Comment examiner un trouble de la statique rachidienne?



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Société Française de Rhumatologie Les Publications sélectionnées Revue du Rhumatisme 71 (2004) 137-144 Comment examiner un trouble de la statique rachidienne? Catherine Marty Service de neuro-orthopédie, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France Accepté le 9 septembre 2003 Mots clés : Scoliose ; Examen clinique Keywords: Scoliosis; Physical examination L interrogatoire permet de recueillir les impressions du patient sur le trouble de la statique. Il se plaint de «se déformer, de se tasser, de perdre de la taille, d avoir une hanche qui sort, d être déséquilibré et de pencher en avant ou sur le côté, d avoir les côtes qui entrent dans le bassin, d avoir des difficultés d habillement». Chez l enfant et l adolescent, ce sont souvent les parents qui remarquent la déformation du tronc «il se tient mal» et le diagnostic est souvent fait tard car hélas en France, il n existe plus de dépistage systématique et il y a un manque de formation des médecins. 1. Examen clinique L examen clinique doit être précis et suivre un protocole bien établi à la fois pour le diagnostic et pour le suivi de l évolution. Ainsi, cet examen doit être chiffré et avoir une bonne reproductibilité. L examen est fait dans les trois plans de l espace, la scoliose étant une déformation tridimensionnelle. L inspection du patient permet de noter l équilibre du tronc dans le plan frontal (gîte) (Fig. 1) et dans le plan sagittal. On décrit différents types de profil : normal, inversion des courbures, hypercyphose dorsale avec hyperlordose lombaire, cyphose à sommet dorsal bas ou dorsolombaire, insuffisance de courbures avec dos creux et dos plat (Fig. 2). On note l équilibre des épaules, la position des membres inférieurs en position debout, l alignement du cou, l asymétrie du pli de taille, éventuellement les gibbosités. Il est utile si possible de faire une photographie de face et de profil du sujet dans son ensemble. Fig. 1. Gîte du tronc, asymétrie des épaules, asymétrie du pli de taille. Fig. 2. Différents types de profil (Stagnara).

1.1. Examen dans le plan frontal L équilibre du rachis est évalué grâce à un fil à plomb tendu de l apophyse de C7 et une règle permettant de mesurer la distance entre le fil à plomb et le pli fessier (Fig. 3). On note l équilibre des épaules vu de face et vu de dos car il peut exister un enroulement d une ou deux épaules. On note la symétrie des flancs. L examen du bassin se fait dans plusieurs positions : debout, assis et en décubitus ventral en bout de table, les jambes pendantes. Debout, on note l équilibre du bassin vu de face et vu de dos (épines iliaques antérosupérieures et crêtes iliaques) (Fig. 4). On peut alors différencier un déséquilibre frontal du bassin d une rotation du bassin. On note également une déviation du pli fessier, ce qui se voit dans les scolioses se poursuivant ou ayant leur origine dans le bassin. En cas de déséquilibre du bassin il faut différencier un bassin oblique de cause basse, haute ou mixte (Fig. 5). En cas de bassin oblique de cause basse (inégalité des membres inférieurs, rétractions asymétriques des muscles de la ceinture pelvienne) ou en cas de rotation du bassin, le bassin se rééquilibre en décubitus ventral en bout de table avec les jambes pendantes. Un bassin qui reste déséquilibré en décubitus ventral en bout de table est un bassin oblique de cause haute comme on peut le voir dans une scoliose lombaire avec fermeture d un flanc. Il n est alors pas justifié de mettre une talonnette (de même dans les rotations du bassin). Fig. 3. Équilibre frontal, vu de dos : mesure du déséquilibre frontal = distance entre le fil à plomb mené de C7 et le pli fessier, visualisation des courbures scoliotiques.

