ETP et TSO: les usagers de drogues, des patients éducables? Par qui?

Documents pareils
Drug Misuse and Treatment in Morocco

Compliance (syn. Adhérence - Observance) IFMT-MS-Sémin.Médict.Nov.05 1

Se libérer de la drogue

Infection par le VIH/sida et travail

L enjeu de la reconnaissance des pharmaciens comme éducateur de santé

L ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT EN 15 QUESTIONS - RÉPONSES

LES TRANSPORTS Enjeux et résultats. Journée des instances paritaires du 20 novembre 2008

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

Les usagers de drogues âgés de 40 ans et plus pris en charge dans les structures de soins pour leurs problèmes d addiction

Les recommandations de recherche de l expertise INSERM sur la RdR. Patrizia Carrieri INSERM U912 - ORSPACA

Certification des coordinations hospitalières de prélèvement d organes et de tissus

BMR/ BHR en EHPAD Prise en charge des résidents

Définition de l Infectiologie

Évaluation du régime général d assurance-médicaments

CAHIER DES CHARGES INFIRMIER-ÈRE DIPLÔMÉ-E

Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer

Vivre avec le VIH. Point de départ

Procédure relative à la protection juridique des majeurs vulnérables

Définition, finalités et organisation

Un poste à votre mesure!

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

Les approches de réduction des méfaits trouvent un certain appui dans la population québécoise*

Note de synthèse Assurance Maladie. Information des professionnels de santé sur les produits de santé mars 2011

THÈSE POUR LE DIPLÔME D ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE

ET DE LA STRATEGIE. Note de Synthèse. Domaine : Financement Version : 1 Mise à jour : 04/03/2012

Formation sur la sécurisation du circuit du médicament

L hôpital dans la société. L expérience du CHU de Paris, l AP HP. Pierre Lombrail, Jean-Yves Fagon

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Synthèse des réflexions

SUPPLEMENT AU DIPLÔME

LES ACCIDENTS D EXPOSITION AU RISQUE VIRAL Prise en charge & Prévention

REFLEXIONS POUR LE DEVELOPPEMENT D UNE PRATIQUE DE CONCERTATION PROFESSIONNELLE ENTRE MEDECINS ET PHARMACIENS DANS L INTERET DES MALADES

HISTORIQUE DES SOINS PALLIATIFS ET ENJEUX POUR LE FUTUR

LE FINANCEMENT. MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l Ordre des Médecins d Aquitaine CDOM 47Page 1

Mon traitement n a pas marché.

PRESCRIPTION MEDICALE DE TRANSPORTS. Service des Affaires Juridiques 28/11/2013

Comment la proposer et la réaliser?

L ndétectable. Sommaire. Edito Trouver la motivation pour avaler sa pilule. L ndétectable N 3 - septembre

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

Annexe 2 Les expressions du HCAAM sur la coordination des interventions des professionnels autour du patient

Guide. d ivresse. de gestion de la crise. en entreprise

Dictionnaire de données de la Base de données du Système national d information sur l utilisation des médicaments prescrits, octobre 2013

1 ère manche Questions fermées

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

"Formation et évaluation de la compétence du pharmacien clinicien expérience suisse"

Organiser une permanence d accès aux soins de santé PASS

Évaluation et recommandations

Les fistules obstétricales sont des communications anormales entre les voies urinaires ou digestives et l'appareil génital. ou d une manœuvre abortive

ntred 2007 Résultats de l étude Description des personnes diabétiques

LE CENTRE 92 (BOULOGNE/CLAMART)

Le VIH et votre foie

La schizophrénie est une maladie évolutive; elle comporte 5 phases, qui se succèdent souvent dans l ordre 2 :

INDICE DE FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DE SERVICE

Décret n du 19 octobre

Hépatite C une maladie silencieuse..

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

Séquence 1 : La place du MSP et de l ISP

Devenir des soignants non-répondeurs à la vaccination anti-vhb. Dominique Abiteboul - GERES Jean-François Gehanno Michel Branger

CATALOGUE DES FORMATIONS INTRA / INTER 2013 / 2014

d a n s l e t r a i t e m e n t d e

Calendrier des formations INTER en 2011

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

testez-vous! Préparez vos partiels en toute sénérité!

