DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

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Transcription:

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL Quand la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur... La rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur en cas de grave manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles, conventionnelles ou légales à l'égard du salarié. Panorama des dernières décisions de la Cour de cassation sur la question. Quels sont les moyens d'action du salarié? Prise d'acte et résiliation judiciaire La rupture du contrat de travail peut être imputée à l'employeur soit à la suite d'une prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, soit en conséquence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat formée par le salarié devant la juridiction prud'homale. Dans ces deux hypothèses, le juge déclare la rupture imputable à l'employeur s'il estime que ce dernier a commis un manquement à ses obligations suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts [Cass. soc., 16 déc. 2003, n 01-43.916]. La rupture du contrat produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse : l'employeur est condamné à verser au salarié une indemnité de licenciement (si le salarié bénéficiait d'une ancienneté suffisante), une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit au minimum 6 mois de salaire pour un salarié

ayant au moins 2 ans d'ancienneté employé dans une entreprise d'au moins 11 salariés). L'employeur peut également être condamné à rembourser aux Assédic les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 6 mois d'allocations [C. trav., art. L. 122-14-4 ; recod. L. 1235-4]. Lorsque les parties étaient liées par un CDD, la rupture jugée imputable à l'employeur donne droit, pour le salarié, à une indemnité équivalente aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'au terme du contrat [C. trav., art. L. 122-3-8 ; recod. L. 1243-4]. A NOTER La Cour de cassation a refusé d'étendre le mécanisme de la prise d'acte de la rupture aux salariés en contrat à durée déterminée, pour lesquels un mécanisme spécifique existe déjà : ces salariés peuvent seulement obtenir des dommages et intérêts en cas de faute grave de l'employeur [Cass. soc., 9 avr. 2008, n 06-46.003]. Ils ne peuvent en aucun cas faire requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse [Cass. soc., 30 mai 2007, n 06-41.240]. Lorsqu'elle concerne un salarié protégé, la rupture du contrat de travail déclarée imputable à l'employeur produit les effets d'un licenciement nul : le salarié peut alors solliciter le paiement d'une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, une indemnité pour licenciement illicite et, s'il en remplit les conditions, des indemnités de rupture (licenciement et préavis) [Cass. soc., 20 févr. 2008, n 06-44.468 ; Cass. soc., 5 juill. 2006, n 04-40.134 ; Cass. soc., 26 sept. 2006, n 05-41.890]. Démission équivoque La rupture du contrat de travail peut également être jugée imputable à l'employeur à la suite d'une «fausse démission» du salarié, c'est-à-dire en l'absence de volonté de démissionner claire et non équivoque. Ainsi, lorsque le salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués par le salarié la justifiaient [Cass. soc., 15 mars 2006, n 03-45.031 ; Cass. soc., 30 oct. 2007, n 06-43.327]. De la même manière, lorsque le salarié remet en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit l'analyser en une prise d'acte, si des circonstances antérieures ou contemporaines de cette démission lui donnaient un caractère équivoque. Cette prise d'acte produit alors les effets d'un licenciement injustifié si les faits invoqués par le salarié sont établis et suffisamment graves [Cass. soc., 9 mai 2007, n 05-41.324]. Il a ainsi été jugé que la démission d'un salarié s'analysait en une prise d'acte, dans la mesure où il existait un différend avec son employeur avant cette démission, et que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement injustifié, dès lors que l'employeur avait gravement contrevenu à ses obligations en appliquant une convention de forfait illicite [Cass. soc., 20 févr. 2008, n 06-44.468]. En revanche, a été débouté de ses demandes le salarié dont la lettre de démission ne comportait aucune réserve, qui ne justifiait pas de l'existence d'un différend antérieur ou contemporain de la démission et qui n'avait contesté celle-ci que 14 mois plus tard [Cass. soc., 19 déc. 2007, n 06-42.550]. Appréciation des manquements La rupture n'est imputable à l'employeur que s'il est établi qu'il a commis un grave manquement à ses obligations. L'appréciation de la réalité et de la gravité de ce manquement est soumise à plusieurs règles : - en premier lieu, les juges doivent apprécier l'existence et la gravité des manquements de l'employeur en fonction des griefs invoqués par le salarié devant eux, sans être liés, le cas

