique du Sud). Au total, 949 sujets atteints de schizophrénie avec une prédominance de symptômes négatifs sont inclus. L objectif est de démontrer la supériorité de l asénapine comparativement à l olanzapine. Le paramètre principal de l étude est la variation des symptômes à l échelle NSA-16 (Negative schizophrenia assesment-16). L échelle NSA-16 repose sur un questionnaire validé et accepté comme instrument de mesure des symptômes négatifs de la schizophrénie, notamment par la FDA (Marder 2011). Les principaux résultats à 26 semaines sont résumés au tableau suivant. Principaux résultats concernant la comparaison de l asénapine et de l olanzapine dans les études hémisphère ouest et hémisphère est de Buchanan (2012) Hémisphère ouest Hémisphère est Paramètre d efficacité et d innocuité a Asénapine Olanzapine Asénapine Olanzapine n = 244 n = 224 n = 241 n = 240 Efficacité différentielle à l échelle Negative -9,7-9,2-12,2-12,5 schizophrenia assesment-16 Efficacité différentielle à l échelle Clinical global -0,5-0,6-0,8-0,9 impression-severity b Pourcentage de sujets ayant complété l étude 49,6 % 63,8 % 64,7 % 80,4 % Pourcentage de sujets ayant une réponse selon l échelle Clinical global impression- 24,4 % 27,2 % 45,9 % 54,9 % Impression b Pourcentage de sujets ayant présenté un effet extrapyramidal 16,4 % 12,1 % 8,3 % 3,3 % c Proportion de sujets ayant un d gain pondéral d au moins 7 % 8 % 18,6 % 7,9 % 24,6 % a Selon l analyse de modèle mixte pour l analyse de mesures répétées (MMRM) à 26 semaines b Paramètre d efficacité secondaire de l évaluation c Résultats démontrant une différence statistiquement significative pour la cohorte de l hémisphère est d Résultats démontrant une différence statistiquement significative L étude de Buchanan est jugée de qualité méthodologique acceptable. Les abandons sont nombreux et préoccupants dans le groupe recevant l asénapine, particulièrement pour le sousgroupe de l hémisphère ouest (50 %). On constate qu aucun résultat d efficacité ne démontre la supériorité de l asénapine, comparativement à l olanzapine, puisqu aucune différence n est significative. Toutefois, le résultat d efficacité à l échelle NSA-16 appuie l hypothèse que les deux traitements diminuent les symptômes négatifs de la schizophrénie de façon similaire. Seuls les effets indésirables extrapyramidaux, plus fréquents pour les sujets recevant l asénapine et le gain pondéral, plus fréquent pour les sujets assignés à l olanzapine, présentent une différence significative. Le gain pondéral moindre, associé à l asénapine, a déjà été reconnu lors de l évaluation précédente. 2
L INESSS est d avis que l efficacité d un antipsychotique dans la schizophrénie doit être démontrée tant pour les symptômes positifs que négatifs. Ainsi, malgré les résultats de l étude de Buchanan qui indiquent une amélioration des symptômes négatifs de la schizophrénie, les études analysées ont démontré que l asénapine, comparativement à l olanzapine, a une efficacité moindre et est associée à un plus grand nombre d abandons, en plus de la survenue d effets indésirables extrapyramidaux plus fréquente. En conséquence, l INESSS ne reconnaît pas la valeur thérapeutique de l asénapine pour le traitement des personnes atteintes de schizophrénie. Maladie bipolaire Lors de l évaluation précédente, dans le contexte du trouble bipolaire, les résultats des études ne permettaient pas de reconnaître la valeur thérapeutique de l asénapine, particulièrement parce que son efficacité apparait moindre que celle de l olanzapine. De plus, sur la base d une méta-analyse (Cipriani 2011), l INESSS a jugé qu il était difficile de statuer sur l efficacité relative de l asénapine comparativement aux autres agents utilisés dans la manie. La méta-analyse de Yildiz regroupe les résultats de 38 études portant sur l utilisation de divers antipsychotiques dans le contexte du traitement d un épisode maniaque (n = 10 800). Ce sont des études de courte durée, contrôlées avec placebo et qui