Formation obligatoire d adaptation à l emploi

sociales (pour information) CIRCULAIRE DGS(SD6/A)/DGAS/DSS/2002/551 / du 30 octobre 2002 relative aux appartements de coordination thérapeutique (ACT)

TOUT CE QU IL FAUT SAVOIR SUR LES FRAIS DE TRANSPORT. Textes extraits d ameli.fr (dossier mis à jour le 20 juin 2013)

Assises Nationales du Maintien à Domicile juin 2000 La douleur Les soins palliatifs. EXPERIENCE DE SOINS D'UNE EQUIPE A DOMICILE Dr AVEROUS

Ministère chargé de la santé Diplôme d Etat d infirmier. Portfolio de l étudiant

L expérience du patient partenaire au suivi intensif dans la communauté à Sherbrooke. Daniel Boleira Guimarães; Luce Côté

Infection VIH et Grossesse Rédigée par : Laurichesse Hélène, C Jacomet

L infirmier exerce son métier dans le respect des articles R à R et R à du code de la santé publique.

Hospitalisation à Temps Partiel Soins de Suite et Réadaptation Affections cardio-vasculaires et Affections respiratoires Livret de séjour

Droits des personnes malades en fin de vie

Doit on et peut on utiliser un placebo dans la prise en charge de la douleur?

La lettre d information électronique de la Mutualité Française Aquitaine

QUESTIONS FREQUEMMENT POSEES AUX EXPERTS DU SERVICE TELEPHONE VERT SIDA ( ) ISTITUTO SUPERIORE DI SANITA

JE NE SUIS PAS PSYCHOTIQUE!

Les ateliers de pratique réflexive lieu d intégration des données probantes, moteur de changement de la pratique

La raison d être des systèmes d information

DESCRIPTION DU METIER D AUXILIAIRE AMBULANCIER IFPS - BESANCON

Douleur et gestion de la douleur. Renseignez-vous sur les services de soutien et de soins sur

La prise en charge. de votre affection de longue durée

La prise en charge d un trouble dépressif récurrent ou persistant

Tableau de bord sur les addictions en Bretagne

Baromètre santé 360 La santé connectée Janvier 2015

C est votre santé Impliquez-vous

Cahier des charges pour l appel d offres. février 2015 SOMMAIRE

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

ma n u e l d e s Dr o i t s d e s Us a g e r s

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

Autorisation d usage à des fins thérapeutiques (AUT) Aide-mémoire et formulaire de demande

ACCESSIBILITÉ INNOVATION DÉVELOPPEMENT

ethique Acharnement thérapeutique Q ua nd s e p o s e la que s t i o n du juste soin... du juste soin...

Tests de détection de l interféron γ et dépistage des infections tuberculeuses chez les personnels de santé

FICHE D URGENCE * ECOLE JEAN MOULIN - LE BARCARES - Nom - Prénom de l enfant : Classe :.Date de naissance :..

CAMPUS SENGHOR du SENEGAL ENDA-MADESAHEL. Mbour, Sénégal. Master Santé Environnementale

Transcription:

ETP et TSO: les usagers de drogues, des patients éducables? Par qui? Pascal COURTY, MD, PhD SATIS CHU Clermont Ferrand THS 10 Biarritz, 12 octobre 2011

Les ingrédients 1. Un état chronique 2. Des usagers 3. Des traitements 4. Des soignants 5. L attente des consommateurs 6. Quelles solutions?

1. Selon l OMS / UN-ODC (Principles of drug dependence treatment 2008) La dépendance aux drogues est un problème de santé multifactoriel Qui est souvent la succession de périodes de rémission et de rechutes Pour lequel il existe des traitements Dont les résultats optimaux sont obtenus à l aide d une approche pluridisciplinaire combinant des interventions pharmacologiques et psychosociales

Les taux de rechutes authentifient l état chronique

La dépendance majeure aux opiacés: Un état chronique qui peut se traiter Un traitement attentif et efficace permet aux patients de rester dans les programmes de soin Le fait d être traité permet de réduire les stigmates attachés à la dépendance aux opiacés L adaptation régulière du traitement optimise la prise en charge Les TSO permettent de traiter les maladies virales et les comorbidités psychiatriques des patients

