Mémoire déposé au Bureau des audiences publiques sur l environnement

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Transcription:

Mémoire déposé au Bureau des audiences publiques sur l environnement Dans le cadre du Projet d implantation d une minicentrale hydroélectrique au pied du barrage Matawin par Guillaume B. Cardin Biologiste Mariannick Mercure Bioécologiste Étudiants de deuxième cycle DESS en Toxicologie de l Environnement UQÀM Décembre 2005

Table des matières Pages Introduction... 3 1. Oxygène et phosphore... 4 2. Méthyl mercure.. 6 Conclusion. 7 2

Introduction Mme. Mariannick Mercure B.Sc. est diplômée du baccalauréat en bioécologie de l Université du Québec à Trois-Rivières. Elle a travaillé sur divers projets, en tant qu assistante de recherche, pour le GREA (Groupe de recherche sur les écosystèmes aquatiques). Ces emplois lui ont permit de développer une expertise sur la faune ichthyenne d eau douce du Québec ainsi que sur les problèmes y étant reliés comme la surpêche, la pollution et la bioaccumulation. Son intérêt grandissant pour l écotoxicologie l a mené au deuxième cycle au DESS en toxicologie de l environnement à l UQÀM, lequel elle termine cette année. M. Guillaume B. Cardin B.Sc. est diplômé du baccalauréat en biologie par apprentissage par problèmes de l Université du Québec à Montréal, option toxicologie et santé environnementale. Il est également étudiant au DESS en toxicologie de l environnement. Il a travaillé avec le TOXEN (centre de recherche en toxicologie de l environnement) qui fait le suivi de la santé des ouaouarons et de la qualité de l eau de divers bassins versants de la rivière Yamaska ainsi que sur un projet visant l échantillonnage en nutriments et des profil d oxygène dissous de lacs et de leurs ruisseaux, en Estrie, du GRIL (Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique). Le projet d implantation d une minicentrale hydroélectrique au pied du barrage Matawin est pour nous d un grand intérêt, car nous croyons que plusieurs problèmes environnementaux n ont pas été couverts de façon convenable dans l étude d impact de ce projet. Ce mémoire traite, plus précisément, des mesures prises sur l oxygène dissous, le phosphore et le méthyl mercure. 3

1. Oxygène et phosphore À la section 4.1.3.4 (Effets de l exploitation de la centrale sur la qualité de l eau de surface), il est expliqué que les concentrations en oxygène dissous se situant sous le seuil de 6 mg/l (tableau 2-8) sont causées par la stratification thermique estivale limitant les échanges d oxygène entre l air et le fond du réservoir et par les matières organiques présentes au fond du réservoir. Il est également mentionné que l eau turbinée est susceptible d être encore moins riche en oxygène dissous durant la saison estivale. Jusqu ici tout est clair. À la section 6.4.5 (Mesures d atténuation et suivi) il est dit qu aucune mesure d atténuation n est proposée mais que si le programme de suivi notait un problème, qu un système d oxygénation de l eau turbinée ou l aménagement d une fontaine d aération étaient envisagées pour palier au problème. Donc, un suivi permettra de réagir en cas de problème. En cas de problème? Il y a déjà un problème! Une concentration d oxygène dissous de 0,39 mg/l a été mesurée en amont du barrage alors que le seuil visé est de 6 mg/l! Quelles sont les implications de concentrations aussi faibles? L étude d impact ne répond pas à cette question. Alors qu est-ce que le programme de suivi à l intention de vérifier puisque les impacts de concentrations plus faibles que le seuil de 6 mg/l ne sont pas mentionnés? Si la concentration d oxygène dissous descend sous le 0,39 mg/l actuel? Examinons les implications de ces concentrations d oxygène dissous. Un faible niveau d oxygène est un indice d eutrophisation. Qu est-ce que l eutrophisation? C est l enrichissement de l eau par les nutriments, en particulier le phosphore, amenant une production primaire plus élevée de cette eau. Le phosphore est très important puisqu il est généralement l élément limitant la production en eau douce. Le phosphore et autres nutriments inorganiques augmentent la production de détritus organiques, et causent une augmentation de la demande biologique en oxygène. Cela peut amener l épuisement de l oxygène jusqu à la surface et la suffocation des poissons et des autres organismes aérobiques obligatoires. 4

