LES PARTICIPANTS. Chapitre 1 1.1 INTRODUCTION 1.2 ASSUREURS. a) Assureurs publics



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Transcription:

Chapitre 1 LES PARTICIPANTS 1.1 INTRODUCTION Qui sont les principaux acteurs dans l industrie canadienne des assurances? Pour quels motifs y participent-ils? L assurance étant un produit, elle regroupe, d une part, des entités qui alimentent le marché des assurances et, d autre part, des consommateurs des nombreux produits disponibles. Les premiers cherchent d habitude à réaliser des profits et sont appelés collectivement les «assureurs». Quant à eux, les consommateurs recherchent une tranquillité d esprit et sont disposés à faire des sacrifices importants pour l obtenir; ils sont habituellement appelés les «assurés». Les rapports entre assureurs et consommateurs d assurance sont facilités par des intermédiaires, tels que les agents, les courtiers et les experts. L assurance permet aux intermédiaires de gagner leur vie; pour plusieurs, il s agit d une profession. Dans les sections qui suivent, chaque participant sera décrit plus en détail. 1.2 ASSUREURS L assurance est un produit qui ne peut être fourni par n importe qui. Pour les motifs que nous examinerons au chapitre 3, l offre de produits d assurance est fortement réglementée au Canada. En règle générale, il y a deux types d assureurs dans l industrie canadienne : les assureurs publics et les assureurs privés. a) Assureurs publics i) Introduction Les assureurs publics sont des créatures de l État. On les retrouve au fédéral et dans chaque provinces et territoires. Ils existent sous plusieurs formes différentes, tels que les ministères gouvernementaux, les commissions et les sociétés d État. Les assureurs publics représentent les intérêts des gouvernements responsables de leur création. Ils gèrent les régimes d assurance créés par les gouvernements et, en règle générale, sont financés par une combinaison d impôts, de primes, de droits et de frais d utilisation. Les assureurs publics jouissent habituellement d un monopole dans leurs sphères d activités respectives, bien qu une concurrence restreinte puisse être permise dans certaines circonstances. Par conséquent, leur clientèle est

2 LE DROIT DES ASSURANCES relativement stable. Qui plus est, leurs produits sont généralement obligatoires. Les consommateurs n ont d autre choix que de payer les services fournis par les assureurs publics. Comme tout autre secteur de l État, les assureurs publics ne sont pas principalement motivés par la réalisation d un profit. Ils doivent rendre des comptes à leurs électeurs, quoique leurs superviseurs immédiats est le ministre dont ils relèvent et l ordre de gouvernement responsable de leur création. En termes simples, les assureurs publics font partie du filet social canadien. Ils ont pour raison d être la prestation de produits et services jugés essentiels pour le public canadien. ii) Exemples Les exemples d assureurs publics sont légion au Canada. Dans le domaine de l assurance automobile, il existe actuellement quatre assureurs publics au pays. De l ouest à l est, ce sont les suivants : l Insurance Corporation of British Columbia 1, la Saskatchewan Government Insurance 2, la Société d assurance publique du Manitoba 3 et la Société de l assurance automobile du Québec 4. Ces organismes du gouvernement offrent une assurance automobile de base à plus de 40 p. cent de tous les Canadiens et Canadiennes 5. Au moins une autre province (le Nouveau-Brunswick) a étudié sérieusement la possibilité d adopter un régime d assurance publique afin de contrôler la hausse des primes 6. Chaque assureur public offre un ensemble d indemnités de base pour lésions corporelles ou de décès, de même qu une protection contre la responsabilité civile à l égard des tiers et, dans certains cas, contre les dommages matériels. Les indemnités sont versées sans égard à la responsabilité et couvrent la plupart des pertes résultant d un accident d automobile. Qui plus est, même si l accident est causé par la négligence d un tiers, les bénéficiaires 1 2 3 4 5 6 Voir Insurance Corporation Act, R.S.B.C. 1996, c. 228. Voir Saskatchewan Government Insurance Act, 1980, S.S. 1979-80, c. S-19.1. Voir Loi sur la Société d assurance publique du Manitoba, C.P.L.M., c. P215. Voir Loi sur la Société de l assurance automobile du Québec, L.R.Q., c. S-11.011. Selon Statistique Canada, il y avait environ 31,6 millions de Canadiens et Canadiennes le 1 er juillet 2003. Parmi ces derniers, environ 4,1 millions habitent en Colombie-Britannique, 1 million habitent en Saskatchewan, 1,2 million habitent au Manitoba et 7,5 millions habitent au Québec, soit un total de 13,8 millions ou 43,7 p. cent de la population totale. Voir «Population canadienne par province», en ligne : Statistique Canada <http://www.statcan.ca>. Le 8 août 2003, le premier ministre du Nouveau-Brunswick annonça la création d un comité spécial de l assurance automobile publique. Le comité avait pour mandat de recommander la meilleure façon d offrir une assurance automobile au public. En avril 2004, le comité déposa un rapport de 115 pages dans lequel il proposa un modèle public similaire à celui utilisé dans les quatre autres provinces. Cependant, le gouvernement conservateur de Bernard Lord rejeta cette recommandation et favorisa l adoption de modifications moins substantielles au régime privé déjà en place.

LES PARTICIPANTS 3 des régimes du Manitoba 7 et du Québec 8 perdent leur droit d intenter une action civile pour obtenir une indemnisation complète; ce droit est conservé de plein droit en Colombie-Britannique 9 et par choix en Saskatchewan 10. Dans chacune des quatre provinces, une assurance complémentaire peut être contractée auprès d un assureur privé ou de l assureur public même. Parmi les produits les plus populaires à ce chapitre, on retrouve l assurance responsabilité civile complémentaire et l assurance contre les dommages causés au véhicule et à son contenu. L assurance maladie de base est aussi fournie par des assureurs publics. Au Canada, chaque province et chaque territoire possèdent un organisme gouvernemental chargé de gérer cette forme d assurance conformément aux principes établis dans la Loi canadienne sur la santé 11. À titre d exemple, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Yukon, les soins de santé sont fournis respectivement par l entremise de l Assurancemaladie du Nouveau-Brunswick 12, de l Assurance-santé de l Ontario 13 et du Régime d assurance-maladie du Yukon 14. Dans chacun des cas, il est possible de compléter l assurance maladie publique par une assurance privée. En fait, la plupart des Canadiens et Canadiennes possèdent une forme quelconque d assurance maladie privée, soit à titre individuel, soit dans le cadre de leurs prestations d emploi 15. Néanmoins, au Canada, le sujet prête beaucoup à controverse. Contrairement à l assurance automobile, les soins de santé sont perçus par plusieurs comme une valeur fondamentale, plutôt que comme un simple «produit» d assurance; autrement dit, il s agit d une chose à laquelle nous avons droit. Ceux qui partagent cette vision ont de la difficulté à accepter qu il existe 7 Loi sur la Société d assurance publique du Manitoba, C.P.L.M., c. P215, art. 72. 8 Loi sur l assurance automobile, L.R.Q., c. A-25, art. 83.57. 9 Malgré les réformes mineures en matière de responsabilité délictuelle, les citoyens et citoyennes de la Colombie-Britannique jouissent du même accès au système judiciaire en vertu de leur régime d assurance publique, connu sous le nom d «Autoplan», qu avant la mise en oeuvre du régime en 1974. Voir généralement Denis Boivin, «Automobile Insurance in British Columbia Autoplan Turns Thirty» (2004) 71 Assurances 613. 10 En 2002, la province de la Saskatchewan a décidé de passer du système sans égard à la responsabilité, qui était en vigueur depuis des années, à l assurance «auto choix». 11 L.R.C. 1985, c. C-6. 12 Voir Loi sur le paiement des services médicaux, L.R.N.-B. 1973, c. M-7 et ses règlements. 13 Voir Loi sur l assurance-santé, L.R.O. 1990, c. H.6 et ses règlements. 14 Voir Loi sur l assurance-santé, L.R.Y. 2002, c. 107 et ses règlements. 15 Au 31 décembre 2002, plus de 25,5 millions de Canadiens et Canadiennes avaient droit à une assurance maladie complémentaire : voir «Faits sur les assurances de personnes au Canada : Édition 2003», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurance de personne <http://www.clhia.ca>. Ce chiffre n est qu une estimation approximative, puisque certaines personnes ont été comptées deux fois. Par exemple, les membres d une famille qui étaient couverts par des régimes d assurance maladie séparés (par ex., celui du père et celui de la mère) ont été comptés deux fois.

