Prise en charge nutritionnelle des patients atteints de cancer

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Transcription:

DES hépato-gastro-entérologie IdF 2012 Prise en charge nutritionnelle des patients atteints de cancer Bruno Raynard CLAN et UTDN

«La dénutrition n est pas diagnostiquée en oncologie digestive» 14 jours, 11 centres 313 patients (âge moyen: 63 ans) Colon-rectum (54%) pancréas (14%) estomac (10%) 1ère ligne chimio: 47% Perte de poids moyenne 10,5% (7% - 15% - 19%) Le diagnostic de dénutrition n était fait, en pratique, que dans 1 cas sur 2!! 92% des patients avec dénutrition modérée et 57% des patients avec dénutrition sévère, ne recevaient pas d assistance nutritionnelle!! Attar A, et al. Gastroentérol Clin Biol 2006; 30: A118. Barret M, et al. Oncology 2011; 81: 395-402 2

Prévalence de la dénutrition en cancérologie 100% 90 80 CLCC2005 NUTRIC ANC ER2006 CLCC2008 CLCC2005 (n=1928 pts) NUTRICANCER2006 (n=2068 pts) CLCC2008 (n=1545 pts) 70 60 50 40 30 20 10 0 total sein prostate colon- rectum sarcome ovaire- uterus bronches ORL estomac œsophag e pancreas 3

Diminution des apports oraux Ingestion: Ouverture buccale Mastication Déglutition Appétit: Phénomène cérébral Confort physique et psychique Goût et odorat Satiété Progression aliments + Capacités fonctionnelles + Humeur + Niveau socio-économique + Nouvelles pratiques «santé» Digestion-absorption: Sécrétions digestives (estomac-pancréas) Intégrité du tube digestif Progression bol alimentaire 4

Augmentation des besoins caloriques et protéiques tissu adipeux Lipopolyse Protéolyse foie Insulinorésistance des tissus périphériques muscle 5

Conséquences de la dénutrition Augmentation de la morbidité postopératoire +25-50% Augmentation du risque d infection nosocomiale +100% Augmentation du risque d interruption de la chimiothérapie +20-30% Augmentation de la mortalité après allogreffe +50% Augmentation de la durée de séjour +1-3 jours Augmentation du coût de séjour (en l absence de codage) +100% Altération de la qualité de vie même chez les patients guéris ou en rémission complète 6

L évaluation nutritionnelle doit être intégrée au dispositif d annonce (avis d experts) et contrôlée, au minimum, avant chaque nouveau traitement. L évaluation de la vitesse de perte de poids est recommandée (grade B). L évaluation systématique des ingesta est recommandée (grade C). 7

ou ESTIMATION GROSSIERE MAIS SUFFISANTE Mange normalement Ne mange pas du tout 8

En pratique? Évaluation nutritionnelle avant traitement Dénutrition sévère Dénutrition modérée ou nulle Évaluation des ingesta Nutrition artificielle > 600-800 kcal/jour Conseil diététique Complémentation orale Stimulation de l appétit Évaluation nutritionnelle avant traitement 9

Conseil diététique ou CNO en cancérologie? Tumeurs ORL Tumeurs digestives G1: conseils individualisés; G2: CNO; G3: contrôles Ravasco P, et al. Head Neck 2005; 27: 659-68; Ravasco P, et al. J Clin Oncol 2005; 23: 1431-8 10

Aversions alimentaires en cancérologie Echelle «hédonique» (0-9) * * 100 80 Boissons consommées (ml) ** 60 40 20 0 * p<0,01; ** p=0,02 Nausées + Nausées - Schwartz MD, et al. Physiol Behav 1996; 59: 659-63 11

Stimulation de l appétit en cancérologie douleurs humeur nauséesvomissements goût/ odorat inactivité physique tonus duodénal GHRELINE aversions/ préférences signaux périphériques glycémie/chylomicrons/ AA INHIBITEUR MC4R (-) POMC/CART NPY/AgRP (+) (+) (+) (-) BCAA L TRP (-) sérotonine TNFα (-) ACETATE DE MEGESTROL CORTICOIDES ACIDES GRAS n-3 12

Nutrition péri opératoire en cancérologie Évaluation nutritionnelle systématique au moins 7-10 jours avant intervention non Dénutrition pré-op? oui non Chirurgie du tube digestive? oui Quelque soit le type de chirurgie IMPACT oral ou entéral pdt 7 jours pré-op NO* ou NE ou NP pré-op au moins 7 jours (+ IMPACT oral ou entéral si chir digestive) * si ingesta > 600-800 kcal/jour Intervention chirurgicale non Jeûne prévu > 7 jours? oui Réalimentation précoce (J1) + CNO Si NO < 1000-1500 kcal/j NE ± NP postop précoce (J1)* + IMPACT oral ou entéral * Arrêt si NO > 1000-1500 kcal/j Surveillance nutritionnelle prolongée 13

Exercice physique, nutrition et appétit (-) (-) (-) IL10 JAK/STAT TNFα (-) Protéolyse musculaire Protéosynthèse musculaire (-) (+) Appétit Synthèse protéique Prolifération cellulaire musculaire 14

En situation palliative ou palliative avancée, chez le malade cachectique, dans l objectif de limiter la perte de poids, l utilisation de compléments nutritionnels oraux enrichis en AGn-3 (2g/j EPA pendant 8 semaines) est recommandée (grade B). 15

n-3 et cachexie cancéreuse 200 patients; cancer du pancréas localement avancé ou métastatique, perte de poids 17% CNO standard vs. CNO enrichie en n-3 (0,5 g/ml) et en anti-oxydants Δ masse maigre (kg/mois) 3 2 1 ns ns 0-1 -2 ** ** contrôles n-3-3 T0 S4 S8 ** p<0,001 par rapport à T0 Fearon KCH., et al. Gut 2003; 52: 1479-1486 16

n-3 et cachexie cancéreuse Fearon KCH., et al. Gut 2003; 52: 1479-1486 17

n-3 et cachexie cancéreuse ECR 518 pts avec cancer localement avancé ou métastatique perte de poids moyenne 17% Placebo vs. EPA 2g vs. EPA 4g (capsules), pendant 8 semaines Fearon K, et al. J Clin Oncol 2006;24: 3401-7. 18

Nutrition en situation terminale Recommandations L'objectif de la nutrition artificielle en situation palliative est l'amélioration de la qualité de vie (accord d'experts). Chez les malades incapables de manger et d'absorber des nutriments pour une période prolongée, la nutrition artificielle permet de réaliser cet objectif dans de nombreux cas et parfois d'augmenter la survie (C). En règle générale, la mise en route d'une nutrition artificielle ne se justifie pas si l'espérance de vie du patient est inférieure à 3 mois et l'atteinte fonctionnelle permanente sévère (indice de Karnofsky inférieur ou égal à 50 % ou performance status supérieur à 2) (accord d'experts). Bachmann P., et al. Bull cancer 2001; 88: 985-1006. 19