Prise de décision & anticipation

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LES SOINS PALLIATIFS EN ÉTABLISSEMENTS DE SOINS ET D HÉBERGEMENT POUR PERSONNES ÂGÉES OU HANDICAPÉES, ET À DOMICILE Autour du patient B3 Prise de décision & anticipation 1

Les fondements éthiques du soin selon l OMS* et l EAPC** * Organisation mondiale de la santé ** European Association of Palliative Care Bienfaisance et non malfaisance (primum non nocere, serment d Hippocrate) Respect de l autonomie Humanité : la dignité de l individu tient à sa nature humaine et non à ses actes Proportionnalité : pas de traitement disproportionné de par ses effets Non futilité : pas d acte dénué de bénéfice pour le sujet 2

La réflexion éthique : les problématiques Exemples de situations médico-psycho-sociales nécessitant une réflexion d ordre éthique Annonce du diagnostic Répondre à la question du pronostic Explorations, investigations Traitements Transferts et institutionnalisations Refus de soins et/ou refus alimentaire Choix du lieu de fin de vie 3

Responsabilité de la décision Ne pas confondre processus de délibération et responsabilité de la décision. Processus de délibération collégiale Évaluation de la situation avec la personne malade, la personne de confiance, son entourage familial, les professionnels, les amis Recherche des volontés antérieurement exprimées (directives anticipées, personne de confiance, famille, proches) en cas d incapacité du patient à exprimer sa volonté Informations, avis pour éclairer la décision à prendre Décision prise et assumée par le médecin sur le plan moral et juridique Conséquences pratiques de la décision assumées par tous nécessité de synergie et de confiance 4

Participation du patient aux décisions qui le concernent Dans l idéal, toujours (Code de déontologie, Code civil, Code de la santé publique et lois sur l information et les droits ) En pratique Attention au choix impossible Tenir compte de l ambivalence Il ne suffit pas d avoir expliqué une fois pour avoir été entendu S interroger sur la façon dont le patient vit les conséquences de nos décisions 5

Lois de 2005 et 2016 relatives aux droits des malades et à la fin de vie Lois Leonetti et Leonetti-Claeys (1) Les conditions du droit de refuser ou de ne pas recevoir de traitement distinguent deux situations : 1. Le patient est en état d exprimer sa volonté (la loi n en donne aucune définition) 2. Le patient est hors d état d exprimer sa volonté 6

Lois de 2005 et 2016 relatives aux droits des malades et à la fin de vie 1. Le patient est en état d exprimer sa volonté de refus de traitement Le médecin doit : Lois Leonetti et Leonetti-Claeys (2) Informer le patient et s assurer qu il a compris les conséquences de sa décision S il s agit d une situation palliative, il se doit de respecter le refus de traitement Si le malade réitère sa demande après un délai raisonnable Le médecin se doit de respecter le refus de traitement La décision motivée doit être inscrite dans le dossier du patient et mise en œuvre en assurant une démarche palliative 7

Lois de 2005 et 2016 relatives aux droits des malades et à la fin de vie Lois Leonetti et Leonetti-Claeys (3) 2. Le patient est hors d état d exprimer sa volonté Le médecin respecte la procédure collégiale Concertation avec l équipe de soins Avis motivé d un autre médecin, sans lien hiérarchique avec le médecin référent, voire possibilité d un troisième avis en cas de demande de l un des médecins Prise en compte d éventuelles directives anticipées, opposables au médecin depuis la loi de 2016 Recueil du témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille et des proches, voire du mandataire La décision motivée est inscrite dans le dossier du patient Les personnes mentionnées sont informées des motifs de la décision 8

Outils d aide à la prise de décision (1) Décision après démarche éthique (DDE version 3, Dr J-M. Gomas, 2010) 1. Inventaire précis Des données techniques et scientifiques Données concernant le malade : Le malade, ses directives anticipées, la personne de confiance La maladie La famille et l entourage Des données cliniques Des ressources humaines disponibles Données concernant les acteurs du soin : Le médecin prescripteur Les soignants et les autres acteurs Le cadre déontologique, légal, et le lieu de soin 9

Outils d aide à la prise de décision (1 suite) Décision après démarche éthique (DDE version 3, Dr J-M. Gomas, 2010) 2. Délibération interdisciplinaire qui nécessite : Du temps, organisé et voulu Un espace de parole vraie et de vraie parole Une maturation des acteurs du soin Permise par une discussion interdisciplinaire Permettant des explications intelligibles et assimilables Pour argumenter les futurs choix possibles Avec prise en compte des directives anticipées et de l avis de la personne de confiance 10

Outils d aide à la prise de décision (1 suite) Décision après démarche éthique (DDE version 3, Dr J-M. Gomas, 2010) 3. Décision Élaboration d un acte mono-disciplinaire sous l autorité du référent concerné ; explicité, cet acte deviendra consensuel et donc multidisciplinaire Organisation De l annonce de la décision au malade, avec consentement éclairé Des stratégies pour chacun des acteurs Programmation de la réévaluation, avec nouvel inventaire 11