échéant, par les motifs mentionnés dans la lettre de prise d'acte. Ainsi, si le salarié fait état, à l'appui de sa prise d'acte, de faits imputés à l'employeur qui n'étaient pas mentionnés dans la lettre de prise d'acte, le juge doit néanmoins en tenir compte [Cass. soc., 29 juin 2005, n 03-42.804] ; - en deuxième lieu, le juge doit rejeter les demandes du salarié si ce dernier n'établit pas la réalité des manquements de l'employeur ou s'il subsiste un doute sur la réalité de ces manquements. En effet, la charge de la preuve des griefs imputés à l'employeur incombe au salarié, et le doute profite donc à l'employeur [Cass. soc., 19 déc. 2007, n 06-44.754] ; - en troisième lieu, les juges doivent apprécier si l'ensemble des griefs invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur justifie d'imputer la rupture du contrat à ce dernier. En effet, si chaque grief est, à lui seul, insuffisamment grave pour justifier la rupture du contrat, leur cumul peut, en revanche, donner au comportement de l'employeur une gravité suffisante pour lui imputer la rupture du contrat ; - enfin, l'appréciation de la gravité des manquements de l'employeur relève du pouvoir souverain des juges du fond [Cass. soc., 13 avr. 2005, n 03-41.405]. Ce qui n'empêche pas la Cour de cassation, toutefois, de contrôler que les juges ont bien relevé l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations et en ont caractérisé la gravité, pour décider de lui imputer la rupture du contrat de travail. A NOTER Quand il considère que les griefs invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur ne sont pas établis ou qu'ils ne sont pas suffisamment graves, le juge prononce des solutions différentes selon que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail ou qu'il en a sollicité la résiliation judiciaire. Dans le premier cas, le juge déclare que la prise d'acte produit les effets d'une démission [Cass. soc., 25 juin 2003, n 01-42.679] ; dans le second cas, il rejette la demande de résiliation judiciaire et l'exécution du contrat doit se poursuivre, sauf si l'employeur a, entre-temps, prononcé le licenciement du salarié. Dans quels cas l'employeur manque-t-il gravement à ses obligations? Les juges estiment que l'employeur commet un manquement suffisamment grave pour lui imputer la rupture du contrat dans les hypothèses détaillées ci-après. Modification unilatérale du contrat de travail Il a été jugé à plusieurs reprises que le fait d'imposer au salarié une modification d'un élément de son contrat de travail constitue un manquement suffisamment grave pour imputer à l'employeur la rupture du contrat. Il en va ainsi lorsque l'employeur : - impose au salarié une modification de sa qualification et de sa rémunération contractuelles, en faisant varier sa rémunération, en allégeant ses responsabilités et en supprimant certaines de ses tâches essentielles, sans avoir obtenu l'accord de l'intéressé [Cass. soc., 9 janv. 2008, n 06-45.230] ; - après s'être engagé à reconnaître le statut de VRP à un salarié, lui dénie ce statut et le qualifie d'agent commercial [Cass. soc., 19 oct. 2007, n 06-44.586] ; - ne rémunère pas le salarié conformément aux stipulations contractuelles, ce qui constitue un manquement grave et répété à ses obligations [Cass. soc., 24 mai 2006, n 04-43.859]. A contrario, le fait pour l'employeur de changer les conditions de travail d'un salarié, sans son accord, ne justifie pas la rupture du contrat de travail à ses torts. Ainsi, un salarié qui avait pris acte de la rupture de son contrat au motif que son employeur lui imposait une