4 LE DROIT DES ASSURANCES actuellement un système de soins de santé à deux paliers au Canada : l assurance publique de base et l assurance privée complémentaire. iii) Réglementation Les assureurs publics sont principalement réglementés par la loi. Qu un assureur du gouvernement prenne la forme d un ministère, d une commission ou d une société d État, ses droits et obligations découlent principalement des lois et règlements portant création du régime d assurance qu il gère. À titre d exemple, en Colombie-Britannique, l Insurance Corporation of British Columbia est régie par l Insurance (Motor Vehicle) Act 16, l Insurance Corporation Act 17 et le règlement intitulé Revised Regulation (1984) Under the Insurance (Motor Vehicle) Act 18. Le cadre de réglementation comprend plus de 300 dispositions énonçant, de façon détaillée, les droits et obligations de l assureur gouvernemental et du public qu il dessert. Les dispositions visent à la fois la création et la mise en application des contrats d assurance automobile en Colombie-Britannique, à savoir, les deux éléments du droit des assurances abordés aux parties II et III du présent ouvrage. De même, en Ontario, la Commission de la sécurité professionnelle et de l assurance contre les accidents du travail (anciennement la Commission des accidents du travail) verse des indemnités aux travailleurs accidentés en conformité avec les centaines de dispositions de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l assurance contre les accidents du travail 19 et ses règlements 20. Chaque assureur public possède son propre cadre législatif. Bien qu il existe des points communs, les lois et règlements varient selon l assureur et la province ou le territoire. Par conséquent, la réglementation des assureurs publics dépasse largement la portée du présent ouvrage. Toutefois, certains sujets abordés dans les prochains chapitres s appliquent à tous les assureurs, quelle que soit leur nature. À titre d exemple, l obligation de bonne foi abordée aux chapitres 5 et 9 s applique tant dans le contexte public que dans le contexte privé. Cela dit, le présent ouvrage porte principalement sur la réglementation des assureurs privés. 16 R.S.B.C. 1996, c. 231. 17 R.S.B.C. 1996, c. 228. 18 B.C. Reg. 447/83. 19 L.O. 1997, c. 16, annexe A. 20 Voir par ex. Règl. de l Ont. 455/97; 456/97; 175/98; 562/99.

LES PARTICIPANTS 5 b) Assureurs privés i) Introduction Contrairement à leurs vis-à-vis publics, les assureurs privés n ont aucun lien direct avec les gouvernements des ressorts dans lesquels ils exercent leurs activités. Ils sont des créatures du marché, au sein duquel ils exercent librement leurs activités, sous réserve de la réglementation. Les assureurs privés ont pour but principal de vendre de l assurance en vue de réaliser un profit; plusieurs sont des multinationales présentes dans plusieurs pays à la fois. Ils offrent une gamme de produits, allant de l assurance contre les accidents et la maladie à l assurance de titres. Les assureurs privés ont une clientèle relativement volatile. D abord et avant tout, ceux qu ils assurent sont des clients, pas seulement des contribuables. Les assurés sont libres de faire affaire avec d autres assureurs et, dans plusieurs cas, de ne pas acheter de l assurance. Les assureurs privés doivent livrer concurrence en fonction de la valeur, c està-dire, en fonction des primes qu ils perçoivent pour leurs services 21. D ordinaire, leurs produits n ont pas d équivalent dans le secteur public. Toutefois, dans certains cas, l assurance privée complète la protection offerte par les assureurs publics. À titre d exemple, en Colombie- Britannique et au Québec, les assureurs privés sont autorisés à se disputer une part limitée du marché de l assurance automobile, à savoir, l assurance contre les dommages matériels. Il en est de même à l égard de l assurance maladie. À l échelle du pays, les compagnies d assurances offrent une assurance maladie complémentaire à ceux et celles qui peuvent se le permettre. ii) Profil de l industrie Actuellement, il existe plus de 300 assureurs privés faisant affaire au Canada. En règle générale, il existe deux catégories d assureurs privés : 1) les assureurs offrant une assurance «de personnes» et 2) les assureurs offrant une assurance «de biens et risques divers». Ce sont là les deux principaux secteurs de l industrie des assurances. L assurance de personnes (aussi appelée assurance «de particuliers») regroupe deux principaux produits, soit l assurance-vie et l assurance contre les accidents et la maladie (communément appelée assurance santé ou inversement assurance maladie). Pour sa part, l assurance de biens et risques divers est souvent appelée assurance «de dommage». Cette catégorie est parfois divisée en deux sections, soit l assurance «maritime» et l assurance 21 Cela étant dit, la nature de la concurrence dans l industrie des assurances est unique, puisqu elle est caractérisée par la collaboration et la communication. Voir Marvin G. Baer, «Harmonization of Canadian Insurance Law» dans Ronald Cuming, dir., Harmonization of Business Law in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1986 aux pp. 226-30.