Fig. 4. Équilibre frontal du bassin vu de dos : crêtes iliaques et épines iliaques postéro-inférieures. Fig. 5. Bassin oblique (dans les 3 plans de l espace) de cause mixte. 1.2. Examen dans le plan sagittal On le mesure grâce à un fil à plomb et un goniomètre. On place le fil à plomb en regard de C7. On note les points de tangence et les différentes flèches sagittales. En cas de profil normal, le fil à plomb est tangent en D6 environ et en S1 : il existe une flèche cervicale (environ 3 cm) et en L3 (environ 3 cm ) (Fig. 6). En cas de dos creux, on a une flèche dorsale (Fig. 7). En cas d inversion des courbures c est-à-dire lordose lombaire courte puis cyphose dorsolombaire puis lordose thoracique, il y a un point de tangence plus bas en dorsal bas ou en dorsolombaire et une flèche thoracique haute. En cas d augmentation des courbures rachidiennes avec hypercyphose dorsale et hyperlordose lombaire, il existe une augmentation de la flèche cervicale et de la flèche lombaire et éventuellement une flèche sacrée (Fig. 8). En cas de cyphose dorsolombaire globale, il existe une augmentation de la flèche cervicale, parfois une flèche dorsale haute, un point de tangence variable (Fig. 9). On note la version du bassin (antéou rétroversion), l alignement des membres inférieurs : hyperextension des hanches ou flessum des hanches, flessum des genoux. Le sujet âgé pour se rééquilibrer essaie de compenser en accentuant sa lordose lombaire : mais en raison de la diminution de la capacité lordosante lombaire avec le vieillissement et en raison de la diminution du nombre de vertèbres dans la lordose, il va rétroverser son bassin, étendre les hanches. Au maximum, lorsque la capacité d extension maximum des hanches est atteinte, le patient fléchit les genoux Fig. 6. Équilibre sagittal normal :mesure avec un fil à plomb (Figs. 9 et 12). La marche peut se faire aussi avec les bras en arrière et une règle des flèches cervicale et lombaire. Points de du tronc pour se rééquilibrer. tangence en dorsal moyen et en S1. Fig. 7. Scoliose dorsale dominante avec un dos creux : flèches cervicale, dorsale et lombaire (lordose étendue sur neuf vertèbres et insuffisance de cyphose dorsale). Fig. 8. Maladie de Scheuermann : augmentation des courbures sagittales, hypercyphose dorsale et hyperlordose lombaire compensatrice flèche sacrée et augmentation des flèches cervicale et lombaire.

Fig. 9. Scoliose lombaire (syndrome extrapyramidal) : déséquilibres latéral et antérieur (cyphose dorsolombaire globale) et flessum des genoux. 1.3. Examen dans le plan horizontal On examine le sujet soit debout avec un bassin équilibré en le faisant penché en avant, ou assis en se penchant en avant, ce qui élimine les causes basses de déséquilibre du bassin (Fig. 10). On note la topographie des gibbosités et leur nombre. L existence d une gibbosité permet de différencier la scoliose structurée d une attitude scoliotique. Les gibbosités dorsale supérieure et lombosacrée sont parfois difficiles à détecter et à mesurer. La scoliose peut être : soit courbure unique (dorsale, dorsolombaire, lombaire), scoliose souvent déséquilibrante et inesthétique soit scoliose à double courbure (double dorsale, dorsale et lombaire, dorsale et dorsolombaire) souvent détectée tard car peu visible car une courbure est compensée par l autre, dorsolombaire et lombosacrée (lombaire s étendant jusqu au sacrum), soit triple courbure (double dorsale et lombaire). On mesure les gibbosités en mesurant la dénivellation. (Fig. 11). Fig. 10. Gibbosités dorsale droite et lombaire gauche visibles en position penchée en avant.

Fig. 11. Mesure de la gibbosité = mesure de la dénivellation. 1.4. Réductibilité de la déformation On l apprécie cliniquement. On essaie de corriger la gîte frontale. De profil, on essaie de corriger l hypercyphose dorsale et de là l hyperlordose lombaire. S il existe une diminution de la lordose ou une cyphose dorsolombaire, on essaie de relordoser le rachis lombaire. En cas de dos creux, on essaie de cyphoser le rachis dorsal. Au total, on essaie de rétablir l équilibre sagittal, c est-à-dire de projeter le centre de gravité du tronc en arrière des têtes fémorales. On apprécie l effondrement du tronc en demandant au patient de s autograndir (Fig. 12). On apprécie la souplesse des gibbosités. On compare la taille couchée à la taille debout. On essaie de corriger le bassin oblique de cause haute en appréciant la possibilité d étirement du flanc fermé en décubitus ventral en bout de table. Fig. 12. Exemple de réductibilité chez une femme avec effondrement antérieur du tronc (scoliose). Elle se relordose en lombaire et projette ses bras en arrière. 1.5. Examen des ceintures

