CRISE D'ANGOISSE AIGUË ET ATTAQUE DE PANIQUE Docteur J.G. Rohmer (Item 191) Introduction : quelques notions fondamentales Angoisse vient du latin angere qui signifie serrer : ceci correspond en fait à la traduction de l'angor, sensation de resserrement au niveau de la région rétrosternale qui est une des manifestations les plus classiques de l'angoisse somatique. L'angoisse n'est pas forcément un symptôme pathologique. En effet l'angoisse existe en tout être humain et ce n'est que son caractère répétitif ou désorganisant la personnalité voire la plainte du sujet qui en fait un symptôme pathologique. On retiendra que l'angoisse est un symptôme particulièrement riche : - sur le plan somatique - sur le plan de l'expression linguistique et du discours. En psychiatrie d'urgence, on pourra considérer trois degrés d'intensité à la crise d'angoisse. 1) La crise majeure Symptomatologie Le sujet éprouve un sentiment de catastrophe imminente, une impression d'anéantissement. Cette crise est particulièrement dramatique par l'intensité de ses manifestations. c'est une crise qui contamine l'entourage et éventuellement le médecin. Une symptomatologie particulièrement importante signe une psychose aiguë ou une acutisation de psychose chronique. Le transfert immédiat en milieu psychiatrique s'impose avec au besoin l'administration d'un neuroleptique potentiellement sédatif (par exemple Loxapine 100 à 200 mg per os ou I.M.) On veillera cependant à ne pas confondre une crise d'anxiété majeure psychotique avec un tableau confusionnel qui renverrait à des causes organiques. 62
2) La crise d'anxiété généralisée Symptomatologie Le patient apparaît affolé et contagieux. Les précisions qu'il peut donner sur son état sont extrêmement faibles. On relèvera cependant la notion d'intensité subjective du danger avec des sensations physiques d'étouffement, d'évanouissement ou de mort imminente et des manifestations psychiques à type de dépersonnalisation, de déréalisation ou de peur de perte de maîtrise de ses actes. Les plaintes somatiques dans ce cas-là sont souvent multiples : - palpitations, précordialgies, sueurs, - tremblements - asthénie. Souvent d'ailleurs, le patient pourra décrire de manière beaucoup plus précise ses troubles physiques que son anxiété psychique. On notera que lorsque le patient s'avère intarissable sur ses troubles, ceci constitue un bon argument en faveur de l'origine psychogène de ceux-ci. Etiologie Attention, toutes les affections organiques aiguës, subaiguës ou chroniques sont potentiellement anxiogènes. L'examen clinique du sujet anxieux à la recherche d'une cause organique est donc obligatoire. Cependant, on veillera à ne pas induire une répétition d'un examen clinique chez un sujet particulièrement angoissé, répétition qui de toute manière conduira à une impasse. Anxiété des situations conflictuelles La pointer suffit parfois à diminuer l'angoisse, mais ceci ne fonctionne pas toujours. Le sujet se sent souvent surmené et épuisé sur le plan professionnel ou affectif. On retrouve également ce type de tableau après des accidents, des catastrophes, des traumatismes physiques après une période de latence de durée variable. On sera particulièrement prudent lors d'apparition d'une symptomatologie anxieuse chez un patient adulte ayant dépassé la cinquantaine et ne présentant pas d'antécédents psychiatriques particuliers. La prudence s'impose car il y a alors intrication fréquente avec des problèmes organiques de type embolie, infarctus ou hémorragie interne. Les crises iatrogènes De nombreux médicaments peuvent provoquer l'apparition de crises d'angoisse majeure. Il s'agit essentiellement de : - des corticoïdes - des antidépresseurs 63
- des neuroleptiques incisifs. Certaines attitudes médicales peuvent également conduire à des crises d'angoisse. Il s'agit : - des attitudes de rejet du médecin dans les maladies chroniques, - de diagnostic fourni sans ménagement. La crise d'angoisse aiguë peut également être liée à un sevrage aussi brutal qu'intempestif d'un traitement par psychotropes en général et par benzodiazépines en particulier. Le risque de crise d'angoisse est d'autant plus important que le traitement a été poursuivi longtemps et à posologie conséquente. Décompensations névrotiques Les troubles phobiques Il s'agit souvent de troubles de type agoraphobique avec crise d'angoisse en public ou de type claustrophobique, par exemple des crises d'angoisse en avion. Les décompensations obsessionnelles Les crises d'angoisse aiguë ont alors lieu souvent lors d'un