6 LE DROIT DES ASSURANCES «terrestre». L assurance terrestre comprend des assurances spécialisées telles que l assurance automobile, l assurance de biens, l assurance des entreprises, l assurance responsabilité, l assurance aviation et l assurance des chaudières et machines. La plupart des assureurs privés vendent soit de l assurance de personnes, soit de l assurance de biens et risques divers, mais rarement les deux à la fois. À plusieurs égards, la réglementation visant les sociétés qui offrent de l assurance-vie se distingue de celle qui s applique à d autres compagnies d assurances 22. Pour ce motif, les assureurs de biens et risques divers qui s aventurent dans l autre secteur de l industrie ne s en tiennent habituellement qu à l assurance maladie. Selon l Association canadienne des compagnies d assurances de personnes (l organisme principal dans le secteur de l assurance de personnes), 109 compagnies d assurance-vie faisaient affaire au Canada à la fin de 2002 23. La même année, 127 compagnies offraient une assurance maladie aux Canadiens et Canadiennes; parmi celles-ci, 83 étaient des sociétés d assurance-vie et 44 des sociétés d assurance de biens et risques divers 24. Pendant l année 2002, les assureurs de personnes ont perçu, auprès de leur clientèle, des primes de 44,6 milliards de dollars, en plus de détenir un actif de 279,5 milliards de dollars pour leur compte 25. Les indemnités versées aux détenteurs de polices et à leurs bénéficiaires au cours de la même période se sont élevées à 36 milliards de dollars 26. À la fin de 2002, environ 17,5 millions de Canadiens et Canadiennes détenaient une police d assurance-vie, tandis que 25,5 millions de personnes étaient couvertes par un régime privé d assurance maladie 27. Autrement dit, environ la moitié de toute la population canadienne détenait une police d assurance-vie, tandis que les trois quarts étaient couverts par un régime privé d assurance maladie 28. Dans le secteur de l assurance de personnes, la majorité des assureurs privés sont détenus et 22 Voir David Norwood et John P. Weir, Norwood on Life Insurance in Canada, 3 e éd., Toronto, Carswell, 2002 aux pp. 1-20. 23 Voir «Faits sur les assurances de personnes au Canada : Édition 2003», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurance de personne <http://www.clhia.ca>. 24 Ibid. 25 Ibid. Il convient de préciser qu un pourcentage élevé de ces primes (20,5 milliards de dollars ou 46 p. cent) ont été payées relativement à des rentes. Le statut des rentes comme forme d assurance est abordé au sous-titre 2.2a)iv). 26 Ibid. La majorité de ces paiements (20,2 milliards de dollars ou 56 p. cent) se rapportent à des rentes. 27 Ibid. à la p. 1. Toutefois, le chiffre de 25,5 millions n est qu une estimation approximative, puisque certaines personnes ont été comptées deux fois. Par exemple, les membres d une famille qui étaient couverts par des régimes d assurance santé séparés (par ex., celui du père et celui de la mère) ont été comptés deux fois. 28 En se fondant sur une population totale de 31,6 millions : voir «Population canadienne par province», en ligne : Statistique Canada <http://www.statcan.ca>.

LES PARTICIPANTS 7 exploités par des intérêts canadiens 29. Toutefois, ils n exercent pas seulement leurs activités au Canada; ils sont aussi actifs à l étranger. Au cours de l année 2002, les sociétés canadiennes d assurances de personnes ont perçu, auprès de clients étrangers, des primes de 54,5 milliards de dollars, en plus de détenir un actif de 311,7 milliards de dollars pour leur compte 30. À la fin de 2002, dans plus de 20 pays autres que le Canada, plus de 18 millions de personnes détenaient des polices d assurance-vie auprès de sociétés canadiennes 31. D après le Bureau d assurance du Canada (l organisme principal dans le secteur de l assurance de biens et risques divers), environ 230 assureurs de dommage faisaient affaire au Canada à la fin de 2001 32. Au cours de 2001, ces assureurs ont perçu, auprès des Canadiens et Canadiennes, des primes de 21,24 milliards de dollars, en plus de détenir un actif d environ 66 milliards de dollars pour leur compte 33. Plus de la moitié des primes perçues pendant cette période (53 p. cent ou 11,28 milliards de dollars) se rapportaient à l assurance automobile 34. Le solde de 47 pour cent était réparti comme suit : 16,4 p. cent (3,48 milliards de dollars) pour l assurance de biens meubles, 13 p. cent (2,77 milliards de dollars) pour l assurance de biens à usage commercial, 10,3 p. cent (2,19 milliards de dollars) pour l assurance responsabilité, 4 p. cent (845 millions de dollars) pour d «autres» assurances et 3,3 p. cent (674 millions de dollars) pour l assurance maladie 35. Il importe de souligner que, en 2001, les assureurs de biens et risques divers ont enregistré des pertes techniques : les indemnités versées et les dépenses engagées par ces assureurs ont totalisé 22,41 milliards de dollars, excédant ainsi le montant des primes perçues au cours de la même période. Toutefois, il n y a là rien de nouveau pour le secteur. Les assureurs de dommage tirent leurs revenus principalement du marché boursier, non pas du marché de l assurance. D après les statistiques annuelles publiées par la revue de premier plan Canadian Insurance, les profits annuels réalisés par les assureurs de biens et risques divers proviennent de leur portefeuille de placements plutôt que de leurs 29 Voir «Canada s Life and Health Insurers : An Industry Profile», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurances de personnes <http://www.clhia.ca>. 30 Voir «Faits sur les assurances de personnes au Canada : Édition 2003», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurance de personne <http://www.clhia.ca>. 31 Voir «Faits et statistiques: Canada et étranger», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurances de personnes <http://www.clhia.ca>. 32 Voir «Facts of the General Insurance Industry in Canada 2003», en ligne : Bureau d assurance du Canada <http://www.ibc.ca>. 33 Ibid. 34 Ibid. 35 Ibid. La catégorie «autre» comprend l assurance des chaudières et machines, l assurance maritime, l assurance aviation et d autres produits spécialisés.

8 LE DROIT DES ASSURANCES opérations de souscriptions. De 1986 à 2002, les assureurs actifs sur le marché boursier ont réalisé des revenus de placements chaque année. Le revenu total gagné par les assureurs a oscillé entre un minimum d environ 1,5 milliard de dollars en 1986 et un maximum de plus de trois milliards de dollars en 1997. Au cours de la même période, ces assureurs privés ont subi régulièrement des pertes techniques allant d environ 500 millions de dollars en 1997 à plus de 1,5 milliard de dollars en 2000 36. En fait, selon le Bureau d assurance du Canada, le secteur de l assurance de biens et risques divers n a pas réalisé de bénéfices au chapitre de la souscription depuis 1978 37. Aucun renversement de cette tendance n est prévu dans un avenir rapproché. iii) Catégorie d assureurs L entrée dans l industrie canadienne des assurances n est pas libre pour tous. La participation aux marchés de l assurance de personnes et de l assurance de biens et risques divers est réglementée. Pour vendre de l assurance, il faut obtenir une autorisation du ressort pertinent 38. Comme il sera examiné au chapitre 3, l industrie canadienne des assurances est réglementée par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. Tous les assureurs qui prévoient faire des affaires dans une province ou un territoire canadien doivent obtenir l autorisation provinciale ou territoriale correspondante. De plus, les assureurs constitués en vertu d une loi fédérale et ceux qui prévoient faire des affaires dans plus d une province ou d un territoire doivent obtenir une autorisation fédérale. Heureusement, le processus est simplifié grâce à un système de réciprocité 39. Dès que l auteur d une demande répond aux exigences d un gouvernement, le processus est simplifié dans les autres ressorts dans lesquels le demandeur souhaite exercer des activités commerciales. Le processus d autorisation est géré par un fonctionnaire de l État qui porte le titre, selon le ressort considéré, de «surintendant des assurances» 40, de «surintendant des institutions financières» 41, de 36 Voir «2003 Annual Statistical Review», Canadian Insurance (2003) 108:6 à la p. 13. Les chiffres pour 2002 sont de 2,216 milliards de dollars (revenus de placement) et 1,536 milliard de dollars (pertes de souscription). Tous les chiffres sont en dollars canadiens. 37 Voir «Facts of the General Insurance Industry in Canada 2003», en ligne : Bureau d assurance du Canada <http://www.ibc.ca>. 38 Au Canada, il est illégal de vendre des assurances sans autorisation préalable. Voir par ex. Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8, art. 40; Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 21. 39 Voir Craig Brown et Julio Menezes, Insurance Law in Canada, 4 e éd., Toronto, Carswell, 2002 aux pp. 36-37. 40 Il s agit du titre utilisé au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et Labrador, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse, au Nunavut, à l Île-du-Prince- Édouard, en Saskatchewan et au Yukon.