Les muscles des ceintures et les coxo-fémorales retentissent sur le bassin et de là sur le rachis. Ainsi, on apprécie la souplesse des fléchisseurs de hanche (Fig. 13), des ischiojambiers (Fig. 14), des pectoraux et on apprécie la mobilité des hanches. Un défaut d extension des hanches soit de cause musculaire (raideur des fléchisseurs de hanche) soit de cause articulaire (coxarthrose) entraîne une antéversion du bassin et de là une hyperlordose lombaire (Fig. 15). Mais en cas d enraidissement du rachis lombaire avec le vieillissement, le flessum des hanches entraîne un déséquilibre antérieur. À noter que les sujets qui ont une incidence faible seront plus facilement déséquilibrables. La raideur des muscles ischiojambiers a tendance à entraîner une rétroversion du bassin et un effacement de la lordose lombaire. La rétraction des pectoraux entraîne un enroulement des épaules, une saillie des omoplates. Cette rétraction est souvent associée à une hypercyphose dorsale. Fig. 13. Mesure de l extensibilité des fléchisseurs de hanche. Fig. 14. Mesure angulaire de l extensibilité des muscles ischiojambiers. Fig. 15. Exemple de rétraction des fléchisseurs de hanche (chez un myopathe) : hyperlordose lombaire et antéversion du bassin qui disparaissent après ténotomie des fléchisseurs. 1.6. Examen neurologique complet L examen neurologique est indispensable car le trouble de la statique rachidienne peut être secondaire à une maladie neurologique déjà connue ou qui sera découverte devant un trouble de la statique. On fera un testing musculaire y compris les spinaux. Chez l adulte, on peut découvrir tardivement une myopathie par exemple une myopathie fascioscapulohumérale (testing musculaire, EMG, dosages enzymes musculaires et au moindre doute biopsie musculaire et étude génétique). L abolition des réflexes cutané-abdominaux fait craindre une pathologie médullaire en particulier une syringomyélie associée à une scoliose. L IRM en fera le diagnostic. Il peut exister des séquelles de polyomyélite antérieur aiguë connue ou non. On cherche un syndrome extrapyramidal : maladie de Parkinson surtout dans sa forme akinétique et hypertonique ou autre syndrome extrapyramidal avec trouble de la statique. Les traitements par neuroleptiques peuvent aussi être responsables de troubles de la statique. 1.7. Examen général La mesure de la taille est indispensable chez l enfant et l adulte pour suivre la croissance et l évolution. La perte de taille est signe d aggravation d une scoliose ou d une cyphose. On cherche une hyperlaxité souvent associée au trouble de la statique. On cherche des signes d hypothyroïdie qui entraîne une perte musculaire. Un amaigrissement important chez le sujet âgé peut décompenser un trouble de la statique. Les signes pubertaires notés selon la classification internationale de Tanner (seins, testicules, pilosité) permettent d apprécier le risque évolutif. La ménopause semble être un facteur favorisant d évolution de la scoliose. On interroge la patiente sur la prise d un traitement hormonal substitutif. Certains métiers peuvent favoriser un trouble de la statique, métiers avec attitude penchée en avant. On recherche les antécédents familiaux (scoliose, cyphose et en particulier, celle secondaire à une maladie de Scheuermann), les antécédents personnels de chirurgie abdominale et lombaire. La spirométrie est nécessaire dans les formes touchant le rachis dorsal pour apprécier la capacité vitale, suivre l évolution chez l enfant avec la croissance et chez l adulte même en l absence d aggravation radiologique de la courbure dorsale. Il peut être nécessaire de faire des explorations fonctionnelles respiratoires plus complètes et des gaz du sang. 2. Examen radiologique Les radiographies permettant une analyse précise de la statique rachidienne sont des radiographies du rachis en entier (30 90 cm) de face et de profil du tragus aux têtes fémorales (qui doivent être visibles) avec les bras posés en avant à l horizontale (Fig. 16). Lors de la