utilisent une échelle validée pour la mesure des symptômes. La recherche de la littérature et l extraction des données sont conformes à une méthodologie acceptable, mais l analyse de la qualité des études incluses n est pas disponible. Une analyse selon un modèle aléatoire est réalisée et l hétérogénéité entre les études est évaluée. Les principaux constats sont que : L asénapine est d efficacité semblable aux autres antipsychotiques étudiés dans cette indication, particulièrement les antipsychotiques atypiques. Les abandons sont nombreux dans toutes les études incluses, mais comparables entre elles et le pourcentage de réponse attribué au placebo est très variable. Ces résultats indiquent que le bénéfice du traitement avec l asénapine est d ampleur semblable à celui des autres antipsychotiques utilisés pour le traitement d un épisode maniaque dans le contexte de la maladie bipolaire. Par ailleurs, deux études de McIntyre (avril 2010 et novembre 2010) sont aussi analysées. Elles se déroulent également dans la phase maniaque du trouble bipolaire, sont d une durée de 3 semaines et de 12 semaines (étude de prolongation) et incluent respectivement 488 sujets et 504 sujets. L asénapine et l olanzapine y sont comparées à un placebo. Ces études permettent de confirmer l efficacité de l asénapine dans la phase aigüe de la manie lorsque ce traitement est comparé à un placebo. Elles permettent aussi de constater que, selon l échelle Young Mania Rating Scale (YMRS), l asénapine et l olanzapine permettent une réduction similaire des symptômes. De plus, les pourcentages de rémission des sujets recevant les traitements actifs sont semblables. Ces études de McIntyre sont de qualité méthodologique acceptable dans la manie aigüe. Elles comportent des analyses statistiques appropriées qui tiennent compte des abandons (analyse fondée sur le report prospectif de la dernière observation (LOCF) et modèle mixte pour l analyse de mesures répétées (MMRM)). Les résultats démontrent que l asénapine a une efficacité supérieure à celle d un placebo et une efficacité semblable à celle de l olanzapine. 3
Ainsi, toutes les études analysées dans le contexte du traitement des épisodes maniaques de la maladie bipolaire, incluant celles de l évaluation précédente (McIntyre avril 2010 et novembre 2010), démontrent que l asénapine diminue davantage les symptômes que le traitement placebo. La comparaison statistique entre l asénapine et l olanzapine n est pas toujours disponible, mais la réduction des symptômes à l échelle YMRS s avère cliniquement significative par rapport au groupe placebo. Quant à l innocuité, l asénapine entraine davantage d effets indésirables extrapyramidaux que l olanzapine, mais l INESSS reconnaît à ce médicament un avantage sur le gain pondéral moindre que celui observé avec l olanzapine. Deux agents antipsychotiques atypiques inscrits aux listes, l aripiprazole et la ziprasidone, ont aussi une faible incidence de gain pondéral. En conclusion, en considérant l ensemble des données disponibles, la valeur thérapeutique de l asénapine est reconnue pour le traitement des épisodes maniaques de la maladie bipolaire puisque son efficacité est jugée semblable à celle des autres antipsychotiques atypiques, qui constituent l ensemble des comparateurs retenus. JUSTESSE DU PRIX ET RAPPORT ENTRE LE COÛT ET L EFFICACITÉ Le prix d un comprimé de 5 mg ou de 10 mg d asénapine est de xxx $, pour un coût mensuel de traitement de xxx $. Le coût de traitement des autres antipsychotiques atypiques actuellement inscrits aux listes (excluant la clozapine) varie de 36 $ à 330 $ selon le médicament et la dose utilisée. Du point de vue pharmacoéconomique, une analyse coût-utilité non publiée est analysée. Elle compare l asénapine à l olanzapine pour le traitement des patients atteints de troubles bipolaires de type I présentant des symptômes maniaques ou mixtes. Cette analyse présente les caractéristiques suivantes : un modèle constitué d un arbre décisionnel, pour