LES PARTICIPANTS 9 «surintendant des services financiers» 42 ou d «inspecteur général des institutions financières» 43. Ces personnes sont chargés de l application des exigences prévues dans les lois fédérales, provinciales et territoriales en matière d assurance. Elles assurent une voie de communication et de réglementation directe entre les assureurs privés et leurs gouvernements respectifs. Dans toutes les provinces et tous les territoires, l auteur d une demande doit avoir la capacité juridique requise pour faire souscrire des contrats d assurance. Conformément à l article 42 de la Loi sur les assurances de l Ontario 44, seuls les assureurs appartenant à l une ou à l autre des sept catégories suivantes peuvent demander un permis les autorisant à vendre des produits d assurance : 1) les compagnies d assurance à capital-actions (sociétés constituées en vertu d une loi fédérale, provinciale, territoriale ou étrangère, dont le capital est constitué d actions détenues par des particuliers ou par le public); 2) les sociétés d assurance mutuelles (personnes morales sans capital-actions exclusivement habilitées à faire contracter de «l assurance mutuelle» 45 ); 3) les sociétés d assurance mutuelles au comptant (personnes morales sans capital-actions habilitées à faire contracter de l assurance mutuelle et d autres formes d assurance); 4) les sociétés fraternelles (organismes sans but lucratif composés d au moins 75 membres et constitués en personne morale dans le but de conclure, avec leurs membres, des contrats d assurance-vie, d assurance contre les accidents ou d assurance maladie); 5) les compagnies dûment constituées en personne morale afin de vendre de l assurance (personnes morales qui n appartiennent à aucune des catégories 1 à 4); 6) les bourses d assurance réciproque (groupes ou consortiums sans personnalité morale, constitués d organismes exerçant des activités semblables et concluant des contrats entre eux afin de répartir les risques inhérents à leurs activités); 7) les souscripteurs ou les groupes de souscripteurs de Lloyds (particuliers ou groupes de particuliers faisant contracter de l assurance à titre personnel au sein d un marché spécial connu sous le nom de Lloyds 46 ). 41 Il s agit du titre utilisé en Alberta, en Colombie-Britannique et en vertu du régime d assurance fédéral. 42 Il s agit du titre utilisé en Ontario. 43 Il s agit du titre utilisé au Québec. 44 Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8. Voir également Loi sur les assurances, L.R.N.- B. 1973, c. I-12, art. 23. 45 L assurance mutuelle est un régime de mise en commun en vertu duquel les membres contribuent à une caisse d indemnités pour couvrir les réclamations futures des membres à titre personnel. 46 Cette catégorie est rare au Canada. Le marché Lloyds fait l objet d une brève discussion au sous-titre 1.4c). Voir également Marvin G. Baer et James A. Rendall, Cases on the Canadian Law of Insurance, 6 e éd., Toronto, Carswell, 2000 aux pp. 67-68.

10 LE DROIT DES ASSURANCES Dans le secteur de l assurance de biens et risques divers, la plupart des assureurs privés appartiennent à la première catégorie 47. Dans le secteur de l assurance de personnes, environ 55 p. cent des assureurs privés sont des sociétés d assurance mutuelles et mutuelles au comptant; 45 p. cent sont des entreprises à capital-actions 48. 1.3 CLIENTÈLE ASSURÉE Tout le monde profite de l assurance privée; reste à savoir à quel titre. En règle générale, il y a cinq catégories de consommateurs d assurance sur le marché canadien : les assurés désignés, les assurés non désignés, les bénéficiaires, les demandeurs et les assureurs. a) Assurés désignés et non désignés Les assurés sont les principaux consommateurs de produits d assurance. Ce sont les hommes, les femmes, les enfants et les associations commerciales qui sont visés par les polices d assurance; ceux auxquels on promet que leurs pertes futures engendreront, pour les assureurs, une obligation de payer. Les assurés ne sont pas nécessairement ceux qui recevront le produit de l assurance, mais ceux dont la vie, la santé, les biens ou la responsabilité sont visés par le contrat. En Angleterre, la personne assurée est souvent appelée «assured» plutôt que «insured» comme c est le cas au Canada, notamment dans le domaine de l assurance-vie 49. Bien que les deux termes soient synonymes, le premier est plus démonstratif. L assurée n est pas simplement une personne visée par une police d assurance; il s agit d une personne à laquelle on a donné une garantie quant à l avenir. En règle générale, il existe deux types d assurés. L «assuré désigné» est une personne identifiée par son nom dans une police d assurance et à l intention de laquelle la police est principalement contractée; l «assuré non désigné» est une personne appartenant à une catégorie prévue dans la police et à laquelle s étend la garantie. Prenons par exemple une police d assurance automobile. Le contrat type protège le propriétaire du véhicule contre la responsabilité civile. Le propriétaire est identifié par son nom dans le contrat. Si le propriétaire cause un accident en raison de sa négligence, l assureur indemnise la victime de ses pertes 47 Craig Brown et Julio Menezes, Insurance Law in Canada, 4 e éd., Toronto, Carswell, 2002 à la p. 33. 48 Voir «Canada s Life and Health Insurers: An Industry Profile», en ligne : Association canadienne des compagnies d assurances de personnes <http://www.clhia.ca>. 49 David Norwood et John P. Weir, Norwood on Life Insurance in Canada, 3 e éd., Toronto, Carswell, 2002 à la p. 73.

