PNEUMOCYSTOSE 1- DEFINITION La pneumocystose humaine est une mycose profonde due à un champignon, cosmopolite, très ubiquitaire, opportuniste, Pneumocystis jiroveci, se développant principalement dans les poumons de patients immunodéprimés. 2- AGENT PATHOGENE La position taxonomique du Pneumocystis a erré de nombreuses années depuis sa découverte en 1909 par Carlos Chagas dans les poumons de cochons d Inde. L impossibilité de le cultiver, l absence d ergostérol dans sa paroi, un cycle proche de celui des protozoaires lui ont valu pendant longtemps d être classé parmi ces derniers. Cependant, les études en microscopie électronique ont montré une paroi trilamellaire, riche en chitine et en β (1, 3) glucane avec une grande affinité pour les colorations argentiques plaidant pour son appartenance au règne des champignons. De plus, les données de la biologie moléculaire suggèrent un lien étroit avec une levure ascosporée, Saccharomyces cerevisiae. De plus, pendant presque un siècle, ce micro-organisme eucaryote, fréquemment retrouvé dans le poumon de l homme et d autres mammifères, a été considéré comme appartenant à une seule espèce. En fait, Il existe différentes espèces de Pneumocystis chacune spécifique de leur hôte, Ainsi, Pneumocystis jiroveci est classé actuellement dans le règne des champignons et est considéré comme une espèce spécifiquement humaine. De plus, d après l analyse de séquences d ADN, il existerait de nombreux génotypes au sein de l espèce P. jiroveciii. 3- CYCLE La pneumocystose humaine n est pas une zoonose mais une anthroponose. Toutes les étapes du cycle parasitaire de P. jiroveci ne sont pas connues à l heure actuelle (forme infectante inconnue). L acquisition du champignon par voie aérienne a été démontrée chez les modèles murins et ce mode d acquisition est admis pour P. jirovecii chez l homme. Les formes connues de Pneumocystis sp. sont retrouvées dans les alvéoles pulmonaires de l homme et plus rarement dans d autres organes (rate, foie, cœur, ganglions lymphatiques, moelle osseuse ). Les kystes matures, éléments probablement infectants, de forme arrondie ou ovalaire, à paroi épaisse, mesurent de 6 à 8 µm et libèrent in situ 8 corps intrakystiques. Les kystes vides, de 5 à 6 µm, ont une forme en casquette ou en ballon dégonflé caractéristique. Les corps intra-kystiques libérés se transforment rapidement en trophozoïtes (équivalents de spores) très variables en forme et en taille (2 à 12 µm). Ils sont mononucléés et amiboïdes et présentent de multiples élongations, les filopodes, qui leur permettent de s arrimer très étroitement aux cellules épithéliales de type I où ils se multiplient activement C est à partir des grands trophozoïtes que se forment les prékystes.
Les prékystes de forme ovalaire, à paroi épaisse, mesurent 3 à 8 µm. D abord mononucléés, ils deviennent multinucléés avec 3 stades (précoces, intermédiaires et tardifs) en fonction du nombre de noyaux (1 à 8) et de la structure de la paroi. Ce cycle hypothétique se déroule toujours à l extérieur des cellules alvéolaires et ne dure que quelques heures. 4- MODE DE TRANSMISSION Pendant de nombreuses années, la pneumocystose était considérée comme résultant de la réactivation d une infection latente contractée dans l enfance, en cas d immunodépression. En effet, une forte prévalence d anticorps anti-pneumocystis dans le sérum d enfants immunocompétents (65-100% des enfants de 2 à 4 as) démontre que l exposition à P. jirovecii est précoce dans la vie. A l heure actuelle, il est démontré que la pneumocystose de l immunodéprimé résulte de l acquisition des novo du champignon à partir d une source extérieure ou de l aggravation d un état de colonisation pulmonaire de P. jirovecii. La contamination s effectue probablement par voie aérienne mais il reste à préciser si cette transmission se fait directement de personne à personne ou si il existe une source environnementale commune. La possibilité de transmission interhumaine a été étayée en milieu hospitalier par la survenue de petites épidémies dans des services de pédiatrie, d hématologieoncologie, de réanimation, de transplantation rénale et chez des patients infectés par le VIH. Des études de génotypage sur des cas groupés de pneumocystose conforte cette hypothèse. De l ADN de P. jiroveci a été retrouvé dans l air, dans les eaux d étang, dans l air hospitalier en présence ou non de patients infectés par le microorganisme. De l ADN a également été retrouvé au niveau nasal ou pharyngé chez des soignants en contact avec des patients développant une pneumocystose avec une identité