la première année de traitement, représentant la probabilité de survenue d effets indésirables extrapyramidaux et de changement de traitement en raison des effets extrapyramidaux, ainsi que la probabilité d avoir un gain de poids significatif; et d un modèle de Markov, pour les années subséquentes, qui simule les complications métaboliques à long terme associées au gain de poids, soit le diabète de type 2, l hypertension artérielle, les maladies coronariennes et l accident vasculaire cérébral; un horizon temporel de 5 ans; une hypothèse d efficacité similaire entre l asénapine et l olanzapine; des données d incidence des effets indésirables retenus dérivées des essais cliniques comparant les deux traitements (McIntyre novembre 2009, décembre 2009, avril 2010 et novembre 2010) et des risques de développer des complications métaboliques associées à un gain de poids significatif et des risques de mortalité associés à ces complications provenant de diverses sources; des proportions de patients qui changent de traitement à cause d effets indésirables extrapyramidaux tirées de l étude de Schoemaker et de données non publiées; une valeur d utilité spécifique au trouble bipolaire provenant de l étude de Revicki (2005) et des réductions d utilité attribuées aux effets indésirables et à leurs complications, basées sur différentes sources; une perspective d un ministère de la santé, incluant les coûts médicaux directs, soit ceux des médicaments, des traitements des effets indésirables et des ressources médicales, 4
ainsi qu une perspective sociétale qui inclut des coûts indirects tels ceux associés à la perte de productivité et aux soins informels. Bien que l incidence de gain de poids soit moindre avec l asénapine qu avec l olanzapine, l extrapolation de cet avantage sur les conséquences cliniques et économiques à long terme génère beaucoup d incertitude dans le modèle. Cette étude présente aussi d autres lacunes, dont celle de ne pas considérer la probabilité de changer de traitement en raison d un gain de poids. Ainsi, l INESSS n adhère pas aux conclusions de cette analyse car l incertitude associée aux résultats est trop élevée. Selon l appréciation des données disponibles, l INESSS est d avis que pour le traitement des épisodes maniaques de la maladie bipolaire, l asénapine constitue une option additionnelle de traitement, dont l efficacité est semblable à celle des autres antipsychotiques atypiques. Bien que certains éléments d innocuité diffèrent de ceux de l olanzapine, aux fins de l analyse pharmacoéconomique, la classe des antipsychotiques atypiques, excluant la clozapine, est retenue comme comparateur, sur la base d une efficacité similaire. C est pourquoi une analyse de minimisation des coûts est jugée pertinente. La comparaison par rapport au coût moyen pondéré est donc privilégiée. Il en résulte que le coût mensuel de traitement de l asénapine (xxx $) est plus élevé que le coût moyen pondéré des antipsychotiques atypiques indiqués pour le trouble bipolaire calculé selon les statistiques de facturation de la RAMQ pour la période du 1 er avril 2011 au 31 mars 2012 (73 $). Par conséquent, l INESSS juge que Saphris MC ne satisfait pas aux critères économique et pharmacoéconomique. CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ DE LA POPULATION ET SUR LES AUTRES COMPOSANTES DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX ET CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES (ÉCONOMIE DE LA SANTÉ, OBJET DU RÉGIME GÉNÉRAL, CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES) L obésité est un problème de santé publique actuel et figure parmi les facteurs de risque pour le développement des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2 et de l hypertension artérielle. L asénapine, comme l aripiprazole et la ziprasidone, pourrait être une autre option de traitement pour les personnes ayant subi un gain pondéral significatif à la suite de l usage d un antipsychotique atypique ou ayant déjà