première consultation pour scoliose, on fait une radiographie de face couchée pour juger la réductibilité et l effondrement. De plus, chez l enfant en cas de scoliose à petit angle, le diagnostic de l évolutivité se fait de préférence sur des radiographies en position couchée car les fluctuations de mesure sont minimisées. Pour une cyphose, le bilan initial comprend : une face debout et un profil debout et couché éventuellement avec un billot placé sous le sommet de la cyphose pour apprécier la réductibilité. Les radiographies faites pour suivre l évolution sont de type et de périodicité variables selon la pathologie et l âge. On peut apprécier également la réductibilité par des clichés en traction couché ou en suspension (Fig. 17). Les autres examens radiologiques pouvant être utiles sont le scanner avec reconstruction hélicoïdale, l IRM, la saccoradiculographie. Fig. 16. Radiographies du rachis en entier (Full-Spine) d une scoliose double majeure, face et profil debout : mesure des courbures (angle de Cobb). Fig. 17. Mesure radiologique de la réductibilité de la déformation : différence entre la radiographie couchée et debout. 2.1. La radiographie de face Sur la radiographie de face, on détermine : la topographie de la scoliose : nombre de courbures, vertèbres limites de chaque courbure et vertèbre sommet, siège de la rotation maximum (Figs. 18 et 20) ; l équilibre frontal ; l aspect des vertèbres, ce qui nécessite des clichés électifs (scoliose par anomalie vertébrale congénitale, lésions arthrosiques, tassement vertébral, lésions de Scheuermann) ; l existence ou non de dislocations (perte de l alignement de deux vertèbres sur la radiographie de face). On détermine si la dislocation est ouverte (disque ouvert du côté où il est le plus bas) ou fermée (disque fermé du côté où il est le plus bas) [1] (Fig. 19) ; l évolution : angle de Cobb de chaque courbure mesuré sur les vertèbres les plus inclinées sur l horizontal (Figs. 16 et 20) et rotation mesurée par la méthode de Perdriolle ou de Nasch. Étant donné les fluctuations de mesure (pouvant aller jusqu à 7 à 10 sur une radiographie debout et 4 sur une radiographie couchée), il est conseillé de faire un diagramme d évolution avec l âge en abscisse et l angle de Cobb en ordonnée ce qui permet de diminuer les fluctuations de mesure et de poser un diagnostic certain d évolutivité (Fig. 21). Fig. 18. Quelques exemples de différents types de scoliose. Il existe aussi des triples courbures. Fig. 19. Scoliose lombaire avec dislocations : dislocation ouverte L3 L4 et fermée L1 L2.

Fig. 20. Mesure de chaque courbure sur les vertèbres les plus obliques sur l horizontale (angle de Cobb α). Fig. 21. Diagramme d évolution d une scoliose de l adulte : âge en année en abscisse et angle de Cobb de chaque courbure en ordonnée. 2.2. La radiographie de profil Sur la radiographie de profil, on mesure les différents paramètres : (Fig. 22) [2,3] (voir article «composante sagittale de la statique rachidienne») : la pente sacrée : angle formé par le plateau sacré et l horizontale ; la lordose lombaire : angle formé par le plateau sacré et la vertèbre la plus inclinée sur l horizontale ; le nombre de vertèbres incluses dans la lordose lombaire ; la cyphose entre les vertèbres les plus inclinées sur l horizontale ; l incidence pelvienne : angle formé par la perpendiculaire au plateau sacré en son milieu et la droite joignant le milieu du plateau sacré au milieu de l axe bicoxofémoral ; la version pelvienne. La reconstruction tridimensionnelle de la scoliose et les différents paramètres cités ci-dessus peuvent être obtenus à partir des radiographies de face et de profil grâce au logiciel de J. Hecquet [2,3]. On peut accéder à d autres paramètres : gîte sagittale de T9, gîte lombaire. On note s il existe un spondylolisthésis, des lésions de Scheuermann, des tassements vertébraux. Fig. 22. Mesure des paramètres de profil, exemple d une hypercyphose dorsale par tassements ostéoporotiques, lordose lombaire insuffisante, rétroversion pelvienne, augmentation de la version pelvienne. 2.3. L âge osseux