changement. Crises d'angoisse dans le cadre des névroses de caractère ou personnalité dépendante Les crises d'angoisse se manifestent alors souvent lorsque la personne qui partage la relation de nature infantile s'éloigne. On tentera avec ménagement d'écarter l'entourage pour éviter la dramatisation. On diminuera le temps d'examen physique pour augmenter le temps de dialogue et d'entretien. On préviendra toujours le patient du temps qui lui est imparti pour diminuer la sensation de rupture brutale en fin d'examen. L'invitation sera toujours faite au patient de dégager une signification de cet état ; on évitera cependant les "délires interprétatifs" concernant l'enfance du sujet ou son existence. Souvent, on obtient un retour au calme par mise à plat des problèmes : cependant rien n'est modifié en profondeur. L'entretien unique et le traitement anxiolytique peuvent éventuellement suffire. Cependant il faudra parfois adresser en milieu spécialisé. Quand et pourquoi adresser à un psychiatre? Lorsque l'organicité de la crise aura été éliminée, Lorsque le praticien sent ses limites personnelles d'action. Le sujet présentant également une répétition importante de ses crises avec révélation d'une personnalité pathologique, 64
L'existence de troubles dépressifs venant compliquer le tableau anxieux et bien entendu l'angoisse apparue sur terrain de dépression majeure ou de décompensation psychotique voire schizophrénique, doivent faire demander un avis spécialisé. 3) Attaques de panique Il s'agit de crises d'anxiété récurrentes : elles sont le plus souvent représentées par, comme leur nom l'indique, un sentiment de panique sans événements déclenchants particuliers. les crises de panique sont de durée assez variable mais en général inférieures à 10 minutes. Leur sémiologie se rapproche de celle de la crise d'angoisse. Les diagnostics différentiels sont extrêmement variables et comprennent surtout des pathologies organiques. - : hyper- et hypothyroïdie - : troubles du rythme cardiaque - : angor coronarien - : hypoglycémie - : sevrage d'un produit psychotrope. Même si le sujet apparaît apparemment en bonne santé, on éliminera toujours d'emblée un problème cardiaque ou pulmonaire. Le diagnostic d'attaque de panique doit donc rester un diagnostic d'exclusion lors du premier épisode après un examen clinique complet. Traitement de la crise Le traitement de l'attaque de panique, sur le plan symptomatique, peut consister en l'administration d'une benzodiazépine (par exemple alprazolam (Xanax) 0,5 à 2 mg en prise sublinguale). Si l'injection intramusculaire s'avérait nécessaire, on pourrait avoir recours au Clorazépate (Tranxène) à la dose de 50 mg en I.M. On retiendra que l'administration de benzodiazépine, si elle permet souvent une sédation de la crise, ne permet pas régulièrement d'obtenir une prévention de la récidive. Traitement de fond des crises d'angoisse Le traitement de fond dépendra de l'étiologie. En cas d'angoisse psychotique, le traitement comprend une prise en charge psychiatrique avec le plus souvent une chimiothérapie neuroleptique associée (on recherchera la monothérapie). En cas de crise d'angoisse massive, on envisagera une prise en charge psychiatrique dans les situations citées ci-dessus. 65
Le traitement de fond de l'attaque de panique peut également comprendre un traitement par antidépresseur (le plus souvent un inhibiteur de la recapture de la sérotonine comme le Déroxat, le Prozac, le Zoloft). Note sur la spasmophilie Cette entité mal définie n'existe qu'en France. Il s'agit en fait de crises d'angoisse sur terrain anxieux à manifestation neuro-végétative prédominante. Des désordres hydroélectrolytiques à type d'hypomagnésémie ont été proposés comme étiologie à ce type de troubles sans que jamais ces désordres n'aient fait leurs preuves sur le plan scientifique. Il conviendra tout d'abord de dédramatiser ces troubles se produisant souvent sur un terrain anxieux et hypocondriaque. Les benzodiazépines ont fait la preuve de leur efficacité dans les crises mais ne doivent en règle générale pas être administrées en cure continue à cause des risques de dépendance importante dans ce type d'indication. L'abord psychothérapique est souvent de faible efficacité car il n'existe que peu de demande chez des sujets persuadés de l'origine organique de leurs troubles. On peut par contre proposer éventuellement des techniques de relaxation qui permettent souvent une diminution de la symptomatologie voire un accès à un abord plus psychothérapique des troubles. 66