des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire. De plus, les problèmes cardiovasculaires associés à cet effet indésirable des antipsychotiques atypiques peuvent avoir des conséquences négatives sur le système de santé et nécessiter une plus grande utilisation des ressources, tout comme la diminution de la persistance au traitement. D ailleurs, la diminution de la persistance au traitement attribuée au gain pondéral est préoccupante. Cependant, l asénapine est associée à d autres effets indésirables significatifs, dont des effets extrapyramidaux. RECOMMANDATION En conséquence, l INESSS recommande au ministre de ne pas inscrire Saphris MC sur les listes de médicaments, car il ne satisfait pas au critère de la valeur thérapeutique pour le traitement des personnes atteintes de schizophrénie. Par ailleurs, la recommandation de l INESSS concernant l épisode maniaque de la maladie bipolaire s appuie principalement sur les éléments suivants : 5
La valeur thérapeutique de l asénapine est reconnue pour le traitement de la phase maniaque de la maladie bipolaire puisque son efficacité est jugée semblable à celle des autres antipsychotiques atypiques. L asénapine est une autre option possible pour les personnes ayant subi un gain pondéral significatif à la suite de l usage d un antipsychotique atypique ou ayant déjà des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire. Cependant, l asénapine est associée à d autres effets indésirables significatifs, dont des effets extrapyramidaux. Le prix d un comprimé de 5 mg ou de 10 mg d asénapine est de xxx $, pour un coût mensuel de traitement de xxx $. Le coût des autres antipsychotiques atypiques actuellement inscrits aux listes varie de 36 $ à 330 $ selon le médicament et la dose utilisée. Le coût mensuel de traitement de l asénapine est plus élevé que le coût moyen pondéré des antipsychotiques atypiques inscrits aux listes et indiqués dans le traitement de la manie associée au trouble bipolaire (73 $). En tenant compte de l ensemble des critères prévus à la loi, l INESSS recommande au ministre de ne pas inscrire Saphris MC sur les listes de médicaments. PRINCIPALES RÉFÉRENCES UTILISÉES - Buchanan RW, Panagides J, Zhao J, et coll. Asenapine Versus Olanzapine in people with persistent negative symptoms of schizophrenia. J Clin Psychopharmacol 2012; 32:36-45. - Cipriani A, Barbui C, Salanti G, et coll. Comparative efficacy and acceptability of antimanic drugs in acute mania: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2011; 378: 1306 15. - Marder SR, Daniel DG, Alphs L, et coll. Methodological issues in negative symptom trials. Schizophrenia Bull 2011; 37:250-5. - McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et coll. A 3-week, randomized, placebo-controlled trial of asenapine in the treatment of acute mania in bipolar mania and mixed states Bipolar Disorders 2009 Nov; 11:673-86. - McIntyre RS, Cohen M, Zhao J, et coll. Asenapine versus olanzapine in acute mania: a double-blind extension study. Bipolar Disorders 2009 Dec; 11:815-26. - McIntyre RS, Cohen M, Zhao J, et coll. Asenapine in the treatment of acute mania in bipolar I disorder : A randomized, double-blind, placebo-controlled trial. J Affect Disord 2010 Avr; 122:27-38. - McIntyre RS, Cohen M, Zhao J, et coll. Asenapine for long-term treatment of bipolar disorder: A double-blind 40-week extension study. J Affect Disord 2010 Nov; 126:358-65. - Revicki DA, Hanlon J, Martin S, et coll. Patient-based utilities for bipolar disorder-related health states. J Affect Disord 2005 Aug; 87:203-10. - Schoemaker J, Naber D, Vrijland P, et coll. Long-term assessment of Asenapine vs. Olanzapine in patients with schizophrenia or schizoaffective disorder. Pharmacopsychiatry 2010; 43:138 46. - Yildiz A, Vieta E, Leucht S, et coll. Efficacy of antimanic treatments: meta-analysis of randomized, controlled trials. Neuropsychopharmacol 2011; 36 :375-89. Note : D autres références, publiées ou non publiées, ont été consultées. 6