On apprécie l âge osseux chez l enfant et l adolescent par les radiographies de la main gauche et du coude permettant de chiffrer l âge osseux selon la méthode de Greulich. Le signe de Risser est chiffré sur la radiographie des crêtes iliaques couché ou sur la radiographie du rachis en entier (Fig. 23). On apprécie la maturation des vertèbres en fonction de leur forme et des listels marginaux. Fig. 23. Mesure du Risser : Risser 3 (stade d ossification des crêtes iliaques). 3. Quelques exemples en pratique clinique En pratique clinique, pour apprécier rapidement et globalement l équilibre sagittal, on place sur la radiographie du rachis en entier de profil, le fil à plomb à environ 3 cm en avant du centre de T9, il doit passer en arrière de têtes fémorales. On s aide du tableau de corrélations pour analyser le trouble de la statique et pour en trouver la cause (Fig. 24). Ainsi, différents exemples : hyperlordose lombaire avec hypercyphose dorsale avec pente sacrée augmentée par rapport à l incidence et diminution voir même version pelvienne négative : rechercher une perte d extension de hanche par exemple une rétraction des fléchisseurs de hanche (Fig. 25) ; hypercyphose dorsale et hyperlordose lombaire avec pente sacrée corrélée à l incidence : l origine est l hypercyphose dorsale qui entraîne une hyperlordose lombaire (Fig. 26) ; hypercyphose dorsale par tassements ostéoporotiques mal compensée par la lordose lombaire et rétroversion pelvienne (Figs. 22 et 26) ; scoliose lombaire évolutive de l adulte avec dislocation : il existe une diminution de la lordose lombaire avec diminution du nombre de vertèbres dans la lordose et parfois cyphose lombaire (Fig. 27) ; différents types de profil décrits par Itoi chez les ostéoporotiques [4] (Fig. 28). Fig. 24. Tableau des corrélations entre les paramètres pelviens et les paramètres rachidiens.

Fig. 25. (à droite) Exemple d hyperlordose lombaire de cause indéterminée et (à gauche). Exemple d une hyperlordose par rétraction des fléchisseurs de hanche chez un myopathe FSH avec incidence pelvienne très faible. Fig. 26. Exemples d hypercyphose thoracique : à gauche tassements ostéoporotiques, à droite maladie de Scheuermann. Fig. 27. Scoliose lombaire avec dislocations étagées et cyphose lombaire, rétroversion pelvienne. Fig. 28. Différents types de profil du rachis chez l ostéoporotique d après Itoi (Spine, 1991, 16, 7, 750 756). 4. Évolution du trouble de la statique L évaluation précise de l évolutivité d un trouble de la statique et de sa vitesse se fait grâce à la surveillance clinique et les différentes mesures chiffrées, grâce à l évolution de la taille et à la surveillance radiologique, diagramme évolutif, mesure des radiographies anciennes (Fig. 21). 5. Conclusion L examen de la statique rachidienne doit être systématique lors de tout examen du rachis d un enfant ou d un adulte. Avec le vieillissement de la population, les troubles de la statique augmentent. Chez l enfant comme chez l adulte, le diagnostic doit être fait précocement afin d éviter une évolution sévère qui nécessitera un traitement plus difficile voire même impossible. Références [1] Tassin JL, Defive Th, Despres E, Guillaumat M. Dislocations arthrosiques des scolioses lombaires adultes, scoliose lombaire idiopathique de l adulte sous la direction de Biot et Simon, 46. Masson Éditeur; 1990. [2] Duval-Beaupère G, Schmitt C, Cosson Ph. A barycentremetric study of the sagittal shape of spine and pelvis. Ann Biomed Engineer 1992;20:451 62. [3] Legaye J, Duval-Beaupère G, Hecquet J, Marty C. Pelvic Incidence: a fundamental pelvic parameter for three dimensionnal regulation of spinal sagittal curves. Eur Spine J 1998;7:99 103.

[4] Itoi E. Roentgenographic analysis of posture in spinal osteoporotics. Spine 1991;16:750 6. SFR - C. Marty / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 137 144