10 LES INEGALITES DE REVENUS ET DE PATRIMOINE ET LA FORMATION DES SALAIRES

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N / /02/2014

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10 LES INEGALITES DE REVENUS ET DE PATRIMOINE ET LA FORMATION DES SALAIRES 10-1 LES INEGALITES DE REVENUS ET DE PATRIMOINE Décrire et caractériser la répartition des revenus et du patrimoine La répartition primaire des revenus est au centre des mécanismes économiques fondamentaux car, elle concerne le partage de la valeur ajoutée. En effet, la production de biens et services va engendrer des flux de revenus, les revenus primaires (salaires, P.O, intérêts, dividendes et autofinancement) qui iront rémunérer le facteur travail et le facteur capital. Mais, la répartition primaire est opérée par le marché, elle est donc inégalitaire. Ainsi, dans un second temps, la répartition secondaire ou redistribution va modifier la répartition primaire par des mécanismes de correction. Au terme de ces opérations de redistribution, on observe toujours des inégalités de revenu disponible et de niveau de vie. De plus et enfin, la répartition du patrimoine est elle aussi inégale et renforce les inégalités de revenus. Dans les PDEM, la croissance ne s accompagne pas toujours d une réduction des inégalités et de la pauvreté et va jusqu à provoquer l exclusion sociale. I- LA REPARTITION DES REVENUS A- LE PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTEE L entreprise créée une richesse additionnelle appelée valeur ajoutée. En effet, pour produire, l entreprise achète à l extérieur des biens et services (matières premières, énergie, information ) qui vont faire l objet d une transformation ou qui s incorporeront dans le produit final lors du processus de production (1). Le résultat est que la production a une valeur supérieure à celle de ses achats extérieurs. Ainsi, pour calculer la valeur ajoutée, on procède de la façon suivante : VA = CA CONSOMMATIONS INTERMEDIAIRES (1) Sur le marché, l entreprise est une unité de répartition en ce sens que la valeur ajoutée va être ventilée pour justement permettre de rémunérer les facteurs et acteurs qui ont contribué à sa formation : - Les salariés reçoivent les salaires parce qu ils ont apporté leur force de travail, leur savoir et savoir-faire. - L Etat reçoit les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales) parce qu il apporte les infrastructures, la formation et la protection sociale. - Les prêteurs de capitaux reçoivent des intérêts (obligations = titres de créance). - Les propriétaires perçoivent des profits éventuellement sous forme de dividendes (bénéfices distribués) s ils sont actionnaires (action = titre de propriété) - L entreprise elle-même conserve une partie des bénéfices non distribués, qui, avec les amortissements constituent l autofinancement. NB : La valeur ajoutée brute est calculée en déduisant des ventes d une entreprise tous les achats effectués auprès d organismes extérieurs. C est donc ce qui reste à l entreprise quand elle a payé ses fournisseurs. Elle est dite «nette» si l on enlève les amortissements, c est-à-dire les sommes dépensés par l entreprise pour renouveler ses machines du fait de l usure physique ou économique (obsolescence) du capital. Enfin, elle est dite «au coût des facteurs» si l on retranche de la valeur ajoutée brute les impôts sur la production.