LES PARTICIPANTS 11 jusqu à concurrence de la limite prévue dans le contrat. Le propriétaire jouit d une protection, mais il ne reçoit aucune somme. La police type couvre aussi des catégories de conducteurs, tels que les personnes domiciliées avec le propriétaire et les personnes conduisant le véhicule avec son consentement. Tant et aussi longtemps qu un conducteur est visé par la description prévue dans la police, il est lui aussi dégagé de toute responsabilité. Il en est ainsi que le nom du conducteur soit ou non inscrit dans le contrat. Les assurés désignés sont parties à leurs contrats d assurance respectifs. Ce sont des particuliers et des associations qui souscrivent volontairement à une assurance pour eux-mêmes ou à l intention de tierces parties. Les assurés désignés sont ceux qui remplissent les demandes d assurance et signent les contrats d assurance. Ils paient les primes et, au besoin, renouvellent leurs polices. Dans plusieurs cas, ils reçoivent également de l argent lorsque survient un sinistre. Par opposition, les assurés non désignés ne sont pas parties à la relation contractuelle. Ils ne sont pas signataires du contrat. Ils n ont rempli aucune demande. Dans certains cas, ils peuvent même ne pas être au courant de la police qui les couvre, leur consentement n étant ni requis ni pertinent aux fins de la validité et de la mise en application du contrat. En d autres termes, les assurés non désignés sont des tiers bénéficiaires par rapport à l assurance; ils profitent simplement de sa protection. Cela dit, ils ne sont pas nécessairement des volontaires. Ils assument souvent le coût de la protection qu ils obtiennent. À titre d exemple, plusieurs employés bénéficient d une assurance maladie complémentaire aux termes de contrats d assurance collective signés par leur employeur. Les employés sont des tiers, du point de vue contractuel, mais ils assument le coût de la protection soit directement, par voie de retenues salariales, soit indirectement, par des salaires moins élevés. Outre les assureurs privés, le présent ouvrage vise principalement les assurés désignés. Les chapitres 4 à 7 se penchent sur la façon dont une personne devient partie à un contrat d assurance exécutoire, tandis que les chapitres 8 à 13 font l analyse des droits et obligations d une telle partie. Les assurés non désignés sont mentionnés à l occasion, mais ils font l objet d une discussion surtout au chapitre 13. Par conséquent, à moins d indication contraire, le terme «assuré» fera référence exclusivement à un «assuré désigné». b) Bénéficiaires Le terme «bénéficiaire» est souvent employé dans le domaine de l assurance; il est parfois utilisé dans un sens très large. Comme il a été suggéré précédemment, tout le monde profite de l assurance privée. En ce sens, nous sommes tous et chacun bénéficiaires de l industrie des

12 LE DROIT DES ASSURANCES assurances. Toutefois, le terme a également un sens technique. En droit des assurances, le bénéficiaire est une personne désignée par l assuré pour recevoir le produit de l assurance. Le bénéficiaire peut être désigné par son nom ou au moyen d une description. D habitude, la désignation est faite dans le contrat d assurance même, bien qu elle puisse être faite dans un document séparé. Qui plus est, puisque la désignation peut être modifiée au fil du temps, le bénéficiaire peut perdre son droit de recevoir le produit de l assurance. À l instar des assurés non désignés, les bénéficiaires sont des tiers qui jouent un rôle relativement passif en tant que consommateurs d assurance. À cet égard, ils feront l objet d une attention particulière au chapitre 13. Toutefois, contrairement aux assurés non désignés, les bénéficiaires ne sont pas couverts par l assurance en soi. C est-à-dire, leurs propres pertes n engendrent aucune obligation de payer, à moins qu ils ne soient eux-mêmes assurés ailleurs. Les bénéficiaires ne font que recevoir les indemnités. À titre d exemple, dans un contrat d assurancevie type, la personne dont la vie est assurée n est pas le bénéficiaire de la police. Les bénéficiaires sont des tiers qui peuvent ne pas être au courant de leur statut spécial avant de recevoir ce qui leur est dû. Les contrats d assurance ne prévoient pas tous un bénéficiaire au sens technique. Cependant, comme dans le secteur de l assurance-vie, l existence de bénéficiaires est souvent l élément moteur de la souscription à une assurance; la raison pour laquelle le produit est acheté. c) Demandeurs Les assurés non désignés et les bénéficiaires sont des tiers qui profitent directement de l assurance. On leur offre une protection ou des indemnités de la même manière qu à la personne qui signe le contrat et paie les primes. Ils sont désignés par leur nom ou au moyen d une description dans la police. La seule véritable différence entre eux et les assurés désignés est l absence d un lien contractuel avec l assureur. Il existe une quatrième catégorie de consommateurs d assurance. Les membres de cette catégorie profitent indirectement de l assurance. Ce sont les «demandeurs». En termes simples, un demandeur est une personne qui en poursuit une autre en vue d obtenir une indemnisation financière. Le demandeur peut être un enfant, un adulte ou une personne morale; autrement dit, toute personne ayant la capacité juridique de présenter une demande d indemnité. Chaque jour, des milliers de demandeurs se manifestent au sein du système juridique canadien. Les demandeurs profitent d un type d assurance particulier : l assurance responsabilité. Cette forme d assurance protège les signataires des conséquences financières de leur responsabilité civile. Au 21 e siècle, l assurance responsabilité existe dans tous les secteurs de la société

LES PARTICIPANTS 13 canadienne moderne. Pour plusieurs groupes et particuliers, l assurance responsabilité est une condition préalable à l interaction sociale. L activité économique des fabricants, des municipalités, des restaurants, des fournisseurs de soins de santé et des juristes repose sur l assurance responsabilité. Ils sont les bénéficiaires directs de l assurance responsabilité. Ils sont ceux qui bénéficieront d un bouclier si une poursuite est intentée contre eux. Ce bouclier absorbera tout ou une partie des dépens relatifs à l instance. Toutefois, les assurés ne sont pas les seuls à être protégés par l assurance responsabilité. Les consommateurs, les citoyens, les patients et les clients bénéficient également de l assurance responsabilité, bien qu ils soient des bénéficiaires indirects. Ils peuvent mener leurs affaires tout en sachant qu une indemnisation est disponible en cas de sinistre. Certes, les demandeurs ne bénéficient pas automatiquement de l assurance responsabilité. Leur accès à l indemnisation repose sur une conclusion de responsabilité ou un règlement conclu avec l assuré. Or de tels obstacles sont insignifiants par rapport à la tâche qui consiste à procéder à l exécution forcée d un jugement contre une partie non assurée. Il est généralement admis que la plupart des poursuites civiles mettent en cause des défendeurs assurés. Les assurés ne sont pas démesurément poursuivis parce qu ils forment le groupe le plus négligent de la société. Ils sont plutôt poursuivis en raison de leur capacité de payer. À lui seul, un tel fait prouve que les demandeurs sont les véritables bénéficiaires de l assurance responsabilité. Qui plus est, les législateurs canadiens ont rendu l assurance responsabilité obligatoire à l égard de certaines activités, telles que la conduite d un véhicule à moteur et la pratique du droit. Ces mesures n ont pas été adoptées pour répondre aux préoccupations des conducteurs et des juristes, mais plutôt pour protéger ceux qui interagissent avec eux. L assurance responsabilité obligatoire est essentiellement un fonds d indemnisation privé. Cela ne veut pas dire que l assurance responsabilité constitue le moyen le plus efficace d indemniser les victimes. À n en pas douter, il serait plus économique que les victimes, au lieu de poursuivre les défendeurs assurés, fassent appel à leur propre assureur pour se faire indemniser. Néanmoins, on ne peut nier que les demandeurs actuels et futurs sont des consommateurs d assurance responsabilité. d) Assureurs Les assureurs ne sont pas seulement des fournisseurs d assurance. Qu ils soient publics ou privés, ils souscrivent à leur propre assurance auprès d autres assureurs sur le marché. Ils assurent leurs biens contre les pertes et dommages. Ils s assurent contre la responsabilité civile. Plus important encore, ils transfèrent une partie du risque qu ils assument à d autres