2.Des usagers responsables L apport de la RDR est un progrès considérable Les UD ne représentent plus que 2 % des contaminations par le VIH Les contaminations par le VHC sont en baisse en particulier chez les plus jeunes => Ce qui authentifie l attitude responsable des UD quand on ne les maltraite pas

Et pourtant, rien n est simple On a des patients accessibles, des traitements efficaces mais: Les changements suite aux campagnes d information sont modestes et graduels L augmentation des connaissances n entraine pas toujours une amélioration des conduites Le fait même de se faire soigner modifie les attitudes et les perceptions que les patients ont de leur maladie et de ses traitements. (cf notamment travaux de Munoz-Sastre sur les représentations du VHC)

Changement de modèle Pourquoi pas de valorisation? Pourquoi pas de changement des RS alors que les UD (PES) et aussi les MG ont changé leur regard?(s en débarrasser ou s en embarrasser?) Difficile d imaginer UD = malades comme les autres Et qui en plus s en sortent (même dilemme par rapport aux diabétiques/ sucre, hypercholestérolémie/graisses, HTA/sel)

3. Des traitements 130 000 personnes traitées sur 150 à 200 000 UD => amélioration des conditions sanitaires Traitements tous? efficaces mais sont-ils adaptés pour Le premier problème est l accès au traitement. => Avoir une couverture sociale et voir un médecin permettent une réduction du mésusage (Courty, 2003, 2009)

Problèmes posés par les traitements Effets secondaires: qu est ce qu un effet secondaire acceptable? Est-ce que les gens accepteraient le traitement si les effets II étaient connus? Cohérence de la législation (MET / BHD): De quel côté faire pencher la balance? La MET par tout médecin pour 28 j sans analyse d urine préalable? Forme galénique: Des formes injectables ou des formes indétournables (film)?

Des usagers Je ne suis pas malade Je ne me sens pas malade Il y a quelque temps, j ai réussi à m arrêter sans traitement C est une question de volonté Je veux un traitement mais je veux continuer à me défoncer J en veux plus (de traitement ou de drogues) Aux médecins Prendre des drogues est un vice C est une question de volonté Si vous rechutez, vous serez exclus J en sais plus que vous car je suis médecin (même si je n ai eu aucune formation!) Vous ne devez plus vous défoncer

Changer d attitudes Usager de drogue Patient Drogue illicite Dealer Traitement Médecin

4.Des prescripteurs 94 % de la prescription est faite par la médecine de ville Les MG ont-ils été formés suffisamment? Les médecins qui consomment comprennent ils mieux leurs patients? La seule visite médicale obligatoire d un étudiant en médecine au cours de ses études se situe au moment où, admis à l internat, il intègre l hôpital. La qualité de cette visite d aptitude est très inégale de l avis des intéressés...article R.6153-7 du Code de la santé publique relatif au décret n 99.930 du 19 novembre 1999.«Avant de prendre ses fonctions, l interne justifie, par un certificat délivré par un médecin hospitalier, qu il remplit les conditions d aptitude physique et mentale pour l exercice des fonctions hospitalières qu il postule...».

Quelques paradoxes Formation/ Pas de formation: Ce sont souvent des médecins non formés qui assurent le traitement et qui ne le font pas si mal Injection/ Pas d injection: L injection n empêche pas d être dans le soin Traitement de rue/ Traitement prescrit: Le traitement de rue est souvent une étape Supervision/ pas de supervision: ça ne change pas grand chose

La supervision des prescriptions n est pas la seule solution (alors pourquoi pas l éducation) Source % Pays injection Sans supervision n Roux 2008 France 32 111 Obadia 2001 France 24 343 Aitken 2008 Jenkinson 2005 Degenhardt 2009 Avec supervision Australi a Australi a Australi a 32 316 33 156 23 30 513 399

Qu est ce qu est vraiment le mésusage? Injecter, sniffer, fragmenter Il faudrait plutôt poser les questions: «quelle est la fréquence de vos injections?» au lieu de «Vous injectez vous?» Oser demander«qu en attendez-vous?» En clair, «Vous injectez vous pour vous sentir bien, pour éviter le manque ou pour arrêter l héroïne?»