Dans le cas qui nous intéresse, les concentrations de phosphore mesurées en aval et en amont du barrage, aux stations A, B, C et D, sont toutes supérieures au critère de protection de la vie aquatique effet chronique (tableau 2-7). Quelles sont les implications liées à ces concentrations de phosphore? L étude d impact ne répond pas à cette question qui pourtant est cruciale. La réponse est que c est un nouvel indice portant à croire que nous assistons à un début d eutrophisation. D où provient ce phosphore dans l eau? Il peut provenir de plusieurs sources comme l agriculture et les rejets d eaux usées. Il peut également provenir directement des sédiments. Il est prouvé que la concentration d oxygène peut avoir le contrôle prédominant sur la distribution et l absorption de phosphore dans les sédiments. Dans le cas présent, il faut également noter que les concentrations de fer élevées mesurées aux stations B, C et D (Tableau 2.7) portent à croire que les concentrations demeureront élevées puisque le fer se lie au phosphore dans l eau. Un autre point important est l absence de données après 10 mètres pour la station la plus profonde en aval du barrage, alors que l on nous dit que la profondeur serait d environ 12 mètres (L auteur de l étude d impact n est même pas certain de la profondeur exacte). Pourtant, la station B, en amont a été échantillonnée jusqu à 20 mètres! L extrapolation des concentrations d oxygène dissous après 10 mètres à la station F est possible vu les conditions relativement semblables entre les diverses stations et que les profils d oxygènes sont généralement très semblables. Station B (17 septembre 2003) Station F (17 septembre) 10 10 9 9 Oxygène dissous (mg/l) 8 7 6 5 4 3 2 Oxygène dissous (mg/l) 8 7 6 5 4 3 2 1 1 0 0 5 10 15 20 0 0 2 4 6 8 10 12 14 Profondeur (m) Profondeur (m) 5

Ce qu il advient à 12 mètres est assez inquiétant et montre qu il y a bel et bien un problème pour les concentrations d oxygène dissous en aval du barrage également. 2. Méthyl mercure Le méthyl mercure est une forme de mercure très toxique, est facilement absorbée par l organisme et a une forte tendance à s accumuler dans les gras. Ses effets connus sont nombreux, il est entre autres neurotoxique et peut être toxique pour le fœtus. Le méthyl mercure étant bioaccumulable, il est fréquemment retrouvé dans la chair des poissons prédateurs de cours d eau contaminés. Il est essentiel de déterminer sa concentration dans une zone, comme la zone d étude, où la pêche est fréquente. La question du méthyl mercure est soulevée pour la première fois de l étude à la section 6.3 de l étude d impact, qui est une sous-section de : 6. Effets cumulatifs. Dans le cadre du présent projet, on rapporte que des échantillons de chair de poissons ont été envoyés au laboratoire en 2003, mais aucun résultat n est exposé. Or, il est surprenant que ces analyses n aient pas été effectuées, considérant l historique de flottage de bois du réservoir hydro-électrique à l étude. Le but principal de l étude des effets cumulatifs est précisément de savoir dans quelle mesure un projet risque d entraîner la saturation de certaines composantes ou l atteinte d un seuil critique. Les taux de mercure étant élevés dans l eau, et la rivière Matawin ayant fait l objet de flottage de bois dans le passé, force est de constater que les auteurs ont esquivé une des questions les plus importantes en ne fournissant pas les concentrations de méthyl mercure dans la chair des différents poissons. 6

Conclusion Il semble évident que l étude d impact n a pas examiné suffisamment les risques d eutrophisation dans la zone d étude, ainsi que le cas du méthyl mercure pour lequel il y a pourtant de bonnes raisons de s inquiéter et qui peut affecter la santé humaine. Nous tenons également à noter que le récréo-tourisme, si important dans la région, pourrait sérieusement pâtir d une eutrophisation du cours d eau. Nous nous posons également des questions sur le programme de suivi et espérons que si le projet est accepté, ce programme de suivi sera surveillé par un organisme indépendant. Nous jugeons qu il semble que le promoteur tente tout simplement de faire oublier les problèmes environnementaux en donnant des sommes d argent à différents organismes de la région. Nous sommes évidemment contre ce projet et espérons que le promoteur admettra que son étude est insuffisante et qu il prendra lui-même les mesures nécessaires pour rectifier la situation. 7