La répartition des revenus entre les acteurs et les facteurs économiques constitue un enjeu du partage de la valeur ajoutée ce qui a des implications sur le plan : - Économique puisque ce partage détermine l importance relative des flux de consommation et d investissement. Si une part importante de la valeur ajoutée est accordée au facteur travail, la consommation sera favorisée. Si, au contraire, c est le capital qui est davantage rémunéré, c est l investissement qui pourra être accru. - Social puisque le partage de la valeur ajoutée traduit le pouvoir des salariés en particulier à travers le rôle des syndicats dans les négociations salariales (cf. gouvernance (Transversalité avec MDE BTS 1 Ch. 6 Management des entreprises «Les parties prenantes et les contre-pouvoirs» : la gouvernance). Faible en période de fort chômage, la part du travail dans la valeur ajoutée augmente avec la reprise du marché de l emploi. Ce partage peut donc être source de conflit entre les salariés et la direction de l entreprise précisément, le salariat et l actionnariat. En effet, si dans les années 70 l évolution de la VA s est plutôt faite en faveur des salariés, du fait d un contexte économique inflationniste, depuis les années 80, et la mise en place de politiques économiques désinflationnistes, la répartition de la VA se fait plutôt en faveur du facteur capital. B- LA FORMATION DU REVENU DISPONIBLE Les revenus primaires sont perçus par les ménages (les entrepreneurs individuels tels que les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les professions libérales ). Le RDB correspond au revenu primaire duquel on soustrait les P.O et auquel on ajoute les revenus de transfert. Ce revenu est dit «brut» parce que, lors de la consommation, les ménages s acquittent d impôts indirects (TVA et TIPP). La redistribution des revenus a pour objectif de diminuer les inégalités entre les ménages lorsqu ils perçoivent les revenus primaires en contrepartie de leur participation au processus de production : - Les revenus salariaux ou revenus du travail (salaires) - Les revenus de la propriété ou revenus du capital (revenus des valeurs mobilières, revenus foncier ou immobiliers) - Les revenus mixtes, qui rémunèrent à la fois le travail et la propriété du capital (cas des entrepreneurs individuels) Par conséquent, les objectifs de la redistribution se situent à deux niveaux : Au niveau économique, car, il s agit de corriger les écarts entre les hauts revenus constituant des encaisses oisives et les bas revenus ne pouvant permettre la satisfaction de nombreux besoins. La demande ainsi déprimée, est économiquement néfaste pour la croissance et l emploi. (Vision keynésienne). Au niveau sociopolitique, car, en vertu des doctrines personnalistes, tout individu a droit à un minimum social car les inégalités de revenu portent atteinte à la dignité humaine. Ainsi, la redistribution va se traduire par la mise en place d institutions et de mécanismes destinés à couvrir les risques liés à la maladie, à la famille, à la vieillesse, au chômage et à l exclusion. Elle s effectue grâce au prélèvement d impôts et de cotisations sociales et au versement de revenus de transfert (allocations familiales, indemnité chômage, allocation logement, RSA, etc.). Les inégalités de la répartition primaire trouvent leur source d une part, dans les inégalités de performance (productivité...) et, d autre part, dans les inégalités de patrimoine découlant du régime juridique de la propriété privée, des successions et des rapports entre les classes sociales.

II- LES INEGALITES DE REVENUS ET DE NIVEAU DE VIE A- LES INEGALITES DE REVENUS ET DE PATRIMOINE Le patrimoine est l ensemble des biens et des créances nettes possédés par un agent économique à une date donnée. Le patrimoine net (ensemble des actifs moins les dettes) est composé pour moitié d immobilier (résidence principale, résidence secondaire et biens immobiliers locatifs), pour un tiers d épargne financière (placements en actions, épargne salariale, assurance vie, dépôts sur les comptes bancaires et livrets, comptes d épargne) et pour 15 % environ de biens professionnels (essentiellement de l immobilier agricole, commercial et industriel). Les principaux objectifs de constitution d un patrimoine sont le besoin de sécurité, le désir de transmission aux générations futures et la valorisation de ce patrimoine. Pendant trente ans, entre 1978 et 2007, le patrimoine des Français s est fortement accru, l endettement des ménages croissait parallèlement car une grande partie du financement a été réalisée grâce au crédit. En 2008, la crise économique des subprime a brutalement stoppé cet essor, notamment dans le contexte d un marché immobilier en récession et d un marché financier difficile. L étude des inégalités de revenus et de patrimoine s appuie sur différents outils statistiques. - Le revenu médian partage la distribution des revenus des ménages en deux parts égales : 50 % des ménages sont en dessous du revenu médian et 50 % audessus. - Les quantiles (déciles, quintiles, quartiles, centiles ) regroupent les ménages par «tranches». Les ménages sont classés par ordre croissant de revenus ou des patrimoines, on les divise en groupes de taille égale (10 % des ménages pour les déciles, 20 % pour les quintiles, 25 % pour les quartiles, 1 % pour les centiles). Le rapport interquantile (interdécile, interquintile, interquartiles, intercentile) permet de comparer les extrêmes. Ainsi, par exemple, le rapport interdécile permet de comparer les revenus ou les patrimoines des 10 % de ménages les plus riches aux 10 % de ménages les plus pauvres. Il est intéressant d étudier l évolution de ce rapport interdécile pour mesurer les inégalités de revenu et de patrimoine. - La courbe de Lorenz : la courbe de concentration de Lorenz mesure la concentration d un phénomène (ici, le revenu ou le patrimoine). En abscisses, on porte les déciles (classés, par convention, des plus pauvres aux plus riches). En ordonnées, on porte le pourcentage cumulé du revenu ou du patrimoine détenu par le décile correspondant. % cumulés du revenu ou du patrimoine 100 90 80 70 60 Bissectrice = répartition parfaite : répartition égalitaire Exemple : 40 % des ménages possèdent 40 % du patrimoine Plus on s éloigne de cette droite, plus la répartition est inégalitaire. 50 40 30 20 10 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Courbe de Lorenz : répartition inégalitaire Exemple : 70 % des ménages ne possèdent que 30 % du patrimoine. % cumulés des ménages par revenu ou patrimoine croissant