partielle des génotypes, d où l importance des porteurs sains dans la transmission de P. jiroveci. Aucune niche environnementale pour aucune des espèces de Pneumocystis n a été à ce jour caractérisée. 5- REPARTITION GEOGRAPHIQUE, EPIDEMIOLOGIE P.jiroveci est ubiquitaire et signalé dans le monde entier : - premiers cas d épidémie chez des nourrissons malnutris en Europe de l Est dans les années 1950, - puis cas sporadiques chez les prématurés et les patients greffés d organe signalés dans le monde entier, - dans les années 80, la pneumocystose devient la plus fréquente des infections opportunistes au cours du SIDA dans le monde, sous la dépendance étroite du taux de lymphocytes CD4 (< 200 / mm 3 ). L incidence de la PCP a fortement diminué chez les patients infectés par le VIH avec l introduction des multiples traitements antirétroviraux actifs. De nos jours, la pneumocystose concerne toujours pour une moindre part ces patients mais aussi tous les autres patients immunodéprimés de plus en plus nombreux. Actuellement, dans les pays développés, les patients non VIH les plus à risque de pneumocystose sont ceux présentant une hémopathie maligne, ceux traités par de fortes doses de corticoïdes dans le cadre de cancers solides, de maladie inflammatoire ou auto-immune et les transplantés d organes solides. 6- POUVOIR PATHOGENE La susceptibilité de l hôte et la multiplication parasitaire sont sous la dépendance étroite du statut immunitaire de l hôte. Chez le sujet sain, les macrophages, les médiateurs de l immunité humorale (interférons, cytokines pro-inflammatoires, TNF-α) ou cellulaires (lymphocytes T, neutrophiles), jouent un rôle important dans la destruction du microorganisme et dans la défense de l hôte. Chez les patients à risque, le développement fongique entraîne des lésions de l épithélium alvéolaire dont les cloisons s épaississent, source d hypoxémie et d insuffisance respiratoire, réalisant une pneumopathie interstitielle diffuse. 6.1. La pneumocystose chez l enfant : Infections chez le nourrisson prématuré ou malnutri Rares aujourd hui, elles survenaient chez des nourrissons âgés de 2 à 3 mois avec une incubation longue et un début très insidieux. Il apparaissait progressivement, une tachypnée, une cyanose périorale aboutissant à une détresse respiratoire sans toux ni fièvre (mortalité de 25% en l absence de traitement). Infections chez le nourrisson immunodéprimé non infecté par le VIH Il s»agit de déficits immunitaires congénitaux (immunodéficiences combinées sévères, hypogammaglobulinémies) ou des leucémies aiguës lymphoblastiques, avec apparition de la pneumocystose au cours de la 1 ère année de vie pour les premiers et entre 1 et 4 ans pour les seconds. Le début est brutal avec dyspnée, toux sèche et fièvre. La mortalité est de 100% en l absence de traitement.
Infections chez le nourrisson et l enfant immunodéprimés infectés par le VIH L incidence de la pneumocystose était d environ 40% avant l ère des antirétroviraux efficaces dans les pays développés. Les cas son aujourd hui exceptionnels sauf dans las pays en voie de développement. Le début clinique est progressif avec tachypnée, toux et fièvre. La mortalité est de 100% en l absence de traitement. 6.2. La pneumocystose chez l adulte immunodéprimé ADULTE INFECTE PAR LE VIH - Formes pulmonaires : La pneumonie à P. jirovecii se traduit par une triade classique d apparition progressive (dans 50% des cas.), faite de fièvre, de toux sèche et de dyspnée d intensité croissante. Il peut exister des formes fébriles pures. L auscultation pulmonaire est normale au début. La radiographie pulmonaire objective un infiltrat interstitiel diffus bilatéral à prédominance hilaire. Le scanner thoracique retrouve un aspect en verre dépoli. Ces images peuvent être associées à des éléments nodulaires, un pneumothorax, ou à un pneumomédiastin. L étude des gaz du sang montre le plus souvent une hypoxie mais, elle peut être normale. Au début de l infection, les