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Décision du Défenseur des droits MLD-2014-125 RESUME ANONYMISE DE LA DECISION Décision relative au refus de renouvellement d un contrat de travail lié à l annonce de l état de grossesse (Observations en justice) Domaine(s) de compétence de l Institution : Lutte contre les discriminations Thème : - domaine de la discrimination : Emploi public - sous-domaine : Carrière - critère de discrimination : Etat de grossesse Synthèse : Le Défenseur des droits a été saisi d une réclamation relative à un refus de procéder au renouvellement d un contrat de travail opposé à un agent qui exerçait ses fonctions comme ATSEM depuis près de sept années dans une crèche communale. Ce refus a été notifié à la réclamante alors que l intéressée avait annoncé depuis plusieurs mois sa grossesse et durant un arrêt maladie pour grossesse pathologique. La commune souligne que le non renouvellement reposait sur les nécessités de service puisqu il avait été décidé que les postes en crèche seraient désormais tenus par des auxiliaires de puériculture plus qualifiés que des agents titulaires d un CAP petite enfance. Pour le Défenseur des droits, ce motif n apparait pas comme le motif exclusif car l enquête a révélé qu une ATSEM titulaire d un CAP petite enfance avait été engagée un mois avant la décision de refus de renouvellement du contrat de la réclamante. Par ailleurs, alors qu un poste en maternelle était vacant et aurait pu être proposé à la réclamante, la commune a recruté un autre agent non titulaire. Il résulte donc de l instruction que le refus de renouvellement du contrat de l intéressée présente un lien avec sa grossesse. De ce fait, la décision contestée est discriminatoire et engage la responsabilité pour faute de la commune. Compte tenu des circonstances de l espèce, en particulier l ancienneté de la réclamante sur le poste et le moment choisi pour lui annoncer le non-renouvellement de son contrat, le Défenseur des droits estime que l intéressée a subi un préjudice important qui justifie une réparation qui soit réellement proportionnée au préjudice subi. 0

Paris, le 15 septembre 2014 Décision du Défenseur des droits MLD-2014-125 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu la directive n 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d un cadre général en faveur de l égalité de traitement en matière d emploi et de travail ; Vu la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l accès à l emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; Vu la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; Vu le décret 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d emploi des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ; Vu le décret n 92-865 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d emploi des auxiliaires de puériculture territoriaux. Saisi par Madame X d une réclamation portant sur le refus de renouvellement de son contrat de travail opposé par la commune de Y qu elle estime discriminatoire car fondé sur son état de grossesse, Décide de présenter des observations devant la Cour administrative d appel. Jacques TOUBON 1