5. Focus group SATIS Mobile Clermont-Fd Quelles attentes? Que peut-on faire pour améliorer la qualité de vie? 1. Technique, Hygiène, Gynéco /femme, Dermato =>Fonctionnement du corps humain ES 2. Produits / TSO/ Overdose ETP 3. Social/ Papiers ES

Focus group SATIS Unité hospitalière Quelles attentes? Que peut-on faire pour améliorer la qualité de vie? 1. Overdose/ Produits /TSO ETP 2. Comment ça marche? => fonctionnement corps humain ES Demandes spécifiques 1. Brochures ES/ETP 2. Entourage ETP

6. Quelles solutions? Éduquer c est Inciter au soin Les campagnes nationales ont peu d impact sur l individu (peuvent même être contre productives) C est l échelon individuel qu il faut atteindre Le lien primordial est celui de la personne avec SON équipe soignante Chaque personne a une histoire singulière Il faut donc proposer du «sur-mesure» et non pas du «prêt à porter» Les principales idées reçues sont souvent du côté des médecins +++ et pourtant ils semblent éducables

Quelques préalables: Du «sur mesure» tenant compte (1) Le patient est-il bien équilibré dans son TSO? Les TSO non adaptés entrainent très souvent des consommations parallèles d alcool, de substances psychoactives légales et/ou illégales Il faut donc au départ des doses suffisantes et un rapport de confiance avec le prescripteur

Du «sur mesure» tenant compte (2) Le patient «qui va bien» est-il bien informé de ce qu il va avoir à supporter?(ex:vhc) «Éduquer c est répéter» et vérifier que l information n a pas été parcellaire Assurer le patient qu il aura un soutien (très) régulier avant, pendant et surtout après «Je vous prescrirai sans problème, je serai à votre disposition» En fait, ce qui se passe pendant l évolution du traitement est le reflet de ce qui s est passé dès le départ.

Du «sur mesure» tenant compte (3) La douleur sera-t-elle prise en compte? Rôle primordial et formation nécessaire La souffrance psychique également? => Les prescriptions ne sont pas inutiles L entourage sera-t-il associé? => Prévoir des consultations systématiques Ne pas oublier que c est l entrée dans le soin qui modifie les attitudes d où l idée de favoriser par tout moyen l accès aux soins

Un état chronique=> Champ de l éducation Qu est ce que l ETP? thérapeutique Du soin et de la prévention, de la pédagogie Outil pour mieux prendre en compte la maladie (la condition, l état) chronique Pouvoir faire la différence entre l éducation pour la santé (ES) et l ETP?

Quels objectifs pour l ETP? Quels objectifs? Faire acquérir des compétences à l usager (il en a déjà mais peut-être les mieux organiser) Permettre à l usager d être acteur de sa santé (preuve par la RDR) Réduire les complications Améliorer la qualité de vie

Quelles compétences pour les malades/ patients/usagers? D auto-soins D observation des symptômes et signes (pas toujours évident pour les OD ou les techniques d injection) De raisonnement et de décision (s injecter ou pas) Technique (de prise du traitement autant que d injection)

Quelles compétences pour les D adaptation usagers? Capacité à vivre dans son environnement à le modifier (vivre en famille, en société ; s informer ; s engager dans une association) Se connaître soi-même, avoir confiance en soi Savoir gérer ses émotions, son stress Résoudre un problème (ce qui nous apparaît évident ne l est pas toujours pour les patients)

Formalisation: Approches utiles Réduction des risques Motivation, gestion des émotions Mais aussi probablement de vrais programmes à construire (produits, OD, dépendance, traitements, social, femmes) après un diagnostic «éducatif» (qui est-il, qu est ce qu il a, que sait-il, quel fait-il, que souhaite-t-il?)=> nécessité d outils (en cours d élaboration)

Perspectives Etablir les compétences minimales pour les médecins pour prescrire les TSO (certificat, nb limité de patients) Etablir un référentiel minimum pour la RDR pour les intervenants Explications données au patient et confrontation à leur expertise Adaptation de l expertise aux connaissances et à l état actuel du patient