- L indice de Gini : ce coefficient évalue la dispersion d une série statistique. Il se définit à partir de la courbe de Lorenz. L indice de Gini est le double de la surface délimitée par la courbe de Lorenz et la diagonale du carré unité. L indice de Gini est toujours compris entre 0 et 1 : 0 correspond à une société très égalitaire et 1 est la situation dans laquelle un seul individu concentre l ensemble des richesses. Les inégalités de répartition du patrimoine sont beaucoup plus fortes que celles des revenus du fait d une part, que les héritages sont en général plus élevés dans les familles à hauts revenus et que d autre part, ces revenus plus élevés génèrent une plus forte capacité d épargne et d endettement, et donc, année après année, une plus forte accumulation patrimoniale. La catégorie sociale et l âge sont aussi des facteurs déterminants. Le patrimoine se constitue tout au long de la vie et l héritage intervient le plus souvent dans la deuxième partie de sa vie. On constate deux évolutions : d une part, avec l allongement de la vie, on hérite de plus en plus vieux. D autre part, les débuts dans la vie active sont plus difficiles, les jeunes rentrent de plus en plus tard dans la vie active. On observe ce qui entraîne un recul du patrimoine des ménages les plus jeunes (de moins de 30 ans). Les inégalités de patrimoine sont à la source des inégalités sociales voire de la pauvreté et de l exclusion. Cette tendance à perpétuer les inégalités sociales de génération en génération est la reproduction sociale. La pauvreté est une notion relative et pour étudier celle-ci et faire des comparaisons entre pays, on calcule : - Les seuils de pauvreté évalués en SPA («standard de pouvoir d achat») - Le taux de pauvreté (pourcentage de personnes en dessous du seuil de pauvreté) - L indice de Sen, qui prend en compte simultanément l intensité de la pauvreté, le taux de pauvreté et l inégalité de distribution des revenus (indice de Gini) parmi les pauvres. Les minima sociaux sont la marque de l intervention de l Etat. Ce sont des allocations garanties destinées à certaines personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour vivre. (RMI, RSA, minimum vieillesse, allocation de parent isolé, allocation d adulte handicapé ). Ainsi, à la fin des années 90, environ 10% de la population française bénéficient de ces minima sociaux. Le versement de ces minima sociaux relève de l Etat-providence. L Etat doit assurer à tous ses citoyens une protection contre les risques majeurs de la vie et permettre à chacun de satisfaire ses besoins fondamentaux. C est pourquoi, l Etat Providence, regroupe les aides aux plus démunis notamment la Sécurité sociale, l assurance chômage et des services collectifs accessibles à tous. On appelle «working poors» les personnes qui travaillent sous la forme d un contrat précaire et en temps partiel subi (et non choisi) et qui de ce fait ont justement des activités faiblement rémunérées et qui nécessitent l aide de l Etat. En France, ces dernières années, le nombre de «travailleurs pauvres» s est accru notamment dans les grandes agglomérations. On parle aussi d une «trappe» qui monte et dans laquelle tombent des professions qui n appartiennent pas traditionnellement aux classes les moins aisées et qui sont les «nouveaux pauvres». Ceci nous amène à poser la question du problème de la pauvreté c est à dire du «quart-monde» des sociétés des pays développés. De plus, face à la santé, l écart d espérance de vie entre les cadres et les ouvriers n a cessé de s accroître depuis 1980. L écart est passé de 4,8 à 6,5 années. Dans le même temps, la part des dépenses de santé prises en charge par les ménages s est accrue entre 1985 et 2000, avec un pic en 1991, ce qui a entraîné un renoncement à se soigner pour de nombreux ménages. Pour étayer ces constats, les inégalités observées dans le domaine de la