14 LE DROIT DES ASSURANCES assureurs consentants. Ce transfert du risque a lieu par voie de réassurance. La réassurance est l assurance des assureurs; un produit spécialement conçu pour protéger les assureurs des pertes étendues. La plupart des pertes individuelles peuvent être assumées par la majorité des assureurs individuels. Cependant, les sinistres ne surviennent pas toujours de façon isolée. Prenons, par exemple, les inondations du printemps 1997 au Manitoba, la tempête de verglas de l hiver 1998 dans l Est de l Ontario et l Ouest du Québec ou les feux de forêt de l automne 2003 en Colombie-Britannique. Chacune de ces catastrophes a causé des dommages de plusieurs millions de dollars à des milliers d assurés. Si la réassurance n avait pas existé, les demandes d indemnité auraient pu paralyser plus d un assureur. Grâce à la réassurance, les assureurs partagent avec d autres assureurs une partie du risque qu ils assument. Les assurés, les bénéficiaires et les demandeurs ne sont pas directement touchés par la réassurance. Les assureurs concluent des contrats entre eux sur le marché de la réassurance. Il n existe aucun lien contractuel entre les assurés et le réassureur de leur assureur. Qu il ait ou non acheté de la réassurance, l assureur demeure pleinement responsable envers ses propres assurés. La réassurance ne fait que permettre à l assureur de faire appel à un autre assureur pour se faire indemniser, après que le premier se soit acquitté de ses propres obligations contractuelles. Prenons l exemple suivant. Supposons que la société Beta vende de l assurance-incendie et qu elle détienne 1000 polices dans une ville relativement petite. La valeur moyenne d une police étant de 250 000 $, le risque total s élève à environ 250 millions de dollars. Supposons aussi que Beta achète de la réassurance afin de transférer une partie de sa responsabilité potentielle. Contre une prime élevée, Beta souscrit à cinq polices d assurance auprès de cinq réassureurs différents. Chaque police couvre la responsabilité potentielle de l assureur jusqu à concurrence de 25 millions de dollars; Beta jouit donc d une protection de 125 millions de dollars. Ainsi, l assureur Beta a réduit de moitié sa responsabilité potentielle. Si la ville entière était détruite dans un incendie, Beta indemniserait tout d abord ses propres assurés et se tournerait ensuite vers chaque réassureur pour se faire indemniser à son tour. D ordinaire, les réassureurs font affaire exclusivement sur le marché de la réassurance. Au Canada, ce sont souvent des multinationales et des assureurs étrangers. Par conséquent, la réassurance fonctionne à l échelle mondiale. D une part, la réassurance répartit dans le monde entier les risques créés au Canada. D autre part, les consommateurs canadiens de produits de réassurance assument les risques créés ailleurs. Le présent ouvrage ne traite pas directement de la réassurance. Puisque ce type d assurance est réservé aux assureurs, la plupart des principes abordés dans le présent ouvrage ne s y appliquent pas directement. En effet, les considérations de principe ayant mené à la réglementation de l industrie

LES PARTICIPANTS 15 des assurances s appliquent peu au marché de la réassurance, lequel est dominé par des entités commerciales ayant un pouvoir de négociation égal. Dans ce contexte, la liberté contractuelle demeure le critère déterminant dans l établissement des droits et responsabilités de chaque partie. 1.4 INTERMÉDIAIRES L industrie des assurances ne pourrait fonctionner sans intermédiaires. Ces derniers participent à tous les aspects de la relation entre les assureurs et leurs assurés, de la négociation des contrats au règlement des sinistres. Les intermédiaires sont les visages que voient les consommateurs d assurance et les voix que ces derniers entendent au téléphone. Ce sont les hommes et les femmes qui veillent à la vente et au service des produits d assurance pour le compte des assureurs et grâce auxquels les assureurs et leurs clients communiquent et interagissent les uns avec les autres. Certains intermédiaires sont des employés de compagnies d assurances, tandis que d autres sont embauchés de façon indépendante par l assureur ou par la personne assurée. Le mandat précis de l intermédiaire est critique du point de vue juridique; cette question sera abordée au chapitre 6. Pour l instant, il suffit de décrire les principales catégories d intermédiaires et de donner un bref aperçu de la manière dont ils sont réglementés. a) Agents Il faut faire preuve de prudence au moment d employer le terme «agent», tant en français qu en anglais. Bien qu il soit régulièrement utilisé dans l industrie des assurances, le terme possède au moins deux sens distincts, et la distinction entre les deux n est pas toujours respectée. D une part, le terme est parfois employé pour décrire la capacité juridique d une personne qui agit pour le compte d une autre personne. Cet emploi est emprunté au droit des mandats et, en français du moins, devrait être évité autant que possible. Ainsi, en français, le terme exact est plutôt «mandataire», c est-à-dire une personne qui exécute un mandat pour le compte de son mandant. Comme il sera examiné au chapitre 6, la capacité juridique du mandataire est assortie d un nombre de droits, d obligations et d autres conséquences qui n existent pas seulement dans le domaine de l assurance. En outre, l emploi du terme est suffisamment général pour décrire le statut de plusieurs intermédiaires qui reçoivent leur mandat d un assuré plutôt que d un assureur. Il en est notamment ainsi des courtiers. D autre part, le terme «agent» est souvent utilisé pour décrire une catégorie particulière de mandataire. D après cette définition, un agent d assurance est une personne qui sollicite des affaires pour le compte

