Concept Expérimental Séance 6 Jeanneleroy.wordpress.com

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Transcription:

Concept Expérimental 2008-2009 Séance 6 Leroy.jeanne@gmail.com Jeanneleroy.wordpress.com

TP : Expérience de Milgram Qu est-ce qu on a pu observer : Les individus sont prêts à se soumettre à la consigne d infliger des chocs électriques dangereux. Comment s appelle ce phénomène : la soumission à l autorité Champ théorique : l influence sociale

I. Introduction 1. La théorie : «Le conformisme est une modalité de l influence sociale et se manifeste par le fait qu un individu modifie ses comportements, ses attitudes, ses opinions, pour les mettre en harmonie avec ce qu il perçoit être les comportements, les attitudes, les opinions d un groupe dans lequel il est inséré ou souhaite être accepté» (Aebischer & Oberlé, 1998, p 62). Selon Aebischer et Oberlé (1998), «le conformisme est le résultat d une négociation tacite entre les points de vue d un groupe ou d un individu qui font autorité et ceux qui s y trouvent confrontés. Cette négociation a lieu pour résoudre le conflit provoqué par leur divergence» (p 64).

I. Introduction 1. La théorie (suite) : «La solution choisie dans le cas du conformisme correspond à une réduction de cconflit par l adoption de la norme qui fait autorité» (Op. Cit. p 64). Or, il est des cas dans lesquels, à l inverse du conformisme, la pression est très claire : c est le cas quand il y a injonction, ordre d obéir. C est ce qu on appelle la soumission à l autorité. «La soumission à l autorité implique une pression explicite de la part de la source d influence» (Gosling, 1996, p 82). C est la première condition d apparition de la soumission à l autorité. Une seconde condition est nécessaire pour parler de soumission à l autorité, c est «l existence d une dissymétrie de statut et de pouvoir à l avantage de la source d influence» (Op. Cit. p 82). Dans le domaine de la soumission à l autorité, les travaux de référence sont les célèbres expériences de Milgram (1974) (vulgarisées par le film français «I comme Icare») (Aebisher & Oberlé, 1998, p 65).

I. Introduction 2. Problématique Dans quelles conditions la soumission à l autorité peut amener un individu à provoquer la mort d un autre individu? 3. Hypothèse Théorique : - Jusqu à quel point un individu est-il capable de faire souffrir autrui uniquement parce qu une autorité le lui demande? - Plus précisément, dans quelle mesure un individu se soumetil à l ordre d infliger des chocs électriques douloureux à un autre individu? (Op. Cit. p 65)

II. Méthode Population : Les participants (de sexe masculin et dont le nombre est inconnu ici) sont recrutés par annonce et sélectionnés par tranches d âges et niveaux socioprofessionnels. 2. Lieu de l expérimentation : L expérimentation se déroule dans le luxueux laboratoire de l université de Yale. 3. Instruments : Pour réaliser ce qui leur est demandé (c est-à-dire sanctionner par des chocs électriques les erreurs commises par l élève lors d une tâche d apprentissage (consigne fictive ou affabulation)), les participants ont à leur disposition un générateur électrique composé de 30 manettes permettant de libérer des chocs électriques de 15 à 450 volts. Ils disposaient également d une liste de paires de mots que l élève devait apprendre.

II. Méthode 4. Déroulement : - Le participant est payé et informé qu il va participer à une étude sur le rôle de l intensité des sanctions dans l apprentissage. - Un tirage au sort (truqué) lui assigne le rôle de l enseignant tandis qu un compère se voit assigner le rôle de l élève. - On administre un léger choc électrique de 45 volts au participant pour rendre l expérience plus vraisemblable et soi-disant pour qu il ait une idée des chocs qu il allait infliger par la suite.

II/ Méthode 4. Déroulement (suite): - Le compère est installé sur la chaise électrique. -Pendant les tests de rappel des paires de mots, le compère répond aux questions en donnant des réponses fausses (préétablies). - Le participant doit à chaque fois le punir en lui administrant un choc électrique. -A chaque erreur, il doit augmenter l intensité du choc - L expérience s arrête lorsque le participant a administré les 3 chocs les plus intenses ou lorsque le participant refuse de continuer après 3 injonctions de continuer.

II. Méthode 5. VI : Dans cette expérimentation, il n y a qu une seule Variable Indépendante provoquée et à 4 modalités : la nature du feed-back, notée F4 avec : f1 : feed-back «à distance» : le participant ne voit et n entend la victime que par des coups donnés sur la cloison f2 : feed-back «vocal» : le participant entend les plaintes vocales de la victime f3 : feed-back «proximité» : le participant voit et entend la victime f4 : feed-back «contact» : le participant touche la victime Etant donné que chaque participant ne passe que dans une seule de ces 4 conditions expérimentales, on dit que les groupes sont indépendants (on verra ultérieurement que, dans ce cas, on parle de variable inter participants).

II.Méthode 6. VD : Milgram observe le taux d obéissance en utilisant 2 types de mesures, donc 2 variables dépendantes : a) la moyenne des chocs électriques donnés par les participants dans chacune des 4 conditions expérimentales (moyennes des chocs maximaux auxquels les participants se sont arrêtés) b) la proportion (en %) des participants ayant donné le choc électrique maximal, soit 450 volts.