santé peuvent être analysés à partir de 3 indicateurs : - Le recours ou non à une couverture maladie complémentaire ou mutuelle. En effet, 90 % des cadres possèdent une mutuelle contre 70% pour les OQ. - Le recours par de nombreux ménages les plus pauvres à la CMU - L inégalité géographique en ce qui concerne la «densité médicale» puisque cette densité est faible dans les zones rurales ou dans le Nord. Enfin, le stade qui suit la pauvreté est l exclusion sociale c'est-à-dire la rupture des liens culturels, sociaux et économiques qui relient les individus à une quotidienneté vitale puisqu ils assurent l unité et la cohésion de la société. L exclusion est protéiforme puisque l individu est exclu d abord de la consommation de biens et services, du marché du travail, des services et ensuite des droits sociaux. Donc, la lutte contre l exclusion passe par d abord la restructuration du lien social. B- L EVOLUTION DES INEGALITES DE NIVEAU DE VIE Simon Kuznets, Nobel d Économie en 1971, a étudié les relations entre la croissance économique et la répartition des revenus. Selon lui, les inégalités de revenus suivent une courbe en U inversé au cours de l industrialisation et du développement économique des pays. Les premières étapes de l industrialisation s accompagnent d une importante augmentation des inégalités (appauvrissement des pauvres et enrichissement des riches) qui diminuent avec la croissance du PIB. La courbe de Kuznets montre que le revenu par habitant augmente au cours de la phase de transition d une économie de l agriculture vers l industrie, et que les inégalités des revenus augmentent également. Ces inégalités de revenus commencent à baisser lorsque le capital humain est de plus en plus valorisé, c est-à-dire que le travail est mieux rémunéré, parallèlement au développement du secteur des services. Inégalités Économies Pays en voie préindustrielles d industrialisation Économies postindustrielles ou de services Revenu par habitant Selon la théorie de Kuznets, les inégalités de revenus ont donc d abord tendance à s aggraver avec la croissance économique dans les pays pauvres, alors que la croissance les fait diminuer dans les pays riches. Les faits ont donné raison à Kuznets jusque dans les années 1980, mais cette théorie est fortement remise en cause aujourd hui avec l augmentation, depuis une vingtaine d années, des inégalités dans les pays industrialisés, à l exception de quelques pays, dont la France. Dans 25 pays de l OCDE sur 30, non seulement l écart entre les plus riches et les plus pauvres s est aggravé, mais également celui entre la classe moyenne et les plus riches. Malgré le nombre considérable d emplois engendrés par la croissance, la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée a diminué. Comme dans les pays développés, les inégalités ont continué à progresser dans les deux tiers des pays du monde. Les hauts revenus ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus moyens et les bas revenus, et les écarts se sont creusés.

10-2 LA FORMATION DES SALAIRES - Décrire et caractériser la répartition des revenus et du patrimoine. - Analyser les modalités de formation des salaires - Analyser les inégalités de revenus dans les pays développés. La plus grande partie des inégalités de revenus s explique par les mécanismes de formation des revenus du travail. De nombreux facteurs, notamment économiques comme la productivité du travail ou sociaux comme l éducation expliquent ces inégalités. Mais, le progrès technique et le développement de la concurrence internationale jouent également un rôle important dans la formation des salaires et le creusement des inégalités salariales. C est pourquoi, dans un certain nombre de pays, notamment développés, l État intervient pour fixer un salaire minimum sur le marché du travail. I- LES MECANISMES DE LA FORMATION DES SALAIRES A- LA FORMATION DES SALAIRES AU PLAN THEORIQUE Le salaire constitue la rémunération du travailleur lié à son employeur par un contrat de travail. Le salaire nominal est mesuré en prix courants. Le salaire réel c'est-à-dire diminué de l inflation est évalué en euros constants : c est le pouvoir d achat du salaire. Si l augmentation du salaire nominal est identique à l inflation, le pouvoir d achat stagne. Selon la conception des classiques (David Ricardo), le salaire «naturel» est le revenu minimum qui permet au salarié d assurer la reproduction de sa force de travail, c est-à-dire de subvenir à ses besoins physiologiques ainsi qu à ceux de sa famille. Cette conception a été paradoxalement reprise dans la conception marxiste, le salaire est aussi un minimum qui permet la reproduction de la force de travail mais elle intègre en plus la satisfaction des besoins sociaux (santé, éducation, logement). Selon la conception néoclassique, le mécanisme de fixation des salaires repose uniquement sur le mécanisme du marché, supposé de concurrence pure et parfaite : L offre de travail des ménages est fonction du salaire réel. La quantité de travail offerte par les actifs dépend d un arbitrage entre l utilité apportée par un gain supplémentaire et la désutilité correspondant à une perte de temps de loisirs (temps qui n est pas consacré au travail). Cette courbe est croissante car plus le salarié est prêt à sacrifier ses loisirs, plus le salaire doit être élevé. La quantité de travail demandée par l employeur dépend d un calcul rationnel. Dans une entreprise, on embauche une unité de travail supplémentaire que dans le cas où elle va procurer un supplément de productivité (productivité marginale) supérieure à son coût (salaire). La courbe de la demande est décroissante, l entreprise embauche tant que le salaire est inférieur à la productivité marginale du travail. Le salaire est déterminé par l équilibre entre l offre et la demande de travail, et s impose à tous. Salaires S e Demande de travail (Entreprises) Offre de travail (Salariés) Se = salaire d équilibre Quantité de travail