signes cliniques peuvent être absents et la radiographie normale (début insidieux, apparition progressive sur plusieurs semaines). A l inverse, lorsque le diagnostic est tardif, les patients se présentent dans un tableau d insuffisance respiratoire aiguë. La radiographie pulmonaire est quasi opaque ou «poumons blancs». Dans ce cas, le pronostic est réservé. - Formes extra-pulmonaires Elles sont dues à la dissémination du microorganisme par voie sanguine provoquant une atteinte disséminée ou localisée. La localisation splénique est la plus fréquente, mais tous les organes peuvent être atteints : foie, moelle, ganglions, plèvre thyroïde, conduit auditif, rétine... Des formes pseudotumorales digestives ont été décrites. Les formes extra-pulmonaires de diagnostic difficile ont été favorisées par l usage d aérosols de pentamidine. L abandon de cette pratique font que ces formes disparaissent. AUTRES ADULTES IMMUNODEPRIMES Rappel des autres états d'immunodépression exposant aussi au risque de pneumocystose : transplantations d'organes dans les 4 premiers mois, surtout au cours d'épisodes de rejet aigu nécessitant d'augmenter les doses d'immunosuppresseurs, hémopathies (leucémies aigues, lymphomes), greffes de cellules souches hématopoiétiques (la plupart dans les 6 mois suivants la greffe), collagénoses (Maladie de Wegener, périartérite noueuse, lupus), patients traités avec des chimiothérapies pour tumeurs solides, notamment cérébrales. La symptomatologie est voisine mais le début est plus brutal, l évolution souvent plus rapide et fonction de l immunodépression sous-jacente. En effet, dans ce groupe de patients, la pneumocystose est aiguë et sévère, la durée des symptômes avant le diagnostic est plus courte (1 à 14 jours) que chez les patients infectés par le VIH (14 à 37 jours). La pneumocystose se caractérise par l apparition brutale d une insuffisance respiratoire nécessitant souvent le recours à la ventilation mécanique.
DIFFERENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES ENTRE PATIENTS VIH ET NON VIH L analyse du liquide de LBA montre d importantes différences entre les patients VIH et non VIH. Ainsi, les patients non VIH ont significativement moins de kystes ou de trophozoïtes de Pneumocystis (d où un diagnostic biologique difficile), mais plus d inflammation (plus grand nombre de polynucléaires neutrophiles recrutés). Cette importante inflammation explique en partie les symptômes exacerbés, l hypoxie plus sévère et un taux de mortalité plus élevé chez les patients immunodéprimés non VIH.
7- DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE VS et hémogramme sont normaux. Les gaz du sang peuvent montrer une hypoxémie sévère (PaO2 < 60 mmhg), de mauvais pronostic. Un taux élevé de LDH a une bonne valeur prédictive de pneumocystose. 7.1. DIAGNOSTIC DIRECT Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de P. jirovecii au niveau des poumons. L étude du LBA (lavage bronchiolo-alvéolaire obtenu sous fibroscopie) est le meilleur examen pour sa détection. Les produits d aspiration trachéale, bronchique, proximale ou distale et les crachats induits peuvent être utilisés en cas de contre-indications au LBA, mais sont moins sensibles. La biopsie pulmonaire transpariétale ou transbronchique est rarement effectuée en France. Examen Direct P. jiroveci est recherché par examen microscopique direct après coloration spécifique des produits biologiques. Les colorations les plus adaptées sont celles qui révèlent la paroi des kystes : imprégnation argentique (Musto). Les kystes qu ils soient mûrs ou vides sont colorés en brun noir et souvent regroupés en amas au sein d un matériel spumeux coloré en vert par le contre-colorant. La coloration de Giemsa, est indispensable pour mettre en évidence les trophozoïtes, à noyau rouge et cytoplasme bleu, regroupés en amas, et non visualisés avec la coloration précédente, ainsi que les corps intra-kystiques (au nombre de 8 maximum, disposés en rosette).
La mise en évidence des kystes peut également se faire par immunomarquage à l aide d anticorps monoclonaux spécifiques de la paroi marqués à la fluorescéine (kits commerciaux). La culture mycologique des prélèvements respiratoires est bien sûr constamment négative puisque P. jirovecii n est pas cultivable.