II.Méthode 7. Variables parasites : - contrôlées : sexe, âge, niveau socioprofessionnel, volontariat, même expérimentateur, même compère, mêmes réponses dans un même ordre préétabli, même lieu. - non contrôlées : personnes plus ou moins influençables ou sensibles à l autorité.

II.Méthode 8. Hypothèses opérationnelles : Moins la victime est proche et visible du participant, plus ce dernier lui inflige des chocs électriques forts et douloureux. Moins la victime est proche et visible du participant, plus ce dernier lui inflige des chocs électriques de 450 volts.

III. Résultats Figure 1 : Moyennes des intensités des chocs électriques administrés. Volt. 450-430 - 410-390 - 370-350 - 330-310 - 290-270 - 250 - f1 f2 f3 f4 nature du feed back f1= feed-back «à distance» f2= feed-back «vocal» f3 = feed-back «proximité f4= feed-back «contact

Analyse de la figure 1 : On constate que moins la personne est visible et proche (conditions f1 et f2), et plus les chocs électriques sont élevés. En effet, on obtient une moyenne de 405 et 360 Volts pour ces deux premières modalités, alors que l on observe une moyenne de 300 et 255 Volts pour les deux dernières (f3 et f4 dans lesquelles la personne est visible et proche du participant). Le participant résiste plus à l influence de l autorité quand il y a une proximité voire un contact avec la victime

III. Résultats Figure 2 : Proportion (en pourcentage) de participants administrant le choc électrique maximal de 450 Volts. 70-60 - 50-40 - 30 - f1= feed-back «à distance» f2= feed-back «vocal» f3 = feed-back «proximité» f4= feed-back «contact 20-10 - 0 - f1 f2 f3 f4 Nature du feed back

Analyse de la figure 2 : On s aperçoit que plus la personne est visible et proche du participant (conditions f3 et f4), et plus le participant désobéit. En effet, on obtient moins de 50% d obéissance dans ces deux conditions. Dans les deux autres cas (f1 et f2), plus de 50% des participants obéissent jusqu au bout (jusqu au 2/3 des participants en condition f1 ). Ici, on remarque bien une frontière entre les deux premières modalités du feedback (f1 et f2), et les deux dernières (f3 et f4).

IV. Discussion 1. Résumé Au vu des résultats, il apparaît que c est surtout lorsque le participant voit la victime ou est vu par elle que celuici refuse d administrer les chocs les plus douloureux. 2. Hypothèse Ainsi, l hypothèse selon laquelle «moins la victime est proche et visible du participant, plus ce dernier lui inflige des chocs électriques forts et douloureux» est validée.

IV. Discussion 3. Interprétation Cependant, on peut voir qu un grand nombre de participants sont prêts à prendre ce risque «au nom de la science». On peut alors interpréter ces résultats de la façon suivante : pour Milgram, «tout individu (aussi autonome se sente-t-il par ailleurs) subit une modification quand il s insère dans une structure sociale, en particulier quand celle-ci est hiérarchique. Le sujet passerait alors à un "état agentique"» (Aebischer & Oberlé, 1998, p.66). «Ce passage à l état agentique amène l individu à se considérer comme l instrument d une volonté institutionnelle et souveraine dont les buts le dépassent. Ainsi, aucune des responsabilités dont il jugerait qu elles lui incombent s il était le seul initiateur de ses actes ne semble peser sur lui.» (Gosling, 1996, p. 84).

IV. Discussion 3. Interprétation C est l institution qui devient alors responsable de ses actes et des conséquences qu ils peuvent avoir sur autrui. L individu n est plus que l agent de cette institution qui va alors être tenue comme responsable de ses comportements. Cet état agentique est «renforcé quand l autorité est représentative d une valeur. Dans cette expérience, il s agit de la valeur et de la légitimité de la science» (Aebischer & Oberlé, 1998, p. 66). C est donc en faisant appel à l idéologie dont sont porteurs les participants de l expérience que Milgram analyse ses résultats, en s appuyant sur le fait que le respect de l autorité est dans de nombreuses sociétés une norme valorisée et qu une autorité scientifique est perçue comme une autorité légitime. «Cette soumission à l autorité aboutit à un phénomène (bien connu dans les institutions) de diffusion de responsabilités car il amène chacun à considérer qu il " ne fait qu obéir", rejetant ainsi la responsabilité de son acte sur son supérieur» (Op. Cit. p. 66).

IV. Discussion 4. Ouverture Suite à cette expérimentation, plusieurs questions peuvent se poser : - Concernant l éthique : L un des principes déontologiques des psychologues consiste à ne pas déstabiliser mentalement les participants des expériences. Ces derniers doivent ressortir intacts psychologiquement (et bien sûr physiquement!) des expériences. C est donc une opération délicate, mais nécessaire comme on peut le voir avec les études de Milgram, que d expliquer aux participants que tout ceci n était qu une mise en scène. On peut cependant facilement imaginer l état de la personne qui vient de participer à cette recherche et réalisant après coup jusqu où elle peut aller juste «pour la science» et parce qu on lui en a donné l ordre. - Concernant l épistémologie : le participant n agit pas forcément de la même façon dans un laboratoire et dans la vie quotidienne où tout un tas de variables peuvent entrer en jeu.