Outils d aide à la prise de décision (2) La grille de questionnement éthique (R. Sebag-Lanoé, 1992) Quelle est la maladie principale de ce patient? Quel est son degré d évolution? Quelle est la nature de l épisode actuel surajouté? Est-il facilement curable ou non? Y a-t-il eu répétition récente d épisodes aigus rapprochés ou une multiplicité d atteintes pathologiques diverses? Que dit le malade, s il peut le faire? Qu exprime-t-il à travers son comportement corporel et sa coopération aux soins? Quelle est la qualité de son confort actuel? Qu en pense la famille? (tenir compte de ) Qu en pensent les soignants qui le côtoient le plus souvent? 12

Outils d aide à la prise de décision éthique (3) Renoncer à un traitement : quelques critères (P. Verspieren) 1. Le refus de traitement : refus ferme, éclairé, réitéré en connaissance de cause, d une personne lucide et capable de s engager dans une décision 1 bis. L excès de violence que représenterait le fait d imposer certains traitements à une personne qui s y oppose mais qui n est plus capable d un jugement libre et éclairé 2. Prendre garde aux décisions discriminatoires 3. On devrait s abstenir de traitements médicalement inutiles et imposant une charge au patient 13

Outils d aide à la prise de décision éthique (3) Renoncer à un traitement : quelques critères (P. Verspieren) 4. On devrait s abstenir de traitements disproportionnés (disproportion entre les «charges» - désagréments, contraintes, effets nocifs ou privations, etc. - et les bénéfices entraînés par le traitement envisagé). 5. S abstenir de traitements qui imposeraient une charge que le patient serait en droit de juger extrême pour lui (et, secondairement, une charge extrêmement lourde pour sa famille). Charge parfois créée directement par le traitement (comme une mutilation extrême ou l entrée dans un processus médicalement lourd). Charge liée aux conditions de la survie. 6. A l extrême fin de vie, accorder une haute priorité à la satisfaction des besoins de confort et des besoins psychiques et spirituels. 14

Outils d aide à la prise de décision éthique (4) Démarche de soin et décision thérapeutique (M-S. Richard) L évaluation des symptômes et leur soulagement concernent toute l équipe soignante. La démarche de soin relève d une volonté commune de travailler en équipe, le malade étant au centre des préoccupations, des décisions, des projets Les différentes étapes Entrer en relation avec le malade et son entourage (confiance) Identifier le problème : diagnostics médical et infirmier, observation, écoute, dialogue Entrer dans une démarche décisionnelle : bénéfices/ inconvénients des diverses alternatives dans l objectif d un mieux-être Préciser les objectifs des soins et des traitements : concordance des objectifs médicaux et infirmiers +++ (objectifs d équipe) Évaluer l efficacité des traitements ou de leur arrêt : le suivi rassure le malade ; sa participation à l évaluation lui donne le sentiment d être écouté et d être encore un peu maître de la situation 15

Outils d aide à la prise de décision éthique (4) La démarche décisionnelle thérapeutique (M-S. Richard) Maladie Nature/stade évolutif/pronostic/ traitements possibles Désir Malade Projet/but/valeurs Répercussions de la maladie sur le malade Symptômes physiques Souffrance morale/psychologique/spirituelle ÉQUIPE Avis et souhaits de chacun Connaissance du malade Souffrance Valeurs Bénéfices DÉCISION? Inconvénients ENTOURAGE Place auprès du patient? Désirs Souffrance Données économiques Alternatives Avis du comité d éthique Données scientifiques Loi Principes éthiques Déontologie, chartes DÉCISION Évaluation Valeurs morales, culturelles 16

L anticipation, une nécessité Garantie de recueil du désir de la personne qui, même atteinte de pathologie démentielle, reste longtemps capable de donner son avis, son «sentiment» sur son projet de vie (personne de confiance, directives anticipées devenues opposables) Garantie de dialogue avec les proches et l entourage avant une éventuelle situation de crise Garantie de délibération en équipe, hors situation aiguë, permettant l élaboration des conduites à tenir cohérentes, en particulier en termes de transfert ou non dans un autre établissement 17

Qualité de transmissions Garantie de la cohérence de la prise en charge Trace écrite Conclusions des entretiens dans le dossier patient (médical et/ou soins) Décisions médicales dans le dossier médical Objectifs de soins, les éléments de surveillance, les réactions de la personne et de son entourage Prescriptions médicales anticipées, claires, datées et signées Facilité d accès des écrits Pour tout soignant amené à prendre en charge la personne 18

L anticipation, une nécessité non dénuée de risque Risque de figer une attitude thérapeutique Le non respect du droit à l ambivalence de la personne âgée Une directive n est pas une décision Réévaluation régulière de la situation, avec possible remise en question totale des décisions antérieures 19