Selon la conception moderne (J.R. Hicks), le marché du travail est monopolistique (quelques demandeurs de travail sont confrontés à une multitude d offre de travail) et le salaire est fixé par la négociation entre les représentants syndicaux et les représentants de la direction de l entreprise. Ce salaire dépend de la capacité de revendication des syndicats et de la marge de concession du patronat. Salaires S2 S3 Concession du patronat S e S4 S1 Résistance des syndicats Temps S1 = salaire au début de la négociation (aucune concession du patronat) S2 = salaire revendiqué par les syndicats S3 = limite des concessions du patronat S4 = limite des revendications des syndicats S e = salaire d équilibre ou compromis accepté par les partenaires sociaux B- LES FACTEURS EXPLIQUANT LES INEGALITES SALARIALES - Les gains de productivité qui tirent les salaires vers le haut puisque, avec le même temps de travail, on produit plus, on peut donc répartir plus de VA. Mais si le coût du travail (salaires et charges sociales) augmente plus vite que la productivité, les travailleurs les moins qualifiés qui ne peuvent améliorer leur productivité sont éliminés. - D une part, la demande de travailleurs qualifiés augmente. En conséquence, le chômage des travailleurs peu qualifiés augmente, à moins que les salaires soient flexibles et non rigides. Dans ce cas, les salaires des travailleurs peu qualifiés baissent et les inégalités s accroissent. D autre part, les pays émergents offrent du travail qualifié et à bon marché, c est la notion de dumping social. - Le dialogue social peut se définir comme l ensemble des processus de négociation entre les partenaires sociaux, c est-à-dire les représentants des employeurs et ceux des salariés qui, dans le cadre des conventions collectives, fixent les grilles de classification (définition des différents emplois), les grilles de salaires, les salaires minima mensuels et les garanties sociales qui s appliquent à la branche considérée. - Le niveau de formation explique les disparités de salaires car la productivité étant liée à la qualification, plus le diplôme est élevé, plus le salaire est élevé. Toutefois, l âge (synonyme d expérience) intervient, ainsi que le sexe (malgré l interdiction légale des discriminations). À diplôme égal, les femmes ont un salaire environ 20 % plus faible que celui des hommes. II- L ACTION DE L ÉTAT SUR LA FORMATION DES SALAIRES A- LA FIXATION D UN S.M.I.C Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ne dépend pas de l offre et de la demande, il est le salaire horaire minimum légal en France institué par une loi du 2 janvier 1970 (qui a succédé au SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), créé en 1950) et revalorisé au 1 er janvier en fonction de l évolution de l I.P.C à laquelle on ajoute la moitié de la croissance du pouvoir d achat du salaire horaire de base ouvrier (SHBO). Il est également revalorisé à chaque hausse d au moins 2 % de l I.P.C (hors tabac) mais, le gouvernement peut aussi donner un «coup de pouce» de son chef.

Lorsque le SMIC augmente, cet effet se diffuse en principe dans l ensemble des grilles salariales pour respecter la hiérarchie salariale dans le privé. Mais il ne s agit encore que d une «incitation» à négocier, puisqu il n existe aucune obligation d aboutir à un accord. B- L INTERVENTION DE L ÉTAT DANS LE SECTEUR PUBLIC Le traitement du fonctionnaire est fonction de son ancienneté et de son grade. L agent de la fonction publique se voit attribué un indice qui sert de base au calcul de son salaire. Cette «partie indiciaire» représentant la plus grande part du salaire et complétée par une «partie indemnitaire» composée d indemnités variant selon les ministères. La négociation salariale est menée entre l État et les syndicats de fonctionnaires des trois fonctions publiques (la fonction publique d État, la fonction publique territoriale régions, départements, communes, la fonction publique hospitalière). Elle porte sur la valeur du point d indice. En novembre 2008, un décret a instauré pour les fonctionnaires la prime de fonctions et de résultats (PFR) à partir de 2009. Ce salaire au mérite doit, d ici 2012, remplacer progressivement le régime actuel avec une partie de traitement, dite «prime de fonction» (environ 60 % du total) et définie par chaque ministère selon le poste occupé, et une seconde partie, dite «prime de résultats» strictement individuelle et totalement variable (40 % du total). Ce sont les chefs de service qui l attribueront en fonction de l entretien annuel d évaluation. Ce système va harmoniser et simplifier les salaires de la fonction publique, mais posera des problèmes d application, les fonctionnaires n ayant pas l habitude d être payés au mérite.