Biologie Moléculaire Une amélioration significative du diagnostic biologique de la pneumocystose a été possible grâce à la mise au point de la PCR (Polymerase Chain Reaction) permettant d amplifier et de détecter l ADN de P. jirovecii dans les prélèvements respiratoires. avec une sensibilité et une spécificité supérieures aux méthodes de coloration conventionnelles. Elle permet notamment d améliorer la sensibilité de l examen à partir des crachats ou des lavages oropharyngés. Les principales cibles d ADN à amplifier sont les régions ITS (internal transcribed spacer), 5S et 18S de l ADN nucléaire, la large sous-unité ribosomale de l ADN mitochondrial (mtlsu), la DHPS (dihydropteroate synthase), la DHFR (dihydrofolate reductase), la TS (thymidylate synthase), la ß-tubuline, le gène cdc2 et la glycoprotéine de surface (MSG). La détection d ADN par PCR est souvent nécessaire pour le diagnostic chez les patients immunodéprimés non infectés par le VIH (niveau d infestation plus bas, réaction inflammatoire plus importante). La PCR quantitative en temps réel permettrait (en intégrant les facteurs de risque, les données cliniques et radiologiques) de différencier la simple colonisation à P. jirovecii d une véritable pneumocystose, en s appuyant sur l hypothèse que les patients infectés ont un plus grand nombre de micro-organismes donc une plus grande quantité d ADN extraite du prélèvement que les patients colonisés. Etant donné son excellente valeur prédictive négative, une PCR négative, si le prélèvement est de bonne qualité, permet d écarter le diagnostic de pneumocystose. 7.2. DIAGNOSTIC INDIRECT Le β(1-3)-d-glucane, composant de la paroi de certains champignons, dont P. jirovecii, est retrouvé dans le sang de la très grande majorité des patients avec une pneumocystose (100% chez les patients VIH et 88% chez les autres). Ce marqueur n est cependant pas spécifique du P. jirovecii. Il se retrouve également dans les infections invasives à Aspergillus et à Candida qui peuvent survenir chez les patients avec le même type d immunosuppression. Il constitue donc une aide au diagnostic mais nécessite une confirmation micro- biologique par la mise en évidence de P. jirovecii dans un prélèvement respiratoire. Les méthodes sérologiques (recherche d anticorps spécifiques) n ont pas d intérêt diagnostique et sont utilisées pour les enquêtes épidémiologiques. 8- TRAITEMENT DE LA PNEUMOCYSTOSE Traitement de première intention : cotrimoxazole (BACTRIM, EUSAPRIM ) qui est une association triméthoprime (TMP) sulfaméthoxazole (SMZ)] à la posologie de 20 mg/kg/jour (TMP) et 100 mg/kg/jour (SMX) par VO ou IV, en 3 à 4 prises pendant 21 jours. En cas d intolérance ou de contre-indication au cotrimoxazole : iséthionate de pentamidine (PENTACARINAT ) à 4 mg/kg/j, en perfusions lentes, 21 jours. Quand il existe une hypoxie associée : + corticothérapie et/ou oxygénothérapie 9- PROPHYLAXIE Une prophylaxie secondaire doit toujours être instaurée après le traitement d attaque et poursuivie tant que persiste l immunodépression.
Le traitement de 1 ère intention est le cotrimoxazole (BACTRIM ) par voie orale (1 comprimé simple par jour ou 1 comprimé fort 3 fois par semaine) ; iséthionate de pentamidine (PENTACARINAT ) à 4 mg/kg/semaine en cas d intolérance La prophylaxie primaire est préconisée à titre systématique chez les sujets à «haut risque» (leucoses aiguës, maladie d hodgkin, transplanté organe solide, chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, sujets VIH avec CD4 < 200/mm 3 ). Le protocole thérapeutique est identique à celui de la prophylaxie secondaire. La prophylaxie est concomitante du début d un traitement immunodépresseur, se poursuit pendant toute sa durée et un mois après son arrêt. A titre d'exemple, les patients transplantés rénaux reçoivent systématiquement une prophylaxie reposant sur le cotrimoxazole durant 6 mois après la transplantation. Compte tenu du risque nosocomial, les patients infectés par P. jirovecii doivent être isolés des patients possiblement réceptifs pour éviter le risque de contamination interhumaine. POINTS ESSENTIELS - La pneumocystose humaine est due à un champignon, Pneumocystis jiroveci, spécifique de l homme, cosmopolite, ubiquitaire et opportuniste. - La contamination s effectue par voie aérienne. La forme infectante est probablement le kyste et le cycle s effectue dans les alvéoles pulmonaires, à l extérieur des cellules. - Pneumocystis jiroveci devient pathogène chez les patients immunodéprimés et notamment ceux infectés par le VIH avec un taux de CD4 < 200/mm3. - La pneumocystose est surtout une pneumopathie interstitielle. - Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence des kystes et des trophozoïtes par examen direct, après colorations spécifiques, principalement dans le LBA. - Le traitement de référence est le cotrimoxazole (association de triméthoprime et de sulfaméthoxazole) pour le traitement d attaque et pour les prophylaxies primaire et secondaire.