modification de son lieu de travail alors que son contrat stipulait qu'il travaillerait dans un seul lieu, s'est vu débouté de ses demandes, les juges ayant estimé que la mention relative au lieu de travail qui figurait dans son contrat avait simple valeur d'information, que le changement de localisation, distant d'une trentaine de kilomètres de l'ancien lieu de travail, était intervenu dans le même secteur géographique et que, par conséquent, la mutation ne constituait qu'un changement des conditions de travail [Cass. soc., 28 nov. 2007, n 06-45.130]. Toutefois, lorsque l'employeur ne respecte pas le délai de prévenance contractuel avant de modifier les horaires de travail d'un salarié - modification qui constitue, en principe, un simple changement des conditions de travail -, la rupture lui est imputable [Cass. soc., 23 mars 2007, n 05-43.496]. Par ailleurs, dans la mesure où l'employeur ne peut imposer ni une modification du contrat ni un changement des conditions de travail à un salarié protégé, s'il impose à un salarié protégé un changement de ses conditions de travail, il commet nécessairement un manquement suffisamment grave pour lui imputer la rupture du contrat [Cass. soc., 15 févr. 2006, n 03-42.510]. L'employeur ne commet un manquement à ses obligations que s'il modifie effectivement et unilatéralement un élément du contrat de travail. Ainsi en va-t-il, par exemple, si, après avoir pris acte du refus du salarié de modifier son contrat de travail, il ne renonce pas à son projet de modification [Cass. soc., 20 févr. 2008, n 06-42.360]. En revanche, si l'employeur se borne à proposer au salarié une modification de son contrat sans mettre celle-ci en oeuvre, le salarié ne saurait en prendre prétexte pour rompre le contrat ou solliciter sa rupture. En effet, la proposition d'une modification du contrat ne signifie pas nécessairement que l'employeur «passera en force» si le salarié refuse : s'il se heurte au refus du salarié, il peut décider soit d'abandonner son projet de modification, soit de licencier le salarié [Cass. soc., 21 déc. 2006, n 05-40.962]. Dès lors, le salarié qui rompt son contrat en anticipant une modification qui lui a été simplement proposée, et non encore appliquée, sera considéré comme démissionnaire [Cass. soc., 27 juin 2007, n 05-45.417 ; Cass. soc., 31 oct. 2007, n 06-41.407]. Non-paiement du salaire ou de certains éléments de rémunération L'employeur qui ne verse pas au salarié l'intégralité de la rémunération à laquelle il a droit commet un manquement à ses obligations. Mais un tel manquement n'est pas nécessairement d'une gravité suffisante pour lui imputer la rupture du contrat de travail. Il a ainsi été jugé que l'employeur est responsable de la rupture du contrat de travail s'il : - applique un mode de calcul de la rémunération qui n'est pas conforme au contrat de travail et ne rémunère pas les heures supplémentaires accomplies par un salarié [Cass. soc., 19 oct. 2007, n 06-43.829] ; - ne paie pas les congés payés et la prime de rendement dus au salarié et ce, pendant deux années [Cass. soc., 20 déc. 2006, n 04-42.621] ; - s'abstient, sans justificatif et malgré des réclamations persistantes, de payer au salarié l'intégralité de sa rémunération variable et de ses frais professionnels [Cass. soc., 25 avr. 2007, n 05-44.903]. Mais, dans d'autres circonstances, les juges ont estimé que le non-paiement de certains éléments de rémunération ne justifiait pas d'imputer la rupture du contrat à l'employeur. Par exemple : - l'«incident» de paiement dont se prévalait le salarié à l'appui de la prise d'acte était le seul en 30 ans et avait été régularisé avant qu'il prenne acte de la rupture de son contrat [Cass. soc., 23 mai 2007, n 05-45.740]. Mais la régularisation de salaire intervenue ultérieurement ne retire pas, à elle seule, le caractère de gravité au manquement commis par l'employeur, selon la Cour de cassation [Cass. soc., 11 mars 2008, n 06-41.606] ;

- le seul manquement invoqué par le salarié provenait d'une erreur de calcul d'une majoration du taux horaire prévue par la convention collective [Cass. soc., 30 mai 2007, n 06-41.240] ; - la clause prévoyant le paiement de l'élément de salaire non versé au salarié était ambiguë et, surtout, le salarié n'avait accompli aucune démarche auprès de l'employeur pour obtenir le paiement de ce qu'il estimait lui être dû [Cass. soc., 16 mai 2007, n 06-40.597]. Mais l'absence de réclamation du salarié n'est pas nécessairement non plus de nature à ôter au manquement de l'employeur son caractère de gravité [Cass. soc., 23 janv. 2008, n 06-45.257]. REMARQUE Dans une autre affaire, la Cour de cassation a en outre considéré que la seule non-délivrance de bulletin de paye pendant deux mois n'était pas un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur [Cass. soc., 9 avr. 2008, n 06-44.508]. Non fourniture du travail L'employeur qui ne satisfait pas à son obligation de fournir du travail au salarié peut se voir imputer la rupture du contrat. Un footballeur professionnel a ainsi pu obtenir la résiliation de son contrat aux torts du club qui l'avait engagé, au motif que ce dernier l'avait mis à l'écart en refusant de l'entraîner et de le faire participer aux compétitions, ce qui constituait un manquement à son obligation de fournir du travail [Cass. soc., 14 janv. 2004, n 01-40.489]. Harcèlement moral et violences physiques L'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral [C. trav., art. L. 122-51 et L. 230-2 II ; recod. L. 1152-4 et L. 4121-2]. Sa responsabilité peut ainsi être engagée lorsqu'il n'a pas su prévenir ou mettre un terme aux situations de harcèlement moral dénoncées par un salarié. Dans ce cas, le salarié victime du harcèlement de l'employeur ou de l'un de ses supérieurs hiérarchiques peut obtenir la rupture de son contrat aux torts de l'employeur [Cass. soc., 20 déc. 2006, n 05-43.548 ; Cass. soc., 21 févr. 2007, n 05-41.741]. De la même façon, l'employeur qui, ne pouvant ignorer le comportement autoritaire et dénigrant d'un nouveau chef hiérarchique, le laisse poursuivre ses agissements, peut se voir imputer la rupture du contrat de travail des salariés victimes de ces agissements [Cass. soc., 27 juin 2007, n 05-45.527]. La «mise au placard» d'un salarié, qui constitue une forme de harcèlement moral, est ainsi fréquemment considérée comme une cause de rupture du contrat aux torts de l'employeur : l'employeur qui retire ses fonctions à un salarié, le met à l'écart sans bureau ni vestiaire, et persiste dans cette décision malgré les réclamations de l'intéressé, manque gravement à ses obligations [Cass. soc., 24 janv. 2007, n 05-41.913]. De même, viole ses obligations l'employeur qui affecte un salarié, directeur d'exploitation d'une usine, sur un poste sans autonomie ni responsabilités opérationnelles et managériales, et divulgue à l'ensemble des cadres les accusations qu'il fait peser sur lui [Cass. soc., 20 févr. 2008, n 07-40.102]. Les violences physiques constituent, tout comme les violences morales, une cause de rupture du contrat aux torts de l'employeur [Cass. soc., 30 oct. 2007, n 06-43.327]. Non-respect de la réglementation du travail La violation de la réglementation du travail expose également l'employeur à se voir imputer la rupture du contrat du salarié qui en est victime. Ainsi en va-t-il en cas de non-respect des règles relatives à la durée du travail, par exemple en cas de violation du droit au repos hebdomadaire [Cass. soc., 7 oct. 2005, n 01-44.635]. De la même façon, l'employeur qui méconnaît ses obligations liées aux arrêts de travail pour maladie du salarié peut être reconnu responsable de la rupture du contrat provoquée par le salarié. Des juges ont ainsi accepté de