16 LE DROIT DES ASSURANCES d une compagnie d assurance, transmet des propositions au nom des assurés éventuels ou offre une assistance au cours du processus de négociation ou de renouvellement des polices d assurance 50. Les agents peuvent être des employés ou des entrepreneurs indépendants, des particuliers, des sociétés de personnes ou des personnes morales 51. Quel que soit leur statut, en règle générale, les agents ont pour objectif d aider à vendre au public une gamme de produits donnée au nom d un seul assureur. En contrepartie, les agents touchent habituellement un salaire ou une commission, en fonction du chiffre d affaires qu ils génèrent. Au sein de l industrie, les agents d assurance sont parfois qualifiés de «captifs», une expression très appropriée compte tenu de leur engagement par rapport aux produits d un seul assureur. Notez qu un seul assureur ne veut pas dire un seul mandant. Au moment de fournir leurs services, les agents d assurance interagissent avec les assurés et peuvent aussi recevoir des mandats de ces derniers 52. Autrement dit, un agent d assurance peut être le mandataire de plus d une partie. Voilà pourquoi le paragraphe 394(1) de la Loi sur les assurances de l Ontario précise que «[l] agent ou le courtier est réputé, afin de recevoir une prime à l égard d un contrat d assurance, l agent de l assureur, malgré toute condition ou stipulation à l effet contraire» 53. Cette disposition n a aucun sens, sauf si on se rappelle la double signification du terme «agent». Au Canada, les agents d assurance sont réglementés par les gouvernements provinciaux et territoriaux 54. En règle générale, les agents doivent se faire délivrer un permis par le surintendant des assurances, son homologue ou son délégué. À titre d exemple, en Ontario et au Nouveau- Brunswick, la Loi sur les assurances confère au surintendant de chaque province le pouvoir de délivrer, de renouveler, de suspendre et de révoquer le permis d un agent 55. Il est illégal d agir comme agent sans être 50 Cette définition est tirée de l article 1 de la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8. Voir également Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 1. 51 Loi sur les assurances (Ontario), ibid. art. 393, 399 et 400; Loi sur les assurances (Nouveau-Brunswick), ibid. art. 352, 359 et 360. 52 Par exemple, dans l arrêt Newsholme Brothers c. Road Transport and General Insurance Co., [1929] 2 K.B. 356 (C.A.), un agent d assurance a rempli un questionnaire à la demande du proposant. Le tribunal a jugé qu il était mandataire du proposant pour les besoins de remplir le formulaire. Cette décision est analysée au titre 6.3. 53 L.R.O. 1990, c. I.8 [nos italiques]. Cet article serait beaucoup plus clair si le législateur avait utilisé le terme «mandataire» la deuxième fois. La loi du Nouveau-Brunswick évite cette tournure boiteuse : voir Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 361. 54 Voir généralement Craig Brown et Julio Menezes, Insurance Law in Canada, 4 e éd., Toronto, Carswell, 2002 aux pp. 55-59. 55 Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8, art. 393; Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 352.

LES PARTICIPANTS 17 titulaire du permis approprié 56. Avant d accorder ou de renouveler un permis, le surintendant doit s assurer de certains éléments, notamment de la bonne moralité, des études, des antécédents en matière d emploi, du niveau de compétence et des qualités générales du demandeur 57. De plus, le règlement ontarien prévoit que le demandeur ne peut pas être en mesure d exercer un contrôle indu sur l assuré 58. Les membres de certaines professions ne sont pas admissibles à un permis, car ils sont réputés habiles à exercer un contrôle indu. C est le cas des médecins, des avocats, des policiers et des membres du clergé 59. En Ontario, quatre types de permis peuvent être délivrés : 1) les permis d assurance-vie; 2) les permis d assurance-vie et d assurance maladie; 3) les permis d assurance maladie; 4) les permis pour toutes les catégories d assurance, à l exception de l assurance-vie 60. Le permis d un agent ontarien expire à la date de son anniversaire, deux ans après la délivrance ou le renouvellement du permis 61. Dans la majorité des provinces et territoires canadiens, la représentation d une seule compagnie est une question de coutume ou de pratique plutôt qu une exigence juridique réelle 62. En Ontario, toutefois, l agent ne peut pas représenter plus d un assureur, à moins que son permis n appartienne aux deux premières catégories 63. Autrement dit, en Ontario, seuls les agents qui sont autorisés à vendre de l assurance-vie ont le droit de vendre de l assurance pour le compte de plus d un assureur. Ils sont également assujettis à des règles de conduite spéciales. Toujours en Ontario, les agents d assurancevie doivent souscrire à une assurance responsabilité, recevoir une formation continue, divulguer les noms de leurs mandants et leurs intérêts financiers et éviter certaines pratiques 64. 56 Loi sur les assurances (Ontario), ibid. art. 401; Loi sur les assurances (Nouveau- Brunswick), ibid. art. 351 et 362. 57 Voir généralement Règlement sur les agents, R.R.O. 1990, Règl. 663; Règlement sur les agents et courtiers, Règl. du N.-B. 95-5; Règlement sur la délivrance de licence aux agents d assurance-vie, Règl. du N.-B. 2003-36. 58 Règlement sur les agents, ibid. art. 4(1). 59 Ibid. art. 4(2) et (2.2). 60 Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8, art. 393(2). Des catégories similaires sont utilisées au Nouveau-Brunswick : voir Règlement sur les agents et courtiers, Règl. du N.-B. 95-5; Règlement sur la délivrance de licence aux agents d assurance-vie, Règl. du N.-B. 2003-36; Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 352(1). 61 Règlements sur les agents, R.R.O. 1990, Règl. 663, art. 9. 62 Voir Marvin G. Baer et James A. Rendall, Cases on the Canadian Law of Insurance, 6 e éd., Toronto, Carswell, 2000 à la p. 76; Craig Brown et Julio Menezes, Insurance Law in Canada, 4 e éd., Toronto, Carswell, 2002 aux pp. 56-57. 63 Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. I.8, art. 393(12). 64 Règlements sur les agents, R.R.O. 1990, Règl. 663, art. 17-20. Au Nouveau-Brunswick, voir Règlement sur la délivrance de licence aux agents d assurance-vie, Règl. du N.-B. 2003-36.

18 LE DROIT DES ASSURANCES b) Courtiers Contrairement aux agents d assurance, les courtiers vendent des produits de plusieurs compagnies d assurance différentes. À ce titre, les courtiers ne sont pas des intermédiaires passifs; leur rôle ne se limite pas à la conclusion de contrats entre deux entités prédéterminées. Les courtiers sont des conseillers et des experts qui jouent un rôle dans le processus décisionnel même. Ils présentent à leurs clients (les consommateurs d assurance) une vaste gamme de produits et de propositions, en fonction de leurs besoins et de leur situation personnelle. Selon l Association des courtiers d assurances du Canada, la distinction fondamentale entre un agent d assurance et un courtier est la suivante : le premier travaille pour l assureur, tandis que le deuxième travaille pour la personne assurée 65. Ce faisant, les courtiers ont plusieurs obligations. Ils sont des professionnels aux yeux de la loi et ont, envers leurs clients, des obligations contractuelles, délictuelles et fiduciaires 66. Comme nous le verrons au chapitre 6, les courtiers peuvent être tenus personnellement responsables de tout manquement aux normes minimales de conduite, non seulement envers leurs clients, mais aussi envers les compagnies d assurance pour lesquelles ils sollicitent des affaires. Sauf en Ontario et au Québec, les courtiers sont réglementés essentiellement de la même manière que les agents : ils doivent obtenir un permis du surintendant des assurances, de son homologue ou de son délégué 67. Le surintendant a le pouvoir d accorder, de renouveler, de suspendre et de révoquer le permis d un courtier si celui-ci satisfait (ou ne satisfait pas) aux normes minimales. En Ontario et au Québec, le professionnalisme auquel sont tenus les courtiers est encore plus à l avant plan. Dans ces provinces, les courtiers sont traités comme des juristes et des médecins; la profession de courtier est autoréglementée 68. À titre d exemple, conformément à la Loi sur les courtiers d assurances inscrits, nul ne doit agir à titre de courtier d assurances en Ontario à moins d être inscrit auprès de l association appelée Courtiers d assurances inscrits de l Ontario 69. Il existe certaines conditions préalables à l inscription. Le demandeur peut être un particulier, une société de personnes ou une personne morale. Dans le cas d un particulier, le demandeur doit 65 Voir «Foire aux questions», en ligne : Association des courtiers d assurances du Canada <http://www.ibac.ca>. 66 Voir par ex. Fine s Flowers Ltd. c. General Accident Assurance Co. (1978), 17 R.J.O. (2 e ) 529, [1978] 17 O.R. (2 e ) n o 529 (QL) (C.A.). La décision et ses répercussions sont abordées au titre 6.5. 67 Craig Brown et Julio Menezes, Insurance Law in Canada, 4 e éd., Toronto, Carswell, 2002 aux pp. 55-58. Au Nouveau-Brunswick, voir Loi sur les assurances, L.R.N.-B. 1973, c. I-12, art. 351-357 et 362; Règlement sur les agents et courtiers, Règl. du N.-B. 95-5. 68 Brown et Menezes, ibid. 69 Loi sur les courtiers d assurances inscrits, L.R.O. 1990, c. R.19, art. 2.