Observations devant la Cour administrative d appel présentées dans le cadre de l article 33 de la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 Madame X, agent contractuel au sein de la mairie de Y se plaint du refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée qui lui a été notifié par décision en date du 27 octobre 2009. Mme X soutient que la perte brutale de son emploi après plusieurs années d exercice fait suite à l annonce de sa grossesse. Faits et procédure La réclamante a été recrutée par la commune de Y à compter du 1er septembre 2002 en qualité d agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) pour une durée d une année. A partir du 1er janvier 2003, son contrat a été renouvelé chaque année jusqu au 31 décembre 2009 au motif «qu aucune candidature de fonctionnaire satisfaisant au profil du poste ( ) et qu il y a lieu de faire face temporairement pour le bon fonctionnement des services à la vacance de cet emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la loi» 1. Par courrier en date du 8 juillet 2009, la commune de Y a accusé réception de la déclaration de grossesse de Mme X et lui a précisé qu elle serait placée en congé maternité à compter du 30 octobre 2009 au 20 février 2010. Par décision du 27 octobre 2009, soit trois jours avant le début de son congé maternité et pendant son arrêt maladie pour grossesse pathologique, le maire de la commune de Y a signifié à la réclamante que son engagement ne serait pas renouvelé à son terme le 31 décembre 2009, au motif que «les nécessités de service ne justifient plus le recrutement d un agent territorial spécialisé des écoles maternelles de 1ere classe non titulaire sur le poste». Mme X a estimé que les conditions de son éviction pour un motif discriminatoire ont entraîné un préjudice moral et matériel dont elle demande réparation. Le 16 mars 2010, Mme X a engagé un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Z aux fins d obtenir le versement de dommages-intérêts du fait de l illégalité fautive de la décision de non renouvellement. Par jugement en date du 6 novembre 2012, le tribunal administratif de Z a débouté la réclamante, considérant qu «il ne ressort pas de l instruction que la décision litigieuse aurait été motivée par un autre motif que celui de recruter des agents titulaires du diplôme d auxiliaire de puériculture pour occuper les fonctions précédemment exercées par Mme X». Mme X a fait appel de ce jugement et la procédure est actuellement pendante devant la cour administrative d appel de Paris. Dans le cadre de la procédure contradictoire, le Défenseur des droits a demandé à la commune de Y par courrier en date du 4 mars 2014 de présenter des observations permettant d établir que la décision de non renouvellement du contrat de travail opposé à Mme X était fondé sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les explications données par la commune de Y dans son courrier en date du 28 mars 2014 ne permettent pas d écarter la présomption de 1 Le législateur a décider d encadrer plus strictement le recours aux contrats à durée déterminée pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire, en précisant à l article 3-2 de la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 que «[leur] durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir». 2

discrimination dès lors que la décision contestée ne repose pas, en l espèce, sur l intérêt du service. L enquête a, en effet, montré que la grossesse de l intéressée a pesé dans la décision de non reconduction du contrat de travail. Analyse La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l égalité des chances et de l égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d emploi et de travail (refonte) indique dans son considérant 23 qu «il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour de justice qu un traitement défavorable lié à la grossesse ou à la maternité infligé à une femme constitue une discrimination directe fondée sur le sexe ( )». Aux termes de l article 6 bis de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires «aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de ( ) de leur sexe ( ).». L article 2-3 de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, applicable aux agents publics, précise que «toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité». Si le renouvellement d un contrat à durée déterminée ne constitue pas un droit pour l agent, le non renouvellement doit répondre à l intérêt du service, notamment au regard de la manière de servir de l agent. Par ailleurs, le refus de procéder au renouvellement d un contrat est illégal s il est fondé sur un motif discriminatoire, tel l état de grossesse. La CJUE a eu l occasion de consacrer le principe de protection des femmes enceintes contre tout traitement défavorable dans le cadre de leur relation de travail, actuelle ou potentielle, et pour le cas où ce traitement se fonderait sur la grossesse de l intéressée. Ainsi dans l affaire MELGAR (CJCE, 4 octobre 2001, C-438/99), la Cour a décidé que «le nonrenouvellement d'un contrat à durée déterminée [en raison de l état de grossesse] est susceptible de s'analyser comme un refus d'embauche» contraire aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive 76/207 du Conseil du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l accès à l emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail. En outre, la Cour a rappelé dans la même affaire qu il incombe à la juridiction nationale de vérifier si le non-renouvellement d'un contrat a été effectivement motivé par l'état de grossesse de la travailleuse. S agissant des modalités d administration de la preuve, lorsque le moyen d illégalité invoqué repose sur le caractère discriminatoire d une décision, le Conseil d Etat souligne de façon constante depuis 2009 qu «il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de 3

discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile» (CE Ass, 30 octobre 2009, Mme PERREUX, n 298348). Ainsi dès lors qu une personne victime de discrimination a présenté des faits susceptibles d'en présumer l'existence, «il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination» (article 4 de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008). Sur le motif du refus de renouvellement de contrat de travail de Mme X Dans le cadre de la procédure contradictoire, la commune de Y rappelle que le recrutement de Mme X s est fait dans un contexte de «carence de candidats qualifiés dans la petite enfance» et que les difficultés à embaucher des auxiliaires de puériculture l ont conduit à engager des agents titulaires du CAP petite enfance pour compléter ses équipes en crèche. Le recrutement de plusieurs auxiliaires de puériculture en 2009 ne justifiait donc plus le renouvellement de contrats d agents titulaires du seul CAP «petite enfance» pour exercer des fonctions au sein des crèches de la commune. Pour la commune de Y, la non reconduction du contrat de travail de Mme X est donc justifiée par un motif fondé sur l intérêt du service, à savoir, le recrutement de personnel plus qualifié pour travailler au sein de crèches. Néanmoins, force est de constater que la commune a recruté un agent contractuel, Mme A, pour exercer comme ATSEM, à la crèche «Les Z.», un mois avant la décision de refus de renouvellement opposée à Mme X. Aucun élément ne démontre que Mme A était titulaire du diplôme d auxiliaire de puériculture visé dans le décret n 92-865 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d emploi des auxiliaires de puériculture territoriaux. Invitée à s expliquer sur ce recrutement, la commune n a pas apporté de justification suffisante. Or, pour le Défenseur des droits, ce recrutement démontre que si des auxiliaires de puériculture ont été recrutées en 2009, ceci n a pas empêché la commune de Y de continuer d engager des ATSEM, non titulaires, pour exercer au sein de crèches. Dès lors, les nécessités de service invoquées par la commune de Y, n apparaissent pas, au regard des circonstances de l espèce, constituer le motif permettant de fonder le refus de procéder au renouvellement du contrat de travail de Mme X. Le Défenseur des droits relève également que la commune de Y disposait de postes vacants au sein d écoles maternelles susceptibles d être proposés à Mme X. Ainsi, l enquête a montré qu un poste d ATSEM au sein de l école maternelle «C» avait été pourvu par un agent non titulaire, à partir du 11 janvier 2010, sans que ce poste n ait été proposé à Mme X dont le contrat était venu à échéance le 31 décembre précédent. Or, Mme X disposait du diplôme requis pour exercer dans une école maternelle, d une expérience professionnelle significative au sein de la commune et de mérites professionnels non contestés. Enfin la concomitance entre le départ en congé maternité de Mme X - sachant qu elle était déjà en arrêt pathologique depuis le 6 octobre 2009 - et la décision de refus de renouvellement de son contrat, vient nécessairement renforcer le lien entre la décision contestée et l état de grossesse de l intéressée. Par suite, le Défenseur des droits estime que faute pour la commune d apporter des justifications suffisantes, la décision de non renouvellement du contrat de travail de Mme X ne repose pas sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu ainsi la décision est entachée d illégalité. 4

Conformément à une jurisprudence constante, la victime d un agissement fautif tel une discrimination a droit, tant en matière civile qu administrative, à une réparation intégrale des préjudices subis (par exemple, Cass. Soc, 23 novembre 2005, n 03-40 826 ; CE, 11 juillet 2011, n 321225). Il doit être rappelé que l article 18 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l égalité des chances et de l égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d emploi et de travail souligne qu il est important que «le préjudice subi par une personne lésée du fait d une discrimination fondée sur le sexe soit effectivement réparé ou indemnisé ( ) de manière dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi». Pour le Défenseur des droits, la réparation du préjudice de Mme X doit prendre en compte l état de fragilité 2 dans lequel se trouvait Mme X au moment du refus de renouvellement de son contrat de travail ainsi que son ancienneté sur le poste de près de sept années. Telles sont les observations que le Défenseur des droits décide de présenter devant la Cour administrative d appel et invite la formation de jugement à en prendre connaissance. 2 Le législateur prend en compte les effets dommageables sur la situation physique et psychique des femmes enceintes puisqu elles bénéficient d une mesure de protection contre le licenciement du début de leur grossesse jusqu au terme du congé de maternité. 5