résilier le contrat de travail d'un salarié au motif que son employeur avait manqué à son obligation de solliciter une visite médicale de reprise à l'issue d'un arrêt maladie [Cass. soc., 31 mai 2007, n 06-41.143]. En revanche, le seul retard apporté dans l'organisation de la visite de reprise ne constitue pas, dans certaines circonstances, un manquement suffisamment grave de l'employeur pour lui imputer la rupture du contrat [Cass. soc., 16 mai 2007, n 06-41.468]. Par ailleurs, le salarié qui est déclaré inapte à son emploi peut prendre acte de la rupture de son contrat ou en demander la résiliation judiciaire si l'employeur, un mois après la déclaration d'inaptitude définitive, ne l'a ni licencié ni reclassé, et n'a pas repris le paiement des salaires comme il y est tenu [C. trav., art. L. 122-24-4 ; recod. L. 1226-4 ; Cass. soc., 19 déc. 2007, n 06-40.688]. Toutefois, la rupture du contrat n'est pas alors systématiquement déclarée imputable à l'employeur : des juges ont ainsi estimé que si l'employeur avait omis de procéder à la reprise du paiement du salaire au terme du délai d'un mois à compter de la deuxième visite, cette seule omission, au cours d'une procédure d'inaptitude dans laquelle il avait fait des efforts approfondis avec le médecin du travail en vue de reclasser la salariée dans l'entreprise, et alors que le rappel de salaires avait été réglé dès le mois suivant, ne constituait pas un manquement d'une importance et d'une persistance suffisantes pour entraîner la rupture du contrat de travail à ses torts [Cass. soc., 20 déc. 2006, n 05-43.666]. Manquement à l'obligation de sécurité Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité justifie de lui imputer la rupture du contrat. Un employeur qui s'était contenté d'apposer des panneaux d'interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif occupé par une salariée, malgré les réclamations de cette dernière, a ainsi été condamné à lui verser des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif qu'il avait manqué à son obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de cette salariée en ce qui concerne sa protection contre le tabagisme dans l'entreprise [Cass. soc., 29 juin 2005, n 03-44.412]. De la même façon, en ne tenant pas compte des recommandations du médecin du travail qui préconise de reclasser le salarié sur un autre poste de travail, l'employeur manque à son obligation de sécurité de résultat, ce qui justifie la rupture du contrat à ses torts [Cass. soc., 19 déc. 2007, n 06-46.134]. Discrimination Toute discrimination prohibée [C. trav., art. L. 122-45 ; recod. L. 1132-1 à L. 1132-3] constitue enfin un manquement de l'employeur à ses obligations légales, qui peut justifier de lui imputer la rupture du contrat.