LES PARTICIPANTS 19 notamment être de bonnes vie et mœurs, posséder un niveau d études et une expérience professionnelle suffisants, se consacrer à sa vocation et s engager à recevoir une formation continue 70. Le règlement pertinent impose un code de déontologie à tous les courtiers et prévoit des sanctions en cas d inconduite 71. Il existe des comités spéciaux qui traitent les plaintes portées contre des membres et engagent des procédures disciplinaires 72 le cas échéant. Enfin, tous les courtiers doivent souscrire à une assurance responsabilité avec une garantie minimale d un million de dollars, tandis que les sociétés de personnes et les personnes morales doivent aussi ouvrir des comptes en fiducie spéciaux pour leurs clients 73. Au Canada, le marché de l assurance de biens et risques divers comprend plus de 25 000 courtiers d assurance inscrits et titulaires d un permis 74. Certains courtiers se consacrent exclusivement à un type d assurance, tandis que d autres sont des «généralistes» qui ne sont assujettis à aucune restriction quant à la portée de leurs services. Qu il soit spécialisé ou non, il est peu probable qu un courtier représente tous les assureurs privés autorisés à faire des affaires dans sa province ou son territoire. D ordinaire, les courtiers concluent des ententes avec un certain nombre de compagnies d assurances dans leur secteur et conviennent de ne vendre que les produits de ces compagnies. En conséquence, les clients qui souhaitent choisir leur protection à partir d une vaste gamme de produits et de propositions doivent consulter plus d un courtier d assurance. c) Tarificateurs Dans l industrie des assurances, le terme anglais «underwriter» a deux significations courantes. Il est parfois utilisé pour décrire un souscripteur à forfait, soit la société, le groupe ou le particulier qui accepte d assurer un risque donné. Cet emploi du terme a une longue et fascinante histoire 75. Cette dernière a débuté en 1687, année où Edward Lloyd a ouvert son café près des quais de Londres, en Angleterre. Au cours du 17 e siècle, ceux qui souhaitaient faire assurer leurs navires contre les risques de la mer se rassemblaient à cet endroit populaire. On y achetait de l assurance maritime en faisant circuler un morceau de papier appelé le «slip». Le slip contenait des renseignements au sujet du navire, de son propriétaire, 70 Règlement sur les courtiers, R.R.O. 1990, Règl. 991, art. 5. 71 Ibid. art. 14, 15 et 22. 72 Loi sur les courtiers d assurances inscrits, L.R.O. 1990, c. R.19, art. 15-20. 73 Règlement sur les courtiers, R.R.O. 1990, Règl. 991, art. 16, 17 et 20. 74 Voir «Trouver un courtier», en ligne : Association des courtiers d assurances du Canada <http://www.ibac.ca>. 75 Voir Peter L. Bernstein, Against the Odds: The Remarkable Story of Risk, New York, John Wiley & Sons, 1996; Robert F. Keeton, Basic Text on Insurance Law, St. Paul, Minn., West Publishing Co., 1971 aux pp. 12-13.

20 LE DROIT DES ASSURANCES de l équipage, du chargement et du voyage prévu. Ceux qui étaient disposés à assurer le voyage écrivaient leurs noms sous la description et indiquaient le montant qu ils étaient prêts à assumer. Ainsi, chaque «underwriter» devenait un assureur jusqu à concurrence du montant pris en charge et devenait personnellement responsable envers l assuré. Aujourd hui, les souscripteurs à forfait qui pratiquent dans le marché connu sous le nom de Lloyds opèrent essentiellement de la même façon. Ainsi les concepts «souscripteur» et «assureur privé» sont interchangeables. Toutefois, le terme anglais «underwriter» est également employé pour décrire un intermédiaire qu on nomme «tarificateur» en français. Il s agit de la personne qui, dans le cadre d une opération d assurance, est chargée d évaluer les risques et de recommander ou déconseiller leur prise en charge. Lorsqu une personne veut acheter de l assurance, un processus d évaluation est habituellement amorcé. C est alors que l assureur cherche à savoir s il vaut la peine d accepter le risque proposé et, dans l affirmative, à quel coût. La décision de l assureur est fondée en partie sur une évaluation de l ampleur du risque et de la probabilité qu il se concrétise. L évaluation des risques est une science, et les tarificateurs sont des experts en la matière. Ces derniers travaillent généralement pour les compagnies d assurances, mais ils peuvent aussi être des entrepreneurs indépendants. Ce sont les spécialistes qui orientent les assureurs au cours du processus d évaluation. Lorsqu il s agit d un tarificateur, la personne désignée en anglais par le terme «underwriter» n accepte pas personnellement les risques. Elle ne fait que fournir des conseils commerciaux aux assureurs. Par conséquent, les tarificateurs ont un contact direct limité avec les consommateurs d assurance. Voilà qui explique pourquoi la réglementation à laquelle ils sont assujettis diffère de celle qui s applique aux agents, aux courtiers et aux experts d assurance. Le code de conduite des tarificateurs n est pas énoncé dans une loi ou un règlement; il est prévu de façon explicite (et implicite) dans leur contrat d emploi ou de services. d) Experts Les agents, les courtiers et les tarificateurs jouent des rôles clés dans la création des contrats d assurance. Par opposition, les experts en sinistres ne font leur apparition qu une fois conclu un contrat valide. Les experts aident à l exécution du contrat. Entre autres choses, ils se livrent à des enquêtes et négocient des règlements. Les experts agissent surtout pour le compte des compagnies d assurances, bien que leurs services soient parfois retenus par des assurés, auquel cas ils sont appelés «experts publics». Lorsqu il agit pour le compte d un assureur, l expert est soit un employé salarié, soit un entrepreneur indépendant payé à l heure et dont